CA LYON (6e ch.), 20 novembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4930
CA LYON (6e ch.), 20 novembre 2014 : RG n° 13/00456
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « M. X. soutient que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grenoble le 7 septembre 2009, à l'issue d'une instance à laquelle il n'était pas partie, n'a d'effet qu'entre l'UFC et M. Y. et ne lui est pas opposable, en application des dispositions de l'article 1351 du code civil. Il affirme que si Monsieur Y. avait entendu se prévaloir de ce jugement à son encontre, il devait l'appeler en garantie lorsqu'il a lui-même été assigné, afin que le jugement lui soit commun et opposable. Il allègue également que M. Y., qui a renoncé à l'attraire devant le tribunal de grande instance de Grenoble et a acquiescé au jugement susvisé, reconnaissant sa pleine responsabilité, est désormais irrecevable à agir à son encontre.
Mais en l'espèce la société civile CERI n'entend pas opposer à M. X. la chose jugée résultant du jugement rendu le 7 septembre 2009 par le tribunal de grande instance de Grenoble, mais seulement se prévaloir de la condamnation qui constitue selon elle son préjudice. Il appartenait dès lors à M. X., discutant ce préjudice, de démontrer en quoi le jugement susvisé pouvait être critiqué et en quoi son intervention devant le tribunal aurait pu le modifier ou éviter la condamnation prononcée. Par ailleurs, acquiesçant au jugement, M. Y. n'a nullement renoncé à exercer une action récursoire à l'encontre de M. X. La demande d'irrecevabilité doit donc être rejetée. »
2/ « Le premier juge a exactement considéré qu'en délivrant un modèle de contrat contenant de telles clauses M. X. a manqué à ses obligations contractuelles, l'acquéreur étant en droit d'attendre la remise de pièces fiables, compte tenu du caractère spécifique du logiciel et des accessoires destinés aux seuls directeurs d'auto-école. […] Le premier juge a donc à bon droit retenu la responsabilité de M. X. sur le fondement de l'article 1147 du Code civil. Il a également justement estimé que M. Y. avait lui-même commis une faute dès lors qu'il avait au moins partiellement la compétence pour vérifier la régularité du modèle de contrat.
[…] Or M. Z. indique dans sa lettre adressée le 26 octobre 2011 à M. X. qu'après rectification du contrat de formation il n'a plus eu de nouvelles de l'association UFC Que Choisir et cette dernière précise dans une lettre adressée le 9 mars 2009 au conseil national des professions de l'automobile que les professionnels qui entendent réagir à ses demandes de modification de leur contrat ont la possibilité de le faire au stade amiable, ce qui établit que M. X. a perdu une chance d'éviter les poursuites en ne répondant pas avec diligence aux injonctions de l'association. Les fautes commises par la société civile CERI ont participé à la réalisation de son propre préjudice dans une proportion que le premier juge a justement évaluée à 50 %.
Les préjudices découlant de la condamnation seront fixés à la somme totale de 7.096,65 euros soit : 1.500 euros (préjudice collectif) + 800 euros (préjudice associatif) + 1.500 euros (article 700 du code de procédure civile) + 301,39 euros (dépens) + 2.995,26 euros (frais de publication). Il n'y a pas lieu de tenir compte des intérêts qui ne résultent que du défaut d'exécution de la société civile CERI. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
SIXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/00456. Décision du Tribunal d'Instance de Villeurbanne au fond du 6 septembre 2012.
APPELANT :
Monsieur X. exerçant son activité en nom personnel sous l'enseigne DAVANTAGES INFORMATIQUE & FORMATION.
Représenté par Maître Laure POUTARD, avocat au barreau de LYON ; Assisté de la SCP BRUNEL - PIVARD - REGNARD, avocats au barreau de Montpellier
INTIMÉE :
CENTRE D'ENSEIGNEMENT ROUTIER DE L'ISÈRE-CERI
Représenté par la SCP BLANCHARD-ROCHELET-VERGNE, avocats au barreau de LYON ; Assisté de la SCP CHAPUIS CHANTELOVE GUILLET LHOMAT, avocats au barreau de GRENOBLE
Date de clôture de l'instruction : 10 décembre 2013
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 7 octobre 2014
Date de mise à disposition : 20 novembre 2014
Audience présidée par Claude VIEILLARD, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Martine SAUVAGE, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré : Claude VIEILLARD, président, Olivier GOURSAUD, conseiller, Catherine CLERC, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ; Signé par Claude VIEILLARD, président, et par Martine SAUVAGE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. X. exerce une activité de création et de commercialisation de logiciels de gestion pour les auto-écoles depuis 1997, en tant qu'entrepreneur individuel, sous l'enseigne Davantages Informatique & Formation.
Le 5 juillet 2007 la société Centre d'Enseignement Routier de l'Isère (CERI) lui a commandé un logiciel de gestion « Essentiel » module « Confort », ainsi que la maintenance informatique du logiciel.
Ce logiciel permet de gérer les plannings, la facturation et fournit des trames pour des contrats de formation à faire signer par les élèves.
M. Y., gérant de la société CERI, a été condamné par jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 7 septembre 2009, sur assignation de l'association UFC Que Choisir de l'Isère, à payer les sommes de 1.500 euros et 800 euros à titre de dommages-intérêts, 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens (301,39 euros) et les frais de publication (2.995,26 euros), soit un total de 7.324,13 euros, en raison de clauses abusives inscrites dans les contrats de formation.
Par acte du 26 octobre 2011 la société civile CERI a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Villeurbanne afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme susvisée outre 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, lui reprochant un manquement à son obligation de conseil et de renseignement.
Par jugement du 6 septembre 2012 le tribunal d'instance de Villeurbanne a condamné M. X. à verser à la société CERI la somme de 2.798,32 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement et la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté la société CERI du surplus de sa demande et a partagé les dépens entre les parties.
Le tribunal a retenu qu'en délivrant un modèle de contrat contenant des clauses abusives M. X. avait manqué à ses obligations contractuelles, l'acquéreur étant en droit d'attendre la remise de pièces fiables, compte tenu du caractère spécifique du logiciel et des accessoires destinés aux seuls directeurs d'auto-école, mais il a considéré également d'une part que M. Y. avait au moins partiellement la compétence pour vérifier la régularité du modèle de contrat, d'autre part qu'il avait reçu des mises en demeure de l'UFC, laquelle n'avait assigné que les établissements d'auto-école n'ayant pas régularisé leur situation, de sorte que la responsabilité de M. X. ne devait être retenue qu'à hauteur de 50 %.
M. X. a interjeté appel par déclaration reçue le 16 janvier 2013.
Aux termes de ses conclusions n° 2 notifiées le 17 juin 2013 M. X. demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à sa charge 50 % des condamnations prononcées par le jugement rendu le 7 septembre 2009 par le tribunal de grande instance de Grenoble
- dire que ce jugement lui est inopposable et prononcer l'irrecevabilité des demandes formulées par la société CERI sur le fondement de cette décision
- à titre subsidiaire, dire que M. Y. a commis une faute en s'abstenant de toute réponse efficace à l'UFC Que Choisir, ce qui a entraîné directement sa condamnation
- en tout état de cause dire qu'il a rempli son obligation de conseil vis-à-vis de M. Y.
- dans les deux cas débouter purement et simplement la société CERI de toutes ses demandes à son encontre
- la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- la condamner aux dépens.
Par conclusions déposées le 11 avril 2013, la société civile Centre d'Enseignement Routier de l'Isère (CERI) sollicite la réformation du jugement et la condamnation de M. X. :
- à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées au profit de l'UFC 38 par le tribunal de grande instance de Grenoble dans son jugement du 7 septembre 2009 à hauteur de 7.324,13 euros
- à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages intérêts pour recours abusif
- à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des frais de première instance et la somme de 2.500 euros au titre des frais en cause d'appel
- à supporter les dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir :
* que le fait que M. X. n'ait pas été attrait dans le cadre de la procédure devant le tribunal de grande instance de Grenoble ne rend pas irrecevable toute demande de garantie ultérieurement formulée à son encontre
* qu'elle a bien informé M. X. des demandes de l'UFC et qu'elle n'est pas restée inactive face à celles-ci
* qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir réagi à la lettre de l'UFC du 9 mars 2009 dès lors que l'assignation avait été délivrée dès le 28 août 2008
* qu'en qualité de rédacteur et de fournisseur des trames de contrat d'apprentissage de la conduite intégrées au logiciel qu'il fournit M. X. est débiteur d'un devoir de conseil et d'une obligation de renseignement envers son client, et ce d'autant plus que l'attention de l'utilisateur n'est à aucun moment attirée sur le contenu des contrats par rapport à la législation
* que l'appel a été formé abusivement afin de gagner du temps.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 décembre 2013 et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 octobre 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LA COUR :
Sur la recevabilité des demandes :
Il convient d'observer que M. X. ne soulève aucune irrecevabilité tirée d'un éventuel défaut de qualité à agir de la société civile Centre d'Enseignement Routier de l'Isère (CERI), alors que la condamnation fondant la demande de dommages-intérêts a été prononcée à l'encontre de M. Y. exerçant sous l'enseigne commerciale Auto-école Centre d'Enseignement Routier de l'Isère.
M. X. soutient que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grenoble le 7 septembre 2009, à l'issue d'une instance à laquelle il n'était pas partie, n'a d'effet qu'entre l'UFC et M. Y. et ne lui est pas opposable, en application des dispositions de l'article 1351 du code civil. Il affirme que si Monsieur Y. avait entendu se prévaloir de ce jugement à son encontre, il devait l'appeler en garantie lorsqu'il a lui-même été assigné, afin que le jugement lui soit commun et opposable.
Il allègue également que M. Y., qui a renoncé à l'attraire devant le tribunal de grande instance de Grenoble et a acquiescé au jugement susvisé, reconnaissant sa pleine responsabilité, est désormais irrecevable à agir à son encontre.
Mais en l'espèce la société civile CERI n'entend pas opposer à M. X. la chose jugée résultant du jugement rendu le 7 septembre 2009 par le tribunal de grande instance de Grenoble, mais seulement se prévaloir de la condamnation qui constitue selon elle son préjudice.
Il appartenait dès lors à M. X., discutant ce préjudice, de démontrer en quoi le jugement susvisé pouvait être critiqué et en quoi son intervention devant le tribunal aurait pu le modifier ou éviter la condamnation prononcée.
Par ailleurs, acquiesçant au jugement, M. Y. n'a nullement renoncé à exercer une action récursoire à l'encontre de M. X.
La demande d'irrecevabilité doit donc être rejetée.
Sur la demande principale :
Il n'est pas contesté que les modèles de contrat de formation adjoints au logiciel fourni par M. X. contenaient des clauses dites abusives au sens de la directive 2005.03 du 16 décembre 2005, ces clauses ayant valu à M. Y. une condamnation prononcée par le tribunal de grande instance de Grenoble au profit de l'UFC 38.
Le premier juge a exactement considéré qu'en délivrant un modèle de contrat contenant de telles clauses M. X. a manqué à ses obligations contractuelles, l'acquéreur étant en droit d'attendre la remise de pièces fiables, compte tenu du caractère spécifique du logiciel et des accessoires destinés aux seuls directeurs d'auto-école.
M. X. se prévaut de la notice d'utilisation fournie avec le logiciel qui conseille fortement à l'utilisateur de prendre connaissance de la recommandation de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et d'en tenir compte pour modifier son contrat habituel.
Toutefois aucun élément du dossier ne permet de rapporter la preuve que cette notice d'utilisation, qui ne porte aucune signature, aucune date ni aucun numéro référencé dans le contrat, est celle qui a été fournie à la société CERI en même temps que le logiciel, et ce d'autant plus qu'est produite aux débats une lettre adressée le 25 août 2011 par M. X. à l'école de conduite CERI, l'avisant d'une nouvelle mise à jour du logiciel de gestion modifiant les exemples de documents « modèles », notamment les contrats de formation, pour les rendre conformes aux dernières exigences émises par les tribunaux, tout en précisant que cette mise à jour est exceptionnelle et constitue simplement un geste commercial et non l'accomplissement d'une obligation incombant à l'éditeur informatique « Davantages ».
