CASS. CIV. 1re, 11 mars 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4788
CASS. CIV. 1re, 11 mars 2014 : pourvoi n° 13-14341
Publication : Legifrance
Extrait : « Vu l’article 1134 du code civil, ensemble les articles 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et 4 de la loi du 1er juillet 1901 ; Attendu qu’il résulte de ces textes que nul n’est tenu d’adhérer à une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou, y ayant adhéré, d’en demeurer membre, que tout membre d’une association, qui n’est pas formée pour un temps déterminé, peut s’en retirer en tout temps après paiement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant toute clause contraire, et que les dispositions statutaires entravant la liberté de ne pas adhérer à une association ou de s’en retirer en tout temps sont entachées d’une nullité absolue ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 MARS 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 13-14341.
DEMANDEUR à la cassation : Association Nord 77 SAAD et M. X., ès qualités
DÉFENDEUR à la cassation : Fédération départementale ADMR Seine-et-Marne
M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président), président. SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1134 du code civil, ensemble les articles 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et 4 de la loi du 1er juillet 1901 ;
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’il résulte de ces textes que nul n’est tenu d’adhérer à une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou, y ayant adhéré, d’en demeurer membre, que tout membre d’une association, qui n’est pas formée pour un temps déterminé, peut s’en retirer en tout temps après paiement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant toute clause contraire, et que les dispositions statutaires entravant la liberté de ne pas adhérer à une association ou de s’en retirer en tout temps sont entachées d’une nullité absolue ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que l’association ADMR Nord 77 (l’association), adhérente de la fédération départementale de Seine-et-Marne (la fédération) et de l’Union nationale ADMR (l’union), a, par délibération de l’assemblée générale extraordinaire du 30 mai 2008, décidé de démissionner du réseau ADMR et d’adopter de nouveaux statuts ainsi qu’une nouvelle dénomination, soit Nord 77 services d’aides à domicile (Nord 77 SAAD), qu’informée de cette démission, la fédération a continué à encaisser des règlements pour le compte de l’association et déduit des versements opérés en faveur de celle-ci le montant des cotisations fédérales des mois de juin, juillet, août, septembre et octobre 2008, que l’association a assigné la fédération en paiement du solde des règlements perçus par elle ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, pour déclarer inopposable à la fédération la délibération de l’assemblée générale extraordinaire de l’association tenue le 30 mai 2008, condamner celle-ci à payer le solde des cotisations de l’année 2008 et la débouter de toutes ses demandes, l’arrêt retient que l’article 11 des statuts de l’association prévoit qu’une assemblée générale extraordinaire peut proposer des modifications aux statuts, décider la dissolution de l’association locale, sa fusion avec une association voisine adhérente à la fédération ou son partage en deux ou plusieurs associations, que les délibérations ainsi prises doivent être soumises, avant leur mise en application, à la ratification du conseil d’administration de l’union, que la délibération du 30 mai 2008 par laquelle l’association décidait de démissionner de la fédération à effet immédiat, entraînait une modification substantielle de ses statuts, que la nature de cette décision relevait donc du champ d’application de l’article 11 et que, faute pour l’association de s’être conformée à la formalité de la ratification qui devait permettre de vérifier la régularité d’une décision prise par une assemblée obéissant à des règles de convocation, de quorum et de vote plus contraignantes que celles de l’assemblée générale ordinaire, sans constituer d’entrave à la liberté d’association et au droit corrélatif énoncé par l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 pour tout membre d’une association qui n’est pas formée pour un temps déterminé de s’en retirer en tout temps, la fédération est fondée à faire juger que la décision lui est inopposable, afin d’obtenir le recouvrement des cotisations de l’année 2008 ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi alors, d’une part, que l’article 12 des statuts de l’association disposait que celle-ci pouvait librement décider de démissionner du réseau ADMR et que l’article 11, qui exigeait la ratification par l’union de la modification des statuts, ne s’appliquait qu’en cas de maintien de l’adhésion de l’association au réseau ADMR en vue d’assurer la compatibilité de la modification statutaire avec cette appartenance, et non dans l’hypothèse d’une modification consécutive à la démission de l’association du réseau, d’autre part, que l’association était libre de quitter à tout moment le réseau, après paiement des cotisations échues et de l’année courante, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 novembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;
