CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

T. COM BAYONNE, 19 avril 2004

Nature : Décision
Titre : T. COM BAYONNE, 19 avril 2004
Pays : France
Juridiction : Bayonne (TCom)
Demande : 2003/002694
Date : 19/04/2004
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 23/06/2003
Décision antérieure : CA PAU (2e ch. sect. 1), 8 janvier 2007
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 485

T. COM BAYONNE, 19 avril 2004 : RG n° 2003/002694

(sur appel CA Pau (2e ch. sect. 1), 8 janvier 2007 : RG n° 04/02285 ; arrêt n° 4/07)

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

AFFAIRES COURANTES

JUGEMENT DU 19 AVRIL 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG : 2003/002694.

 

DEMANDEUR(S) :

SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS

[adresse]

REPRÉSENTANT(S) : CABINET ERIC CAZAURAN - RENE PAUL ARAEZ

 

DÉFENDEURS(S) :

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE SA

[adresse]

REPRÉSENTANT(S) : Maître HOURCADE FRANCOIS

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU PRONONCÉ :

PRÉSIDENT : M. CHRISTIAN LAFOURCADE

JUGE(S) : M. ROBERT DABBADIE - M. JEAN PIERRE DARMENDRAIL

GREFFIER D'AUDIENCE : M. SALAGOITY

DÉBATS A L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 23 février 2004 :

PRÉSIDENT: M. CHRISTIAN LAFOURCADE

JUGE(S) : M. ALAIN DAVOUST – M. PATRICK PHILIBERT

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 1, première page non numérotée] Par acte introductif d'instance de Maître Pascal MORAU, Huissier de Justice associé de la SCP DAGUERRE - MORAU à [adresse],

La société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS

A fait donner assignation en date du 23 juin 2003 à :

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, [adresse]

Aux fins de comparaître devant ce Tribunal pour s'entendre et voir, et y ajoutant, par ses conclusions responsives ;

Déclarer la demande de la Société à Responsabilité Limitée Caves et Épicerie du Progrès, recevable et bien fondée, et en conséquence ;

À TITRE PRINCIPAL :

Condamner la SOCIÉTÉ GENÉRALE à payer la somme de 69.765,20 Euros au titre des dommages et intérêts ;

Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer la somme de 2.500 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aux entiers dépens ;

Dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC, la SCP CAZAURAN-ARAEZ pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

Ordonner l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution, de la décision à intervenir.

À TITRE SUBSIDIAIRE :

Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à rembourser la somme de 47.797,24 Euros au titre des sommes indûment prélevées ;

Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer la somme de 21.967,96 Euros au titre de dommages et intérêts ;

Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer la somme de 2.500 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aux entiers dépens.

Dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC, la SCP CAZAURAN-ARAEZ pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

Ordonner l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution, de la décision à intervenir.

[minute page 2]

En défense, Maître François HOURCADE dans l'intérêt de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE déclare :

Vu la loi du 24 juillet 1984,

Vu le Code Monétaire et Financier,

Déclarer la demande de la SARL CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS irrecevable en tous les cas mal fondée,

En conséquence,

À titre principal :

La débouter de toutes ses demandes au titre principal et subsidiaire.

En tant que de besoin :

Condamner la SARL CAVÉS et ÉPICERIE DU PROGRÈS à payer à la société générale la somme de 69.765,20 euros plus les intérêts à compter de la décision à intervenir.

En tout état de cause :

Condamner la SARL CAVÉS et ÉPICERIE DU PROGRÈS à payer la somme de 2.500 euros ainsi qu'aux entiers dépens.

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution.

Après 4 renvois, l'affaire est venue en ordre utile à l'audience du 23 février 2004, où elle a été plaidée et mise en délibéré.

 

LES FAITS :

Il n'est pas contesté :

Que la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS a souscrit en 1995 avec la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE un contrat de monétique pour paiement à distance,

Que la société CAVÉS ET ÉPICERIE DU PROGRÈS utilisait déjà depuis 1991 un contrat de monétique pour le paiement de proximité souscrit également avec la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE,

Que si la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS est en mesure de présenter des conditions générales par elle signé en 1991, elle fait reproche à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de l'absence de signature de nouvelles conditions générales en 1995 qui mentionnent une information majeure quant au débit d'office opéré par la banque dans le cas ou la transaction ferait l'objet d'une opposition par le titulaire de la carte,

[minute page 3]

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

A l'appui de l'assignation introductive d'instance et par conclusions en réplique et récapitulatives, la SCP CAZAURAN et ARAEZ, Avocats au Barreau de BAYONNE, plaidant pour la SARL CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS, déclare :

I - LES FAITS :

Par contrat du 13 juillet 1995, la société Caves et Épicerie du Progrès passait avec la Société Générale un contrat dit monétique ou encore dit fournisseur lui permettant d'accepter des paiements à distance. Ce contrat permettait ainsi à la société Caves et Épicerie du Progrès de vendre ses produits sur Internet et de se créer ainsi une clientèle à l'étranger.

N'ayant pas l'habitude de travailler avec des clients demandant à acheter et payer depuis l'étranger la Société Caves et Épicerie du progrès s'est rapprochée de sa banque afin de prendre conseil. Cette dernière a alors aiguillé la Société Caves et Épicerie du progrès vers la souscription d'un contrat monétique d'acceptation des paiements à distance.

Suite à de prétendues contestations des porteurs, la Société générale a débité le compte de la Société caves et Épicerie du progrès de la somme de 69.765,20 €. Pour justifier ces débits la Société Générale s'est référée à des conditions générales du contrat monétique qu'elle n'avait pourtant jamais remis à son client.

L'une des clauses de ces conditions générales autorisait la Société Générale à débiter d'office le compte de l'accepteur, c'est-à-dire la Société Caves et Épicerie du Progrès, du montant de toute opération de paiement dont la réalité ou le paiement serait contesté par écrit par le titulaire de la carte. Se fondant sur cette clause, la Société Générale a débité le compte de la Société Caves et Épicerie du Progrès de la somme de 69.765,20 €.

 

II - LE MANQUEMENT DE LA BANQUE A SON DEVOIR D'INFORMATION ET DE CONSEIL LORS DE LA SOUSCRIPTION AU CONTRAT MONÉTIQUE PAR LA SOCIÉTÉ CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS :

La Société générale a doublement manqué à son devoir d'information puisque non seulement elle n'a pas remis à la société Caves et Épicerie du progrès les conditions générales régissant le contrat monétique d'acceptation des paiements à distance qui comprennent pourtant des dispositions fondamentales, mais aussi s'est abstenue d'exposer de manière explicite les conséquences financières liées aux risques de fraude inhérents aux paiements par carte bleue à distance.

Le 13 juillet 1995, la Société Caves et Épicerie du Progrès souscrivait auprès de l'agence de la Société Générale de Biarritz un contrat monétique commerçant dénommé « Adhésion au système de paiement par carte CB ou agrées - Contrat d'acceptation en paiement à distance ». Ce contrat, comme son nom l'indique, était un contrat destiné à permettre à la Société Caves et Épicerie du Progrès de réaliser des ventes à distance par téléphone, minitel ou encore internet. Ce contrat selon les documents remis par la Société Générale se compose de 3 feuillets.

La seule mention d'une information donnée au client sur les conditions particulières de ce contrat sur le contrat lui-même est la suivante : « Je reconnais avoir pris connaissance de l'ensemble de ces dispositions (conditions générales et conditions particulières convenues avec la Société Générale) dont un exemplaire m'a été remis et déclare les accepter sans réserve... Le(s) service(s) contracté(s) dans le cadre des dispositions particulières est (sont) défini(s) sur les feuillets annexes intitulés Conditions particulières de Fonctionnement Point de vente ».

[minute page 4] La Société Caves et Épicerie du progrès n'a donc été informé qu'accessoirement de l'existence des conditions particulières et générales qui régissaient le contrat monétique d'acceptation de paiement à distance qu'elle avait souscrit auprès de la Société Générale. Surtout que la Société Générale n'a pas remis à la Société Caves et Épicerie du progrès les conditions générales et particulières du contrat de vente à distance.

La société Générale fait parafer les conditions générales et particulières à ses clients. Ainsi, lorsque la Société Caves et Épicerie du progrès a souscrit le 2 décembre 1991 un contrat monétique pour le paiement de proximité (c'est-à-dire le paiement par carte bleue au sein du magasin), il lui a été remis un exemplaire des conditions générales d'adhésion qu'elle a dûment parafé sur chaque page.

Aujourd'hui la Société Générale affirme sans aucune preuve qu'elle a remises les conditions générales du contrat monétique de vente à distance à la Société Caves et Épicerie du progrès. Si tel était le cas, elle devrait être à même de produire les conditions générales de ce contrat monétique dûment parafé. Tel n'est absolument pas le cas puisque la Société Générale a même eu du mal à se procurer ne serait-ce qu'un exemplaire vierge desdites conditions générales.

La SCP CAZAURAN n'obtenait finalement communication des conditions générales que le 11 septembre 2002, mais il s'agissait bien évidemment de conditions générales vierges c'est à dire non parafées. Selon les dires mêmes de la Société Générale dans son courrier du 11 septembre 2002, le long délai qu'il lui a fallu pour transmettre ces conditions générales s'explique par le fait que ledit document avait du être réclamé auprès des services de la Société Générale à PARIS.

La Société Caves et Épicerie du progrès est aujourd'hui en droit de se demander si les conditions générales qu'on lui présente aujourd'hui sont bien les conditions générales qu'on aurait dû lui présenter lorsqu'elle a souscrit le contrat monétique d'acceptation des paiements à distance. Le fait que le corps du contrat monétique comprenne une ligne selon laquelle le signataire du contrat reconnaît avoir pris connaissance de l'ensemble des dispositions et qu'il lui a été remis un exemplaire des conditions générales et particulières ne peut être la preuve en soi que les conditions générales lui ont effectivement été remises.

La Société Caves et Épicerie du Progrès n'a pas eu en sa possession physique ces conditions générales et particulières qui comportent pourtant une clause fondamentale. En effet, les contrats monétiques comportent une clause que l'on ne trouve dans aucun autre type de contrat et qui mérite d'être soulignée et explicitée aux commerçants qui souscrivent ce genre de contrat.

Selon l'article 3.8 des conditions générales l'accepteur, (c'est-à-dire la Société Caves et Épiceries du Progrès) s'engage à :

- autoriser expressément la Société Générale à débiter d'office son compte du montant de toute opération de paiement dont la réalité même où le montant serait contesté par écrit par le titulaire de la carte.

- assumer l'entière responsabilité des conséquences dommageables directes ou indirectes de tout débit erroné et de tout débit contesté par un client.

Concrètement cela revient à dire que si l'auteur de la commande n'est pas le titulaire de la carte et conteste la facture, la banque est autorisée à débiter d'office le compte de l'entreprise et ceci alors même que la commande a été livrée. Une telle clause, étant donné ses conséquences financières, est déterminante de l'acceptation d'une entreprise de souscrire un contrat monétique et aurait dû de ce fait se trouver non pas à la 5ème page d'un recueil de conditions générales sur un document papier tiers mais sur le corps même du contrat.

Il appartenait à la Société Générale d'attirer l'attention de la Société Caves et Épicerie du progrès sur cette particularité et non pas de se contenter de l'insérer dans une pléiade de conditions générales et particulières contenues sur un autre support papier que le contrat, surtout lorsque cet autre papier n'est pas remis au client...

[minute page 5] 1-2 La Société Générale n'a pas exposé les risques financiers très spécifiques de ce type de contrat à la société Caves et Épicerie du progrès comme elle aurait dû le faire.

La Société Générale dans ses écritures fait état de jurisprudences relatives à l'obligation d'information du banquier. Parmi ces jurisprudences, pour la plupart sans aucun rapport avec le problème soulevé, il en ressort une intéressante qui selon les dires même de la Société Générale a jugé fautive une banque qui a laissé son client s'engager dans des conditions très risquées.

En informant pas la Société Caves et Épicerie du Progrès comme elle devait le faire, la Société Générale n'a pas permis à la Société caves et Épicerie du progrès de mesurer l'ampleur les conditions très risquées de l'engagement qu'elle prenait. Par conséquent, il est légitime de comprendre qu'au regard des idées qu'elle expose, la Société générale reconnaît elle-même avoir manqué à son devoir d'information.

Cette information de l'entreprise qui entendait souscrire un contrat monétique en 1995 se justifiait d'autant plus qu'a l'époque cette pratique de faire supporter les risques de fraude bancaire aux entreprises qui acceptaient les paiements à distance était purement contractuelle et non légale comme aujourd'hui.

Cette obligation d'information incombe au banquier, prestataire de services financiers, comme le rappelle la loi du 18 janvier 1992: « tout professionnel vendeur de biens ou prestataires de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ». Cette disposition légale s'applique au banquier.

Par conséquent, contrairement à ce que la Société générale veut faire croire au Tribunal, la Société Caves et Épicerie du progrès n'avait aucune expérience dans la vente à distance par un système de paiement carte bleue. C'est parce qu'elle n'avait absolument aucune compétence en la matière que la Société Caves et Épicerie du progrès, au travers de Monsieur X., a cherché à se renseigner auprès de sa banque sur les possibilités de vente par Internet.

Lorsqu'un commerçant reçoit une demande d'achat à distance par le biais d'un contrat monétique d'acceptation des paiements à distance, il transmet par téléphone le n° de carte bleue du client et la date d'expiration de cette carte à un centre de gestion des cartes bleues qui lui donne ou pas un n° d'autorisation qui permet de valider la vente.

Par cette procédure préalable, la Société caves et Épicerie du progrès pensait être couverte de tous risques. Il était un minimum que la société générale renseigne complètement ses clients, comme ceux-ci étaient venus le demander, puisqu'ils ne connaissaient rien à ce système d'acceptation des paiements à distance.

Par conséquent qu'il était du devoir du banquier d'informer la société caves et Épicerie du progrès, et plus précisément Monsieur X., des importants risques de fraude et des conséquences financières de ces fraudes pour le commerçant.

2) Le manquement de la Banque à son obligation de conseil lors de la souscription au contrat monétique par la Société Caves et Épiceries du Progrès

Les conseils qu'auraient dû apporter la Société Générale à la Société Caves et Épicerie du progrès sur les risques financiers du contrat monétique et sur l'opportunité de souscrire une assurance n'aurait certainement pas fait d'elle un dirigeant de fait s'ingérant dans les affaires de son client.

La banque aurait du conseiller la Société Caves et Épicerie du Progrès sur la possibilité et l'intérêt de souscrire une assurance ou tout autre produit financier permettant des paiements à distance présentant un degré de sécurité plus élevé. Cette simple démarche n'a, elle aussi, pas été faite.

[minute page 6] Il sera rappelé que les sommes débitées s'élèvent à l'importante somme de 69.765,20 € et qu'une telle perte aurait pu être évitée si la banque avait rempli son devoir de conseil et proposé une assurance. Ce devoir de conseil découlait pour la banque tant d'une disposition conventionnelle que d'une obligation jurisprudentielle. L'article 4.3 des conditions générales prévoit : « La Société Générale s'engage à mettre à la disposition de l'accepteur..., les informations relatives à la sécurité des transactions ».

La sécurité de la transaction n'est pas du tout assurée pour le commerçant qui risque de voir son compte débité d'office suite à une transaction par Carte Bleue dont le porteur conteste la réalité. En ne proposant pas d'assurance, la Société Générale n'a pas mis à la disposition de l'accepteur les informations relatives à la sécurité des transactions comme le prévoit pourtant l'article 4.3 des conditions générales.

Ainsi, la Société Générale n'a pas respecté son obligation contractuelle et a ainsi violé l'article 1134 du code civil selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Concernant le problème spécifique de l'obligation du banquier de proposer une assurance lorsque son client encourt un risque financier majeur, il faut se référer à une jurisprudence de la Chambre commerciale du 12 juillet 1993. En effet, si on analyse a contrario cette jurisprudence, on se rend compte que les juges entendent retenir la responsabilité des banquiers qui, sachant que le contrat en question ne mentionne pas cette possibilité, ne propose pas une assurance alors qu'ils savent que leur client encourt un risque financier.

Selon cette jurisprudence il est évident qu'en ne proposant pas une assurance à la Société Caves et Épicerie du progrès, la Société Générale a commis une faute. Dans le cadre du contrat « potestatif » monétique souscrit par la Société Caves et Épicerie du Progrès le devoir de conseil de la Société Générale était d'autant plus important que son cocontractant se trouvait, de par les termes du contrat, « pieds et poings liés ».

La souscription d'une assurance est pour celui qui souscrit un contrat monétique la seule marge d'action et que la banque se doit donc d'autant plus de conseiller son client sur cette possibilité. En ne fournissant pas à son client le conseil que celui-ci était en droit d'attendre, la banque a manqué à son obligation de conseil et a ainsi commis une faute.

Eu égard à son manquement à son obligation d'information et à son obligation de conseil, la Banque Société Générale engage sa responsabilité et devra dès lors être condamnée à des dommages et intérêts à hauteur des sommes débitées sur le compte de la Société Caves et Épicerie du Progrès.

 

III - L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE DÉ LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE :

La loi du 15 novembre 2001 prévoit de façon très explicite que les banques ne peuvent retirer quelque bénéfice que ce soit de ces fraudes bancaires. En effet, l'article L. 132-5 du Code Monétaire et Financier prévoit que la banque est tenue de rembourser au titulaire de la carte la totalité des frais bancaires qu'il a exposés.

La banque n'a effectivement pas à s'enrichir au motif qu'il y a eu une fraude sur des instruments de paiements. Par ailleurs, cette exigence de sécurité est largement rémunérée par les usagers des modes de paiement telle la carte bancaire à travers le prix de ces cartes mais aussi le prix des cotisations qu'ils doivent payer à la Banque. La Société Caves et Épicerie du Progrès lorsqu'elle a souscrit le contrat d'acceptation de vente à distance avec la Société Générale devait payer des frais, sous forme de commissions, pour l'usage et la sécurité du service que lui proposait la Société Générale.

[minute page 7] En effet, aux termes de l'article 3.7 des conditions générales il est prévu que l'accepteur, c'est-à-dire le commerçant, s'engage à « Régler selon les conditions particulières convenues avec la Société Générale les commissions, frais et d'une manière générale, toutes sommes dues au titre de l'adhésion et du fonctionnement du système CB ».

Il était par ailleurs prévu que la Société Générale prenait des commissions sur le recouvrement des opérations encaissées par le commerçant. Dès lors que ses opérations ont été annulées, les commissions sur ces opérations n'ont plus lieu d'être.

La Société Générale insiste sur le fait que l'action d'in rem. verso ne peut être intentée lorsque l'on se situe dans un cadre contractuel. Cette règle n'est absolument pas remise en cause en l'espèce puisque lorsque la Société Générale a encaissé les commissions correspondantes aux opérations annulées, on ne se trouvait déjà plus dans un cadre contractuel.

Il est effectivement prévu que le contrat est le suivant : la Société générale encaisse des commissions pour chaque opération bancaire passée par la société Caves et Épicerie du progrès. Par conséquent, lorsqu'une opération est annulée, le contrat n'a plus lieu de s'appliquer et la banque n'a pas à prélever sa commission.

La banque dans un courrier du 11 septembre 2002 affirmait que la perception des commissions restait acquise et cela malgré le fait que les opérations sur lesquelles portaient lesdites commissions étaient annulées et leur montant débité du compte de la Société Caves et Épicerie du Progrès.

Le Tribunal constatera que la Banque tire un profit évident de la fraude bancaire puisqu'elle n'a aucun frais :

- les sommes qu'elle rembourse au porteur de la carte sont ensuite récupérées puisqu'elle les débite sur le compte du commerçant

- les commissions qu'elle avait prélevées, pour des opérations qui sont par la suite annulées, lui restent acquises.

Si par extraordinaire le Tribunal ne condamnait pas la Société Générale au remboursement des sommes indûment débitées sur le compte de la Société Caves et Épicerie du Progrès, il retiendra à titre subsidiaire l'absence de justification des débits réalisés sur le compte de la Société Caves et Épicerie du Progrès par la Société Générale.

 

IV - A TITRE SUBSIDIAIRE L'ABSENCE DE JUSTIFICATION DES DÉBITS RÉALISES SUR LE COMPTE DE LA SOCIÉTÉ CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS PAR LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE :

Selon la loi sur la Sécurité Quotidienne du 15 novembre 2001, retranscrit aux articles L. 132-4 à L. 132-6 du Code Monétaire et Financier, le porteur, toujours en possession physique de sa carte, mais dont le numéro a servi pour un usage frauduleux, a 70 jours pour contester les opérations réalisées avec sa carte.

Si la contestation intervient dans ce délai, les sommes contestées sont recréditées au porteur de la carte par l'émetteur de la carte. Les banques se remboursent ensuite de ces sommes en usant du contrat d'acceptation-vente à distance en débitant des montants correspondants les commerçants bénéficiaires de ces paiements frauduleux.

Seules les contestations ayant fait l'objet d'une preuve écrite dans les 70 jours peuvent servir de fondements à des débits en conséquence du compte du commerçant. La banque prétend que le délai de contestation des porteurs n'est pas de 70 jours comme le prévoit la loi mais de 6 mois conformément à l'article 3.6 des conditions générales.

[minute page 8] Cet article 3.6 n'a absolument aucun rapport avec le délai de contestation porteur puisqu'il s'agit d'un article qui se situe au sein de l'article 3 sur les dispositions relatives à l'accepteur et qui stipule que ce dernier, c'est-à-dire le commerçant, a un délai de 6 mois pour transmettre à la société générale l'enregistrement des transactions qu'il a passé.

La Société Générale a effectué 23 débits sur le compte de la Société Caves et Épicerie du Progrès et ce pour un montant total de 69.765,20 €. Pour chacun des débits qu'elle a effectué sur le compte de la Société Caves et Épicerie du Progrès la Société Générale a ouvert un dossier. Sur ces 23 débits, la Société Générale n'a été à même d'en justifier, en produisant les contestations clients, que 13.

Malgré toute sa diligence et ses demandes, la Société Caves et Épicerie du Progrès n'a pu obtenir que 13 véritables contestations par écrit de porteur. La Société Générale prétend avoir fourni 7 autres contestations porteurs qui correspondraient aux dossiers n° 2MI0549701, n°2 MI0551101, n° 2M10551301, n° 2MI0551501, n° 2MI0552101, n° 2MI0552201, n°2 MI0552301.

Ces documents ne peuvent être retenus comme des contestations porteurs puisque tous correspondent à un seul et unique relevé de compte sur lequel ne figurent pas les sommes prélevées correspondant audits 7 dossiers susvisés.

Ce fameux relevé de compte fait état de 4 paiements en faveur de la Société Caves et Épicerie du Progrès et qu'il y avait donc là bien lieu à ouvrir 4 dossiers contestations porteurs. Les montants correspondants aux 7 autres dossiers ne se vérifient pas sur le relevé de comptes et ne pouvaient donc lieu aux débits fantaisistes des sommes correspondant à ces 7 dossiers qui ne se justifient par aucune contestation porteur.

Dès lors, seuls 13 débits s'accompagnent aujourd'hui de contestations porteurs comme le prévoit la loi du 15 novembre 2001. Sur ces 13 contestations de porteurs, 1 est hors délai puisqu'elle est intervenue au-delà du délai légal de 70 jours. En effet, la contestation porteur correspondant au dossier n°2VI0544601 de la Société Générale date du 10 mai 2002 soit plus de 70 jours après l'opération contestée qui elle date du 26 février 2002.