Le premier juge a donc à bon droit retenu la responsabilité de M. X. sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.
Il a également justement estimé que M. Y. avait lui-même commis une faute dès lors qu'il avait au moins partiellement la compétence pour vérifier la régularité du modèle de contrat.
Il résulte par ailleurs des pièces produites que l'UFC Que Choisir a réclamé à trois reprises, le 20 décembre 2007, le 11 janvier 2008 et le 10 mars 2008, un exemplaire du contrat d'apprentissage de la conduite automobile catégorie B au Centre d'Enseignement Routier de l'Isère, que le 29 avril 2008 elle lui a adressé un courrier circonstancié indiquant que le contrat fourni contenait des clauses abusives et lui demandant de procéder aux diverses modifications et de communiquer rapidement un exemplaire du contrat rectifié.
Dans l'assignation délivrée le 28 août 2008 à M. Y. l'UFC Que Choisir de l'Isère mentionne qu'elle a demandé à diverses auto-écoles, dont le défendeur, de lui fournir copie de leur contrat de formation type, que faute de réponse de sa part elle a été contrainte de faire intervenir son avocat, que le défendeur a fait parvenir son contrat de formation un mois plus tard, que par lettre du 29 avril 2008 elle a attiré son attention sur certaines clauses apparemment abusives ou illicites et que pour toute réponse le défendeur a adressé par voie recommandée un modèle de contrat de formation très légèrement modifié, reprenant nombre des points en litige.
Or M. Z. indique dans sa lettre adressée le 26 octobre 2011 à M. X. qu'après rectification du contrat de formation il n'a plus eu de nouvelles de l'association UFC Que Choisir et cette dernière précise dans une lettre adressée le 9 mars 2009 au conseil national des professions de l'automobile que les professionnels qui entendent réagir à ses demandes de modification de leur contrat ont la possibilité de le faire au stade amiable, ce qui établit que M. X. a perdu une chance d'éviter les poursuites en ne répondant pas avec diligence aux injonctions de l'association.
Les fautes commises par la société civile CERI ont participé à la réalisation de son propre préjudice dans une proportion que le premier juge a justement évaluée à 50 %.
Les préjudices découlant de la condamnation seront fixés à la somme totale de 7.096,65 euros soit :
1.500 euros (préjudice collectif) + 800 euros (préjudice associatif) + 1.500 euros (article 700 du code de procédure civile) + 301,39 euros (dépens) + 2.995,26 euros (frais de publication).
Il n'y a pas lieu de tenir compte des intérêts qui ne résultent que du défaut d'exécution de la société civile CERI.
M. X. sera donc condamné à payer à la société civile Centre d'Enseignement Routier de l'Isère (CERI) la somme de 3.548,32 euros en réparation de son préjudice.
La décision déférée sera par conséquent infirmée mais seulement sur le montant de la condamnation principale, celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant justifiée en son principe et son montant.
Sur les autres demandes :
La société CERI, qui ne rapporte pas la preuve du caractère abusif du recours formé par M. X., sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
M. X. sera en revanche condamné à lui payer la somme complémentaire de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire
Infirme partiellement la décision déférée.
Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant,
Déboute M. X. de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes formées par la société civile Centre d'Enseignement Routier de l'Isère (CERI).
Condamne M. X. à payer à la société civile Centre d'Enseignement Routier de l'Isère (CERI) la somme de 3.548,32 euros en réparation de son préjudice.
Déboute la société civile Centre d'Enseignement Routier de l'Isère (CERI) de sa demande de dommages et intérêts pour recours abusif.
Condamne M. X. à payer à la société civile Centre d'Enseignement Routier de l'Isère (CERI) la somme complémentaire de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. X. aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT