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CA PAU (2e ch. sect. 1), 8 janvier 2007

Nature : Décision
Titre : CA PAU (2e ch. sect. 1), 8 janvier 2007
Pays : France
Juridiction : Pau (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 04/02285
Décision : 4/07
Date : 8/01/2007
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 6/07/2004
Décision antérieure : T. COM BAYONNE, 19 avril 2004
Numéro de la décision : 4
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 653

CA PAU (2e ch. sect. 1), 8 janvier 2007 : RG n° 04/02285 ; arrêt n° 4/07

Publication : Juris-Data n° 325260

 

Extraits : 1/ « Attendu qu'il incombe donc à la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS, qui soutient au contraire que la Société Générale ne lui aurait pas remis les conditions générales du contrat, d'en rapporter la preuve, cette preuve pouvant être rapportée par tout moyen, s'agissant d'un contrat entre commerçants ; Mais attendu que cette preuve ne saurait résulter du fait que la banque ne produit pas des conditions générales paraphées ou signées de sa cliente, dès lors qu'aucune disposition légale n'impose un tel formalisme, et qu'il n'est pas démontré qu'il s'agirait d'un usage en la matière, voire d'une pratique constante de la Société Générale, ainsi que le soutient la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS ; Attendu que la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS ne rapportant en aucune façon la preuve de ce que, contrairement à la mention explicite du contrat qu'elle a signé, elle n'aurait pas reçu de la banque communication des conditions générales régissant le contrat monétique, il convient de dire que ces conditions générales lui ont été remises, qu'elles ont par conséquence valeur contractuelle, et qu'elles s'imposent donc aux parties par application de l'article 1134 du code civil ».

2/ « Et attendu que l'article 3.8 de ces conditions générales dispose : « la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS autorise expressément la Société Générale à débiter d'office son compte du montant de toute opération de paiement dont la réalité ou le montant serait contestée par le titulaire de la carte » ; Attendu que la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS soutient que la banque aurait manqué à son devoir d'information, en n'appelant pas tout particulièrement son attention sur l'importance de cette clause et le risque financier qu'elle lui faisait supporter ; Mais attendu en premier lieu qu'il convient de dire que cette clause, qui fait supporter sur le commerçant, les risques de fraude liés à l'utilisation d'un mode de paiement à distance, n'a rien en soi de potestatif ou d'abusif, dès lors que le commerçant est bénéficiaire du système de paiement que le banquier met à sa disposition, en ce qu'il lui permet de toucher une clientèle éloignée, et par voie de conséquence d'augmenter son volume d'affaires ; Que la possibilité, pour le banquier, de débiter d'office le compte du commerçant, du montant de toute opération contestée par le titulaire de la carte fait partie intégrante du système destiné à assurer la sécurité de telles opérations de paiement à distance, en garantissant autant qu'il est possible les titulaires de cartes bancaires, contre une utilisation frauduleuse de l'instrument de paiement, et finalement de favoriser le commerce en sécurisant les opérations de paiement à distance ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PAU

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 8 JANVIER 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 04/02285. Arrêt n° 4/07. Nature affaire : Autres actions en responsabilité exercées contre un établissement de crédit.

ARRÊT : prononcé par Monsieur DE SEQUEIRA, Conseiller, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame HAUGUEL, Greffier, à l'audience publique du 8 janvier 2007 date à laquelle le délibéré a été prorogé.

* * * * *

APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 31 octobre 2006, devant : Monsieur BILLAUD, Conseiller faisant fonction de Président, par suite de l'empêchement légitime de tous les titulaires et des magistrats désignés par ordonnance et se trouvant le magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre de nomination à la Cour

Monsieur DE SEQUEIRA, Conseiller

Monsieur DARRACQ, Vice-Président, désigné par ordonnance du 4 septembre 2006

assistés de Madame ECHEVESTE, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

[minute page 2] dans l'affaire opposant :

 

APPELANTE :

SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS

[adresse], agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Maître VERGEZ, avoué à la Cour, assistée de la SCP CAZAURAN - ARAEZ, avocats au barreau de BAYONNE

 

INTIMÉE :

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

[adresse], prise en son agence de BAYONNE dont le siège social est [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par la SCP F. PIAULT / M. LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour, assistée de Maître HOURCADE, avocat au barreau de BAYONNE

 

sur appel de la décision en date du 19 AVRIL 2004 rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :

Le 13 juillet 1995, la Société Générale et la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS ont conclu un contrat monétique ayant pour objet l'acceptation des paiements à distance.

Dans le cadre de cette convention, la Société Générale a effectué 23 débits sur le compte de la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS pour un montant total de 69.765,20 euros. Ces débits sont contestés par la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS.

Par acte d'huissier de justice en date du 23 juin 2003, la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS a fait assigner la Société Générale devant le tribunal de commerce de Bayonne aux fins de voir cette dernière condamnée avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 69.765,20 euros, à titre de dommages et intérêts, outre celle de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et les dépens, dont distraction au profit de la SCP CAZAURAN-ARAEZ, par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Subsidiairement, la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS sollicite la condamnation avec exécution provisoire de la Société Générale à rembourser la somme de 47.797,24 euros, au titre des sommes indûment prélevées, outre celle de 21.967,96 euros à titre de dommages et intérêts, 2.500 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et les dépens.

Par jugement prononcé le 19 avril 2004, le tribunal de commerce de Bayonne a débouté la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS de ses demandes, et l'a condamnée avec exécution provisoire à payer à la Société Générale la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre les dépens.

La société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 6 juillet 2004.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions déposées les 24 mai 2005 et 28 février 2006, la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS demande à la Cour de déclarer sa demande recevable et bien fondée, réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bayonne le 19 avril 2004, et en conséquence, à titre principal, condamner avec exécution provisoire la Société Générale à lui payer la somme de 69.765,20 euros, à titre de dommages et intérêts, outre celle de 2.500 euros en application de l'article 700 nouveau code de procédure civile, ainsi que les dépens, dont distraction au profit de Maître VERGEZ, par application de l'article 699 du même code. A titre subsidiaire, elle sollicite la condamnation avec exécution provisoire de la Société Générale à lui rembourser la somme de 47.797,24 euros, au titre des sommes indûment prélevées outre celle de 21.967,96 euros, à titre de dommages et intérêts, 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et les dépens avec application de l'article 699 du même code.

Au soutien de ses prétentions, la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS soutient en premier lieu que la banque aurait doublement manqué à son devoir d'information, puisqu'elle ne lui a pas remis les conditions générales régissant [minute page 4] le contrat monétique d'acceptation des paiements à distance, qui comprennent pourtant des dispositions fondamentales, et qu'elle s'est abstenue d'exposer de manière explicite les conséquences financières liées au risque de fraude inhérent aux paiements par carte bleue à distance.

Sur le premier point, elle fait le grief au tribunal de commerce de Bayonne de n’avoir pas cherché à savoir si les conditions générales du contrat avaient bel et bien été remises à la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS, et d'avoir ainsi omis de statuer sur un élément fondamental du dossier.

Elle fait valoir à cet égard que les conditions générales versées aux débats par la Société Générale ne sont pas paraphées, alors que cette banque a pour habitude d'imposer à ses clients de parapher chaque page des conditions générales des contrats qu'elle conclut avec eux. Ce fait atteste selon elle que la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS n'a pas eu en sa possession physique les conditions générales et particulières du contrat, alors que celles-ci comportent une clause fondamentale, qui ne se trouve dans aucun autre type de contrat, à savoir celle qui autorise la banque à « débiter d'office le compte de son client du montant de toute opération de paiement dont la réalité même ou le montant serait contestée par écrit par le titulaire de la carte », et oblige le client à « assumer l'entière responsabilité des conséquences dommageables directes ou indirectes de tout débit erroné, et de tout débit contesté par un client ».

La société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS critique par ailleurs le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Bayonne, en ce qu'il a retenu qu'elle avait précédemment signé un contrat monétique, pour en tirer pour conséquence qu'elle ne serait pas fondée à soutenir qu'elle n'avait aucune expérience dans la vente à distance par un système de carte bleue, et ce alors même que le contrat dont s'agit, signé le deux décembre 1991, n'était pas un contrat monétique pour le paiement à distance, mais un contrat monétique pour le paiement de proximité, au sein du magasin à [ville], que ce contrat a donc un objet et des stipulations totalement différents de ceux en litige aujourd'hui ; Qu'il est donc faux de dire que la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS avait de l'expérience dans la vente à distance, du fait du contrat passé avec la Société Générale en 1991 ; Que le tribunal de commerce ne pouvait pas non plus se fonder sur la remise effective des conditions générales de ce précédent contrat, pour en déduire la pleine connaissance et l'acceptation par la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS, des conditions générales du contrat de 1995 ;

La société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS soutient par ailleurs que la Société Générale a manqué à son devoir d'information, en ne lui exposant pas les risques financiers très spécifiques de ce type de contrat, comme elle l'aurait dû le faire, et notamment la clause de débit automatique du compte du commerçant, en cas de contestations du porteur de la carte bleue ; la Société Générale aurait dû exposer à sa cliente de manière explicite les risques de fraude inhérents au paiement par carte bleue à distance, en insistant sur ce point, lourd de conséquences, étant précisé qu'en 1995, cette pratique était purement contractuelle et non légale comme c'est le cas aujourd'hui.

Elle rappelle les dispositions de la loi du 18 janvier 1992, aux termes desquelles « tout professionnel, vendeur de biens ou prestataires de services doit avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service » ; cette disposition profite au professionnel qui ne traite pas dans sa spécialité, et doit donc être assimilé à un [minute page 5] consommateur, et bénéficier dès lors de ce droit à l'information ; M. Pierre AROSTEGUY, gérant de la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS, qui est profane en matière bancaire, et n'a aucune expérience ni compétence dans la vente à distance, s'est renseigné auprès de sa banque, qui lui a conseillé de souscrire le contrat litigieux ; qu'il doit donc être considéré comme un consommateur, vis-à-vis du professionnel de la banque qu'est la Société Générale.

La société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS estime par ailleurs que la banque a manqué à son obligation de conseil, lors de la souscription du contrat monétique, en omettant de la conseiller sur les risques financiers de ce type de contrat et sur l'opportunité de souscrire une assurance pour se garantir contre ces risques, et ce d'autant que la Société Générale n'ignorait pas que sa cliente étant une petite entreprise, la clause de re-créditation pouvait lui causer des difficultés financières.

Elle fait valoir que ce devoir de conseil s'imposait également à la banque en vertu d'une disposition conventionnelle, puisque l'article 4. 3 des conditions générales du contrat prévoit que la Société Générale « s'engage à mettre à la disposition de l'accepteur... les informations relatives à la sécurité des transactions ». Qu'en ne proposant pas d'assurance, la banque a manqué à son obligation puisqu'elle n'a pas mis à la disposition de l'accepteur les informations relatives à la sécurité des transactions. Elle a donc violé l'article 1134 du code civil, selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et engage donc sa responsabilité ce qui justifie qu'elle soit condamnée à payer des dommages et intérêts à hauteur des sommes débitées sur le compte de la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS.

A titre subsidiaire, elle fonde sa demande sur l'enrichissement sans cause de la Société Générale, en soutenant que cette dernière n'a pas à s'enrichir au motif qu'il y a eu une fraude sur des instruments de paiement. Par conséquent, les commissions prélevées par la banque à l'occasion des opérations qui ont été annulées, n'ont plus lieu d'être. Ainsi, en refusant de recréditer le compte de sa cliente du montant des commissions correspondant aux opérations annulées, la Société Générale s'est enrichie sans cause.

La société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS sollicite par voie de conséquence la réformation du jugement du tribunal de commerce de Bayonne et la condamnation de la Société Générale à rembourser les sommes indûment débitées sur son compte.

À titre encore subsidiaire elle invoque les articles L. 132-4 et L. 132-6 du code monétaire et financier, selon lesquelles le porteur, toujours en position physique de sa carte, mais dont le numéro a servi à un usage frauduleux, a 70 jours pour contester les opérations réalisées avec cette carte. Or, la Société Générale a débité le compte de la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS, pour des contestations qui avaient été faites hors délai ou de manière irrégulière.

Ainsi, sur les 23 débits opérés, la Société Générale n'a été en mesure de justifier que de 13 contestations écrites de porteurs. Pour le surplus, la banque n'a pas fourni de justification probante. En outre, sur ces 13 contestations, une a été faite au-delà du délai légal de 70 jours, et ce pour une somme de 4.000 euros, deux autres sont illisibles, donc invérifiables, et enfin, trois dossiers ne sont pas corroborées par une contestation de porteurs valables, de telle sorte que la banque ne peut réellement justifier que 9 des 13 débits qu'elle a effectués. En conséquence, les débits injustifiés pratiqués par la Société Générale s'élèvent à la somme de 47.797,24 euros, somme au remboursement de laquelle elle doit être condamnée.

[minute page 6] Enfin, la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS soutient que la Société Générale s'est rendue coupable, en cours de procédure de pressions intolérables à son encontre, lesquelles ont été sanctionnées par le tribunal de commerce, dans un jugement du 18 juillet 2005, aujourd'hui passé en force de chose jugée. Dans ces conditions, elle sollicite la condamnation de la Société Générale à lui payer 4.000 euros, par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives et responsives déposées le 18 octobre 2005, la Société Générale demande à la Cour de déclarer la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS irrecevable et mal fondée en sa demande, confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bayonne en toutes ses dispositions, condamner la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS à lui payer la somme de 2.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi que les dépens avec application au profit de Maître HOURCADE, des dispositions de l'article 699 du même code.

Elle soutient en premier lieu que lors de la signature du contrat d'acceptation en paiement à distance, le 13 juillet 1995, les conditions générales ainsi que les conditions spéciales du contrat ont été remises à la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS, qui les a parfaitement acceptées, ainsi qu'en atteste la mention, en bas du contrat signé par cette dernière : «Je reconnais avoir pris connaissance de l'ensemble de ces dispositions dont un exemplaire m'a été remis et déclare les accepter sans réserve».

Elle précise à cet égard que l'argument selon lequel la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS n'aurait pas signé ou paraphé les conditions générales et les conditions particulières du contrat n'est pas pertinent, dès lors qu'il s'agit d'un contrat conclu entre deux professionnels, et qu'il n'y a donc pas lieu de faire application des dispositions du code de la consommation, étant également rappelé que même si l'on considérait la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS comme étant profane en la matière, la même règle serait applicable.

La SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS n'est donc pas fondée à soutenir que la banque aurait manqué à son obligation de conseil et d'information, alors qu'iI lui appartenait simplement de lire les clauses du contrat qu'elle signait, et ce d'autant qu'elle était informée des risques encourus par elle lors de l'utilisation par le client d'une carte bleue, puisque le contrat qu'elle avait conclu en 1991 avec la Société Générale contenait déjà une clause faisant supporter au commerçant la responsabilité des conséquences dommageables de tout débit erroné ou contesté par un client.

Elle fait valoir par ailleurs que l'obligation de conseil, qui pèse sur le banquier a pour limite le devoir de non-ingérence qui s’impose également à lui. Cette obligation de conseil a été en l'espèce respectée par la Société Générale, étant précisé que si celle-ci n'a pas proposé à son client la souscription d'une assurance, c'est qu'à l'époque de la signature de ce contrat monétique il n'y avait pas d'assurance prenant en charge ce type de risque.

La Société Générale conclut par ailleurs au rejet des prétentions adverses, fondées sur la théorie de l'enrichissement sans cause, en faisant valoir d'une part que l'obligation étant fondée sur un contrat, elle n' est pas sans cause et ne peut donc fonder une action de in rem verso, d'autre part que si les commissions encaissées restent effectivement acquises à la banque, il n'en résulte pas un enrichissement pour cette dernière, étant précisé qu'une partie des commissions est reversée au système bancaire.

[minute page 7] En ce qui concerne les justificatifs des débits réalisés sur le compte de la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS, la Société Générale indique qu'elle a adressé 23 justificatifs mentionnant la contestation des porteurs. En ce qui concerne les délais, elle indique que le seul délai contractuellement convenu est celui de six mois, au-delà duquel la Société Générale s'engage à ne pas débiter les opérations non garanties et qui ont pu être imputées au compte du porteur. Elle soutient que le délai de 70 jours, dont fait mention la partie adverse, n'est contractuel qu'entre l'organisme émetteur et le titulaire de la carte, et qu'il ne s'applique donc pas en l'espèce.

Enfin, la Société Générale conteste les pressions que la partie adverse entend lui imputer, pour solliciter une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur les moyens tirés des obligations d'information et de conseil du banquier :

Attendu que le 13 juillet 1995, la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS a conclu avec la Société Générale un contrat dénommé « contrat d'acceptation en paiement à distance » ayant pour objet de permettre à la société CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS d'accepter des paiements par carte bancaire, effectués par ses clients, dans le cadre d'achats par Internet ;

Attendu qu'il est versé aux débats une copie de ce contrat, constitué de trois feuillets, chacun de ces feuillets comportant la signature de la banque et celle du client, dénommé « l'accepteur » ;

Que le premier feuillet, intitulé « adhésion au système de paiement par CB ou agréés, contrat d'acceptation en paiement à distance », contient un certain nombre de mentions pré-imprimées, parmi lesquels la suivante : « je soussigné, M.... Représentant de l'entreprise désignée ci-dessus, demande à la Société Générale agissant tant pour son propre compte qu'en tant que représentant le Groupement des Cartes Bancaires CB lui-même (groupement d'intérêt économique régi par l'ordonnance du 23 septembre 1967 ci-après GIE CB) demande mon adhésion au Système de Paiement par Cartes Bancaires (ci-après le « Système CB ») selon :

- les Conditions Générales,

- les Conditions particulières convenues avec la Société Générale.

Je reconnais avoir pris connaissance de l'ensemble de ces dispositions dont un exemplaire m'a été remis et déclare les accepter sans réserve. Ces conditions annulent et remplacent celles qui aurait été convenues antérieurement avec la Société Générale et pour le(s) même(s) points) de vente et qui auraient le même objet.

Le(s) services(s) contracté(s) dans le cadre des Conditions Particulières est (sont) défini(s) sur le (les) feuillet(s) annexe(s) intitulé(s) « Conditions Particulières de fonctionnement Service ».

Le(s) points) de vente bénéficiant de ce(s) service(s), ainsi que les caractéristiques qui lui (leur) son propre est (sont) défini(s) sur les feuillets annexes intitulés « Conditions Particulières de Fonctionnement Point de Vente » ;

[minute page 8] Qu'à ce contrat est joint un second feuillet ayant trait aux « conditions particulières de fonctionnement point de vente », et un troisième feuillet, régissant les « conditions particulières de fonctionnement service » ;

Attendu que de ces mentions, claires et non équivoques, il résulte la preuve suffisante que la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS s'est vue remettre par la banque un exemplaire des conditions générales du contrat, qu'elle a reconnu avoir pris connaissance de l'ensemble de ses dispositions, et qu'elle a déclaré les accepter sans réserve ;

Attendu qu'il incombe donc à la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS, qui soutient au contraire que la Société Générale ne lui aurait pas remis les conditions générales du contrat, d'en rapporter la preuve, cette preuve pouvant être rapportée par tout moyen, s'agissant d'un contrat entre commerçants ;

Mais attendu que cette preuve ne saurait résulter du fait que la banque ne produit pas des conditions générales paraphées ou signées de sa cliente, dès lors qu'aucune disposition légale n'impose un tel formalisme, et qu'il n'est pas démontré qu'il s'agirait d'un usage en la matière, voire d'une pratique constante de la Société Générale, ainsi que le soutient la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS ;

Attendu que la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS ne rapportant en aucune façon la preuve de ce que, contrairement à la mention explicite du contrat qu'elle a signé, elle n'aurait pas reçu de la banque communication des conditions générales régissant le contrat monétique, il convient de dire que ces conditions générales lui ont été remises, qu'elles ont par conséquence valeur contractuelle, et qu'elles s'imposent donc aux parties par application de l'article 1134 du code civil ;

Et attendu que l'article 3.8 de ces conditions générales dispose : « la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS autorise expressément la Société Générale à débiter d'office son compte du montant de toute opération de paiement dont la réalité ou le montant serait contestée par le titulaire de la carte » ;

Attendu que la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS soutient que la banque aurait manqué à son devoir d'information, en n'appelant pas tout particulièrement son attention sur l'importance de cette clause et le risque financier qu'elle lui faisait supporter ;

Mais attendu en premier lieu qu'il convient de dire que cette clause, qui fait supporter sur le commerçant, les risques de fraude liés à l'utilisation d'un mode de paiement à distance, n'a rien en soi de potestatif ou d'abusif, dès lors que le commerçant est bénéficiaire du système de paiement que le banquier met à sa disposition, en ce qu'il lui permet de toucher une clientèle éloignée, et par voie de conséquence d'augmenter son volume d'affaires ;

Que la possibilité, pour le banquier, de débiter d'office le compte du commerçant, du montant de toute opération contestée par le titulaire de la carte fait partie intégrante du système destiné à assurer la sécurité de telles opérations de paiement à distance, en garantissant autant qu'il est possible les titulaires de cartes bancaires, contre une utilisation frauduleuse de l'instrument de paiement, et finalement de favoriser le commerce en sécurisant les opérations de paiement à distance ;

Attendu qu'il ne saurait être reproché à la Société Générale de n'avoir pas attiré suffisamment l'attention de sa cliente sur les risques inhérents à cette clause, alors [minute page 9] même que cette dernière, qui, pour n'être pas un professionnel de la banque, n'en est pas moins un commerçant, et un professionnel de la vente, et est donc nécessairement au fait des risques de fraude liés à l'utilisation de tout moyen de paiement, qu'il soit à distance ou de proximité ;

Qu'il suit que par la seule lecture des conditions générales du contrat qui lui ont été remises et qu'elle a déclaré accepter, la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS a été suffisamment informée des risques financiers inhérents au système de paiement à distance qu'elle sollicitait et dont elle acceptait les contraintes ;

Et attendu qu'il ne saurait plus utilement être invoqué par la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS, un manquement de la Société Générale à son devoir de conseil, en ce que cette dernière n'aurait pas invité sa cliente à souscrire une assurance pour se garantir contre ce risque, alors d'une part que le banquier n'a pas l'obligation de fournir de tels conseils à ses clients-commerçants, et d'autre part qu'il n'est pas démontré que des compagnies d'assurances proposaient de garantir ce type de risque à l'époque de la signature du contrat, ce qui est dénié par la Société Générale, sans être contredit par la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS ;

 

Sur le moyen tiré de l'enrichissement sans cause :

Attendu que la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS soutient que la Société Générale bénéficierait d'un enrichissement sans cause, en prélevant des commissions sur des opérations bancaires qui auraient été ensuite annulées, et qu'elle serait donc fondée à réclamer le remboursement des commissions ainsi perçues ;

Mais attendu que la banque fait à juste titre valoir qu'en prélevant et en conservant les commissions fixées contractuellement, au titre d'opérations de paiement qui ont ensuite été annulées, elle n'a bénéficié d'aucun enrichissement indu, puisque d'une part ces commissions correspondent à une prestation qui a été fournie, au moment du traitement de l'ordre de paiement, d'autre part la Société Générale ne conserve pas l'intégralité des commissions, dont une partie est reversée au GIE CB ;

Attendu en outre que l'action de in rem verso n'est pas admise dans le cas où l'enrichissement invoqué trouve sa source dans un contrat, ce qui est le cas en l'espèce ;

Qu'il suit que la demande de la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS fondée sur l'enrichissement sans cause dont aurait bénéficié la Société Générale est infondée, et sera donc rejetée ;

 

Sur le moyen tiré de l'absence de justification des débits réalisés par la Société Générale :

Attendu que la réclamation de la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS porte sur 23 débits opérés par la Société Générale, représentant un montant total s'élevant à la somme de 69.765,20 euros ;

Attendu qu'aux termes de l'article 3.8 des conditions générales d'adhésion au système de paiement à distance, la Société Générale est en droit de débiter d'office le compte de sa cliente, du montant de toute opération de paiement dont la réalité même ou le montant serait contesté par écrit par le titulaire de la carte ; Que l'article 3.9 précise que la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS assume l'entière responsabilité des conséquences dommageables directes ou indirectes de tout débit erroné ou de tout débit contesté par un client ;

[minute page 10] Et attendu que pour soutenir qu'un certain nombre des débits opérés par la Société Générale seraient injustifiés, la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS invoque en premier lieu les articles L. 132-4 à L. 132-6 du code monétaire et financier, aux termes desquels le porteur de la carte bancaire dispose d'un délai de 70 jours pour contester les opérations réalisées frauduleusement avec sa carte ;

Mais attendu que ces dispositions, qui résultent de la loi du 15 novembre 2001, ne s'appliquent qu'aux rapports entre le titulaire de la carte et sa banque, et ne sauraient donc être utilement invoquées dans les relations entre le commerçant, bénéficiaire du paiement et sa propre banque, lesquelles sont régies par les stipulations contractuelles, et plus particulièrement en l'espèce par l'article 4.5 des conditions générales d'adhésion au système de paiement à distance, aux termes duquel « la Société Générale s'engage à ne pas débiter, au-delà du délai maximum de six mois à partir de la date du crédit initial porté au compte de l'acquéreur, les opérations non garanties et qui n'ont pu être imputées au compte du porteur » ;

Qu'il suit que toute opération de débit pratiquée dans le délai contractuel de six mois à compter de l'inscription de l'opération au crédit du compte, et justifiée par une contestation écrite du titulaire de la carte, conformément à l'article 3.8 du contrat doit être déclarée régulière ;

Et attendu la Société Générale produit, pour chaque débit opéré, la lettre de contestation correspondante du titulaire de la carte ; Que si ces contestations prennent des formes variées, en fonction des banques émettrices, et sont dans certains cas rédigées en langue étrangère, elles restent valables au regard des clauses du contrat, lequel n'exige aucun formalisme particulier, dès lors qu'elles permettent d'identifier l'opération contestée, ce qui est le cas en l'espèce ; Qu'il convient en outre de constater que pour chacune des opérations en question, le débit est intervenu moins de six mois à compter du crédit correspondant ;

Qu'il convient en conséquence de dire que la Société Générale justifie de chacun des débits qu'elle a pratiqués sur le compte de sa cliente, la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS ;

Attendu que les prétentions de cette dernière sont donc infondées, d'où il suit que c'est à bon droit que le tribunal de commerce de Bayonne les a rejetées ;

Attendu que ce jugement sera par voie de conséquence confirmé dans toutes ses dispositions.

Attendu que la demande relative à l'exécution provisoire est sans objet ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

[minute page 11] Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de BAYONNE, en date 19 avril 2004.

Condamne la SARL CAVES ET ÉPICERIES DU PROGRÈS aux dépens, dont distraction au profit de la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués, par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur DE SEQUEIRA, Conseiller, par suite de l'empêchement de Monsieur BILLAUD, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame HAUGUEL, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 456 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,                       Pour LE PRÉSIDENT empêché,

Sylvie HAUGUEL                   Didier DE SEQUEIRA