CA RENNES (4e ch.), 20 février 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4704
CA RENNES (4e ch.), 20 février 2014 : RG n° 11/00985 ; arrêt n° 72
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2014-003904
Extrait : « Les époux X. soutiennent que la clause pénale du mandat sanctionnant le non-respect des obligations du mandataire [N.B. lire plutôt mandant] par le versement d'une indemnité compensatrice forfaitaire égale montant de la rémunération soit 4 % du prix de vente plus 2.400 euros est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
Cependant, cette indemnité compensatrice ne peut être assimilée à une rémunération déguisée puisque le mandant fait référence à l'article 1152 du code civil et elle peut être modérée. Cette clause sanctionne l'engagement du mandant de :
* signer aux prix et charges et conditions convenues toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d'une demande de prêt immobilier avec tout acquéreur présenté par le mandataire
* pendant la durée du mandat, en cas de vente réalisée par lui-même ou par un autre cabinet, d'en informer immédiate mandataire lui notifiant par lettre recommandée avec accusé de réception, les noms et adresses de l'acquéreur, le notaire chargé de l'acte authentique et du cabinet éventuellement intervenu. Cette notification mettant au mandat, et il vit en mandataire d'engager la vente avec un autre acquéreur et épargnant mandant les poursuites pour dévotement exercé par cet acquéreur
* s'interdire pendant la durée du mandat et pendant la période suivant son expiration du traité directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui.
Cette clause pénale n'érigeant pas la perte d'une commission en condition de son application et prévue en cas de faute caractérisée spécifiée du mandant, n'est donc pas abusive car elle ne crée pas de déséquilibre entre les droits obligations des parties puisque le mandataire ne peut en application de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 percevoir aucune rémunération pour l'accomplissement de sa mission.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré cette clause non abusive. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
QUATRIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/00985. Arrêt n° 72.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Gilles ELLEOUET, Président, Madame Christine GROS, Conseiller, Madame Sylvie REBE, Conseiller,
GREFFIER : Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 17 décembre 2013 devant Monsieur Gilles ELLEOUET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 20 février 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
Société AIPG AGENCE IMMOBILIERE DU PAYS GOELO SARL
Représentée par la SCP COLLEU/LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par la SCP ELGHOZI-GEANTY-GAUTIER-PENNEC, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à |ville], Représenté par Maître Luc BOURGES de la SELARL AVOCAT LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représenté par Maître Xavier DENECKER, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Madame Y. épouse X.
née le [date] à |ville], Représentée par Maître Luc BOURGES de la SELARL AVOCAT LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Xavier DENECKER, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 18 juin 2008, les époux X. ont régularisé avec la société Agence Immobilière du Pays G. (AIPG) un mandat de vente de leur maison d'habitation sise [adresse] moyennant le prix de 220.000 euros net vendeur, la rémunération de l'agence étant fixée de 4 % du prix de vente outre un forfait de 2.400 euros TTC à la charge de l'acquéreur.
Suite de la baisse du prix de vente par deux avenants successifs, Monsieur A. et Madame B. ont signé le 22 novembre 2008 un compromis de vente pour le prix de 188.000 euros net vendeur dont 18.000 euros pour les biens meubles soit au total un montant de 193.830 euros frais d'agence inclus.
Les époux X. n'ont pas signé ce compromis et dès le 27 novembre 2008 les acquéreurs ont déclaré renoncer au compromis.
La société AIPG a, par courrier recommandé du 1er décembre 2008, informé les vendeurs de ce que les acquéreurs ne tenaient pas suite au compromis de vente.
Le 2 décembre 2008, les mêmes parties, ont, par l'entremise de l'agence G. H en vertu d'un mandat de recherche donné par les consorts A.-B., signé un compromis de vente sur la base d'un prix de 190.500 euros nets vendeur outre 3.000 euros de commission puis elles ont signé l'acte authentique de vente le 30 mars 2009.
Soutenant avoir été par le comportement fautif des parties privée de sa rémunération, la société AIPG a fait, par acte des 13 et 14 octobre 2009, assigner les époux X. ainsi que Monsieur A. et Madame B. devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en paiement de la somme de 9.120 euros à titre d'indemnité compensatrice.
Par jugement du 3 janvier 2011, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a :
- constaté le désistement de la SARL AIPG de toutes ses demandes à l'égard de Monsieur Ronan A. et de Madame B.
- débouté la SARL AIPG de sa demande en paiement de la somme de 9.220 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2009 au titre de l'application de la clause pénale prévue au mandat du 18 juin 2008
- débouté la SARL AIPG de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de Monsieur et Madame X. en la condamnant à leur verser la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la SARL AIPG aux dépens.
Vu les conclusions du 27 juin 2011 de la société AIPG qui demande à la cour de réformer le jugement et de condamner les époux X. à lui verser la somme de 9.920 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 14 août 2009 ainsi qu'une indemnité de 1500 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions des époux X. du 15 juillet 2001 demandant la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la SARL AIPG au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens recouvrés conformément à l'article 699 du même code.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 novembre 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
L'appelante soutient que les époux X. ont, en méconnaissance totale des dispositions du mandat signé le 18 juin 2008, traité avec les mêmes acquéreurs par le canal une autre agence, à des conditions paradoxalement onéreuses pour ces derniers.
Tout en reconnaissant qu'en l'absence de réalisation effective de l'opération dans un acte unique constatant l'engagement des parties, elle ne peut prétendre au paiement de la commission, elle estime cependant que les vendeurs sont tenus au paiement d'une indemnité compensatrice en cas de préjudice subi par leur faute.
Elle soutient qu'au mois de novembre 2008, pendant la durée du mandat, grâce à ses diligences, elle est entrée en contact avec les consorts A.-B. auxquels elle a fait visiter le bien vendu à plusieurs reprises, un bon de visite étant régularisé ainsi que l'offre d'achat.
Elle fait valoir que dès le 28 novembre 2008, les acquéreurs ont mis fin à toute transaction, cette position étant reprise par les vendeurs eux-mêmes, mais que le jour même, ces parties ont signé, sous l'égide de l'agence G. H. un mandat de recherche pour le même bien à la même adresse et moyennant le même budget.
L'appelante affirme qu'à aucun moment les époux X. ne l'ont informée de leur intention de cesser toute relation avec elle et n'ont jamais dénoncé le mandat, de telle sorte qu'ils ont, en traitant directement avec les acquéreurs commis une faute qui lui a occasionné un préjudice qui doit être réparé par l'allocation de la somme de 9.920 euros correspondant au montant de la clause pénale stipulée au contrat.
Aux termes du mandat sans exclusivité donné à la société AIPG, les époux X. avaient interdiction pendant la durée du mandat et deux mois après son expiration, de traiter avec un acquéreur présenté par l'agence et avaient l'obligation de prévenir l'agence toute transaction effectuée par eux-mêmes ou par un autre cabinet.
Pendant la durée du mandat, la société AIPG a fait visiter à plusieurs reprises le bien aux consorts A.-B. qui ont signé le compromis de vente le 22 novembre 2008.
La défection des consorts A.-B. est intervenue avant la signature du compromis par les époux X. et la société AIPG a informé ses mandants de cette situation.
Les intimés soutiennent que le mandat de vente du 18 juin 2008 avec la société AIPG a été suivi le 1er juillet suivant d'un autre mandat sans exclusivité signé avec la société G. H., de sorte que rien ne leur interdisait de contracter avec les acheteurs présentés par ce dernier agent.
Ils font également valoir qu'ils n'ont pas signé le compromis rédigé par l'agence AIPG de sorte que le consentement des parties, conditions de la validité du contrat, n'est pas présent.
Les intimés soutiennent également que la clause insérée au contrat, d'un montant égal à la commission due en cas de réalisation de la vente est nulle et ils font valoir que l'obligation d'information de l'agence par le vendeur a pour objet d'éviter que le mandataire ne conclue la vente avec un nouvel acquéreur alors que le bien a déjà été vendu par le mandant et protéger celui-ci des éventuelles poursuites de ce nouvel acquéreur.
Les époux X. estiment qu'en l'espèce l'agence AIPG ne démontre pas avoir trouvé ou présenté un nouvel acquéreur aux vendeurs ni que le défaut d'information par eux au mandataire a empêché ce dernier de formaliser la vente et lui a fait perdre le bénéfice de sa rémunération.
