CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 9 octobre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4934
CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 9 octobre 2014 : RG n° 14/00333
Publication : Jurica
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/00333. Jugement (R.G. n° 11-13-0086) rendu le 8 novembre 2013 par le Tribunal d'Instance de CALAIS.
APPELANTE :
SA CFCAL LE CRÉDIT FONCIER ET COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE (CFCAL),
pris en la personne de son représentant légal, ayant son siège social : [adresse], Représentée par Maître Valérie B., avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉE :
Madame X.
née le [date] à [ville] - de nationalité Française, demeurant : [adresse], Représentée par Maître Antoine D., avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
DÉBATS à l'audience publique du 9 septembre 2014 tenue par Benoît PETY magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Benoît PETY, Conseiller, Hélène BILLIERES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 9 octobre 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :
Suivant offre acceptée le 14 novembre 2006, la SA Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine-Banque (ci-après dénommée CFCAL) a accordé à Monsieur et Madame Y.-X. un prêt de 75.000 euros au taux de 5,90 % l'an remboursable en 120 mensualités successives.
Les emprunteurs s'étant montrés défaillants dans le remboursement de ce concours financier, la banque les a mis en demeure le 23 août 2012 de régulariser la situation, en vain. Le CFCAL a donc prononcé la déchéance du terme le 5 octobre 2012.
Par exploits du 24 janvier 2013, la banque poursuivante a fait assigner les époux Y.-X. devant le tribunal d'instance de CALAIS aux fins de voir cette juridiction condamner solidairement les deux assignés à lui payer la somme de 48.245,57 euros arrêtée au 30 novembre 2012 avec intérêts au taux conventionnel, outre une indemnité de procédure de 700 euros.
Par jugement du 8 novembre 2013, le tribunal d'instance de CALAIS a notamment déclaré la demande en paiement de la SA CFCAL recevable mais prononcé la déchéance du prêteur du droit aux intérêts. La juridiction de première instance ordonnait la réouverture des débats à une audience ultérieure en invitant la société poursuivante à produire un décompte reprenant mois par mois les sommes dues et les versements réalisés ainsi qu'un décompte reprenant le total des versements réalisés par la débitrice, les autres demandes étant réservées.
La SA CFCAL a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la cour de déclarer recevable son action, de dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ni à nullité du contrat de prêt et, en conséquence, de condamner Madame X. épouse Y. à lui payer la somme de 48.245,57 euros arrêtée au 30 novembre 2012 outre les intérêts au taux conventionnel du jour de l'arrêté de compte au taux de 7,73 % l'an jusqu'à parfait paiement, outre 1.500 euros d'indemnité de procédure. Elle conclut aussi au débouté de Madame Y. de toutes ses demandes.
La société CFCAL expose au soutien de ses demandes qu'aucune forclusion n'est acquise en l'occurrence dès lors que le premier impayé non régularisé remonte de fait au 5 avril 2012, les assignations ayant été délivrées le 24 janvier 2013, soit dans le délai de deux ans.
Relativement à la déchéance du droit aux intérêts, la société prêteuse énonce dans un premier temps que les mentions du bordereau de rétractation auxquelles fait référence Madame Y. relèvent des dispositions facultatives du modèle-type, leur manquement n'étant en toute hypothèse pas sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts mais par une amende de nature pénale.
Quant à l'offre, il est acquis qu'elle a été émise le 13 novembre 2006, la précision de sa validité pendant quinze jours étant bien apparente sur le document qui est en cela parfaitement régulier.
Sur le calcul des intérêts, la banque rappelle que l'offre fait état d'un taux nominal de 5,90 %. Il est aussi indiqué que le prêt est remboursable en une tranche à taux révisable sur la base de l'Euribor trois mois, la valeur de l'indice à la date du 1er novembre 2006 étant de 3,56 %. L'article 5 des conditions générales détaille les modalités de variation du taux d'intérêts.
Pour ce qui relève du coût du crédit, il est mentionné 3.375 euros pour la caution, 3.000 euros pour le courtier, 750 euros au titre des frais de dossier, les intérêts et les primes d'assurances figurant dans le tableau d'amortissement initial pour les sommes respectives de 24.467,17 et 2.812,80 euros. L'ensemble donne bien un total de 34.404,97 euros comme indiqué dans l'offre.
Pour ce qui est d'une prétendue clause abusive, la société CFCAL énonce que l'article 8 des conditions générales énumère tous les cas de résiliation du prêt, l'ensemble de ces circonstances étant liées à des déclarations mensongères, erronées ou à l'absence de règlement des mensualités, ce qui ne peut caractériser une clause abusive, laquelle est d'ailleurs réputée non écrite sans pouvoir justifier une quelconque déchéance du droit aux intérêts.
Quant à la nullité du prêt soulevée par Madame Y., la banque fait état de ce que l'interdiction de fonds débloqués dès la signature de l'offre ne résulte que d'une simple mention écrite sur un courrier du courtier. En l'occurrence, l'offre a été acceptée le 14 novembre 2006 et aucun versement n'est survenu avant l'expiration du délai de rétractation. En toute hypothèse, il est constant en pareilles circonstances que le prêt reste valide dès lors que l'emprunteur a remboursé les premières échéances sans aucune contestation manifestant ainsi sa volonté de bénéficier du crédit consenti, ce qui régularise toute nullité.
Sur la somme principale qui lui est due, la société CFCAL précise que la somme de 1.364 euros qui figure sur l'arrêté de compte à la date du 28 juin 2012 correspond à une restitution effectuée par Monsieur Y. suite aux cessions de salaire de mai et juin 2012, fonds reçus à tort compte tenu de la recevabilité du plan de surendettement.
La banque s'oppose enfin à tous délais de paiement compte tenu de l'ancienneté de la dette si bien que la débitrice a déjà pu bénéficier de fait de délais de grâce. De surcroît, sa situation professionnelle n'est étayée par aucune pièce au dossier.
Madame Y. conclut pour sa part à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé la déchéance du prêteur du droit aux intérêts. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de prononcer la nullité du contrat de prêt et de dire qu'elle ne sera tenue qu'au seul remboursement du capital déduction faite des paiements intervenus. En tout état de cause, elle sollicite la suspension de ses obligations pour une durée de deux ans, son conseil formant contre la banque une demande en paiement d'une indemnité de 1.500 euros au visa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Madame Y. énonce dans un premier temps que le bordereau de rétractation joint à l'offre de prêt n'est pas conforme au modèle-type annexé à l'article R. 311-7 ancien du Code de la consommation. Il ne mentionne pas l'adresse du prêteur ni ne précise que le délai de rétractation est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé. La défenderesse considère dès lors que c'est à juste titre que le premier juge a prononcé la déchéance du prêteur du droit aux intérêts, l'offre n'ayant pas été établie conformément aux dispositions de l'article L. 311-13 ancien du Code de la consommation.
Madame Y. ajoute que si l'offre litigieuse porte une date d'émission, le 13 novembre 2006, elle n'indique aucune date limite de validité. Une fois encore, la déchéance du droit aux intérêts est encourue pour le prêteur. Cette sanction est aussi encourue en ce que l'offre ne contient pas l'indication du coût ventilé du crédit, seule la somme totale de 34.404,97 euros étant mentionnée, ce qui n'est pas conforme à l'article L. 311-10 ancien du Code de la consommation.
Madame Y. soutient ensuite que le contrat de crédit qu'elle a conclu avec la société CFCAL est nul. En effet, les fonds ont été débloqués dans les 24 heures de la transmission du prêt dûment signé au courtier, ce qui contrevient à l'article L. 311-17 ancien dudit code. Cela est sanctionné par la nullité du contrat au visa de l'article 6 du Code civil, l'emprunteur n'étant tenu qu'au remboursement du seul capital.
Madame Y. rappelle qu'au jour de la souscription du prêt litigieux, elle était sans profession. Les époux emprunteurs sont depuis en instance de divorce, l'ordonnance de non-conciliation du 5 mars 2012 ayant mis la plupart des crédits et prêts à la charge de Monsieur Y. Madame Y. précise qu'elle ne perçoit à ce jour que les prestations familiales et ce que son mari lui verse chaque mois pour l'entretien de leurs deux enfants mineurs. Elle sollicite une suspension de l'exécution de ses obligations pendant deux ans.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Sur la recevabilité de l'action de la banque :
Attendu que le premier juge ayant déclaré recevable l'action principale de la banque poursuivante sans que cela soit remis en cause devant la cour, il y a lieu de confirmer purement et simplement de ce chef la décision déférée ;
Sur la déchéance du prêteur du droit aux intérêts :
Attendu que l'article L. 311-13 ancien du Code de la consommation énonce que « l'offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation, après consultation du Conseil national de la consommation » ;
Que le modèle type de bordereau détachable annexé à l'ancien article R. 311-7 du Code de la consommation fait apparaître deux mentions qui ne sont pas remises dans le bordereau joint à l'offre soumise à Madame Y., à savoir : « Si ce délai expire un samedi, dimanche ou un jour férié ou chômé, il sera prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. Le délai commence à courir à partir du jour suivant votre signature de l'offre » ;
Que s'il est exact que le modèle type comporte des mentions facultatives, les deux phrases sus-rappelées qui ne sont pas signalées comme telles par la note (2) en fin de modèle relèvent assurément des dispositions obligatoires du bordereau de rétractation ;
Que la circonstance que ces deux mentions n'y figurent pas invalide le bordereau détachable en question et justifie que le premier juge ait à ce titre prononcé la déchéance du prêteur du droit aux intérêts, la décision entreprise étant aussi en cela confirmée ;
Sur la créance principale de la banque poursuivante :
Attendu que, suite à la déchéance du prêteur du droit aux intérêts, la créance de ce dernier s'établit en prenant le montant du capital prêté à l'emprunteur et en en déduisant tous les versements réalisés par ce dernier, le principe de l'indemnité de résiliation étant par ailleurs écarté ;
Qu'en l'occurrence, il importe de déduire de la somme de 75.000 euros les versements opérés par les emprunteurs, étant reprise des propres écritures de la banque la précision que la première échéance impayée non régularisée est signalée par la banque le 5 avril 2012 ;
Qu'il faut donc en déduire toutes les mensualités antérieures (à l'exception des primes d'assurance) qui ont été réglées par les emprunteurs, ce qui représente en l'état du tableau d'amortissement produit aux débats la somme totale de 56.384,76 euros ;
Qu'en conséquence, Madame Y. sera condamnée à payer à la SA CFCAL la somme de 18.615,24 euros au titre du solde du prêt du 14 novembre 2006, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 août 2012 (date de la mise en demeure de payer) ;
Que le jugement dont appel sera ainsi réformé, aucune réouverture des débats n'étant nécessaire ;
Sur la demande de suspension des obligations de la débitrice :
Attendu que les pièces communiquées aux débats par Madame Y. établissent qu'elle bénéficie au titre de ses ressources des prestations familiales pour une somme totale de 1.070,17 euros par mois (RSA compris), outre les contributions alimentaires que Monsieur Y. doit lui verser chaque mois à concurrence de 440 euros pour l'entretien des deux enfants communs en résidence au domicile maternel ;
Que Madame Y. doit régler chaque mois un loyer de 540 euros et rembourser deux crédits pour les sommes respectives de 83,33 et 167 euros par mois ;
Que la débitrice, dont la situation financière actuelle ne permet aucunement d'envisager qu'elle puisse à ce jour rembourser sa dette envers la société CFCAL, n'explicite aucun événement à bref ou moyen terme de nature à laisser entrevoir un quelconque retour à meilleure fortune de sorte que la suspension des obligations de la débitrice n'aurait pour seule conséquence que de reporter le recouvrement par la banque de sa créance sans que le paiement de cette dernière soit garanti ;
Qu'il ne peut dans ces conditions être fait droit à la demande de Madame Y. ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que l'équité ne commande pas de fixer en faveur de la banque poursuivante une quelconque indemnité de procédure en cause d'appel, prétention dont elle sera déboutée comme doit être rejetée aussi sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles en première instance, le jugement dont appel étant ainsi réformé de ce chef ;
Sur l'indemnité de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Attendu que chaque partie conservant la charge de ses propres dépens tant de première instance que d'appel, il n'y a pas lieu de fixer en faveur du conseil de Madame Y. une quelconque indemnité au visa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions déclarant recevable l'action de la banque poursuivante et prononçant la déchéance de cette dernière du droit aux intérêts ;
Réformant et prononçant à nouveau pour le surplus,
Dit n'y avoir lieu à réouverture des débats ;
Condamne Madame Y. à payer à la SA Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine, au titre du prêt de 75.000 euros du 14 novembre 2006, la somme de 18.615,24 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 août 2012 ;
Déboute la société CFCAL de sa demande d'indemnité de procédure en première instance ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Déboute la SA Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine de sa demande d'indemnité de procédure en cause d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité au visa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER