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CA AMIENS (1re ch. civ.), 4 juin 2015

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. civ.), 4 juin 2015
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. civ.
Demande : 13/06758
Date : 4/06/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 31/07/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5226

CA AMIENS (1re ch. civ.), 4 juin 2015 : RG n° 13/06758

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que comme en première instance, M. X. invoque le caractère « illicite et abusif » de la clause insérée dans le contrat de maîtrise d'œuvre qu'il a conclu le 5 octobre 2007 avec la société ICB, aux termes de laquelle « quel que soit la contenance de la mission confiée au maître d'œuvre, le maître d'ouvrage institue irrévocablement ICB comme destinataire des fonds provenant des financements qu'ils solliciteront et/ou de l'apport personnel. Toute somme éventuellement disponible ne sera restituée au maître de l'ouvrage que sous forme de travaux ou matériaux par ICB ou les entreprises agréées ICB... » ;

Qu'il soutient que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat puisque « les fonds empruntés deviennent la propriété de la société ICB sans pour autant que celle-ci soit tenue au remboursement des échéances des crédits » et qu'elle doit ainsi être réputée non écrite, ce qui prive de cause le contrat ;

Mais considérant que comme le lui oppose la SELARL Grave Randoux, ès qualités, cette clause qui prévoit la remise des fonds « provenant des financements » à la société ICB, maître d'œuvre « institué unique interlocuteur des entrepreneurs », donne ainsi mandat à cette société de les utiliser pour le compte du maître de l'ouvrage mais ne la rend pas propriétaire de ces fonds ; qu'elle ne revêt donc pas de caractère illicite ou abusif au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dont se prévaut M. X., alors, au surplus, que ce dernier apparaît sans intérêt à le prétendre puisque tout en alléguant « l'absence de cause » qui, selon lui, en résulterait, il énonce, de façon contradictoire, que « cette clause doit être annulée sans que cette annulation puisse entacher pour autant la validité du contrat de rénovation stipulé par les parties ».

 

COUR D'APPEL D'AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 4 JUIN 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/06758. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-QUENTIN DU VINGT HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT :

Monsieur X.

le [date] à [ville], de nationalité Française ; Représenté par Maître Pétula line M BELLA, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS)

 

ET :

INTIMÉES :

SARL ICB INTER CONSEIL BATIMENT

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

SELARL GRAVE RANDOUX

prise en la personne de Maître RANDOUX, ès qualités de mandataire liquidateur de la Société ICB (Inter Conseil Bâtiment) selon jugement du 21 septembre 2012 par le Tribunal de Commerce de SOISSONS

Représentées par Maître Hervé SELOSSE BOUVET, avocat postulant au barreau D'AMIENS et plaidant par Maître BLANCHART, avocat au barreau de SOISSONS

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE PICARDIE

Représentée par Maître CARON LE GALL, substituant Maître Fabrice CROISSANT, avocats au barreau D'AMIENS

 

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ : L'affaire est venue à l'audience publique du 12 mars 2015 devant la cour composée de M. Philippe BOIFFIN, Président de chambre, Mme Valérie DUBAELE et Mme Sylvie LIBERGE, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

À l'audience, la cour était assistée de Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

Sur le rapport de M. BOIFFIN et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 mai 2015, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ : Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 4 juin 2015 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe. Le 4 juin 2015, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Philippe BOIFFIN, Président de chambre, et Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Pour les besoins de la rénovation de maisons d'habitation situées à Etreux (Aisne) qu'il avait acquises le 4 août 2006, M. X. a conclu le 5 octobre 2007 avec la société Inter Conseil Bâtiment - ICB - une convention de maîtrise d'œuvre « phase conception » portant uniquement sur les études de conception et aux termes de laquelle il était notamment stipulé que « quel que soit la contenance de la mission confiée au maître d'œuvre, le maître d'ouvrage institue irrévocablement ICB comme destinataire des fonds provenant des financements qu'ils solliciteront et/ou de l'apport personnel ».

Suivant un acte reçu le 2 août 2008 par Maître A., notaire, la Caisse d'épargne et de prévoyance - CEP - de Picardie a accordé à M. X. deux prêts d'un montant respectif de 107.831,16 euros et de 77.346,72 euros destinés à financer un rachat de prêt souscrit auprès du Crédit Agricole ainsi que la réalisation des travaux de rénovation des maisons acquises le 4 août 2006, « l'emprunteur s'engage(ant) à affecter exclusivement les fonds prêtés au financement de l'objet ci-dessus défini et mandat(ant) Maître A. à l'effet de les affecter à la destination convenue ».

Selon un autre acte reçu le 28 mars 2009 par le même notaire, M. X. a « constitué pour son mandataire spécial » la société ICB à qui il a donné pouvoir « de recevoir toutes les subventions accordées par l'ANAH et... de présenter en son nom les pièces justifiant des travaux ainsi que tous documents nécessaires au calcul et au versement de toutes subventions... ».

Les 22 juin, 9 juillet et 25 octobre 2012, M. X. a assigné devant le tribunal de grande instance de Saint Quentin la société ICB, la CEP de Picardie et la SELARL Grave Randoux, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ICB dont la liquidation judiciaire a été prononcée le 21 septembre 2012, afin d'obtenir le remboursement de la somme de 41.524 euros au titre des subventions versées par l'ANAH et celle de 84.578,04 euros au titre des paiement faits à la société ICB « en violation des dispositions de l'article 1799-1 alinéa 2 du code civil », outre l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 50.000 euros.

 

Par jugement contradictoire en date du 28 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Saint Quentin a :

- rejeté toutes les demandes de M. X.,

- condamné M. X. aux dépens ainsi qu'à verser à la CEP de Picardie et à la SELARL Grave Randoux, ès qualités, la somme, pour chacune d'elles, de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté celles-ci « pour le surplus ».

 

Vu l'appel de ce jugement formé par M. X. et ses dernières conclusions signifiées le 31 juillet 2014 par lesquelles, en poursuivant l'infirmation en toutes ses dispositions, il demande à la cour de condamner la société ICB à lui payer la somme de 41.524 euros au titre des subventions versées par l'ANAH et qui ne lui ont pas été restituées, de condamner la CEP de Picardie à lui payer la somme de 200.399,07 euros au titre des paiements « effectués à la société ICB en violation des dispositions de l'article 1799-1 alinéa 2 du code civil », avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2012, et « à garantir la société ICB des sommes auxquelles elle serait condamnée en application de l'alinéa 2 de l'article 1994 1° du code civil », de condamner solidairement la CEP de Picardie et la société ICB à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 7.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, de dire que sa créance « sera inscrite dans les opérations de liquidation de la société ICB » et de débouter la CEP de Picardie et la société ICB de toutes leurs prétentions,

Vu les conclusions signifiées le 30 juin 2014 par lesquelles la SELARL Grave Randoux, prise en la personne de Maître Guillaume Randoux, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ICB, intimée, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter M. X. de toutes ses prétentions et de le condamner à lui verser les sommes de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts et de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 septembre 2014 par lesquelles la CEP de Picardie, intimée, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et y ajoutant, de condamner M. X. aux dépens d'appel ainsi qu'à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Considérant qu'en cause d'appel, la SELARL Grave Randoux, ès qualités, ne discute plus la recevabilité des demandes de M. X. ;

 

Sur la convention de maîtrise d'œuvre du 5 octobre 2007 :

Considérant que comme en première instance, M. X. invoque le caractère « illicite et abusif » de la clause insérée dans le contrat de maîtrise d'œuvre qu'il a conclu le 5 octobre 2007 avec la société ICB, aux termes de laquelle « quel que soit la contenance de la mission confiée au maître d'œuvre, le maître d'ouvrage institue irrévocablement ICB comme destinataire des fonds provenant des financements qu'ils solliciteront et/ou de l'apport personnel. Toute somme éventuellement disponible ne sera restituée au maître de l'ouvrage que sous forme de travaux ou matériaux par ICB ou les entreprises agréées ICB... » ;

Qu'il soutient que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat puisque « les fonds empruntés deviennent la propriété de la société ICB sans pour autant que celle-ci soit tenue au remboursement des échéances des crédits » et qu'elle doit ainsi être réputée non écrite, ce qui prive de cause le contrat ;

Mais considérant que comme le lui oppose la SELARL Grave Randoux, ès qualités, cette clause qui prévoit la remise des fonds « provenant des financements » à la société ICB, maître d'œuvre « institué unique interlocuteur des entrepreneurs », donne ainsi mandat à cette société de les utiliser pour le compte du maître de l'ouvrage mais ne la rend pas propriétaire de ces fonds ; qu'elle ne revêt donc pas de caractère illicite ou abusif au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dont se prévaut M. X., alors, au surplus, que ce dernier apparaît sans intérêt à le prétendre puisque tout en alléguant « l'absence de cause » qui, selon lui, en résulterait, il énonce, de façon contradictoire, que « cette clause doit être annulée sans que cette annulation puisse entacher pour autant la validité du contrat de rénovation stipulé par les parties » ;

 

Sur les subventions versées par l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat - ANAH :

Considérant que pour soutenir que la société ICB lui est redevable de la somme de 41.524 euros au titre des subventions versées par l'ANAH, M. X. se contente d'affirmer que cette société « a encaissé » cette somme ;