Ils indiquent en outre que l'agence immobilière ne démontre pas les avoir mis en demeure d'avoir à respecter leur obligation consistant à la prévenir, par lettre recommandée avec avis de réception, de leur volonté et de mettre fin au mandat et lui fournir les renseignements sur la vente intervenue sous les hospices d'un autre agent, avec les consorts A.- B.
Les époux X. estiment en tout état de cause que c'est à bon droit que le premier juge a relevé que la signature compromis de vente le 2 décembre 2008 avec l'agence G. H. a été réalisée pour un prix de vente différent, cinq jours après la rétractation des consorts A.-B. auprès d'AIPG ce qui a pu motiver les parties à contracter avec ce mandataire sans cependant que ceci soit constitutif d'une faute susceptible d'engager leur responsabilité.
Sur la validité de la clause pénale insérée au mandat :
Les époux X. soutiennent que la clause pénale du mandat sanctionnant le non-respect des obligations du mandataire [N.B. lire plutôt mandant] par le versement d'une indemnité compensatrice forfaitaire égale montant de la rémunération soit 4 % du prix de vente plus 2.400 euros est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
Cependant, cette indemnité compensatrice ne peut être assimilée à une rémunération déguisée puisque le mandant fait référence à l'article 1152 du code civil et elle peut être modérée.
Cette clause sanctionne l'engagement du mandant de :
* signer aux prix et charges et conditions convenues toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d'une demande de prêt immobilier avec tout acquéreur présenté par le mandataire
* pendant la durée du mandat, en cas de vente réalisée par lui-même ou par un autre cabinet, d'en informer immédiate mandataire lui notifiant par lettre recommandée avec accusé de réception, les noms et adresses de l'acquéreur, le notaire chargé de l'acte authentique et du cabinet éventuellement intervenu. Cette notification mettant au mandat, et il vit en mandataire d'engager la vente avec un autre acquéreur et épargnant mandant les poursuites pour dévotement exercé par cet acquéreur
* s'interdire pendant la durée du mandat et pendant la période suivant son expiration du traité directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui.
Cette clause pénale n'érigeant pas la perte d'une commission en condition de son application et prévue en cas de faute caractérisée spécifiée du mandant, n'est donc pas abusive car elle ne crée pas de déséquilibre entre les droits obligations des parties puisque le mandataire ne peut en application de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 percevoir aucune rémunération pour l'accomplissement de sa mission.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré cette clause non abusive.
Sur l'application de la clause pénale :
Les époux X. ont signé le 2 décembre 2008, en cours de validité du mandat donné à la société AIPG, un compromis avec les consorts A.-B., par l'entremise d'une autre agence immobilière, puis le 30 mars 2009 un acte de vente notarié, sans, en informer la société AIPG par lettre recommandée avec accusé de réception.
En outre, les époux X. ont, au mépris de l'interdiction qui leur en était faite, traité directement avec les consorts A.-B. qui leur avaient été présentés par la SARL AIPG et qui avaient visité les locaux avec elle.
Les époux X. n'établissent pas que la SARL AIPG a manqué à ses obligations contractuelles en ne les mettant pas en demeure d'avoir à mettre fin au mandat.
Les conditions dans lesquelles a été signé le compromis du 2 décembre 2008 sont sans aucune incidence sur le respect par les époux X. du contrat les liant toujours à la SARL AIPG.
Les manquements ci-dessus caractérisés des époux X. à leurs obligations contractuelles permettent en conséquence à la SARL AIPG d'obtenir, en application de la clause pénale, réparation de son préjudice à hauteur de la somme de 9.920 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la citation du 14 octobre 2009 valant sommation.
Le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a débouté la SARL AIPG de sa demande en paiement à l'encontre des époux X.
L'équité commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL AIPG à hauteur de la somme de 2.000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement par arrêt contradictoire
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré non abusive la clause pénale figurant dans le mandat de vente sans exclusivité du 18 juin 2008 conclu entre la SARL AIPG et les époux X.
Statuant à nouveau
Condamne les époux X. à payer à la SARL AIPG les sommes suivantes :
- 9.920 euros au titre de la clause pénale avec les intérêts au taux légal à compter de la citation du 14 octobre 2009 valant sommation
- 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SARL AIPG aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,