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CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 20 février 2015

Nature : Décision
Titre : CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 20 février 2015
Pays : France
Juridiction : Reims (CA), ch. civ. sect. inst.
Demande : 14/00468
Date : 20/02/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2015-004910
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5107

CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 20 février 2015 : RG n° 14/00468

Publication : Jurica

 

Extrait : « Tout vendeur professionnel de meubles destinés à être posés et installés dans un lieu spécifiquement défini et auquel ils doivent être adaptés, doit s'informer des besoins de l'acquéreur non professionnel et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose qu'il se propose d'acquérir et de son aptitude à atteindre le but recherché, de sorte qu'il puisse s'engager en toute connaissance de cause. Manque à son obligation d'information, le vendeur de cuisine qui n'a pas soumis à son client le plan d'implantation des meubles adapté aux échelles et cotes de sa résidence et s'est borné à mentionner sur le bon de commande les dimensions des meubles, ne permettant pas à l'acquéreur de déterminer s'ils étaient bien adaptés à l'usage auquel il les destinait, ni de donner un consentement éclairé sur la chose objet de la vente[…]

Le premier juge a exactement apprécié que la société Expo 2000 n'apporte pas la preuve qu'elle a satisfait à ces obligations d'information et que les manquements graves aux dites obligations sont constitutifs d'un dol qui a vicié le consentement de M. et Mme X., puisqu'ils ne pouvaient connaître les caractéristiques essentielles du bien et de la prestation objets du contrat. En conséquence, le tribunal d'instance a, avec justesse, annulé le contrat d'installation de cuisine du 9 septembre 2012 et condamné la société Expo 2000 à rembourser l'acompte de 7.943 euros. Par suite, le jugement est confirmé de ces chefs, sauf à ajouter que la somme à restituer est majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2012 date de la première mise en demeure. »

 

 

COUR D'APPEL DE REIMS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION INSTANCE

ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/00468. Appel d'un jugement rendu le 19 novembre 2013 par le tribunal d'Instance de Châlons-en-Champagne (R.G. n° 11-12-000796)

 

APPELANTE :

SARL Expo 2000 Wuithier et Compagnie

prise en la personne de son représentant légal, domicilié de droit au siège social ; Comparant, concluant par la SCP Sammut - Croon - Journé Léau, avocats au barreau de Châlons-en-Champagne

 

INTIMÉS :

1) Monsieur X.

2) Madame Y. épouse X.

Comparant, concluant par la SCP Colomès - Mathieu, avocats au barreau de l'Aube

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Lafay, présidente de chambre, Madame Lefèvre, conseiller, Madame Magnard, conseiller

GREFFIER D'AUDIENCE : Monsieur Jolly, greffier lors des débats et du prononcé

DÉBATS : À l'audience publique du 13 janvier 2015, le rapport entendu, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 février 2015,

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Lafay, présidente de chambre, et par Monsieur Jolly, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 9 septembre 2012, lors de la foire exposition de Châlons-en-Champagne, M. et Mme Didier X. ont passé commande auprès de la SARL Expo 2000 Wuithier et compagnie, dite ci-après la société Expo 2000, de mobilier de cuisine et d'appareils ménagers aux fins d'aménagement de leur cuisine, selon un devis de 19.859 euros TTC, sur lequel ils ont versé un acompte de 7.943 euros.

Par lettre recommandée reçue le 26 septembre 2012, les époux X. ont fait savoir à la société Expo 2000 qu'ils entendaient annuler la commande, les mesures du devis ne correspondant pas aux dimensions de la pièce.

Le 14 décembre 2012, les époux X. ont fait assigner la société Expo 2000 devant le tribunal d'instance de Châlons-en-Champagne en annulation du contrat du 9 septembre 2012. Le jugement du 19 novembre 2013 a annulé ledit contrat, condamné la société Expo 2000 à rembourser l'acompte de 7.943 euros, débouté les époux X. de leur demande en indemnisation d'une résistance abusive et condamné la société Expo 2000 au paiement d'une somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.

 

La société Expo 2000 a fait appel de cette décision. Aux termes de conclusions du 15 septembre 2014, elle demande à la cour de l'infirmer afin

- de rejeter toutes les demandes adverses,

- de lui donner acte de ce qu'elle maintient son engagement de réaliser la cuisine commandée,

- d'ordonner aux époux X. de la laisser venir à leur domicile pour visiter les lieux et déterminer les contraintes techniques de l'installation,

- de dire qu'elle ne peut être tenue pour responsable du dépassement du délai de livraison, qui devait expirer le 30 juin 2013,

- de condamner in solidum les époux X. à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et d'appel, ainsi qu'aux dépens.

 

Selon écritures du 14 novembre 2014, M. et Mme X. concluent, au visa des articles 6, 1109 et suivants, 1135, 1378 et 1615 du code civil, L. 111-1, L. 111-2, L. 421-2 et L. 421-6 du code de la consommation et de la recommandation n° 82-03 de la commission des clauses abusives, des articles 2 et 5 du décret du 14 mars 1986, de la directive européenne du 11 mai 2005, au débouté de toutes les demandes adverses, à la nullité du contrat de vente et subsidiairement au constat de ce que leur logement ne peut accueillir la cuisine intégrée, ce qui rend caduque le contrat du 9 septembre 2012. Ils demandent la confirmation du jugement déféré, la condamnation de la société Expo 2000 à leur rembourser la somme de 7.943 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2012 (mise en demeure), à leur payer une somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

 

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 décembre 2014.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce, la cour :

L'article L. 111-1 I. du code de la consommation prévoit que « Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien (...) En cas de litige portant sur l'application des I et II, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté ses obligations ». L'article L. 111-2 prévoit de même que tout professionnel prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat et, en tout état de cause, avant l'exécution de la prestation de services, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service et, qu'en cas de litige, il appartient au prestataire de prouver qu'il a exécuté ses obligations.

Tout vendeur professionnel de meubles destinés à être posés et installés dans un lieu spécifiquement défini et auquel ils doivent être adaptés, doit s'informer des besoins de l'acquéreur non professionnel et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose qu'il se propose d'acquérir et de son aptitude à atteindre le but recherché, de sorte qu'il puisse s'engager en toute connaissance de cause.

Manque à son obligation d'information, le vendeur de cuisine qui n'a pas soumis à son client le plan d'implantation des meubles adapté aux échelles et cotes de sa résidence et s'est borné à mentionner sur le bon de commande les dimensions des meubles, ne permettant pas à l'acquéreur de déterminer s'ils étaient bien adaptés à l'usage auquel il les destinait, ni de donner un consentement éclairé sur la chose objet de la vente.

En l'espèce, M. et Mme X. ont signé le 9 septembre 2012 un bon de commande, renvoyant pour la désignation des meubles et des accessoires et aménagements intérieurs de meubles au « descriptif », pour un montant TTC de 19.859 euros dont 17.163 euros de meubles. Étaient joints un croquis d'implantation de la cuisine, un dessin en perspective destiné à visualiser l'aspect de la cuisine intégrée et un devis détaillé comprenant les meubles retenus (références, dimensions) pour 22.738,81 euros, les plans de travail pour 3.166,86 euros, des accessoires pour 1.508,11 euros et un « bati liaison cuisson » de 1.618,75 euros. Le croquis d'implantation (dit esquisse pour M. et Mme X.), réalisé sur le stand de la foire exposition, de façon sommaire, sans métrage précis, présente la disposition de divers meubles de cuisine dans une pièce de 6 mètres sur 5, sans relevé des points d'alimentation en eau et énergie existants (pièce n° 10 de l'appelante et 3 des intimés). Le bon de commande énumère, en point 7, tous les travaux de démontage, percement, ragréage et les forfaits plomberie, raccordement, électricité, évalués ici à 280 euros, la quasi-totalité de ces travaux étant mentionnés comme à la charge du client. Le bon de commande prévoit, en point 8, l'intervention d'un technicien à domicile et l'élaboration d'un dossier technique (plans, perspectives), facturées 190 euros.

Les conditions générales de vente, dans le paragraphe « généralités », précisent que la fourniture comprend exactement et uniquement le matériel spécifié sur le bon de commande, que toute modification à la commande initiale du fait de l'acheteur entraîne une facturation complémentaire et détermine un nouveau délai de livraison, et qu'aucun mobilier commandé ne sera repris. L'article 21 des conditions générales prévoit que si des travaux devenaient obligatoires au moment de la pose du mobilier (complications au niveau des murs, des revêtements de sol, transformations électriques, plomberie, chauffage, création d'un conduit d'aération...) ces travaux feront l'objet d'une facturation séparée en plus-value.

M. et Mme X. versent aux débats un plan établi par l'architecte lors de la construction de leur maison, plan selon lequel la cuisine mesure 5,22 mètres de long et 4,40 mètres de large. Ce document suffit à établir que, par rapport au croquis sus évoqué, des modifications et adaptations seront nécessaires pour réaliser l'aménagement personnalisé en fonction des possibilités techniques d'exécution.

Il s'ensuit que le contrat de vente d'une cuisine équipée conclu le 9 septembre 2012, alors que le dossier technique serait élaboré ultérieurement avec des incidences sur la prestation délivrée et sur son prix, ne répond pas aux exigences de l'article L. 111-1 du code de la consommation, le consommateur n'ayant pas été mis en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien avant la conclusion du contrat.

M. et Mme X. ont été poussés par le vendeur à contracter de manière définitive alors qu'ils ne disposaient d'aucun véritable projet concret d'installation de cuisine et ignoraient par suite le prix d'une telle installation. Dès qu'ils ont réalisé qu'ils n'avaient aucune certitude et garantie sur ces points, ils ont demandé l'annulation du contrat par lettre recommandée datée du 24 septembre 2012 et reçue le 26 septembre 2012 par la société Expo 2000 (pièce n° 4 des intimés).

Le premier juge a exactement apprécié que la société Expo 2000 n'apporte pas la preuve qu'elle a satisfait à ces obligations d'information et que les manquements graves aux dites obligations sont constitutifs d'un dol qui a vicié le consentement de M. et Mme X., puisqu'ils ne pouvaient connaître les caractéristiques essentielles du bien et de la prestation objets du contrat. En conséquence, le tribunal d'instance a, avec justesse, annulé le contrat d'installation de cuisine du 9 septembre 2012 et condamné la société Expo 2000 à rembourser l'acompte de 7.943 euros. Par suite, le jugement est confirmé de ces chefs, sauf à ajouter que la somme à restituer est majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2012 date de la première mise en demeure.

La société Expo 2000 succombe et supporte les dépens d'appel ainsi qu'une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

Confirme le jugement du tribunal d'instance de Châlons-en-Champagne du 19 novembre 2013,

Y ajoutant, condamne la SARL Expo 2000 Wuithier et compagnie à payer à M. et Mme X., en remboursement de l'acompte perçu, la somme de 7.943 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2012,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la SARL Expo 2000 Wuithier et compagnie à payer à M. et Mme X. une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Expo 2000 Wuithier et compagnie aux dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Colomes-Mathieu, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LA PRÉSIDENTE