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5752 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Autres effets - Réparation des préjudices - Professionnel

Nature : Synthèse
Titre : 5752 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Autres effets - Réparation des préjudices - Professionnel
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5752 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - RÉGIME

ACTION D’UN CONSOMMATEUR - EFFETS DE L’ACTION

AUTRES EFFETS - RÉPARATION DES PRÉJUDICES – PROFESSIONNEL

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

 Présentation. Le professionnel peut, à l’occasion de la contestation d’une clause, être victime d’un préjudice. L’action peut être dirigée contre le consommateur qui aurait inutilement contesté des clauses licites (A) ou contre un professionnel du droit qui, à l’inverse, aurait provoqué l’insertion d’une clause illicite ou abusive, à tout le moins sans le signaler (B).

A. ACTION CONTRE LE CONSOMMATEUR

Action abusive. La responsabilité pour abus du droit d’exercer une action en justice est conçue de façon très restrictive, compte tenu de la nature fondamentale du droit que représente la possibilité d’une telle action.

Pour une illustration : engage sa responsabilité le locataire qui a abusé de son droit d’ester en justice en multipliant, plusieurs années après la fin du bail, des actions en nullité de clauses, sans intérêt actuel, et en réparation de préjudices non justifiés, fondés sur l’illégalité ou le caractère abusif de ces clauses ne reposant sur aucun motif sérieux. CA Dijon (1re ch. civ.), 16 avril 2013 : RG n° 12/00586 ; Cerclab n° 4557 (action au surplus démultipliées, visant chacune des clauses différentes caractérisant un détournement de l’institution judiciaire, à des fins de nuisance à l’égard de son ancien propriétaire), sur renvoi de Cass. civ. 3e, 29 septembre 2010 : pourvoi n° 09-10043 ; Cerclab n° 4582, cassant pour des raisons procédurales CA Reims, 20 février 2008 : RG n° 05/02697 ; Cerclab n° 1169, sur appel de TI Troyes, 8 janvier 2004 : RG n° 11-03-000966 - CA Dijon (1re ch. civ.), 16 avril 2013 : RG n° 12/00587 ; Cerclab n° 4558 (idem), sur renvoi de Cass. civ. 3e, 29 septembre 2010 : pourvoi n° 09-10045 ; Cerclab n° 4585, cassant pour des raisons procédurales CA Reims, 20 février 2008 : RG n° 05/02699 ; Cerclab n° 1167, sur appel de TI Troyes, 8 janvier 2004 : RG n° 11-03-000964 - CA Dijon (1re ch. civ.), 16 avril 2013 : RG n° 12/00590 ; Cerclab n° 4559 (idem), sur renvoi de Cass. civ. 3e, 29 septembre 2010 : pourvoi n° 09-10044 ; Cerclab n° 4583, cassant pour des raisons procédurales CA Reims, 20 février 2008 : RG n° 05/02692 ; Cerclab n° 1170, sur appel de TI Troyes, 8 janvier 2004 : RG n° 11-03-000967 - CA Dijon (1re ch. civ.), 16 avril 2013 : RG n° 12/00591 ; Cerclab n° 4560 (idem), sur renvoi de Cass. civ. 3e, 29 septembre 2010 : pourvoi n° 09-10046 ; Cerclab n° 4585, cassant pour des raisons procédurales CA Reims, 20 février 2008 : RG n° 05/02698 ; Cerclab n° 1168, sur appel de TI Troyes, 8 janvier 2004 : RG n° 11-03-000965.

 B. ACTION CONTRE UN PROFESSIONNEL DU DROIT

Présentation. Les professionnels du droit participant à la rédaction d’un acte juridique (avocats, notaires) peuvent engager leur responsabilité à l’égard du professionnel s’ils ont inséré ou s’ils n’ont pas signalé une clause abusive dans le contrat conclu avec le consommateur. Le problème se pose dans les actions intentées par les associations de consommateurs contre les modèles de contrats (V. notamment les condamnations des auteurs du contrat à garantir les utilisateurs condamnés, Cerclab n° 5757 et n° 5779). Elle peut aussi se poser à la suite d’un litige survenu avec un consommateur. La loi du 17 mars 2014 en instituant des sanctions spécifiques en cas d’insertion de clauses noires a sensiblement renforcé l’intérêt de cette question.