Cette opération portait sur une somme de 4.000 €. Dés lors, cette contestation porteur n'est pas valable et elle ne pouvait donner lieu à un débit de 4.000 E du compte de la Société Caves et Épicerie du Progrès.

Les 2 autres de ces 13 contestations porteurs sont quant à elles illisibles sur le montant contesté et sur la date de transaction initiale. Ces 2 contestations porteurs sont ainsi invérifiables et que l'on ne peut savoir à quel dossier de la Société Générale elles correspondent. Ces deux contestations sont, selon la Société Générale, relatives aux dossiers n°2MI0494101 et n°2MI0558001.

Il n'est pas surprenant de constater que la Société Générale affirme que ces montants illisibles sont respectivement de 7.616,80 € et de 7.836,68 € lorsque l'on se rend compte que les montants mentionnés sont les plus élevés des montants débités sur le compte de la Société Caves et Épiceries du Progrès n'ayant pas encore été justifiés.

Le montant de ces contestations porteurs n'étant pas lisibles, donc pas identifiables, il ne peuvent donner lieu à un débit de la part de la société Générale. Ainsi les dossier n°2M10558001, n°2MI0494101 et n° 2M10558001 de la Société Générale correspondant à un débit de 4.000 €, 7.616,80 € et 7.836,68 € ne sont pas corroborés par une contestation du porteur valable.

Sur les 13 contestations porteurs fournis seules 10 peuvent être vérifiés, étant compris celle qui est hors délai. Ainsi la Société Générale ne peut réellement justifier que 9 débits sur les 23 qu'elle a effectuées.

[minute page 9] Ces 10 débits correspondent aux 10 dossiers de la Société Générale suivants : 2FI1627001, 2FI1853901, 2VI0368701, 2VI0368601, 2MI0550101, 2MI0550401, 2MI0550701, 2MI0550901, 2V10323901, 2V10431801. Le montant des débits justifiés par des contestations porteurs valables s'élève à la somme de 21.967,96 €.

Les débits injustifiés réalisés par la Société Générale sur le compte de la Société Caves et Épicerie du Progrès se chiffrent à 47.797,24 €. Le Tribunal remarquera que la société Générale ne conteste pas ces faits et ne soulève pour sa défense que l'argument selon lequel elle aurait versé au débat autre chose que les 7 contestations.

Dès lors, la Société Générale doit rembourser ladite somme de 47.797,24 € à la Société Caves et Épicerie du Progrès puisqu'elle n'est pas en mesure de justifier du bien fondé des débits qu'elle a effectuées.

 

V - LES PRESSIONS EXERCÉES EN COURS DE PROCÉDURE PAR LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE :

La Société Générale a tout d'abord menacé la Société Caves et Épicerie du progrès par courrier des 9 et 11 février 2004 qu'elle rejetterait le paiement des chèques n° 1488 - 1490 - 1492 - 1493 - 1484 et 1494 au motif d'une absence de provision.

Il est tout de même important de préciser au tribunal que le découvert de la Société caves et Épicerie du progrès était largement dans les limites du découvert autorisé et qu'il n'y avait donc absolument aucune raison de refuser le paiement de ces chèques.

Enfin il est important de porter à la connaissance du tribunal que la Société Générales a par courrier du 13 février 2004 informé la Société Caves et Épicerie du progrès qu'elle clôturait son compte courant n° 00261/XXX pour le 13 avril 2004...

Dans ces conditions, il serait inéquitable que la Société Caves et Épiceries du Progrès supporte les frais irrépétibles non compris dans les dépens. Il lui sera alloué une indemnité de 2.500 € en application de l'article 700 du NCPC.

 

En défense, Maître François HOURCADE, Avocat au Barreau de BAYONNE, dans l'intérêt de La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE expose ce qui suit :

Les relations entre les parties :

En date du 13 juillet 1995, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et la société CAVES ÉPICERIE DU PROGRÈS ont conclu un contrat monétique d'acceptation en paiement à distance. Selon l'article 1 des conditions générales de ce contrat : « par paiement à distance CB, il faut entendre paiements par correspondance et assimilé (fax, télex...), par téléphone et audiotex, vidéotex (minitel) ou par terminal pour lesquels la transaction financière est réalisée au moyen d'un numéro de carte de paiement. Cela ne concerne pas les « télépaiements sécurisés par cartes bancaires à puces » ».

Ainsi lors de la procédure de paiement, le titulaire de la carte communique à l'accepteur le numéro de la carte et la date d'échéance de celle-ci et, à chaque fois que cela est possible et ou nécessaire, son nom et prénom. En cas de paiement par correspondance, le titulaire de la carte appose en plus sa signature sur le bon de commande.

Le système de paiement par cartes bancaires CB que la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS avait choisi particulièrement reposait sur l'utilisation des cartes bancaires pour le paiement des achats. Ainsi était utilisable dans le cadre de ce système CB :

- les cartes présentant le sigle CB,

- [minute page 10] les cartes portant la marque VISA ou EUROCARD ou MASTERCARD acceptées en FRANCE,

- les cartes émises dans le cadre de réseaux étrangers ou internationaux homologués par le GIE CB et dont l'acceptant peut obtenir le signe de reconnaissance auprès de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE.

L'article 3 des conditions générales d'adhésion au système de paiement à distance par cartes bancaires, fait état des dispositions relatives à l'accepteur. Ce dernier s'engage à donner un traitement équivalent à celui qui achète à distance par carte bleue et à celui qui se rend au magasin.

Ainsi, la SARL CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS serait tenue de signaler au public de façon apparente sur le support de vente l'acceptation des cartes, appliquer au titulaire des cartes le même prix et tarif qu'a l'ensemble de sa clientèle, même lorsqu'il s'agit d'articles vendus à titre de promotion ou de soldes, informer clairement la clientèle de la procédure avec laquelle elle peut utiliser les cartes pour le règlement de ses achats.

La société CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS prend les engagements suivants à l'égard de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE (ces engagements sont recueillis comme pour tout contrat monétique type, sous la rubrique : « dispositions relatives à l'accepteur ») :

- Ainsi en vertu de l'article 3.6. la société CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS se doit de transmettre les enregistrements des transactions à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE dans le délai prévu dans les conditions particulières convenues avec elle. Au-delà d'un délai maximum de 6 mois après la date de transaction, l'encaissement des transactions auprès de la banque émettrice n'est plus réalisable dans le cadre du système carte bleue.

- la société CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS doit également régler les commissions et frais d'une manière générale toute somme due au titre de l'adhésion et essentiellement du système CB.

- En outre CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS autorise expressément la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à débiter d'office son compte du montant de toute opération de paiement dans la réalité même où le montant serait contesté par le titulaire de la carte. (Article 3.8.)

A ce titre, elle assumera l'entière responsabilité des conséquences dommageables directes ou indirectes de tout débit erroné ou de tout débit contesté par un client. (Article 3.9.)

Cette précaution est doublée d'un article 5 intitulé « garanties de paiement », par le biais duquel la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE garantit les opérations de paiement sous réserve du respect de l'ensemble des mesures de sécurité à la charge de l'accepteur et définies dans les présentes conditions générales ainsi que dans les conditions particulières du fonctionnement sauf en cas de :

- réclamation écrite du titulaire de la carte qui conteste la réalité même ou le montant de la transaction,

- opération réalisée au moyen d'une carte non valide périmée ou annulée.

Certains clients de la société CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS ont contesté les débits effectués par leur carte bleue dans les conditions décrites ci-dessus. Par conséquent et comme stipulé contractuellement, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a débité le compte de la Sarl CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS du montant des sommes contestées, lesquelles s'élèvent 69.765,20 euros. Pour la société CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS, en agissant ainsi, la banque aurait engagé sa responsabilité qu'elle serait fondée à demander réparation.

La SARL CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS soutient que la banque aurait manqué à son devoir d'information et de conseil lors de la souscription au contrat monétique par elle et à tout le moins, se serait enrichie sans cause à son égard. Enfin et à titre subsidiaire elle fonde son action sur l'absence de justification des débits réalisés sur les comptes de la SARL CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE.

[minute page 12]

Discussion :

Sur le premier argument tiré du prétendu manquement de la banque à son devoir d'information lors de la souscription au contrat monétique par la société CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS. Lors de la signature le 13 juillet par la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE du contrat monétique, les conditions générales ainsi que les conditions spéciales ont été remises à la Sarl CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS qui les parfaitement acceptées.

La société CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS le reconnaît, elle-même, lorsqu'elle signe en bas du contrat qu'elle date et sur lequel figure la mention : « avoir pris connaissance de l'ensemble de ces dispositions dont un exemplaire m'a été remis et déclare les accepter sans réserve ». Par conséquent l'affirmation selon laquelle la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n'aurait pas transmis les conditions générales est totalement inexacte.

Un exemplaire de ces dernières a bien été remis au client de la banque lors de la signature de ce contrat, et la Sarl CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS ne peut prétendre le contraire. Le délai d'envoi de ce double, qui n'a été communiqué que le 11 septembre 2002, s'explique par le fait que le contrat qui datait de 7 ans, avait été archivé par l'agence et qu'il a donc fallu demander l'original du contrat aux services centraux parisiens.

La preuve est rapportée que la société CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS a bien eu connaissance des conditions générales cette preuve écrite découlant de la pièce n° 1 versée aux débats par la société CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS elle-même à savoir le contrat d'acceptation en paiement à distance.

Le devoir d'information de la banque est, en premier lieu, une création jurisprudentielle qu'il convient de moduler en fonction du degré de qualification du cocontractant. Si l'établissement de crédit est la partie la plus expérimentée dans le domaine financier, il n'en demeure pas moins que la Sarl CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS a l'habitude d'accepter des paiements par carte bleue au quotidien et ce d'autant plus en rappelant la notoriété de la maison X. qui vend ses produits dans le monde entier et qui réalise un CA annuel supérieur à 500.000 €.

On ne saurait la considérer profane ou consommateur dans le domaine de l'acceptation de paiements alors même que la jurisprudence refuse la notion de consommateur au cocontractant en décidant que c'est la destination professionnelle de l'opération qui explique que celui qui la réalise n'est pas traité en consommateur.

Il s'avère que dans le contrat type proposé à la SARL CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS les clauses étaient parfaitement bien définies. Par ailleurs, toutes les banques qui tiennent compte des dispositions prescrites par la Loi de sécurité quotidienne proposent le même type de contrat sans pour autant que la banque doive attirer l'attention particulière du client sur une des clauses contenue dans ce dernier.

 

Sur le prétendu manquement de la banque à son obligation de conseil :

La Sarl CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS prétend également que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aurait manqué à son devoir de conseil. Le devoir de conseil qui est une conséquence de l'obligation de vigilance du banquier, a pour seule limite la compétence qu'on peut attendre d'un professionnel et les possibilités qu'offre une entreprise correctement organisée et structurée.

Les risques d'une fraude par carte bleue volée existent également lorsque le paiement ne s'effectue pas par le biais d'internet. La simple raison pour laquelle la banque SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n'a pas proposé une souscription d'assurance à son client c'est qu'il n'y avait pas d'assurance prenant en charge ce type de risque accepté complètement par le client lors de la signature du contrat monétique.

[minute page 12] La société CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS avait été conseillée au moment où elle était en possession de l'information nécessaire lorsqu'elle a conclu ce contrat. La Sarl CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS ne saurait soulever le manquement des obligations de la banque et devrait se conformer à ce qui était stipulé dans les conditions générales de vente conformément à ce que le droit français appliquant la théorie générale du consensus prescrit lors de la conclusion d'un contrat.

 

Sur l'argument tiré de l'enrichissement sans cause de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE :

La banque n'a nullement cherché à s'enrichir du fait qu'il y ait eu fraude sur les instruments de paiement. Les commissions encaissées restant effectivement acquises sauf si les commerçants procèdent à l'annulation des factures (dans ce cas les commissions sont automatiquement reversées aux commerçants), il est important de noter qu'une partie des commissions est reversée au système bancaire et que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne facture pas contrairement à ce que font la plupart des entités bancaires des frais de traitement des impayés.

De même les commissions restent acquises lorsque la fraude a lieu par le biais d'un paiement par carte bancaire d'un client qui achèterait in situ les produits de la Sari CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS. La Sarl CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS prétend effectuer une action de in rem verso en demandant au Tribunal de condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE au remboursement des sommes indûment débitées sur son compte.

Il est de jurisprudence constante que l'action de in rem verso ne doit être admise que dans le cas où le patrimoine d'une personne se trouvant sans cause légitime enrichie au détriment de celui d'une autre personne, celle ci ne jouirait pour obtenir ce qui lui est dû d'une action naissante d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit et elle ne peut être intentée en vue d'échapper aux règles par lesquelles la Loi a expressément défini les effets dans le contrat déterminé .

Or, il appartient à la SARL CAVES et ÉPICERIE DU PROGRÈS si elle s'estime lésée dans ses droits d'engager une action en responsabilité contractuelle car un contrat existait bel et bien entre les parties. Cette action in rem verse ayant manifestement un caractère subsidiaire, elle ne pourra être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur.

 

Sur la prétendue absence de justification des débits réalisés sur le compte de la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE :

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a versé aux débats autre chose que les 7 contestations qui correspondraient au dossier cité dans l'assignation. En effet, elle envoie un avis d'opération en précisant l'opération d'origine :

- n° de carte

- date des ventes

- le montant

- date de remise

- n° de remise

- ainsi que les motifs de l'impayé.

En l'espèce, il a bien été envoyé 23 justificatifs mentionnant la contestation des porteurs.

En ce qui concerne les délais, il s'avère que le seul délai contractuellement convenu est celui de 6 mois (article 3.6.), Au-delà duquel la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE s'engage à ne pas débiter les opérations non garanties et qui n'ont pu être imputées au compte du porteur.

Une fois de plus, les arguments de la Sarl CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS avancés à titre subsidiaire devront être rejetés de plus fort et cette société condamnée sur la base des articles 700 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 13] SUR CE LE TRIBUNAL,

Sur le contrat monétique et conditions générales :

Attendu que la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS ne conteste pas avoir signé en date du 13 juillet 1995, une demande d'adhésion au Système de Paiement par Cartes Bancaires (CB) ; que la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS fait grief à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de ne pas lui avoir remis les conditions générales régissant le contrat monétique signé ;

Que dans ledit contrat d'acceptation en paiement à distance approuvé et signé le 13 juillet 1995 par la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS, il est stipulé : « Je soussigné... demande à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE..., mon adhésion au système « CB » selon :

- les conditions générales,

- les conditions particulières convenues avec la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE.

Je reconnais avoir pris connaissance de l'ensemble de ces dispositions dont un exemplaire m'a été remis et déclarer les accepter sans réserves. »

Qu'à l'appui de ses prétentions, la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS a produit ledit contrat d'adhésion ainsi que les conditions particulières de fonctionnement point de vente et fonctionnement service portant cachet et signature de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ; que les conditions particulières du contrat prévalent sur les conditions générales ;

Que le contrat d'adhésion présenté comporte la mention manuscrite « lu et approuvé » au-dessus de la signature de l'accepteur ; que [sur] les deux autres documents n'apparaît seulement que la signature de l'accepteur sans la mention manuscrite précitée :

Attendu que la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS soutient qu'elle n'avait aucune expérience dans la vente à distance par un système carte bleue ; que le Tribunal ne pourra suivre complètement le demandeur dans cette affirmation dans la mesure, où elle produit les conditions générales d'adhésion au système par carte qu'elle a signé précédemment avec cette même banque en date du 2 décembre 1991 ;

Que déjà dans les conditions générales de 1991, il est stipulé en son article 3.8 : « faire son affaire personnelle des litiges et de leurs conséquences financières pouvant survenir avec les clients et concernant les biens ou services faisant l'objet du règlement » ; que de ce fait, la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS avait une parfaite connaissance des risques encourus par elle lors de l'utilisation par le client d'une carte bleue, risque aggravé dans le cas présent, par une vente à distance par le même dispositif ;

Que l'évocation par la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS de l'article 3.8 des nouvelles conditions générales produites, ne fait que confirmer ce que précédemment établi puisque la nouvelle formulation dudit article ne fait que développer les conséquences financières décrites dans les conditions générales de 1991 pour l'utilisation de ce mode de paiement à savoir : « l'accepteur s'engage à :

- autoriser expressément la Société Générale à débiter d'office son compte du montant de toute opération de paiement dont la réalité même où le montant serait contesté par écrit par le titulaire de la carte.

- assumer l'entière responsabilité des conséquences dommageables directes ou indirectes de tout débit erroné et de tout débit contesté par un client. »

En conséquence le Tribunal déclarera sans équivoque l'acceptation par la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS, de l'offre d'adhésion remise par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE pour le paiement à distance et la parfaite connaissance qu'elle avait des conditions générales puisque elle les a approuvés, signé et donc formellement acceptées ;

[minute page 14]

Sur l'enrichissement sans cause de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE :

Attendu que dans les conditions particulières de fonctionnement signé en 1995, le taux de commission est bien mentionné en pourcentage et pour le montant fixe, par facture ; que la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS ne conteste pas en avoir pris connaissance et avoir signé ledit document ;

Que le Tribunal déclarera que dans la mesure où le banquier n'a pas à se faire juge de la validité de l'opposition qui emporte révocation immédiate du mandat de payer, ce dernier est en droit de facturer les commissions dont la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS a souscrit l'engagement de payer à chaque opération ;

En conséquence le Tribunal déboutera la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS du chef de sa demande à ce titre ;

 

Sur l'absence de justificatif des débits réalisés :

Attendu que l'article L. 132-2 du Code Monétaire et financier stipule : « L'ordre ou l'engagement de payer donné au moyen d'une carte de paiement est irrévocable. Il ne peut être fait opposition au paiement qu'en cas de perte, de vol ou d'utilisation frauduleuse de la carte ou de données liées à son utilisation, de redressement ou de liquidation judiciaire du bénéficiaire ».

Que l'article L. 132-6 du même Code quant à lui dispose : « Le délai légal pendant lequel le titulaire d'une carte de paiement ou de retrait a la possibilité de déposer une réclamation est fixé à soixante-dix jours à compter de la date de l'opération contestée. Il peut être prolongé contractuellement, sans pouvoir dépasser cent vingt jours à compter de l'opération contestée ».

Que le délai de 70 jours sus indiqué, qui peut faire l'objet d'un accord de prorogation, n'est contractuel qu'entre l'organisme émetteur et le titulaire de la carte ; que les opérations de paiements dont il s'agit ayant été déclarées litigieuses par le propriétaire de la carte, il ne peut être fait grief à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE du délai de 70 jours qui ne lui est pas opposable, la banque comme indiqué précédemment, n'ayant pas à se faire juge de la validité de l'opposition qui emporte révocation immédiate du mandat de payer ;

En conséquence le Tribunal, déboutera la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS de sa demande sur ce chef ;

 

Sur l'absence de justification des débits réalisés et demande au titre de dommages et intérêts :

Attendu qu'ici sera à nouveau rappelé par le Tribunal, que la banque n'est pas tenue à se faire juge de la validité de l'opposition qui emporte révocation immédiate du mandat de payer ; que le litige élevé entre le titulaire et le fournisseur ne saurait être opposé à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE qui, ayant payé, agit en remboursement à l'égard de la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS ;

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE fait état de 23 débits sur le compte de la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS ; que cette dernière soutient que la banque n'est à même de n'en justifier que de 13 ; que le Tribunal reconnaîtra que si la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a été en mesure de présenter les contestations transmises par les clients des banques françaises, il lui était très difficile d'obtenir la copie des oppositions effectuées sur les comptes étrangers ;

Attendu que la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS avait l'obligation de prendre toutes précautions pour s'assurer de l'identité de l'utilisateur des cartes bancaires à elles présentées que le Tribunal déclarera particulièrement défaillante la société CAVES ET ÉPICERIE DU [minute page 15] PROGRÈS puisque qu'il est relevé en particulier pour la même carte portant le numéro « XXXX » (4 premiers chiffres pour discrétion), 11 achats intervenus entre le 31 janvier 2002 et le 8mars 2002 dont :

- 3 à même montant de 1.458,76 € le 31 janvier 2002,

- 2 à même montant de 2.188,14 € le 8 février 2002,

- 3 à montants différents le 21 février 2002,

- 2 à montants différents le 28 février 2002 ;

- que le total pour cette seule carte « XXXX » représente une somme non négligeable de 32.811,53 euros en seulement 29 jours ;

Que la « complaisance » évidente de la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS à accepter sur la même carte de crédit, des opérations datées du même jour et de même montant, ne peut que laisser perplexe le Tribunal sur la finalité et les raisons qui ont conduit le demandeur à accepter ces modalités de règlement sans que leur attention soit éveillée ;

Que le Tribunal ne pourra que lui en tenir rigueur et la déclarer fautive ; qu'il sera remarqué par le Tribunal, sans qu'il ne lui soit apporté un début d'explication, comment un contrat signé en 1995, n'a-t-il provoqué d'incidents que soudainement à partir du 31 janvier 2002, soit 7 ans après sa conclusion ;

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, présente au Tribunal un nombre d'avis d'opérations par lesquels elle informe la société CAVÉS ET ÉPICERIE DU PROGRÈS des oppositions formulées, différent des 23 soutenus ; que la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS en reprenant dans son dispositif par deux fois le montant de 69.765,20 euros, donne valeur certaine au montant déclaré crédité puis débité par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ;

En conséquence le Tribunal, déboutera la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS de ses demandes à condamnation portant d'une part sur la somme de 69.765,20 euros à titre principal pour dommages et intérêts, et d'autre part sur un montant à titre subsidiaire de 47.797,24 E au titre des sommes indûment prélevées et 21.967,96 € pour dommages et intérêts ;

 

Sur les demandes au titre de l'article 700 du NCPC :

Attendu que pour faire reconnaître ses droits, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ; qu'il y aura lieu de condamner la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du NCPC, et de la débouter du surplus de sa demande ;

 

Sur l'exécution provisoire :

Attendu que le Tribunal l'estime nécessaire et qu'elle est compatible avec la nature de l'affaire ; qu'il ordonnera donc l'exécution provisoire de ce jugement.

 

Sur les dépens :

Attendu que les dépens seront mis à la charge de la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant contradictoirement et en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Reçoit les parties en leurs demandes, fins et conclusions,

[minute page 16] Vu le Code Monétaire et Financier,

Déclare la demande de la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS mal fondée,

Déboute la société CAVES ET EPICÉRIE DU PROGRÈS de ses demandes à condamnation portant d'une part sur la somme de 69.765,20 euros à titre principal pour dommages et intérêts, et d'autre part sur un montant à titre subsidiaire de 47.797,24 € au titre des sommes indûment prélevées et 21.967,96 euros pour dommages et intérêts ;

Condamne la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS à payer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du NCPC,

Prononce l'exécution provisoire du présent jugement,

Rejette comme inutiles et non fondées toutes autres demandes contraires des parties,

Condamne la société CAVES ET ÉPICERIE DU PROGRÈS aux entiers dépens, dont les frais de Greffe taxés et liquidés à la somme de 62,63 € TVA 19,60 % incluse, en ce compris le coût de l'expédition du présent jugement,

Ainsi jugé et prononcé à BAYONNE, les mêmes jour, mois et an que dessus.

LE GREFFIER D'AUDIENCE       LE PRÉSIDENT