Condamne la fédération départementale ADMR Seine-et-Marne aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la fédération départementale ADMR Seine-et-Marne et la condamne à payer à l’association Nord 77 SAAD la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOYEN ANNEXÉ au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour l’association Nord 77 SAAD et M. X., ès qualités.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR déclaré inopposable à la fédération ADMR de SEINE ET MARNE la délibération d’assemblée générale extraordinaire de l’association ADMR NORD 77 aujourd’hui dénommée NORD 77 SAAD tenue le 30 mai 2008, d’AVOIR condamné l’association NORD 77 SAAD à payer à la fédération ADMR de SEINE ET MARNE la somme de 11.708,72 ¿ représentant le solde des cotisations de l’année 2008, et d’AVOIR débouté l’association NORD 77 SAAD de toutes ses demandes ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « les statuts de l’association ADMR Nord 77, adoptés le 26 juin 2004 pour une durée illimitée, contiennent l’engagement, inscrit à l’article 12, d’adhérer à la fédération du département et de régler les cotisations. L’article 11 prévoit d’autre part que, sous réserve des dispositions précédentes, une assemblée générale extraordinaire peut proposer des modifications aux statuts, de même que décider la dissolution de l’association locale, sa fusion avec une association voisine adhérente à la fédération, ou son partage en deux ou plusieurs associations. Il énonce que les délibérations prises dans ce cadre doivent être soumises, avant leur mise en application, à la ratification du conseil d’administration de l’union nationale ; que la délibération du 30 mai 2008, par laquelle l’association décidait de démissionner de la fédération à effet immédiat, entraînait une modification substantielle de ses statuts au regard de son engagement énoncé à l’article 12. La nature de cette décision relevait donc du champ d’application de l’article 11. De fait, l’association a entendu convoquer une assemblée générale extraordinaire sur cet ordre du jour, qui s’est effectivement réunie pour en délibérer. La décision prise selon ces modalités devait dès lors être soumise à la ratification stipulée par l’article 11 ; qu’une telle ratification devait permettre de vérifier la régularité d’une décision prise dans le cadre d’une assemblée obéissant à des règles de convocation, de quorum et de vote plus contraignantes que celles de l’assemblée générale ordinaire, sans constituer d’entrave à la liberté d’association et au droit corrélatif énoncé par l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 pour tout membre d’une association qui n’est pas formée pour un temps déterminé de s’en retirer en tout temps ; que faute par l’association de s’être conformée à cette formalité, la fédération est fondée à faire juger que la décision lui est inopposable pour obtenir le recouvrement des cotisations de l’année 2008, également exigibles par application de l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 qui assortit la faculté appartenant à tout membre d’une association de s’en retirer de l’obligation de s’acquitter « des cotisations échues et de l’année courante » ; que c’est donc à tort que les premiers juges ont condamné la fédération à rembourser les cotisations de juin à octobre 2008. L’association est au contraire redevable de la somme de 11.708,72 euros représentant le solde de l’année 2008, augmentée des intérêts légaux tels que sollicités à compter de l’arrêt ; qu’il est équitable de compenser à hauteur de 2.000 euros les frais non compris dans les dépens que l’appelante a été contrainte d’exposer » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, D’UNE PART, QUE nul n’est tenu d’adhérer à une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou, y ayant adhéré, d’en demeurer membre ; que l’article 12 des statuts types de l’association ADMR NORD 77, devenue association NORD 77 SAAD, dispose que l’association peut librement décider de démissionner le réseau ADMR en quittant la Fédération départementale ADMR et l’Union nationale ADMR, associations soumises à la loi du 1er juillet 1901, auxquelles elle a adhéré ; que si l’article 11 de ces mêmes statuts types prévoit que les modifications des statuts de l’association proposées par l’assemblée générale doivent être entérinées par le Conseil d’administration de l’Union nationale ADMR, c’est uniquement en raison de l’appartenance de l’association au réseau ADMR afin de s’assurer la compatibilité de la modification statutaire à cette appartenance ; que cette disposition n’est pas applicable lorsque la modification des statuts fait suite à une démission de l’association du réseau ADMR et constitue la conséquence de cette démission ; qu’en jugeant que la délibération de l’assemblée générale extraordinaire de l’association ADMR NORD 77, devenue association NORD 77 SAAD, par laquelle celle-ci décidait de démissionner du réseau ADMR et, en conséquence de cette démission, d’adopter de nouveaux statuts et une nouvelle dénomination, était inopposable à la Fédération ADMR de SEINE ET MARNE au motif que cette décision n’aurait pas fait l’objet d’une ratification de la part du Conseil d’administration de l’Union nationale ADMR, la cour d’appel a violé les articles 1134 du Code civil, 4 de la Loi du 1er juillet 1901 et 11 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ;
ALORS, D’AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE nul n’est tenu d’adhérer à une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou, y ayant adhéré, d’en demeurer membre ; que méconnaît le principe de liberté d’association et se trouve dès lors entachée de nullité absolue la clause des statuts types d’une association ayant adhéré à une fédération départementale et une union nationale, associations régies par la loi du 1er juillet 1901, qui a pour objet de soumettre la démission de l’association à une ratification préalable du conseil d’administration de l’union nationale ; qu’en supposant que, comme l’a considéré la cour d’appel, l’article 11 des statuts types de l’association ADMR NORD 77, devenue association NORD 77 SAAD, ait eu pour objet de soumettre la mise en application de la décision de l’assemblée générale extraordinaire de l’association de quitter la Fédération départementale ADMR et l’Union nationale ADMR à la ratification préalable du conseil d’administration de cette association, cette clause présentait un caractère illicite ; qu’en se fondant néanmoins sur cette dernière pour déclarer la délibération de l’assemblée générale extraordinaire de l’association ADMR NORD 77, devenue association NORD 77 SAAD, inopposable à la Fédération ADMR de SEINE ET MARNE, faute de ratification de cette délibération par l’Union nationale ADMR, la cour d’appel a violé les articles 1133 du Code civil, 4 de la loi du 1er juillet 1901 et 11 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE nul n’est tenu d’adhérer à une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou, y ayant adhéré, d’en demeurer membre ; que les cotisations dues par l’adhérent démissionnaire pour l’année en cours, en application de l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901, sont uniquement celles qui sont versées pour financer le fonctionnement de l’association ; que l’adhérent démissionnaire n’est en revanche aucunement tenu de verser après son départ des sommes, fussent-elles qualifiées par les statuts de cotisations, ayant pour objet de rémunérer un service qui lui était rendu par l’association ; que, dans une telle hypothèse, le maintien des cotisations nonobstant le départ de l’adhérent et l’absence de tout service dû à celui-ci s’analyse en un dédit contraire au principe de la liberté d’association ; qu’au cas présent, l’association NORD 77 SAAD faisait valoir que les sommes qu’elle versait à la Fédération départementale ADMR de SEINE ET MARNE avaient pour objet exclusif de rémunérer les services rendus par cette dernière, notamment des services administratifs (paie, facturation), de comptabilité et de conseil, de sorte qu’elles ne constituaient pas des cotisations dont le versement était dû jusqu’au terme de l’année en cours au sens de l’article 4 de la Loi du 1er juillet 1901 (Conclusions p. 11 et p. 14-15) ; qu’en estimant que l’association NORD 77 SAAD était redevable, à la suite de sa démission de la Fédération ADMR de SEINE ET MARNE décidée le 30 mai 2008, de l’intégralité des cotisations pour l’exercice 2008, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si ces cotisations étaient la rémunération de services rendus par la Fédération, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4 de la loi du 1er juillet 1901, 11 et 13 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU’en s’abstenant de répondre au moyen déterminant des conclusions de l’exposante quant à la nature des sommes versées à titre de cotisations, la cour d’appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du Code de procédure civile.