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CA RENNES (3e ch. com.), 11 mars 2014

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (3e ch. com.), 11 mars 2014
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 3e ch. com.
Demande : 12/05080
Décision : 14/142
Date : 11/03/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 27/07/2012
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 9 juillet 2015
Numéro de la décision : 142
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4714

CA RENNES (3e ch. com.), 11 mars 2014 : RG n° 12/05080 ; arrêt n° 142 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que la société Cabinet Bidault prétend cependant à bon droit que les dispositions précitées n'ont pas vocation à s'appliquer, conformément à l'article L. 121-22, 4° du même code lequel prévoit que sont exclues de leur champ d'application, « les ventes, locations-ventes ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession » ; Considérant qu'il est en effet de jurisprudence constante que pour un commerçant, normalement avisé de la valeur de son fonds et de l'intérêt présenté par l'opération, la vente de celui-ci est en rapport direct avec l'activité exercée dans le cadre de l'exploitation dudit fonds ; que tel étant bien le cas en l'espèce, ce moyen sera rejeté ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNS

TROISIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 11 MARS 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/05080. Arrêt n° 142.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Alain POUMAREDE, Président, Mme Brigitte ANDRE, Conseiller, Madame Catherine DENOUAL, Conseiller, rédacteur

GREFFIER : Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 21 octobre 2013, devant Madame Catherine DENOUAL, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 11 mars 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré

 

APPELANTE :

Société CABINET BIDAULT SARL

Représentée par Maître Philippe LE GOFF de la SELARL CRESSARD/LE GOFF AVOXA SOCIETE D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Jacques GRANGE, Plaidant, avocat au barreau de LYON

 

INTIMÉE :

Madame X.

née le [date] à [ville], Représentée par Maître Simon AUBIN de la SCP CABINET DE VILLARTAY/COLLET/STEPHAN/AUBIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Par mandat non exclusif du 2 janvier 2011, Mme X. confiait à la société Cabinet Bidault D'Officine en Officine le soin de rechercher un acquéreur pour le prix de 1.220.000 euros net vendeur.

Par acte du 3 janvier 2011, Mme X. donnait également mandat non exclusif de vente à la société Cabinet Bidault, pour une durée de trois mois. Le mandat prévoyait :

- le prix de vente de 1.220.000 euros net vendeur hors stock et hors frais d'enregistrement,

- la rémunération de la société Cabinet Bidault à hauteur de 5 % du prix de vente du fonds de commerce « en cas de réalisation de l'opération avec un acquéreur présenté par le mandataire ou un mandataire substitué ou dirigé vers lui ».

La société Cabinet Bidault communiquait alors le jour même à M. Y. des éléments d'information relatifs à l'officine de Mme X. Ce dernier lui répondait : « après mûre réflexion je ne souhaite pas travailler sur cette pharmacie ».

La société Cabinet Bidault poursuivait l'exécution de son mandat jusqu'au 31 janvier 2011, date à laquelle Mme X. l'informait de la vente de son officine. La société Cabinet Bidault communiquait alors à Mme X. la liste des personnes auxquelles l'officine avait été présentée par son intermédiaire, au nombre desquels M. Y. Mme X. ne répondait pas à cette communication.

Ayant découvert que M. Y. était en réalité l'acquéreur retenu, la société Cabinet Bidault le contactait. Par courriel du 18 février 2011, M. Y. admettait la réalité d'une « collaboration » mais indiquait avoir mis fin aux relations en raison d'une information relative à l'exclusivité du mandat.

Le 4 avril 2011, un compromis était signé entre M. Y. et Mme X.

Exposant que Mme X. serait redevable envers elle de ses honoraires mais n'en obtenant pas le paiement, la société Cabinet Bidault formait opposition au prix de vente du fonds de commerce pour obtenir paiement de la somme de 68.770 euros, par acte du 31 août 2011.

Par acte du 19 septembre 2011, Mme X. sollicitait du juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes la mainlevée de cette opposition.

Suivant acte du 24 octobre 2011, la société Cabinet Bidault a fait assigner Mme X. devant le tribunal de commerce de Rennes aux fins d'obtenir sa condamnation à lui verser les sommes suivantes :

- 68.770 euros majorés des intérêts légaux à compter de l'opposition du 31 août 2011 outre les frais des coûts d'actes s'élevant à 534,19 euros,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 27 juillet 2012 par la société Cabinet Bidault du jugement rendu le 10 mai précédent par le tribunal de commerce de Rennes lequel l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et a ordonné l'attribution à Mme X. de la somme de 75.000 euros ayant fait l'objet d'un cantonnement à la Caisse des Dépôts et Consignations ;

Vu les conclusions des parties auxquelles la Cour se réfère expressément plus ample exposé de leurs moyens et prétentions déposées le 25 février 2013 par la société Cabinet Bidault, le 15 octobre 2012 par Mme X. ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 2 octobre 2013 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité du mandat :

Considérant que Mme X. prétend que les dispositions d'ordre public des articles L. 121-23, L. 121-24 et L. 121-25 du code de la consommation seraient applicables en l'espèce dans la mesure où la société Cabinet Bidault s'est déplacée à son domicile pour lui faire signer le contrat ; que par référence à ces dispositions, elle invoque la nullité du contrat au motif que la société Cabinet Bidault a entrepris des démarches le jour même de la signature du mandat alors qu'aucune diligence ne pouvait être entreprise avant l'expiration du délai de sept jours prévu par ces textes, d'une part, que l'exemplaire du contrat est dépourvu de formulaire détachable, d'autre part ;

Considérant que la société Cabinet Bidault prétend cependant à bon droit que les dispositions précitées n'ont pas vocation à s'appliquer, conformément à l'article L. 121-22, 4° du même code lequel prévoit que sont exclues de leur champ d'application, « les ventes, locations-ventes ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession » ;

Considérant qu'il est en effet de jurisprudence constante que pour un commerçant, normalement avisé de la valeur de son fonds et de l'intérêt présenté par l'opération, la vente de celui-ci est en rapport direct avec l'activité exercée dans le cadre de l'exploitation dudit fonds ; que tel étant bien le cas en l'espèce, ce moyen sera rejeté ;

 

Sur la demande en paiement :

Considérant que pour revendiquer le bénéfice d'un droit à rémunération, la société Cabinet Bidault prétend que l'information donnée à M. Y. aurait été déterminante de la rencontre des volontés et de la décision réciproque de cession dans la mesure où sans cette information, les parties au contrat de vente n'auraient jamais été amenées à s'identifier et à connaître leurs intentions respectives pour se rencontrer et contracter ;

Considérant que la société Cabinet Bidault entend rappeler les dispositions contractuelles aux termes desquelles Mme X. s'interdisait de :

« Pendant la durée du mandat et pendant la période suivant son expiration indiquée ou recto, de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou à visiter les locaux avec lui.

En cas de non-respect des obligations énoncées ci avant, il (le mandant) s'oblige expressément à verser au mandataire en vertu des articles 1142 et 1152 du Code civil une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue au recto » ;

Considérant qu'il est constant et non contesté que c'est bien la société Cabinet Bidault qui a donné à M. Y. l'information relative à la mise en vente du fonds de commerce de Mme X. ; que le fichier clients de la société Cabinet Bidault a ainsi permis la découverte d'un acquéreur potentiel ; qu'il doit être souligné que la société Cabinet Bidault a fait preuve d'une particulière diligence en contactant le jour même cet acquéreur potentiel ;

Considérant qu'il se déduit de ces éléments, des réticences de Mme X. et de la déclaration de M. Y. qu'après avoir obtenu la communication de l'information par la société Cabinet Bidault, M. Y. s'est rapproché de Mme X. pour arrêter un prix d'achat, excluant tout paiement de commission par l'une outre les parties ; que dans ces conditions, il va de soi que la société Cabinet Bidault ne pouvait entreprendre aucune démarche postérieure à cette prise de contact ;

Considérant que dûment informée par la société Cabinet Bidault au moyen de l'envoi de la liste que M. Y. avait été renseigné de l'offre de vente par son intermédiaire, Mme X. ne pouvait poursuivre les négociations avec ce dernier à l'insu du mandataire ; que force est de constater que Mme X. n’a pas tiré de cette information les conséquences qui s'imposaient ;

Considérant par voie de conséquence, qu'il est démontré que la société Cabinet Bidault a effectivement présenté, adressé ou indiqué à Mme X. en exécutant ainsi une prestation à la charge du mandataire contractuellement prévue ; que cette invention a été déterminante de la conclusion du contrat dans la mesure où le fonds a été très rapidement acheté après la divulgation de cette information, sans aucune difficulté, sur la base des conditions de prix du mandat ;

Considérant que Mme X. invoque l'existence d'un autre mandat conclu le dimanche 2 janvier 2011 avec l'agence d'OFFICINE EN OFFICINE sans pour autant produire le contrat de mandat, se bornant à verser aux débats les factures de l'agence ainsi que le compromis de vente mentionnant son intervention ; que surtout, elle ne procède à aucune articulation de faits propres à démontrer que cette agence serait à l'origine de l'information déterminante communiquée à M. Y. ; que ce moyen est sans portée ;

Considérant que l'éviction de la société Cabinet Bidault de la vente résulte d'une collusion entre la venderesse et l'acquéreur pour se soustraire au paiement de la commission due à l'agence intermédiaire ; que cette éviction et ces circonstances constituent une faute du mandant dans l'exécution loyale de ses obligations contractuelles; que le comportement fautif de la venderesse a fait perdre à la société Cabinet Bidault une chance de percevoir sa commission d'intermédiaire ce qui lui a occasionné un préjudice financier que la Cour est en mesure d'évaluer, au vu des justificatifs produits, à la somme de 68.770 euros majoré des intérêts légaux à compter de l'opposition formée le 31 août 2011 outre la somme de 534,19 euros correspondant aux frais d'actes; que conformément à la demande de la société Cabinet Bidault, la capitalisation des intérêts sera ordonnée ;

 

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive :

Considérant que la société Cabinet Bidault se borne à réclamer l'allocation de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive sans procéder à une articulation de faits propres à démontrer la mauvaise foi ou l'intention de nuire de Mme X. dans l'exercice de sa défense ; qu'elle sera déboutée de ce chef de demande ;

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que succombant en ses prétentions, Mme X. sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au versement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

La Cour,

Réforme le jugement rendu le 10 mai 2012 par le tribunal de commerce de Rennes,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme X. à verser à la société Cabinet Bidault la somme de 68.770 euros majoré des intérêts légaux à compter de l'opposition du 31 août 2011 outre celle de 534,19 euros correspondant aux frais d'actes ;

Ordonne la capitalisation des intérêts ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions ;

Condamne Mme X. à verser à la société Cabinet Bidault la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X. aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT