CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 24 novembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4957
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 24 novembre 2014 : RG n° 13/02289
Publication : Jurica
Extrait : « L'article 9.1 du contrat signé le 18 avril 2008 entre monsieur X. et la société DIAC prévoit la résiliation du contrat en cas de défaillance du locataire. L'article 9.2 dispose : « dès résiliation du contrat et sauf application de l'article 7, vous devrez : * restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais à compter de la résiliation, * régler, à titre de sanction de l'inexécution du contrat et en compensation du préjudice subi, une indemnité telle que définie à l'article 5a des conditions légales et réglementaires. Vous pouvez dans le délai d'un mois, à compter de la résiliation du contrat, présenter un acquéreur faisant une offre écrite d'achat accompagnée du règlement par chèque de banque à notre ordre. ».
La clause prévue à l'article 9.2 susvisé, imposant au preneur de restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais et l'empêchant ainsi de mettre en œuvre la faculté de présentation d'un acquéreur, a pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause doit être qualifiée d'abusive et être déclarée non écrite. Ce texte dispose que le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans les dites clauses.
Le contrat stipule à l'article 5a dans son premier paragraphe : […]. Au regard de ses considérations, le contrat du 18 avril 2008, pouvant subsister sans la clause abusive déclarée non écrite, reste applicable dans toutes ses autres dispositions. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/02289. DÉCLARATION DE SAISINE DU 22 mai 2013, sur un arrêt de cassation du 10 avril 2013. Recours contre un jugement (R.G. n° 09/1103) rendu par le Tribunal d'Instance de VILLEFRANCHE/SUR SAÔNE en date du 22 juin 2010, ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 5 janvier 2012 par la Cour d'Appel de LYON
APPELANT ET SAISISSANT :
SA DIAC
prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège, Représentée et plaidant par Maître Philippe GIRARD de la SCP GIRARD BRIANCON, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉ ET SAISI :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française ; Représenté par Maître Charlotte DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître Julie MOUNIER, avocat au barreau de LYON
DÉBATS : À l'audience publique de renvoi de cassation du 27 octobre 2014, Madame BLATRY, Conseiller chargé du rapport en présence de Madame JACOB Conseiller, assistées de Madame DESLANDE, greffier, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
La société DIAC a consenti le 18 avril 2008 à monsieur X. une location avec option d'achat relative à un véhicule neuf de marque Renault Mégane 1,5 DCI moyennant le versement de 37 mensualités de 502,34 euros.
Suite à sa défaillance, monsieur X. a restitué le véhicule le 26 février 2009, lequel a été vendu aux enchères le 27 mars 2009 pour la somme de 8.300,00 euros.
Par ordonnance du 29 octobre 2009, le président du tribunal d'instance de Villefranche sur Saône a enjoint à monsieur X. de payer à la société DIAC la somme de 10.164,64 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2009 outre la somme de 52,62 euros au titre des frais.
Monsieur X. a formé opposition à cette ordonnance le 30 décembre 2009
Par jugement du 22 juin 2010, le tribunal d'instance de Villefranche sur Saône a :
* déclaré monsieur X. recevable en son opposition,
* substitué le jugement à l'ordonnance du 29 octobre 2009,
* condamné monsieur X. à payer la somme de 2.002,34 euros au titre du contrat de prêt outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
* dit que monsieur X. pourra s'acquitter du paiement de la dette par mensualités d'un montant de 150,00 euros et une dernière mensualité du montant du solde restant dû avant le 20 de chaque mois à compter de la décision,
* ordonné l'exécution provisoire,
* condamné monsieur X. à payer à la société DIAC une indemnité de procédure de 200,00 euros.
Sur appel le 29 juillet 2010 de la société DIAC, la cour d'appel de Lyon, par arrêt du 5 janvier 2012 infirmant le jugement déféré, a :
* fixé la créance de la société DIAC à la somme de 10.210,26 euros,
* condamné monsieur X. à lui payer cette somme,
* ordonné la capitalisation des intérêts,
* débouté monsieur X. de sa demande en délai de paiement.
Monsieur X. s'est pourvu en cassation.
Par arrêt du 10 avril 2013, la cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 5 janvier 2012 au motif que « la cour a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation en retenant que la clause prévoyant la restitution du véhicule loué ainsi que la faculté pour le locataire de présenter un acquéreur au bailleur dans le délai d’un mois à compter de la résiliation ne saurait être considérée comme abusive, dès lors, qu'elle reprend les dispositions des articles L. 311-31 et D. 311-13 du code de la consommation alors que cette clause imposait au preneur de restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais et l'empêchait de mettre en œuvre la faculté de présentation d'un acquéreur, ce qui avait pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
La société DIAC a saisi la cour de renvoi le 22 mai 2013.
Au dernier état de ses écritures en date du 26 juin 2013, la société DIAC demande de :
* fixer sa créance à la somme de 10.210,26 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 27 juillet 2010,
* condamner monsieur X. à lui payer cette somme,
* ordonner la capitalisation des intérêts,
* débouter monsieur X. de sa demande en délai de paiement,
* condamner monsieur X. à lui payer une indemnité de procédure de 2.000,00 euros.
Elle fait valoir que :
* le contrat ne contient aucune clause abusive,
* l'indemnité de résiliation, qui participe à l'indemnisation de ses préjudices financiers et économique, ne s'analyse pas comme une clause pénale.
Par conclusions récapitulatives du 30 juin 2014, monsieur X. sollicite la réformation du jugement déféré en ce qu'il a fait droit partiellement à la réclamation adverse et de :
* dire n'y avoir lieu à indemniser la société Diac sur le fondement de la clause abusive stipulée à l'article 9 du contrat,
* débouter la société Diac de l'ensemble de ses prétentions,
* la condamner à lui payer la somme de 3.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Il expose que :
* le véhicule acheté neuf pour la somme de 18.586,58 euros a été revendu après une année d'utilisation, aux enchères pour la somme de 8.300,00 euros,
* la valeur à l'argus était de 14.800,00 euros,
* la clause alléguée par la société Diac étant nulle, est réputée non écrite,
* elle est insusceptible de fonder une condamnation à son encontre.
La clôture de la procédure est intervenue le 1er juillet 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
L'article 9.1 du contrat signé le 18 avril 2008 entre monsieur X. et la société DIAC prévoit la résiliation du contrat en cas de défaillance du locataire.
L'article 9.2 dispose : « dès résiliation du contrat et sauf application de l'article 7, vous devrez :
* restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais à compter de la résiliation,
* régler, à titre de sanction de l'inexécution du contrat et en compensation du préjudice subi, une indemnité telle que définie à l'article 5a des conditions légales et réglementaires.
Vous pouvez dans le délai d'un mois, à compter de la résiliation du contrat, présenter un acquéreur faisant une offre écrite d'achat accompagnée du règlement par chèque de banque à notre ordre. ».
La clause prévue à l'article 9.2 susvisé, imposant au preneur de restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais et l'empêchant ainsi de mettre en œuvre la faculté de présentation d'un acquéreur, a pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, cette clause doit être qualifiée d'abusive et être déclarée non écrite.
Ce texte dispose que le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans les dites clauses.
Le contrat stipule à l'article 5a dans son premier paragraphe :
« en cas de défaillance de votre part (non-paiement des loyers ou non-respect d'une obligation essentielle du contrat) le bailleur pourra exiger une indemnité égale à la différence entre, d'une part, la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulé au contrat augmentée de la valeur actualisée, à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus, et d'autre part, la valeur vénale hors taxes du bien restitué »
Ces stipulations sont expressément prévues par l'article L. 311-31 du code de la consommation qui renvoie en outre aux dispositions de l'article 3 du décret n° 78-373 du 17 mars 1978 pour la définition de l'indemnité de résiliation.
Cette indemnité de résiliation, présentant le caractère d'une clause pénale, peut être d'office diminuée par application des dispositions de l'article 1152 du code civil auquel se réfère expressément l'article L. 311-31 du code de la consommation.
Au regard de ses considérations, le contrat du 18 avril 2008, pouvant subsister sans la clause abusive déclarée non écrite, reste applicable dans toutes ses autres dispositions.
L'argumentation de monsieur X., selon laquelle la reconnaissance du caractère abusif de la clause 9.2 du contrat empêche toute condamnation à paiement à son encontre, doit être rejetée.
L'indemnité de résiliation est égale à la différence entre, d'une part, la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulé au contrat, augmentée de la valeur actualisée à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus, et d'autre part, la valeur vénale hors taxes du bien restitué.
La valeur actualisée des loyers non encore échus se calcule pour chaque loyer selon la méthode des intérêts composés en prenant en compte, comme taux annuel de référence, le taux moyen de rendement des obligations émises au cours du semestre civil précédant la date de conclusion du contrat majoré de moitié.
Il ressort des éléments produits aux débats que la valeur résiduelle hors taxes du véhicule automobile s'élève à la somme de 6.521,73 euros, le véhicule neuf ayant un coût initial de 18.586,58 euros, alors que la valeur actualisée des loyers non échus se monte à la somme de 9.907,68 euros.
L'indemnité de résiliation a pour objet de réparer le préjudice subi par la société DIAC qui se voit privée des bénéfices qu'elle pouvait escompter de la rémunération du contrat mené à bien.
Monsieur X. a réglé 5 mensualités et a restitué, dès son premier incident de paiement, le véhicule objet du contrat.
Celui-ci a été revendu aux enchères pour la sommes de 8.300,00 euros, les parties visant divers chiffres inexacts au regard du seul document attestant valablement du montant de la vente aux enchères soit le décompte vendeur ANAF produit en pièce 4 du dossier DIAC.
Monsieur X. justifie de la côte ARGUS de la Mégane au mois de février 2009 d'un montant de 14.800,00 euros alors que l'automobile a été adjugée à la somme de 8.300,00 euros soit une différence de 6.500,00 euros.
Dans ces conditions, la somme de 10.210,26 euros sollicitée par la société DIAC apparaît manifestement excessive au regard de son préjudice réellement subi.
Le premier juge, en condamnant monsieur X. à payer la somme de 2.002,34 euros au titre du contrat de prêt avec intérêts au taux légal à compter du jugement, a suffisamment réparé le préjudice de la société DIAC.
Monsieur X. ne sollicitant plus le bénéfice de délais de paiement, le jugement déféré sera confirmé uniquement sur le point précédent, les parties étant déboutées du surplus de leurs demandes.
La cour estime ne pas devoir faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, chacune des parties supportera ses propres dépens tant en première instance qu'en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare non écrite la clause 9.2 du contrat conclu le 18 avril 2008 entre monsieur X. et la société DIAC,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
* déclaré monsieur X. recevable en son opposition,
* substitué le jugement à l'ordonnance du 29 octobre 2009,
* condamné monsieur X. à payer à la société DIAC la somme de 2.002,34 euros au titre du contrat de prêt outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse à la charge de chacune des parties ses propres dépens tant en première instance qu'en cause d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame JACOB, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président