CA LYON (8e ch.), 18 octobre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 4628
CA LYON (8e ch.), 18 octobre 2011 : RG n° 09/07952
Publication : Legifrance
Extrait : « Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, malgré ses précautions de langage, la société DEMEURES ET TRADITIONS qui fait état dans le contrat litigieux de l’élaboration de « documents graphiques », fournit les plans de modèle type de maison individuelle prête à construire pour un prix forfaitaire avant même que le maître de l’ouvrage ait choisi les entrepreneurs devant intervenir. La société DEMEURES ET TRADITIONS s’est donc en réalité chargée de la construction d’un immeuble à usage d’habitation au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation d’après un plan qu’elle a proposé.
Il convient donc de requalifier le contrat conclu le 18 janvier 2008 en contrat de construction de maison individuelle. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
HUITIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n° 09/07952. Décision du Tribunal d’Instance de VILLEURBANNE, Au fond du 12 novembre 2009 : R.G. n° 11-08-2122.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], représenté par Maître Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour, assisté de Maître Yves PHILIP DE LABORIE, avocat au barreau de LYON, substitué par Maître MICHAUD, avocat
Mademoiselle Y.
le [date] à [ville], représentée par Maître Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour , assistée de Maître Yves PHILIP DE LABORIE, avocat au barreau de LYON substitué par Maître MICHAUD, avocat
INTIMÉ :
Maître Jean-Philippe Z. ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL DEMEURES ET TRADITIONS
[adresse], représenté par la SCP DUTRIEVOZ Eve et Jean-Pierre, avoués à la Cour , assisté de le [date] à [ville], Pierre-Laurent MATAGRIN, avocat au barreau de LYON
Date de clôture de l’instruction : 3 janvier 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 7 septembre 2011
Date de mise à disposition : 18 octobre 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Pascal VENCENT, président -Dominique DEFRASNE, conseiller -Catherine ZAGALA, conseiller, assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier
A l’audience, Catherine ZAGALA a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Monsieur X. et mademoiselle Y., souhaitant acquérir une maison individuelle d’habitation, ont signé avec la société DEMEURES ET TRADITIONS un contrat dénommé « contrat d’assistance à maître d’ouvrage ».
Indiquant avoir été avisé par leur notaire qu’ils avaient été trompés sur la nature du contrat signé, ils ont adressé à la société DEMEURES ET TRADITIONS une lettre de résiliation au motif qu’ils pensaient avoir signé un contrat de construction de maison individuelle et non pas un contrat de maîtrise d’œuvre.
La société DEMEURES ET TRADITIONS refusant de leur restituer leur acompte, ils ont saisi de tribunal d’instance de VILLEURBANNE d’une demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat, la restitution de l’acompte et à obtenir des dommages et intérêts.
Vu la décision rendue le 12 novembre 2009 par le tribunal d’instance de VILLEURBANNE ayant :
- débouté monsieur X. et mademoiselle Y. de l’intégralité de leurs demandes,
- condamné in solidum monsieur X. et mademoiselle Y. à payer à maître Z. en qualité de mandataire judiciaire de la société DEMEURES ET TRADITIONS la somme de 5.800,00 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
- ordonné l’exécution provisoire,
- dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l’appel formé le 17 décembre 2009 par monsieur X. et mademoiselle Y.,
Vu les conclusions de monsieur X. et mademoiselle Y. signifiées le 19 avril 2010,
Vu les conclusions de maître Z. en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société DEMEURES ET TRADITIONS signifiées le 15 octobre 2010,
Vu l’ordonnance de clôture du 3 janvier 2011.
Monsieur X. et mademoiselle Y. demandent à la cour :
- de requalifier le contrat souscrit auprès de la société DEMEURES ET TRADITIONS le 18 janvier 2008 en contrat de construction de maison individuelle,
- de dire que ce contrat est nul et de nul effet :
* à titre principal, en raison de l’absence des mentions légales,
* à titre subsidiaire, au motif que leur consentement a été vicié,
* à titre infiniment subsidiaire, au motif que n’étant pas acquéreur du terrain au moment de sa signature, ce contrat est dépourvu de cause,
- de dire que l’article 1 du contrat constitue une clause abusive réputée non écrite,
- de fixer leur créance au passif de la société DEMEURES ET TRADITIONS à hauteur de 7.000,00 euros,
- de condamner maître Z. à leur régler la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Maître Z. ès qualités demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- de condamner in solidum monsieur X. et mademoiselle Y. à lui payer ès qualités la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation dispose :
« Toute personne qui se charge de la construction d’un immeuble à usage d’habitation ou d’un immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage d’après un plan qu’elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l’ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l’article L. 231-2 ».
En l’espèce, monsieur X. et mademoiselle Y. ont répondu à l’annonce d’un agent immobilier proposant une « villa neuve de construction traditionnelle » d’une superficie de 90 m² environ sur un terrain de 259 m² situé à [ville C.] « en partenariat avec un constructeur en maîtrise d’œuvre ».
Ils ont alors été mis en relation avec la société DEMEURES ET TRADITIONS dont il n’est pas contesté qu’elle leur a remis le document publicitaire produit aux débats, aux termes duquel elle définit ainsi son rôle :
« Nous concevons votre projet sous votre contrôle.
Nous vous proposons les artisans les mieux adaptés à votre projet.
Nous chiffrons votre projet aux meilleures conditions tarifaires et qualitatives.
Nous planifions la mise en œuvre de votre construction.
Nous coordonnons et contrôlons l’avancée des travaux dans le respect de vos exigences ».
Il est précisé notamment dans ce document :
« Notre bureau d’étude organise une consultation pour votre projet, c’est à dire un appel d’offre aussi large que possible (en général auprès de trois entreprises par corps de métiers).
Le choix définitif vous appartient et nous vous conseillons alors sur cette sélection.
Notre bureau d’étude établit un dossier de consultation qui contient habituellement :
- des plans, coupes et façades à l’échelle 1/50e,
- un devis descriptif détaillé par corps de métier,
- les conditions de marchés et calendriers des travaux ».
Monsieur X. et mademoiselle Y. ont signé avec la société DEMEURES ET TRADITIONS le 18 janvier 2008 un contrat intitulé « contrat d’assistance à maître d’ouvrage » concernant une « opération de construction d’une maison individuelle » aux termes duquel la société DEMEURES ET TRADITIONS s’engageait notamment :
* au stade de l’avant projet à :
- consulter les services administratifs concernés,
- établir les documents graphiques et pièces écrites nécessaires en réponse au programme,
- établir un descriptif sommaire tout corps d’état,
- effectuer une estimation du montant des travaux,
* après obtention du permis de construire à :
- établir le projet comportant tous les éléments graphiques et écrits permettant aux entrepreneurs consultés d’apprécier la nature, la qualité et les limites de leurs prestations.
La rémunération de la société DEMEURES ET TRADITIONS était fixée à 24.000,00 euros, dont 4.000,00 euros payés par monsieur X. et mademoiselle Y. à la signature du contrat.
Il leur était remis une représentation faite par ordinateur du modèle Rubis avec des plans sommaires de deux modèles Rubis 6.102 et Rubis 5.93
Monsieur X. et mademoiselle Y. ont en outre signé un « descriptif des fournitures et ouvrages à réaliser ».
Ce document non daté, établi par la société DEMEURES ET TRADITIONS prévoyait la construction d’un maison de trois chambres avec un étage.
Le « montant estimatif des ouvrages à réaliser selon plans fournis » était fixé à 51.800,00 euros hors travaux supplémentaires.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, malgré ses précautions de langage, la société DEMEURES ET TRADITIONS qui fait état dans le contrat litigieux de l’élaboration de « documents graphiques », fournit les plans de modèle type de maison individuelle prête à construire pour un prix forfaitaire avant même que le maître de l’ouvrage ait choisi les entrepreneurs devant intervenir.
La société DEMEURES ET TRADITIONS s’est donc en réalité chargée de la construction d’un immeuble à usage d’habitation au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation d’après un plan qu’elle a proposé.
Il convient donc de requalifier le contrat conclu le 18 janvier 2008 en contrat de construction de maison individuelle.
La société DEMEURES ET TRADITIONS, qui s’estime à tort non liée par un contrat de construction de maison individuelle, ne conteste pas ne pas avoir respecté les dispositions de l’article L. 231-2 du code de la construction exigeant notamment les énonciations concernant le titre de propriété du maître de l’ouvrage sur le terrain destiné à l’implantation, la conformité du projet aux règles de construction, le coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution, les modalités de règlement en fonction de l’état d’avancement des travaux, l’indication des modalités de financement, les garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur.
Il convient donc, compte tenu du non respect de ces dispositions d’ordre public, réformant le jugement critiqué, de prononcer la nullité du contrat litigieux, de faire droit à la demande de restitution de l’acompte de 4.000,00 euros versé par monsieur X. et mademoiselle Y. et de débouter maître Z. ès qualités de sa demande reconventionnelle en paiement du solde des honoraires et d’une indemnité de résiliation.
Il n’est pas contestable que l’attitude de la société DEMEURES ET TRADITIONS a causé en outre à monsieur X. et mademoiselle Y. un préjudice matériel et moral non réparé par la seule restitution de l’acompte. Il convient donc de leur accorder la somme de 1.500,00 euros à titre de dommages et intérêts.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de faire droit à la demande de monsieur X. et mademoiselle Y. à hauteur de 2.500,00 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Déclare monsieur X. et mademoiselle Y. recevables en leur appel,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Requalifie le contrat signé le 18 janvier 2008 en contrat de construction de maison individuelle,
Prononce la nullité du contrat susvisé,
Fixe la créance de monsieur X. et mademoiselle Y. au passif de la liquidation de la société DEMEURES ET TRADITIONS aux sommes suivantes :
- 4.000,00 euros en restitution de l’acompte versé,
- 1.500,00 euros à titre de dommages et intérêts,
- 2.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Met les dépens à la charge de maître Z. ès qualités et dit qu’ils seront distraits au profit de l’avoué de ses adversaires conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président