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CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 7 avril 2014

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 7 avril 2014
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 1re ch.
Demande : 13/03117
Décision : 242/2014
Date : 7/04/2014
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/05/2013
Numéro de la décision : 242
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4812

CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 7 avril 2014 : RG n° 13/03117 ; arrêt n° 242/2014

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Qu'à cet envoi était joint un contrat de révélation de succession aux termes duquel les honoraires du généalogiste, pour prix de sa révélation, étaient fixés selon un barème forfaitaire progressif, représentant une fraction de la part globale recueillie par l'héritier, assurances-vie comprises ; Que le contrat stipulait encore que les aléas relatifs à la revendication de la qualité d'héritier resteraient à la charge du généalogiste et qu'aucune somme ne serait à la charge de l'héritier en cas d'insuccès, notamment intervention d'un héritier plus proche, testament déshéritant, existence de dettes absorbant l'actif ;

Qu'il ne résulte pas de ce contrat, ni des lettres d'accompagnement, ni d'aucune des pièces versées aux débats que l'intervention du généalogiste était obligatoire ou que ses tarifs résultaient d'une quelconque disposition légale ou réglementaire à laquelle il n'est d'ailleurs pas fait référence, de sorte que ces documents ne se heurtent pas à la recommandation de la commission des clauses abusives recommandant d'éliminer de telles clauses ; Que la nature commerciale de l'opération résulte quant à elle clairement de la reproduction, sur le contrat, des dispositions du Code de la consommation applicables en matière de démarchage, et au pied de la lettre d'accompagnement de l'indication de la forme sociale de la société EGMF ;

Que les stipulations contractuelles relatives aux honoraires, à leur montant et aux cas d'exonération sont pour leur part dénuées de toute ambiguïté et parfaitement claires, y compris pour des contractantes d'âge élevé dont il n'est pas allégué qu'elles avaient perdu leur lucidité ; Qu'aucune manœuvre dolosive de nature à vicier le consentement de Mesdames Z. et Y. n'étant démontrée, les contrats n'encourent pas la nullité de ce chef ; […] ; Que l'absence de cause des contrats n'étant pas établie, la demande de nullité formée à ce titre devra être rejetée ».

2/ « Attendu que la société EGMF justifie avoir accompli un travail important pour rechercher les héritiers de Madame X. et certifier la dévolution successorale, ayant abouti à la rédaction d'un acte de notoriété le 13 avril 2007, en réalisant un tableau généalogique complexe ; Qu'ayant rendu service aux héritiers en leur révélant leurs droits, elle a droit à sa rémunération ; Que le tarif tel que prévu aux contrats apparaît conforme aux usages habituels en pareille matière, de sorte qu'il n'y a pas lieu de réduire les honoraires du généalogiste ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 7 AVRIL 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/03117. Arrêt n° 242/2014. Jugement (R.G. n° 12/01976) rendu le 28 mars 2013 par le Tribunal de Grande Instance de LILLE.

 

APPELANTS :

Madame E. X. épouse Y.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse]

Madame J. Z. épouse W.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse]

Monsieur H. Z.

le [date] à [ville], demeurant [adresse]

Représentés par Maître Bernard F., membre de la SCP D. F., avocat au barreau de DOUAI ; Assistés de Maître Sophie A., avocat au barreau de TROYES, substituée à l'audience par Maître Benjamin M., avocat

 

INTIMÉE :

SARL ÉTUDE GÉNÉALOGIQUE M.-F.

ayant son siège social [adresse] ; Représentée par Maître Virginie L., membre de la SCP L. L., avocat au barreau de DOUAI ; Assistée de Maître Jean-Daniel D., avocat au barreau de PARIS

 

DÉBATS à l'audience publique du 17 février 2014 tenue par Thomas SPATERI magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Evelyne MERFELD, Président de chambre, Pascale METTEAU, Conseiller, Thomas SPATERI, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 7 avril 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 janvier 2014

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Yvonne X. est décédée le [jour mois] 2006 à [ville], sans postérité. À la demande du notaire chargé de la succession, la société Étude Généalogique M. & F. (EGMF) a procédé à la recherche d'héritiers de la défunte, identifiant dans la ligne paternelle deux cousines au 4e degré, Mesdames Y. et Z., cette dernière laissant pour lui succéder après son décès le 6 mai 2008 ses enfants J. W. et H. Z.

La société EGMF a proposé aux héritiers retrouvés de ratifier une convention de révélation de droits successoraux, ce à quoi Mesdames Y. et Z. ont souscrit les 16 et 12 juillet 2006. Elles ont également confié mandat de représentation à EGMF les 16 août et 12 juillet 2006.

Les héritiers d'Yvonne X. s'étant abstenus de payer les honoraires de EGMF, celle-ci les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lille par exploits des 28 et 29 février 2012 pour obtenir condamnation de Madame Y. à lui payer la somme de 24.962,59 euros et de Madame W. et de Monsieur Z. celle de 12.043,86 euros chacun en principal, outre 1 euros de dommages et intérêts et 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 28 mars 2013 le tribunal de grande instance de Lille a débouté les consorts Y., Z. et W. de leurs demandes, a fait droit aux demandes de EGMF en paiement de ses honoraires, avec intérêts au taux légal depuis le 29 novembre 2011 date de la mise en demeure et condamné les consorts Y., Z. et W. à payer une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens. Le tribunal a en outre ordonné l'exécution provisoire de son jugement.

Mesdames Y. et W. et Monsieur Z. ont interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe le 30 mai 2013, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées. Ils en demandent l'infirmation, l'annulation des contrats de révélation de succession pour dol et absence de cause, le rejet des demandes de EGMF et sa condamnation à leur restituer les honoraires déjà payés et à leur payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. À titre subsidiaire ils demandent la réduction des honoraires au montant payé avant l'assignation, la restitution du surplus, le rejet des demandes plus amples de la société EGMF ainsi que de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils soutiennent que la convention de révélation et le courrier d'accompagnement sont rédigés de façon trompeuse en ce qu'il est indiqué que l'héritier n'aura rien à régler, que la nature commerciale de l'opération est dissimulée, qu'il n'est pas indiqué que les honoraires sont négociables, laissant croire à un tarif légal, et ce d'autant qu'il a été indiqué de vive voix qu'il s'agissait d'une démarche obligatoire. Ils soulignent encore le fait que les signataires de la convention étaient âgées de 83 et 91 ans et étaient ignorantes en matière de succession. Ils ajoutent que les clauses du contrat prévoyant la rémunération sont des clauses abusives.

En ce qui concerne la cause du contrat, ils font valoir que l'intervention d'un généalogiste était inutile, l'existence des héritiers prétendument découverts étant connue de l'entourage de la défunte, notamment Madame W., et la société EGMF n'ayant elle-même procédé à aucune recherche.

Ils font enfin valoir le caractère excessif des honoraires réclamés eu égard à l'absence de travail effectif, à la négligence dans l'accomplissement du mandat de représentation et de l'émission de deux factures pour une même prestation.

La société EGMF conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelants à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l'appel, aux motifs que le dol n'est pas constitué, les documents contractuels étant dénués d'ambiguïté et l'âge des contractants étant en soi indifférent à cet égard. Elle ajoute que les contractantes prétendument trompées ont réitéré leur engagement en lui confiant des mandats de représentation, et qu'il n'a jamais été affirmé que son intervention était obligatoire. Elle fait encore remarquer que la recommandation de la commission des clauses abusives n'a pas de caractère normatif et que les contrats contestés ne font mention d'aucune disposition légale relative à la fixation des honoraires.

Elle ajoute que la démonstration de l'absence de cause fait défaut, dans la mesure où les appelants ne peuvent prouver qu'ils avaient connaissance, avant son intervention, du décès de Madame X. et étaient en mesure de faire valoir leurs droits par l'établissement d'une dévolution certaine et exhaustive. Elle fait observer à ce titre que la lettre de Madame W. est postérieure de deux ans à l'acte de notoriété et donc à son intervention. Elle justifie en outre l'ampleur de ses diligences par la production de tableaux de travail réalisés pour établir la vocation successorale des héritiers. Elle s'oppose à toute réduction de ses honoraires, faisant valoir qu'ils sont inférieurs à ceux pratiqués par l'état dans le cadre de l'administration des successions vacantes et que les appelants sont mal fondés à la sollicité alors qu'elle a accompli ses obligations.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu que le 10 juillet 2006 la société EGMF envoyait deux lettres à Mesdames G. Z. et E. Y. leur indiquant qu'en sa qualité de généalogiste, elle avait entrepris des recherches afin de leur révéler des droits dont elles ignoraient l'origine dans une succession, précisant qu'elles n'avaient aucun risque à courir puisqu'elles étaient assurées de n'avoir rien à débourser dans le cadre de cette succession ;

Qu'à cet envoi était joint un contrat de révélation de succession aux termes duquel les honoraires du généalogiste, pour prix de sa révélation, étaient fixés selon un barème forfaitaire progressif, représentant une fraction de la part globale recueillie par l'héritier, assurances-vie comprises ;

Que le contrat stipulait encore que les aléas relatifs à la revendication de la qualité d'héritier resteraient à la charge du généalogiste et qu'aucune somme ne serait à la charge de l'héritier en cas d'insuccès, notamment intervention d'un héritier plus proche, testament déshéritant, existence de dettes absorbant l'actif ;

Qu'il ne résulte pas de ce contrat, ni des lettres d'accompagnement, ni d'aucune des pièces versées aux débats que l'intervention du généalogiste était obligatoire ou que ses tarifs résultaient d'une quelconque disposition légale ou réglementaire à laquelle il n'est d'ailleurs pas fait référence, de sorte que ces documents ne se heurtent pas à la recommandation de la commission des clauses abusives recommandant d'éliminer de telles clauses ;

Que la nature commerciale de l'opération résulte quant à elle clairement de la reproduction, sur le contrat, des dispositions du Code de la consommation applicables en matière de démarchage, et au pied de la lettre d'accompagnement de l'indication de la forme sociale de la société EGMF ;

Que les stipulations contractuelles relatives aux honoraires, à leur montant et aux cas d'exonération sont pour leur part dénuées de toute ambiguïté et parfaitement claires, y compris pour des contractantes d'âge élevé dont il n'est pas allégué qu'elles avaient perdu leur lucidité ;

Qu'aucune manœuvre dolosive de nature à vicier le consentement de Mesdames Z. et Y. n'étant démontrée, les contrats n'encourent pas la nullité de ce chef ;

Attendu que si les appelants montrent que Mesdames Z. et Y. se connaissaient avant le décès de Madame X., notamment au moyen de photographies anciennes, l'existence de liens avec leur cousine au 4ème degré n'est pas établie, pas plus que n'est établi le fait qu'elles ont eu connaissance de son décès, des droits dont elles étaient susceptibles de bénéficier et du nom du notaire chargé de la succession autrement que par l'intervention de la société EGMF ;

Qu'à ce sujet il sera observé qu'aucune revendication spontanée de qualité successorale n'est parvenue au notaire avant la révélation par la société EGMF de la qualité héréditaire de Mesdames Z. et Y. ;

Que la lettre de Madame W., selon laquelle les services de l'étude généalogique lui apparaissent redondants dès lors que le notaire avait en sa possession les documents lui permettant de retrouver les héritiers, n'est pas suffisamment probante de l'absence de cause de l'intervention de la société EGMF, en ce qu'elle lui est largement postérieure et qu'elle demeure trop imprécise sur les renseignements que le notaire a pu avoir en sa possession pour établir avec exactitude et de manière exhaustive la dévolution successorale de Madame X. ;

Que l'absence de cause des contrats n'étant pas établie, la demande de nullité formée à ce titre devra être rejetée ;

Attendu que la société EGMF justifie avoir accompli un travail important pour rechercher les héritiers de Madame X. et certifier la dévolution successorale, ayant abouti à la rédaction d'un acte de notoriété le 13 avril 2007, en réalisant un tableau généalogique complexe ;

Qu'ayant rendu service aux héritiers en leur révélant leurs droits, elle a droit à sa rémunération ;

Que le tarif tel que prévu aux contrats apparaît conforme aux usages habituels en pareille matière, de sorte qu'il n'y a pas lieu de réduire les honoraires du généalogiste ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que Mesdames Y. et W. et Monsieur Z. succombant en leur appel en supporteront in solidum les dépens ;

Qu'ils seront encore condamnés in solidum à payer à la société EGMF la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile devant la Cour ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant :

Condamne in solidum Mesdames Y. et W. et Monsieur Z. à payer à la société ÉTUDE GÉNÉALOGIQUE M. & F. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile devant la Cour ;

Condamne in solidum Mesdames Y. et W. et Monsieur Z. aux dépens de l'appel.

Le Greffier                            Le Président,

Delphine VERHAEGHE.     Evelyne MERFELD.