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CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C), 7 mai 2008

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C), 7 mai 2008
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 8e ch. C
Demande : 06/18775
Décision : 2008/257
Date : 7/05/2008
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 257
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5181

CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C), 7 mai 2008 : RG n° 06/18775 ; arrêt n° 2008/257

Publication : Legifrance

 

Extraits (demandeur) : « L’appelante demande, à titre principal, le rejet de la créance et, subsidiairement, l’instauration d’une mesure d’expertise. Elle fait valoir : - que la CGI, après avoir réduit sa garantie, s’est prévalue d’une clause de caractère abusif pour résilier, unilatéralement et dans des conditions fautives, son engagement ; il en est résulté l’ouverture de la procédure collective, ce qui justifie le rejet de la créance […] ».

Extraits (motifs) : « 1. A le supposer fondé, le grief de rupture fautive de la convention conclue entre la CGI et l’Institut de la villa n’est pas de nature à justifier le rejet des créances en litige. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

HUITIÈME CHAMBRE C

ARRÊT DU 7 MAI 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/18775. Arrêt n° 2008/257. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 26 octobre 2006 enregistré au répertoire général sous le n° 06/5148.

 

APPELANTE :

SARL INSTITUT DE LA VILLA,

représentée par son mandataire ad hoc C. Z., demeurant [adresse], représentée par la SCP PRIMOUT-FAIVRE, avoués à la Cour, plaidant par Maître Denis GENTILIN, avocat au barreau de MARSEILLE

 

INTIMÉS :

CAISSE DE GARANTIE IMMOBILIERE DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DU BÂTIMENT (CGI-FFB)

en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [adresse], représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour, plaidant par Maître d’Argoeuves Béatrice du cabinet Vatier et Associés, avocats à Paris

Maître X., pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SARL INSTITUT DE LA VILLA

né le [date] à[ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 13 février 2008, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président, Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller, Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 7 mai 2008.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 7 mai 2008. Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL Institut de la villa, ayant pour objet une activité de promotion et de construction de maisons individuelles, a été mise en redressement judiciaire le 10 janvier 2001 puis en liquidation judiciaire le 1er octobre 2001, avec M. X. pour liquidateur.

Par acte du 21 juillet 1998, la Caisse de garantie immobilière de la fédération française du bâtiment (CGI) s’était engagée, dans le cadre des opérations de construction de maisons individuelles, à fournir la garantie de livraison prévue en faveur du maître d’ouvrage par l’article L. 231-6 du Code de la construction et de l’habitation.

Le 28 février 2001 la CGI a déclaré auprès du représentant des créanciers « à titre provisionnel à valoir et chirographaire » la somme de 2.593.087 F représentée :

- à concurrence de 1.800 F par les commissions dues au titre des 2ème et 3ème trimestres ;

- à concurrence de 2.591.287 F, par les sommes qu’elle était susceptible d’exposer sur 15 chantiers en exécution de la garantie d’achèvement, cette somme correspondant à une évaluation fixée, pour chaque chantier, dans la proportion de 25 % du montant de son engagement.

Le 15 septembre 2005, la CGI a effectué une nouvelle déclaration de créance pour un montant global de 621.780,87 euros correspondant aux sommes qu’elle a effectivement exposées, au titre de la garantie d’achèvement, au profit de 10 des 15 maîtres d’ouvrage concernés par la déclaration originaire.

Par ordonnance du 26 octobre 2006 (tribunal de commerce de Marseille), le juge commissaire a prononcé l’admission de la créance pour 621.780,87 euros, à titre chirographaire échu.

La SARL Institut de la villa est appelante de cette décision.

* * *

L’appelante demande, à titre principal, le rejet de la créance et, subsidiairement, l’instauration d’une mesure d’expertise. Elle fait valoir :

- que la CGI, après avoir réduit sa garantie, s’est prévalue d’une clause de caractère abusif pour résilier, unilatéralement et dans des conditions fautives, son engagement ; il en est résulté l’ouverture de la procédure collective, ce qui justifie le rejet de la créance ;

- qu’il n’est pas justifié de la créance par un décompte fiable et sérieux ;

- qu’il n’est pas justifié des créances recouvrées auprès des maîtres d’ouvrage ;

- que la CGI a fait achever les travaux par des entreprises de son choix, dans des conditions qui ont généré un coût excédant, dans de très fortes proportion, les devis originaires, en raison notamment d’une réfection de travaux déjà réalisés et de la prise en charge de travaux supplémentaires non prévus ; qu’il en résulte des écarts de coût qui ne sont pas justifiés et qui présentent un caractère « invraisemblable » ;

- que des fournisseurs ont été payés en méconnaissance du protocole d’accord conclu avec M. D. ;

- qu’une somme de 7.622,45 euros a été versée à M. E. en méconnaissance du protocole d’accord qu’il a conclu avec la société Institut de la villa ;

- que la CGI a payé des travaux supplémentaires qui n’entraient pas dans le champ de la garantie ;

- que la CGI aurait dû décliner sa garantie au titre des malfaçons et non-conformités ressortissant à l’assurance « dommages ouvrages » ;

- que les pénalités de retard étant la conséquence de l’incurie de la CGI dans l’achèvement des travaux (incompétence du maître d’œuvre, changements d’entreprises, réfection de travaux) ;

- que des transactions ont été conclues sans discernement ;

- que la CGI n’est pas fondée à invoquer une créance contre l’Institut de la villa, dès lors que son règlement intérieur prévoit que les frais et pertes consécutifs aux sinistres s’imputent sur le résultat de l’exercice ou sur différents fonds de réserves ou de garantie, et qu’elle ne justifie pas que son résultat ou les fonds mis en réserves sont insuffisants pour couvrir les sommes qu’elle a exposées ;

La CGI sollicite la confirmation de l’ordonnance.

M. X. ès qualités déclare s’en rapporter à justice.

* * *

Par lettre du 18 mars 2008, le président de la chambre a invité les avoués à présenter des observations sur le moyen de droit suivant, relevé d’office :

« Par application de l’article L. 621-46 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, les créances déclarées plus d’un an après l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire sont éteintes.

Tel peut être le cas des créances (ou partie de créances) déclarées pour des montants qui excèdent la déclaration initiale du 28 février 2001, par lettres du 18 avril 2005 et 15 septembre 2005 ».

La CGI fait observer, dans une note du 17 avril 2008, qu’aucune négligence ne peut lui être reproché et qu’il serait inéquitable, au sens de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’elle soit « dépossédée » d’une partie de sa créance par l’effet d’un moyen relevé d’office pour la première fois en cause d’appel. Subsidiairement, la CGI forme une demande tendant à ce qu’il soit dit que sa créance bénéficie de la priorité de paiement de l’article L. 621-32 du Code de commerce.

* * *

Vu les conclusions déposées le 7 janvier 2008 par la SARL Institut de la villa, le 30 janvier 2008 par la CGI et le 4 février 2008 par M. X. ;

Vu l’ordonnance de clôture du 5 février 2008 ;

Vu les conclusions déposées les 12 et 13 février 2008 par l’Institut de la villa, assorties d’une demande en révocation de l’ordonnance de clôture ;

Vu les conclusions déposées le 13 février 2008 par la CGI aux fins de rejet des dernières écritures de l’Institut de la villa.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La demande en révocation de l’ordonnance de clôture ne peut qu’être rejetée, dès lors que l’Institut de la villa ne justifie pas d’une cause grave, au sens de l’article 784 du nouveau Code de procédure civile, survenue ou révélée postérieurement à la clôture. Il lui appartenait, en effet, s’il entendait se prévaloir d’une méconnaissance du principe de la contradiction de solliciter un report de clôture ou un rejet des dernières écritures déposées par les parties adverses.

En conséquence, les conclusions déposées et les pièces communiquées postérieurement à l’ordonnance de clôture par l’Institut de la villa sont irrecevables.

Les contestations opposées par l’Institut de la villa doivent être écartées pour les motifs suivants :

1. A le supposer fondé, le grief de rupture fautive de la convention conclue entre la CGI et l’Institut de la villa n’est pas de nature à justifier le rejet des créances en litige.

2. C’est en application de l’article 12 de la convention de garantie que la CGI est fondée à réclamer à l’Institut de la villa le remboursement des sommes qu’elle a été conduite à payer au titre de sa garantie ; les règles fixées par le règlement intérieur de la CGI, quant à l’imputation des charges de garantie sur son résultat ou sur des fonds de réserve, sont sans influence sur son droit à agir en remboursement contre le constructeur défaillant.

3. Aux termes de l’article L. 231-6 du Code de la construction, la garantie de livraison couvre le maître d’ouvrage non seulement contre les risques d’inexécution des travaux mais encore contre leur mauvaise exécution. L’Institut de la villa, auquel incombe la charge de la preuve, ne démontre pas que les travaux qui ont dû être refaits entraient dans le champ de la garantie de l’assurance de dommages obligatoire pour porter sur des malfaçons compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination au sens de l’article 1792 du Code civil.

4. La CGI justifie, pour chaque chantier concerné, par des éléments précis auxquels l’Institut de la villa n’a pas apporté de contestation circonstanciée, des sommes qu’elle a pu recouvrer sur certains maîtres d’ouvrage (D. ; A. ; B.) et de celles qu’elle n’a pu recouvrer à raison de leur compensation avec la créance des maîtres d’ouvrage au titre des pénalités de retard.

5. C’est à juste titre que la CGI fait valoir que les protocoles d’accord transactionnels qu’elle a passés avec certains maîtres d’ouvrage ont été avantageux eu égard aux frais de procédures judiciaires, à la charge d’éventuels dommages-intérêts et, concernant le chantier F., au coût d’achèvement des travaux évalué par expertise.

6. L’Institut de la villa n’est pas fondé à opposer les protocoles d’accord transactionnel qu’elle a conclus avec certains maîtres d’ouvrage, dès lors que ces protocoles n’emportaient pas renonciation au bénéfice de la garantie de livraison.

7. Il ne résulte d’aucune pièce que l’Institut de la villa a réglé, au titre du chantier A., des travaux supplémentaires d’installation de chauffage n’entrant pas dans le champ de la garantie.

8. La CGI justifie précisément des pénalités de retard afférentes à chacun des chantiers et de leur mode de calcul, ces pénalités, qui ne sont pas la conséquence de fautes du garant, ayant notamment pour origine les perturbations liées à l’ouverture de la procédure collective.

9. La CGI justifie par la production de factures et, dans certains cas, de rapports d’expertise tant du montant précis des sommes qu’elle a exposées que des coûts supplémentaires générés par la nécessité de faire reprendre des travaux défectueux en procédant à un changement de sous-traitant, conformément à la faculté qui lui était ouverte par l’article L. 231-6 du Code de la construction.

Il résulte de ces motifs que la société débitrice n’est pas fondée en sa demande de rejet des créances litigieuses.

Les dispositions de l’article L. 621-46 du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, imposent au créancier, fût-il comme en l’espèce titulaire de créances seulement éventuelles, de déclarer dans le délai légal, à peine de forclusion, le montant de ses créances, en procédant le cas échéant par voie d’évaluation. A défaut d’action en relevé de forclusion, le montant déclaré dans le délai fixe la limite maximale dans laquelle la créance peut être admise, peu important que le montant réel de la créance n’ait été connu que postérieurement au délai de l’action en relevé de forclusion. L’application de ce principe, qui a donné lieu à des décisions judiciaires nombreuses et concordantes, n’est pas contraire à l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales invoqué par la CGI, notamment en ce qu’il n’en résulte pas, même si le moyen a été relevé d’office, un manquement au droit à un procès équitable.

Il s’ensuit que la CGI ne peut être admise que pour les montants suivants, fixés en euros dans la double limite, d’une part, des évaluations portées dans la déclaration initiale du 28 février 2001, d’autre part, des frais effectivement exposés tels qu’ils résultent de la déclaration rectificative du 15 septembre 2005 :

- chantier D. : 40.970,67 ;

- chantier F. : 32.545,88 ;

- chantier G. : 14.421,08 ;

- chantier H. : 27.821,95 ;

- chantier I. : 32.014,29 ;

- chantier A. : 19.437,25 ;

- chantier E. : 7.622,45 ;

- chantier B. : 27.631,38 ;

- chantier J. : 13.720 ;

- chantier K. : 13.720,42 ;

* * *

Il suit de ces motifs que l’ordonnance attaquée doit être infirmée quant au montant de la créance qui s’élève à la somme globale de 229.905, 37 euros, étant observé qu’en demandant la confirmation de l’ordonnance, la CGI renonce à la créance de commissions déclarée pour 1 800F.

La CGI n’est pas fondée à modifier l’objet du litige déterminé par ses dernières conclusions en sollicitant, par voie de note en délibéré, le bénéfice des dispositions de l’article L. 621-32 du Code de commerce, cette question excédant, au demeurant, les pouvoirs du juge-commissaire et de la cour d’appel statuant en matière de vérification des créances.

L’Institut de la villa, dont tous les moyens sont écartés, doit supporter les dépens d’appel.

L’équité commande d’allouer à la CGI la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Rejette la demande en révocation de l’ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les conclusions déposées et les pièces communiquées postérieurement à l’ordonnance de clôture,

Infirme la décision attaquée, sauf en ce qui concerne les dépens,

ET STATUANT A NOUVEAU

Fixe la créance de la Caisse de garantie immobilière de la fédération française du bâtiment au passif de la société Institut de la villa, à la somme de 229.905,37 euros, à titre chirographaire,

Condamne la société Institut de la villa aux dépens d’appel et au paiement de la somme de 3.500 euros au profit de la Caisse de garantie immobilière de la fédération française du bâtiment,

Vu l’article 699 du nouveau Code de procédure civile,

Autorise la SCP d’avoués Ermeneux - Champly - Levaique et Me Jauffres à recouvrer les dépens d’appel directement contre la société Institut de la villa, s’ils en ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

Le Greffier                Le Président