Insertion de clauses noires. La présence dans le contrat d’une clause interdite par l’art. R. 212-1 [L. 132-1 ancien] C. consom. peut entraîner la condamnation du professionnel au paiement d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale (ancien art. L. 132-2 C. consom., devenu L. 241-2 nouveau). Le professionnel du droit qui n’aurait pas signalé cette stipulation pourrait donc engager sa responsabilité à ce titre, dès lors que la clause litigieuse constitue une clause noire. Il faut signaler que cette qualification n’est pas toujours à l’abri de discussion et, en cas d’hésitation, la faute du professionnel du droit ne serait pas nécessairement acquise, en l’absence de jurisprudence établie sur cette stipulation.

Insertion d’autres clauses. L’insertion de clauses présumées abusives (art. R. 212-2 C. consom., anciennement R. 132-2 ancien) ou supposant la preuve in concreto d’un déséquilibre n’exclut pas une action en responsabilité similaire, mais la rend plus difficile, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, s’agissant de la faute, le caractère abusif n’est plus aussi systématique (la présomption peut être renversée, le déséquilibre peut être justifié par des circonstances propres aux parties, etc.). La faute est dès lors plus difficile à prouver et suppose ici aussi une jurisprudence établie sur cette stipulation. Il convient toutefois de réserver une injonction administrative, si elle a été publiée, ou une décision du juge qui aurait étendu la sanction d’une clause au-delà du cercle des seules parties (art. L. 421-6 C. consom., al. 3 [L. 621-8 nouveau]). Dans ce dernier cas, la question de la connaissance de la décision et de son caractère définitif risque de soulever des difficultés.

Ensuite, le préjudice propre découlant de la présence de la clause n’est plus aussi facile à établir : une clause abusive étant réputée non écrite, son insertion dans le contrat peut apparaître sans portée, puisque le professionnel n’aurait pu s’en prévaloir, en tout état de cause, et aurait été soumis au régime appliqué par le juge, après disparition de la clause, même si l’existence d’un préjudice ne peut être totalement exclue (le professionnel qui a utilisé la clause est obligé de revenir en arrière, ce qui peut lui être dommageable).

Responsabilité du notaire. Rappr. pour l’annulation d’une vente d’immeuble en viager, avec réserve d’un droit d’usage et d’habitation jusqu’à 75 ans, pour des causes multiples, incluant la présence de clauses abusives : la vente sera annulée en raison, non seulement de ses modalités singulières de signature, de son prix dérisoire, des clauses abusives et déséquilibrées imposées à une personne en état de faiblesse, de l'absence d'aléa véritable pouvant constituer une contrepartie ou cause valable à la vente en viager du bien litigieux, mais, surtout, en raison de l'altération des facultés mentales de la venderesse au moment de la vente. CA Paris (pôle 4 ch. 1), 2 décembre 2016 : RG n° 15/08410 ; Cerclab n° 6565 (rente majorée après le départ de la venderesse fixée à 600 euros alors que l’appartement pouvait être loué 1.600 euros ; assignation révélant que l’acheteuse vivait en concubinage avec le notaire…), sur appel de TGI Paris, 14 avril 2015 : RG n° 13/11905 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. civ. 3e, 29 mars 2018 : pourvois n° 17-13641 et n° 17-13963 ; arrêt n° 318 ; Cerclab n° 7528 (la cour d’appel a pu, par ces seuls motifs, en déduire que la vente devait être annulée et que l’acquéreur et le notaire devaient être condamnés au paiement de dommages-intérêts dont elle a souverainement, sans méconnaître le principe de la contradiction, fixé le montant ; onzième branche du moyen invoquant le fait que la sanction d’une clause abusive n’est pas la nullité et que l’action est en tout état de cause soumise à la prescription de droit commun).

Action récursoire d’un professionnel condamné : nature de l’action. Lorsqu’un professionnel, condamné à la suite de l’action d’une association de consommateurs en raison de la présence de clauses abusives dans ses contrats, agit contre le professionnel auteur du contrat, il n'entend pas opposer à ce dernier la chose jugée résultant du jugement, mais seulement se prévaloir de la condamnation qui constitue selon lui son préjudice. CA Lyon (6e ch.), 20 novembre 2014 : RG n° 13/00456 ; Cerclab n° 4930 ; Juris-Data n° 2014-029074, sur appel de TI Villeurbanne, 6 septembre 2012 : Dnd.

En acquiesçant au jugement, le professionnel condamné n'a nullement renoncé à exercer une action récursoire à l'encontre de l’auteur du contrat. CA Lyon (6e ch.), 20 novembre 2014 : RG n° 13/00456 ; Cerclab n° 4930 ; Juris-Data n° 2014-029074 (N.B. l’arrêt note au préalable que la qualité pour agir de la société d’auto-école n’est pas discutée, alors la condamnation à dommages et intérêts a été prononcée à l’encontre d’une personne physique exerçant sous l’enseigne commerciale correspondant à celle de la société). § Le fait que le professionnel n’ait pas attrait l’auteur du contrat dans la procédure l’opposant à l’association ne rend pas davantage son action récursoire irrecevable et il appartient à l’auteur du contrat de démontrer en quoi le jugement susvisé pouvait être critiqué et en quoi son intervention devant le tribunal aurait pu le modifier ou éviter la condamnation prononcée. CA Lyon (6e ch.), 20 novembre 2014 : RG n° 13/00456 ; Cerclab n° 4930 ; Juris-Data n° 2014-029074.

Manquement contractuel. En délivrant un modèle de contrat contenant des clauses abusives, le fournisseur d’un logiciel a manqué à ses obligations contractuelles, l'acquéreur étant en droit d'attendre la remise de pièces fiables, compte tenu du caractère spécifique du logiciel et des accessoires destinés aux seuls directeurs d'auto-école. CA Lyon (6e ch.), 20 novembre 2014 : RG n° 13/00456 ; Cerclab n° 4930 ; Juris-Data n° 2014-029074, sur appel de TI Villeurbanne, 6 septembre 2012 : Dnd. § Cette responsabilité n’est pas écartée du fait de la prétendue remise d’une notice d’utilisation fournie avec le logiciel qui « conseille fortement à l'utilisateur de prendre connaissance de la recommandation de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et d'en tenir compte pour modifier son contrat habituel », dès lors, d’une part, que la preuve d’une telle remise n’est pas établie en l’espèce, et que, d’autre part, cette mise à jour est présentée comme exceptionnelle et constituant un simple geste commercial et non l'accomplissement d'une obligation incombant à l'éditeur informatique. CA Lyon (6e ch.), 20 novembre 2014 : RG n° 13/00456 ; Cerclab n° 4930 ; Juris-Data n° 2014-029074.

Partage de responsabilité : faute de l’utilisateur. A commis une faute, justifiant un partage de responsabilité par moitié avec l’auteur du modèle de contrat, le directeur d’auto-école qui avait, au moins partiellement, la compétence pour vérifier la régularité de ce modèle. CA Lyon (6e ch.), 20 novembre 2014 : RG n° 13/00456 ; Cerclab n° 4930 ; Juris-Data n° 2014-029074. § Par ailleurs, dès lors qu’il est établi que l’association de consommateurs n’a pas poursuivi les établissements qui ont, à la suite d’un contact à l’amiable, modifié spontanément leur contrat, le directeur d’auto-école, qui n’a pas répondu avec diligence aux injonctions de l'association, a perdu une chance d'éviter les poursuites. CA Lyon (6e ch.), 20 novembre 2014 : RG n° 13/00456 ; Cerclab n° 4930 ; Juris-Data n° 2014-029074.

Préjudice. Pour des illustrations de préjudice : CA Lyon (6e ch.), 20 novembre 2014 : RG n° 13/00456 ; Cerclab n° 4930 ; Juris-Data n° 2014-029074 (inventaire des condamnations donnant lieu à garantie : 1.500 euros de préjudice collectif, 800 de préjudice associatif, 1.500 au titre de l’art. 700 CPC, 301,39 au titres des dépens et 2.995,26 euros de frais de publication).