CA POITIERS (1re ch. civ.), 6 décembre 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4644
CA POITIERS (1re ch. civ.), 6 décembre 2013 : RG n° 12/00822
Publication : Jurica
Extrait : « Le premier juge a considéré que l'appelant ayant donné congé à Mme Y. pour le 1er février 2011 et cette date étant passée au jour où il statuait, la condition d'urgence commandant la compétence du juge des référés était remplie puisque l'urgence s'apprécie au jour où le juge statue. Cependant, le même magistrat a dit plus loin à juste raison que le bail du 7 janvier 2010, conclu pour une durée déterminée jusqu'au 31 octobre 2010, était venu à expiration à cette date et que la demande de libérer les lieux ne s'analysait pas en un congé mais en un refus de souscrire un nouveau contrat. Dans ces conditions, Mme Y. qui a saisi le juge des référés le 23 mars 2011 et qui confirme cette analyse puisqu'elle invoque le refus de souscrire un nouveau contrat pour le qualifier de refus de vente, n'était pas recevable à motiver la saisine du juge par l'urgence de la situation résultant du refus de souscrire un nouveau contrat, situation acquise depuis 6 mois
Au surplus, l'examen, au regard des prescriptions de l’article L. 122-1 du code de la consommation, de la légitimité des motifs de ce refus dont la preuve de la matérialité peut être apportée a posteriori même si aucun motif n'est invoqué dans la lettre de refus, excède la compétence du juge des référés en ce qu'elle se heurte aux sérieuses contestations élevées par l'appelant. Celui ci soulève en effet la liberté dont il dispose de réaffecter la parcelle litigieuse pour réorienter son activité conformément au principe de liberté du commerce et de l'industrie, les dépenses engagées dans ce cadre avec la commande d'un mobil home devant être stationné sur la parcelle libérée et l'atteinte au droit de propriété que constitue le maintien de Mme Y. sur les lieux après expiration du contrat de bail. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 6 DÉCEMBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/00822. Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 27 juin 2011 rendue par le Tribunal de Grande Instance des SABLES D'OLONNE.
APPELANT :
Monsieur X. exerçant sous l'enseigne « CAMPING LE LAGON BLEU »
ayant pour avocat postulant la SCP MUSEREAU François MAZAUDON Bruno PROVOST-CUIF Stéphanie, avocat au barreau de POITIERS, ayant pour avocat plaidant Maître Cyril REPAIN, avocat au barreau de LA ROCHELLE - ROCHEFORT
INTIMÉE :
Madame Y.
ayant pour avocat postulant la SCP PAILLE THIBAULT CLERC, avocat au barreau de POITIERS, ayant pour avocat plaidant Maître Bertrand SALQUAIN, avocat au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Roland POTEE, Président qui a présenté son rapport, Madame Marie-Jeanne CONTAL, Conseiller, Madame Isabelle CHASSARD, Conseiller, qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Jérémy MATANO, stagiaire,
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Roland POTEE, Président et par Monsieur Jérémy MATANO, Greffier stagiaire auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Mme Y. a acquis en 2004, un « mobil home » qu'elle a stationné sur l'emplacement n° XX du terrain de camping Le Lagon Bleu, en vertu de différents contrats de location renouvelés annuellement par tacite reconduction, le loyer étant progressivement porté de 1.830 euros à 1950 euros en 2009.
En 2009, M. X., devenu propriétaire du terrain de camping, a modifié le règlement intérieur du terrain de camping et certaines clauses du contrat-type de location.
En janvier 2010, le camping Le Lagon Bleu et Mme Y. ont conclu un contrat de location d'emplacement à durée déterminée pour la période comprise entre le 1er avril 2010 et le 31 octobre 2010, le contrat précisant que « la résiliation de ce contrat est automatique, il ne peut être tacitement renouvelé ».
Mme Y. a signé la convention en faisant précéder sa signature de la mention suivante :
« Je déclare avoir lu le règlement intérieur ci-joint et m'engage à le respecter sous réserve que l'ensemble des clauses énoncées dans le contrat et le règlement intérieur annexé, soit conforme aux lois en vigueurs ».
Par lettre recommandée datée du 30 septembre 2010, le terrain de camping le Lagon Bleu informait Mme Y. de l'impossibilité de reconduire le contrat de location pour la période estivale suivante, et de la nécessité de libérer les lieux au plus tard le 1er février 2011.
Refusant de quitter les lieux et estimant abusives certaines clauses contractuelles, Mme Y. a fait assigner le Camping le Lagon Bleu le 23 mars 2011 devant le juge des référés du tribunal de grande instance des Sables d'Olonne qui, par ordonnance du 27 juin 2011 a :
- dit n'y avoir lieu à écarter l'application du contrat de location conclu le 30 janvier 2010 entre M. X. et Mme Y. ;
- constaté que le bail du 30 janvier 2010 est venu à expiration le 31 octobre 2010 ;
- déclaré abusif le refus de renouvellement du contrat de location d'un emplacement de mobil-home opposé par M. X. à Mme Y. ;
- débouté M. X. de sa demande de libération des lieux formée à l'encontre de Mme Y. ;
- condamné M. X. aux dépens ;
- condamné M. X. à payer à Mme Y. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M X. a régulièrement formé appel de la décision le 21 juillet 2011.
Par ordonnance du 15 mai 2012 faisant suite au procès verbal d'accord des parties pour la mise en place d'une mesure de médiation, Mme L. a été désignée en qualité de médiateur.
Après échec de cette médiation, l'affaire a été remise au rôle et dans ses dernières conclusions du 16 octobre 2013, l'appelant demande à la cour de :
RÉFORMER l'ordonnance rendue par le juge des référés des Sables d'Olonne le 27 juin 2011, en ce qu'elle considère que la condition d'urgence était réunie et que la demande était de ce fait recevable, en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle présentée par M. X. s'agissant de la libération des lieux, et en ce qu'elle a condamné ce dernier aux entiers dépens et au versement de la somme de 1.000 euros au bénéfice de Mme Y. au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Mme Y. à libérer l'emplacement n° XX de toute occupation ;
ORDONNER l'expulsion de Mme Y., et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
SE RÉSERVER LE POUVOIR de liquider l'astreinte et d'en fixer une nouvelle ;
En tout état de cause
CONDAMNER Mme Y. à verser à M.X. la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Mme Y. aux entiers dépens.
Autoriser la SCP F.MUSEREAU B.MAZAUDON S.PROVOST-CUIF, Avocats associés, à poursuivre directement le recouvrement des frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour sa part, l'intimée sollicite de la cour, par conclusions du 30 septembre 2013, de :
RECEVOIR Mme Y. en ses écritures et l'y déclarer bien fondée.
CONFIRMER la décision querellée en ce qu'elle a constaté que la condition d'urgence au sens des dispositions de l’article 808 du code de procédure civile était parfaitement établie.
CONFIRMER la décision querellée en ce qu'elle a déclaré abusif le refus de renouvellement de location d'un emplacement de mobil home par le Camping Le Lagon Bleu.
RECEVOIR Mme Y. en son appel reconventionnel et l'y dire bien fondée.
En conséquence,
RÉFORMER la décision entreprise et constater que le contrat proposé à la signature de Mme Y., et le nouveau règlement intérieur associé à partir de l'année 2010, sont entachés de clauses abusives, dès lors que le professionnel ne peut unilatéralement modifier les conditions essentielles d'un contrat type d'adhésion en tentant d'imposer des conditions nouvelles, moins favorables au consommateur à l'occasion du renouvellement du contrat en cours.
CONSTATER le caractère illicite des agissements de la SAS Camping Le Lagon Bleu ainsi que sa mauvaise foi et dire nulles et non avenues les clauses du contrat à partir de 2010 ayant pour objet ou pour effet d'imposer des modifications unilatérales par le professionnel des caractéristiques essentielles du contrat en vigueur depuis 2004.
Confirmant le jugement entrepris sur le principe et y additant, dire abusives et par conséquent non écrites les clauses insérées dans le contrat proposé par le LAGON BLEU pour les années 2010, 2011, 2011, 2013 et à l'avenir ayant pour objet et pour effet de :
- imposer la résiliation automatique des contrats antérieurement renouvelables par tacite reconduction
- imposer la perception d'une commission de 30 % du loyer à l'occasion d'une sous-location sans contrepartie et l'entreprise du camping
- imposer la perception d'une commission sans contrepartie de 1.000 euros par l'acquéreur à l'occasion de la vente d'un mobil home et l'entremise du camping
- imposer la perception d'une commission de 10% de la valeur du mobil home par le vendeur à l'occasion de la revente du mobil home et l'entremise du camping
- restreindre l'emplacement des véhicules des locataires à un seul véhicule
ENJOINDRE au Camping LE LAGON BLEU de modifier le contrat proposé pour les années 2010, 2011, 2012 et 2013, et à l'avenir sous astreinte de 500 euros par violation constatée.
CONDAMNER le Camping Le Lagon Bleu à régler à Mme Y. la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER le même en tous les dépens de première instance et d'appel, outre les frais de constat d'huissier réglés par Mme Y., dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SCP PAILLE-THIBAULT-Y., selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le premier juge a considéré que l'appelant ayant donné congé à Mme Y. pour le 1er février 2011 et cette date étant passée au jour où il statuait, la condition d'urgence commandant la compétence du juge des référés était remplie puisque l'urgence s'apprécie au jour où le juge statue.
Cependant, le même magistrat a dit plus loin à juste raison que le bail du 7 janvier 2010, conclu pour une durée déterminée jusqu'au 31 octobre 2010, était venu à expiration à cette date et que la demande de libérer les lieux ne s'analysait pas en un congé mais en un refus de souscrire un nouveau contrat.
Dans ces conditions, Mme Y. qui a saisi le juge des référés le 23 mars 2011 et qui confirme cette analyse puisqu'elle invoque le refus de souscrire un nouveau contrat pour le qualifier de refus de vente, n'était pas recevable à motiver la saisine du juge par l'urgence de la situation résultant du refus de souscrire un nouveau contrat, situation acquise depuis 6 mois
Au surplus, l'examen, au regard des prescriptions de l’article L. 122-1 du code de la consommation, de la légitimité des motifs de ce refus dont la preuve de la matérialité peut être apportée a posteriori même si aucun motif n'est invoqué dans la lettre de refus, excède la compétence du juge des référés en ce qu'elle se heurte aux sérieuses contestations élevées par l'appelant.
Celui ci soulève en effet la liberté dont il dispose de réaffecter la parcelle litigieuse pour réorienter son activité conformément au principe de liberté du commerce et de l'industrie, les dépenses engagées dans ce cadre avec la commande d'un mobil home devant être stationné sur la parcelle libérée et l'atteinte au droit de propriété que constitue le maintien de Mme Y. sur les lieux après expiration du contrat de bail.
Celui ci est donc fondé, par infirmation de la décision attaquée, à voir rejetées les demandes de Mme Y., étant observé en outre que la demande de celle-ci aux fins d'application du contrat de 2010 renouvelable par tacite reconduction est irrecevable en appel puisque seule une demande de suspension du dit contrat avec renouvellement de celui de 2009 avait été présentée en première instance.
L'appelant est aussi fondé à obtenir l'expulsion, dans les termes du dispositif, de Mme Y. dont l'occupation des lieux sans droit ni titre n'est pas sérieusement contestable après expiration du bail.
Mme Y. versera par ailleurs une indemnité de 1.500 euros à l'appelant au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et elle supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a :
- dit n'y avoir lieu à écarter l'application du contrat de location conclu le 30 janvier 2010 entre M. X. et Mme Y. ;
- constaté que le bail du 30 janvier 2010 est venu à expiration le 31 octobre 2010 ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés :
Rejette les demandes présentées par Mme Y. ;
Condamne Mme Y. à libérer l'emplacement n° XX de toute occupation dans les trois mois suivant la signification du présent arrêt, sous peine d'y être contrainte par la force publique et sous astreinte de 30 euros par jour de retard pendant deux mois passés lesquels il sera à nouveau statué par la cour qui se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte et d'en fixer une nouvelle si besoin est ;
Condamne Mme Y. à verser à M X. une indemnité de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme Y. aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 [du] code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6134 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée déterminée - Prorogation - Reconduction - Renouvellement
- 6416 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’emplacement pour mobile-home (3) - Durée et fin du contrat