CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 22 mai 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4794
CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 22 mai 2014 : RG n° 13/00300
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il résulte cependant de l'article L. 121-22 du code de la consommation que les dispositions de ce code relatives à la réglementation du démarchage à domicile ne sont pas applicables aux ventes et aux locations de biens ou de services en rapport direct avec des activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale. Or, les fournitures de gaz étaient précisément destinées au chauffage des bâtiments d'élevage de l'exploitation avicole de M. X. Le contrat était donc bien en rapport direct avec l'activité d'agriculteur de celui-ci, les circonstances que l'appelant ne fût plus en relations d'affaires avec son intégrateur et que l'élevage ait subi une hécatombe étant inopérantes. »
2/ « Par ailleurs, l'appelant soutient que les conditions générales du contrat en exécution desquelles l'indemnité de résiliation lui est réclamée, non signées, ne lui seraient pas opposables. Pourtant, il est clairement énoncé dans les conditions particulières du contrat, en caractères très apparents figurant au dessus de la signature des parties, que M. X. reconnaissait avoir pris connaissance des conditions générales remises au client. Il en résulte que la clause de résiliation anticipée lui est bien opposable. »
3/ « Les frais d'enlèvement des citernes n'ont pas la nature d'une indemnité de clause pénale et ne peuvent donc donner lieu à modération par le juge. L'indemnité de rupture a en revanche bien la nature d'une clause pénale, puisqu'elle est destinée à sanctionner l'inexécution de ses obligations par le cocontractant du fournisseur. »
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 22 MAI 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/00300. ORIGINE : DÉCISION du tribunal d'instance de LISIEUX en date du 10 décembre 2012 - R.G. n° 12/00524.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], représenté et assisté de Maître Jérôme PRIOUX, avocat au barreau de LISIEUX (bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
INTIMÉE :
La SA VITOGAZ
N° SIRET : 552 XX, prise en la personne de son représentant légal, représentée et assistée de la SCP CREANCE FERRETTI HUREL, avocats au barreau de CAEN
DÉBATS : A l'audience publique du 31 mars 2014, sans opposition du ou des avocats, Monsieur CHRISTIEN, Président, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré.
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur CHRISTIEN, président, rédacteur, Madame BEUVE, conseiller, Madame BOISSEL DOMBREVAL, conseiller.
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 mai 2014 et signé par Monsieur CHRISTIEN, président, et Mme LE GALL, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 7 décembre 2010, M. X. a conclu avec la société Vitogaz un contrat de fourniture de gaz d'une durée de 3 ans, ainsi que la location de deux citernes de gaz.
Prétendant que la facture de location de citernes du 25 janvier 2011 était restée impayée en dépit d'une mise en demeure du 22 mars 2011, la société Vitogaz s'est prévalue de la clause de résiliation anticipée du contrat le 22 novembre 2011.
Puis, sur sa requête, le juge du tribunal d'instance de Lisieux a, par ordonnance du 14 juin 2012, fait injonction à M. X. à de lui payer une somme de 7.576,97 euros en principal, correspondant à la facture impayée, aux frais d'enlèvement des citernes et à l'indemnité contractuelle de rupture.
Le 19 juillet 2012, M. X. a formé opposition à cette ordonnance qui lui avait été signifiée le 26 juin précédent.
Par jugement du 10 décembre 2012, le tribunal d'instance de Lisieux a condamné M. X. à lui payer les sommes de 7.576,97 euros en principal et 44,44 euros au titre des frais accessoires
M. X. a relevé appel de cette décision le 24 janvier 2013, en demandant à la cour :
« - De dire que la convention survenue a méconnu les dispositions d'ordre public de la loi du 22 décembre 1972 (défaut de bordereau détachable et défaut d'indication du délai de rétractation de 7 jours) ;
- D'en prononcer en conséquence la nullité ;
- De constater que la société Vitogaz a repris possession des installations mises à disposition ;
- De la débouter, en conséquence, de toutes prétentions et de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- Subsidiairement et si par impossible une quelconque pénalité était mise à la charge de M. X., de constater qu'il est débiteur malheureux et de bonne foi et en situation de détresse économique ;
- De réduire en conséquence ladite pénalité à la somme symbolique de un euro ;
- De dire, en pareille hypothèse subsidiaire, que chacun conservera ses frais de procédure ».
La société Vitogaz conclut quant à elle à la confirmation du jugement attaqué et sollicite en outre le paiement d'une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. X. le 19 avril 2013, et pour la société Vitogaz le 12 juin 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
M. X. sollicite en premier lieu l'annulation du contrat au motif qu'il aurait été conclu à l'occasion d'une opération de démarchage à son domicile, sans comporter d'indication sur son délai de rétractation ni que lui soit remis de bordereau détachable de rétractation.
Il résulte cependant de l'article L. 121-22 du code de la consommation que les dispositions de ce code relatives à la réglementation du démarchage à domicile ne sont pas applicables aux ventes et aux locations de biens ou de services en rapport direct avec des activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale.
Or, les fournitures de gaz étaient précisément destinées au chauffage des bâtiments d'élevage de l'exploitation avicole de M. X.
Le contrat était donc bien en rapport direct avec l'activité d'agriculteur de celui-ci, les circonstances que l'appelant ne fût plus en relations d'affaires avec son intégrateur et que l'élevage ait subi une hécatombe étant inopérantes.
Dès lors, le défaut d'indication du droit de rétractation et l'absence de communication d'un bordereau détachable de rétractation ne sont pas de nature à entraîner l'annulation du contrat.
Par ailleurs, l'appelant soutient que les conditions générales du contrat en exécution desquelles l'indemnité de résiliation lui est réclamée, non signées, ne lui seraient pas opposables.
Pourtant, il est clairement énoncé dans les conditions particulières du contrat, en caractères très apparents figurant au dessus de la signature des parties, que M. X. reconnaissait avoir pris connaissance des conditions générales remises au client.
Il en résulte que la clause de résiliation anticipée lui est bien opposable.
À cet égard, les parties sont convenues que le contrat serait résilié aux torts du client en cas de manquement à l'un de ses engagements contractuels, quinze jours après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet, et qu'à la cessation des relations contractuelles, le client devra régler les frais d'enlèvement des réservoirs ainsi qu'une indemnité de rupture égale au tonnage contractuel non réalisé sur la période d'exécution du contrat multiplié par les « frais fixes » du fournisseur fixés forfaitairement à 450 euros et indexés.
La facture de location de citerne du 25 janvier 2011 étant restée impayée, la société Vitogaz a vainement adressé à M. X. une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mars 2011 puis s'est prévalue de la clause de résiliation du contrat le 22 novembre 2011.
En conséquence, elle a facturé, après la restitution des citernes intervenue le 24 février 2012, les frais d'enlèvement de celles-ci (722,36 euros), ainsi qu'une indemnité de rupture de 6.586,28 euros calculée sur la base d'un tonnage contractuel non réalisé de 12 tonnes, soit 4 tonnes par an durant trois ans.
Estimant ces sommes excessives, M. X. demande à la cour de les réduire à l'euro symbolique.
Les frais d'enlèvement des citernes n'ont pas la nature d'une indemnité de clause pénale et ne peuvent donc donner lieu à modération par le juge.
L'indemnité de rupture a en revanche bien la nature d'une clause pénale, puisqu'elle est destinée à sanctionner l'inexécution de ses obligations par le cocontractant du fournisseur.
Étant observé que le prix de la tonne de propane était contractuellement fixé à 773 euros et que le loyer de la location des citernes était de 220 euros par réservoir et par an, il convient d'observer que la société Vitogaz aurait dû réaliser, si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme, un chiffre d'affaires total de 10.596 euros.
Si elle n'a rien retiré de ce contrat qui n'a jamais été exécuté, elle a néanmoins fait l'économie de ses charges variables ainsi que du coût d'approvisionnement du propane non livré, et la restitution des deux citernes dès février 2012 lui a permis de relouer celles-ci.
L'indemnité de 6.586,28 euros est donc manifestement excessive et sera réduite, en application de l'article 1152 du code civil, à 4.000 euros, cette somme n'étant pas inférieure au préjudice réellement subi par le fournisseur.
Il convient donc, après réformation du jugement attaqué, de condamner M. X. au paiement des sommes de :
- 268,33 euros TTC au titre de la facture de location de citernes impayée,
- 722,36 euros TTC au titre des frais d'enlèvement de citernes,
- 4.000 euros au titre de l'indemnité de rupture,
- 44 euros au titre des frais accessoires de courriers recommandés.
Enfin, il n'y a pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, M. X., partie principalement succombante, supportera seul les dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme partiellement le jugement rendu le 10 décembre 2012 par le tribunal d'instance de Lisieux ;
Statuant à nouveau sur l'entier litige,
Condamne M. X. à payer à la société Vitogaz les sommes de :
- 268,33 euros TTC au titre de la facture de location de citernes impayée,
- 722,36 euros TTC au titre des frais d'enlèvement de citernes,
- 4.000 euros au titre de l'indemnité de rupture,
- 44 euros au titre des frais accessoires ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL J. CHRISTIEN