CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 1er avril 2014

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 1er avril 2014
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 13/05011
Date : 1/04/2014
Nature de la décision : Compétence
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 31/10/2013
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 4750

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 1er avril 2014 : RG n° 13/05011 

Publication : Jurica

 

Extrait : « L’action de l'article L. 421-6 du code de la consommation présente les caractères d'une action à double objet. Elle a en effet un caractère indemnitaire en permettant l'indemnisation du préjudice occasionné à l'intérêt collectif des consommateurs, mais aussi un caractère préventif visant à éviter pour l'avenir l'usage de clauses jugées abusives au détriment des consommateurs. L'article 46 du code de procédure civile qui s'applique en matière contractuelle comme en matière délictuelle a ainsi vocation à s'appliquer en l'espèce.

Il reste donc à apporter la preuve que le contrat litigieux est appliqué sur le ressort du tribunal d'instance de GRENOBLE. A cet égard, il est établi que des magasins, notamment à l'enseigne CONFORAMA, KIABI, ou CASTORAMA, partenaires commerciaux, et dispensateurs de contrats de crédit pour la SA FACET sont établis sur le ressort du tribunal d'instance de GRENOBLE. Il n'est pas discuté que c'est en réponse à la demande de l’UFC 38 que, par lettre du 10 février 2012, la SA FACET, en réponse à la demande de l'association du 31 janvier 2012, a adressé à celle-ci la version de leur offre de contrat de crédit « en production à compter de mars 2012 » rectifié après de nombreux échanges de courriers depuis le 18 octobre 2011.

Elle ne peut dans ces conditions sérieusement soutenir que l’UFC 38 n'apporte pas la preuve qui incombe à cette dernière que le contrat critiqué ne serait pas proposé sur le ressort du tribunal d'instance, sans apporter de son côté la démonstration qu'un produit régional, distinct de celui objet de ces échanges, serait mis à disposition des consommateurs de ce ressort en particulier. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 1er AVRIL 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/05011. Sur contredit reçu au Tribunal d'Instance de GRENOBLE le 13 novembre 2013 ensuite d'un Jugement (R.G. n° 11-13-0589) en date du 31 octobre 2013 enrôlé à la cour d'appel le 21 novembre 2013.

 

DEMANDERESSE AU CONTREDIT :

SA FACET

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Maître Bernard BOULLOUD, avocat au barreau de GRENOBLE, plaidant par Maître Sébastien MENDES-GIL de la SELARL CLOIX ET MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS,

 

DÉFENDERESSES AU CONTREDIT :

UFC 38

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, représentée et plaidant par Maître Christian BRASSEUR de la SCP CONSOM'ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE

SA CARDIFF ASSURANCE VIE,

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Maître Renaud RICQUART, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué et plaidant par Maître BOUCHARLAT, avocat au barreau de GRENOBLE

SA CARDIF ASSURANCES RISQUES DIVERS

représentée par Maître Renaud RICQUART, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué et plaidant par Maître BOUCHARLAT, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS : Monsieur Dominique FRANCKE, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier,

DÉBATS : A l'audience publique du 18 février 2014, Monsieur Dominique FRANCKE, Président, en présence de Madame JACOB Conseiller, assistés de Madame Françoise DESLANDE, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

L’UFC 38 a fait assigner la SA FACET, société de crédit, devant le tribunal d’instance de GRENOBLE afin de voir modifié sous astreinte un contrat de crédit proposé par cette société aux consommateurs, et jugées abusives 30 clauses de ce contrat.

La SA FACET a, comme les sociétés d'assurance, mises en cause par les mêmes contrats, soulevé l'incompétence du tribunal d'instance au visa de l'article 42 du code de procédure civile, s'agissant pour partie des clauses critiquées, de clauses d'assurance facultative proposée dans le cadre du contrat de crédit.

Par jugement du 31 octobre 2013, le tribunal de grande instance de GRENOBLE a reçu l'intervention volontaire des sociétés CARDIF assurance-vie et risques divers, et rejeté l'exception d'incompétence.

La SA FACET a formé contredit le 13 novembre 2013.

Elle soutient, à l'appui de ce contredit, que l'action exercée par l’UFC 38 est une action spécifique fondée sur les dispositions de l'article L. 421-6 du code de la consommation, de sorte que l'option prévue par l'article 46 du code de procédure civile n'est pas applicable, le seul tribunal territorialement compétent étant celui du lieu du siège social de la défenderesse, qu'en tout état de cause, la preuve n'est pas rapportée que le tribunal d'instance de Grenoble soit le lieu du fait dommageable ou le lieu où le préjudice a été subi, en conséquence déclarer le tribunal d'instance de Grenoble territorialement incompétent au profit du tribunal d'instance de Courbevoie, tribunal du lieu du siège social de la SA FACET, renvoyer l'affaire devant le tribunal d'instance de COUBEVOIE, condamner l’UFC 38 à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que le tribunal a inversé la charge de la preuve incombant à l'UFC 38 d'établir que le contrat qu'elle entend contester est effectivement diffusé dans l'Isère.

Elle soutient qu'en application des dispositions des articles 42 et 46 du code de procédure civile, l’UFC 38 devait saisir le tribunal d'instance du lieu du domicile du défendeur et ne pouvait saisir celui du lieu du fait dommageable ou du lieu dans lequel le dommage a été subi que si elle exerçait une action en matière délictuelle et seulement si elle était en mesure de rapporter la preuve du lieu du fait dommageable ou du lieu dans lequel le dommage a été subi, qu'en l'espèce, l'action de l’UFC 38 n'est pas une action en responsabilité délictuelle, mais une action visant à la suppression de clauses abusives fondée sur les dispositions de l'article L. 421-6 du code de la consommation, de sorte que l'alternative prévue par l'article 46 du code de procédure civile ne lui est pas ouverte.

Elle fait valoir à cet égard qu'elle a son siège à Levallois Perret, commune sur laquelle le tribunal d'instance de Courbevoie a compétence.

Subsidiairement, elle soutient que l’UFC 38 n'établit pas que l'offre de contrat de crédit renouvelable litigieuse aurait été diffusée dans le ressort du tribunal d'instance de Grenoble à la date à laquelle le tribunal a été saisi, qu'elle n'identifie d'ailleurs pas clairement l'offre de contrat litigieuse, puisque le projet, qui a été adressé en version WORD, ne peut faire l'objet d'aucune diffusion, que les trois contrats produits en cours d’instance souscrits en Isère ne sont pas ceux qu'elle conteste (n° 0511/10060883N).

Elle ajoute que l'UFC 38 n'apporte pas la preuve que le modèle d'offre de 2011 sur lequel elle fonde son action est encore diffusé.

Elle ajoute encore que les offres de crédit renouvelable qu'elle propose ne sont pas diffusées sur Internet, que son site indique le magasin Conforama le plus proche de celui de la personne qui le consulte, que la présence en Isère d'agences ou de magasins qui proposent des offres FACET ne suffisent pas à établir la compétence territoriale du tribunal d'instance de Grenoble, dès lors que l’UFC 38 établit pas que le modèle de contrat litigieux qui lui a été adressé le 29 août 2011 a effectivement été diffusé par l'intermédiaire de ces agences ou magasins.

L'UFC 38, par conclusions en réponse du 11 décembre 2013, demande de dire mal fondé le contredit, de dire le tribunal d'instance de Grenoble compétent et lui renvoyer l'examen du dossier, de condamner la SA FACET à lui payer la somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, celle de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de la condamner aux dépens.

Elle fait valoir que son action, faute de contrat direct, est par nature délictuelle ou quasi délictuelle, que le contrat type critiqué à la procédure est précisément celui fourni par la SA FACET sur demande de l’UFC 38, qui a justifié en première instance de contrats réellement conclus en Isère en mars 2012 et juillet 2013 alors que son action n'est pas subordonnée à la preuve de contrats conclus effectivement par des consommateurs, puisqu'elle est préventive, tandis que plusieurs enseignes du département sont partenaires de la SA FACET, qui propose de tels contrats de crédit renouvelable, identiques sur toute la France.

Elle fait valoir que le texte légal exige seulement que le contrat type soit proposé et non conclu, que cette proposition est suffisamment établie par l'envoi par la SA FACET de ce contrat.

Elle ajoute que l'offre de tels contrats est offerte en ligne, qu'ainsi son action quasi délictuelle devant le tribunal d'instance de Grenoble est justifiée au regard de l'article 46 du code de procédure civile.

Elle demande de retenir la mauvaise foi et l'abus de droit de la SA FACET.

La société CARDIF Assurances et la société CARDIF ASSURANCES RISQUES DIVERS ont conclu le 18 février 2014. Elles ont indiqué s'en remettre à la décision de la cour d'appel, sans émettre d'observations.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L’action de l'article L. 421-6 du code de la consommation présente les caractères d'une action à double objet. Elle a en effet un caractère indemnitaire en permettant l'indemnisation du préjudice occasionné à l'intérêt collectif des consommateurs, mais aussi un caractère préventif visant à éviter pour l'avenir l'usage de clauses jugées abusives au détriment des consommateurs.

L'article 46 du code de procédure civile qui s'applique en matière contractuelle comme en matière délictuelle a ainsi vocation à s'appliquer en l'espèce.

Il reste donc à apporter la preuve que le contrat litigieux est appliqué sur le ressort du tribunal d'instance de GRENOBLE.

A cet égard, il est établi que des magasins, notamment à l'enseigne CONFORAMA, KIABI, ou CASTORAMA, partenaires commerciaux, et dispensateurs de contrats de crédit pour la SA FACET sont établis sur le ressort du tribunal d'instance de GRENOBLE.

Il n'est pas discuté que c'est en réponse à la demande de l’UFC 38 que, par lettre du 10 février 2012, la SA FACET, en réponse à la demande de l'association du 31 janvier 2012, a adressé à celle-ci la version de leur offre de contrat de crédit « en production à compter de mars 2012 » rectifié après de nombreux échanges de courriers depuis le 18 octobre 2011.

Elle ne peut dans ces conditions sérieusement soutenir que l’UFC 38 n'apporte pas la preuve qui incombe à cette dernière que le contrat critiqué ne serait pas proposé sur le ressort du tribunal d'instance, sans apporter de son côté la démonstration qu'un produit régional, distinct de celui objet de ces échanges, serait mis à disposition des consommateurs de ce ressort en particulier.

Le jugement déféré sera ainsi confirmé.

Le contredit apparaît manifestement abusif au regard des faits de l'espèce, qui a pour seul objet, et effet, de différer un débat indispensable sur le fond d'un dossier à réel enjeu pour la collectivité des consommateurs.

La somme de 3.000 euros de dommages-intérêts sera allouée à ce titre à l'UFC 38.

Il apparaît inéquitable de laisser à l’UFC 38 l'entière charge des frais qu'elle a du engager à l'occasion de la présente procédure.

La somme de 1.500 euros lui sera allouée par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,

- confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- renvoie l'examen du dossier au tribunal d'instance de GRENOBLE,

Y AJOUTANT,

- condamne la SA FACET à payer à l’UFC 38 la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts,

- condamne la SA FACET à payer à l’UFC 38 la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Monsieur FRANCKE, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                Le Président