Mais considérant qu'il ressort des décomptes ainsi que des justificatifs produits par le liquidateur judiciaire de la société ICB et, en particulier, des chèques de règlement émis sur le compte de cette société ouvert au CIC, que, conformément au mandat qui lui avait été donné par acte authentique du 28 mars 2009, la société ICB a reçu les subventions accordées les 14 mai, 18 août et 8 décembre 2009 par l'ANAH pour un montant totale de 41.417 euros et les a intégralement utilisées pour financer les travaux de rénovation du logement situé à [ville E.], alors que M. X. qui procède uniquement par voie d'affirmation, n'établit d'aucune manière l'inexactitude des comptes communiqués par son mandataire ;

Que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. X. de cette demande ;

 

Sur les demandes de M. X. formées à l'encontre de la CEP de Picardie :

Considérant que pour solliciter la condamnation de la CEP de Picardie à lui verser la somme de 200.399,07 euros, M. X. soutient que cette banque a effectué des paiements à hauteur de cette somme au moyen des fonds prêtés par elle « en violation des dispositions de l'article 1799-1 alinéa 2 du code civil et sans son autorisation » ;

Considérant, toutefois, que s'agissant de la somme prêtée de 107.831,16 euros dont M. X. énonce lui-même qu'elle était destinée à financer le rachat du prêt « Crédit Agricole », la CEP de Picardie justifie l'avoir virée à cette fin le 30 juillet 2008 à Maître A., l'acte notarié du 2 août 2008 stipulant que l'emprunteur, c'est à dire M. X., mandate ce notaire à l'effet d'affecter les fonds prêtés à la destination convenue ; que ce dernier ne peut donc prétendre que ce versement et cette utilisation ont été opérés « sans justificatif et sans son accord » ;

Qu'au surplus et s'agissant, comme cela a été dit, du rachat d'un précédent crédit, les dispositions de l'article 1799-1 alinéa 2 du code civil ne sont pas applicables ;

Considérant, en ce qui concerne les autres fonds prêtés à concurrence de 77.346,72 euros et destinés à financer la réalisation des travaux de rénovation, que, comme le premier juge l'a déjà relevé, il résulte des pièces communiquées par la CEP de Picardie que M. X. a donné l'ordre écrit de les verser à hauteur d'une somme totale de 75.238 euros en ayant apposé sur les demandes d'acompte des entrepreneurs la mention « bon à payer directement la société ICB... », mentions manuscrites dont il admet être l'auteur, tandis que le surplus du prêt a servi à régler des intérêts intercalaires pendant la période de franchise de remboursement ;

Qu'aucune méconnaissance par la CEP de Picardie des dispositions de l'article 1799-1 alinéa 2 du code civil n'est donc établie, étant rappelé que M. X. avait désigné la société ICB comme mandataire à l'effet de recevoir les versements pour lesquels il donnait ses ordres écrits et que les autres paiements qu'il incrimine n'ont pas été opérés au moyen des fonds prêtés ;

Que l'appelant doit ainsi être débouté de sa demande de paiement de la somme de 200.399,07 euros formée à l'encontre de la CEP de Picardie et la décision déférée également confirmée en ce qu'elle a statué en ce sens ;

 

Sur la demande de dommages-intérêts formée par M. X. à l'encontre de la société ICB et de la CEP de Picardie :

Considérant que pour les motifs qui viennent d'être développés, M. X. n'établit pas que la société ICB et la CEP de Picardie l'aient fautivement « dépossédé de la jouissance et de la disposition des prêts » lui ayant été accordés le 2 août 2008 et des subventions reçues de l'ANAH et n'avoir pu, de ce fait, « honorer ses engagements » envers cette banque ;

Que sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre doit être rejetée et le jugement entrepris confirmé en ce qu'il a statué en ce sens ;

Qu'aucune condamnation n'étant mise à la charge de la société ICB, la demande de garantie formée par M. X. à l'encontre de la CEP de Picardie sur le fondement de l'article 1994 du code civil est sans objet ;

 

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la SELARL Grave Randoux, ès qualités, les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que le premier juge a, par des motifs pertinents, adoptés par la cour, justement rejeté la demande de dommages-intérêts formée par cette SELARL, ès qualités, et a aussi exactement statué sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que M. X. qui succombe en son recours, doit être condamné aux dépens d'appel ; qu'il n'y a lieu, en appel, à allocation d'une somme par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement et en dernier ressort :

- confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- y ajoutant :

* déboute M. X. du surplus de ses demandes formé en appel ;

* condamne M. X. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

* dit n'y avoir lieu à application en appel de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT