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CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 29 juin 2015

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 29 juin 2015
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 14/01078
Décision : 15/0789
Date : 29/06/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 27/02/2014
Numéro de la décision : 789
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5238

CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 29 juin 2015 : RG n° 14/01078 ; arrêt n° 15/0789 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Le fait que son utilisation par le contractant entraîne la découpe d'une mention manuscrite apposée sur le bon, selon laquelle il annule et remplace le bon 4389, n'est pas de nature à entraîner l'irrégularité du contrat. »

2/ « En revanche, il résulte des dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation que le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que ledit emprunteur n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. [...]

La décision d'accorder le crédit doit bien être portée à la connaissance de l'emprunteur selon les dispositions sus rappelées, dans le délai de sept jours. Tel n'a pas été le cas en l'espèce et il ne peut être fait application des dispositions selon lesquelles l'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration du délai de sept jours peut le cas échéant rester valable, Mme X. ayant fait connaître dès le 4 mai 2012 qu'elle ne souhaitait plus bénéficier du crédit puisqu'elle entendait résilier le contrat de vente et de pose du ballon thermodynamique. Faute de respect des dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation, le contrat de crédit n'a pas été valablement conclu, ce qui entraîne la résolution de la vente en raison de l'indivisibilité des contrats de vente et de crédit. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 29 JUIN 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 3 A 14/01078. Arrêt n° 15/0789. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 décembre 2013 par le tribunal d'instance de SAVERNE.

 

APPELANTE :

SARL SERELIANCE CONFORT

ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Anne CROVISIER, avocat à la cour, Avocat plaidant : Maître Adeline HAHN, avocat au barreau de STRASBOURG

 

INTIMÉE :

Madame X.

demeurant [adresse], Représentée par Maître Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour, (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2014/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 20 avril 2015, en audience publique, devant la cour composée de : M. POLLET, Président, Mme WOLF, Conseiller, Mme FABREGUETTES, Conseiller,qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. UTTARD

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement après prorogation du 15 juin 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Bernard POLLET, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon bon de commande du 25 avril 2012, Mme X. a commandé à la société Séréliance un ballon thermodynamique pour le prix de 7.300 euros avec pose, dans le cadre d'une vente à domicile.

Par lettre du 4 mai 2012, Mme X. a demandé la résiliation immédiate du contrat.

La société Séréliance, estimant la rétractation tardive au motif que le délai expirait selon elle le 2 mai 2012, a assigné Mme X. devant le tribunal d'instance de Saverne aux fins de la voir condamner à lui payer le prix de 7.300 euros, ainsi que la clause pénale de 3.650 euros, et à fournir une date de livraison sous astreinte.

Mme X. a soutenu que le délai de rétractation n'était pas de sept jours mais de quatorze jours car l'acquisition était financée à l'aide d'un crédit ; subsidiairement, que le contrat est nul pour défaut de consentement, la demanderesse ne l'ayant pas renseignée utilement alors que ses revenus, composés du RSA, ne lui permettaient pas de financer l'acquisition.

Par jugement du 16 décembre 2013, le tribunal d'instance de Saverne a annulé le bon de commande du 25 avril 2012 et débouté la SA Séréliance de ses demandes.

Le tribunal a retenu que, compte tenu des faibles ressources de Mme X., le représentant de la société, faisant du démarchage à domicile, devait assurer une mission de conseil très précise et complète et devait notamment vérifier si la cliente potentielle était en mesure d'assumer financièrement l'achat.

* * *

La SA Séréliance a interjeté appel de cette décision le 27 février 2014.

Par dernières écritures du 25 mars 2013, elle conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de :

- condamner Mme X. à lui payer la somme de 7.300 euros avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 24 septembre 2012,

- condamner Mme X. à lui payer la somme de 3.650 euros au titre de la clause pénale avec intérêts légaux à compter du 24 septembre 2012,

- condamner Mme X. à lui fournir une date de livraison de l'appareil, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- condamner Mme X. à accepter la livraison et l'installation du ballon au jour de la livraison convenue, sous astreinte de 50 euros par jour de refus de livraison à compter de la date de livraison convenue entre les parties,

- lui donner acte de son engagement à pose le ballon thermodynamique à réception du paiement du prix par Mme X.,

- condamner Mme X. à lui payer la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme X. aux dépens de la procédure.

Elle précise que le financement sollicité auprès de la société Sygma a été obtenu ; que le consentement de Mme X. n'a pas été vicié, le premier juge ne caractérisant d'ailleurs pas la nature du vice qui aurait atteint son consentement ; que seule l'erreur sur la substance de la chose peut entraîner l'annulation de la convention ; que le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne permet pas de caractériser une réticence dolosive en l'absence de caractère intentionnel de ce manquement ; que la charge de la preuve repose sur l'intimée ; que le délai de rétractation de quatorze jours ne concerne que le crédit et non le bon de commande, qui est régi par les dispositions de l'article L. 121-25 du code de la consommation et que l'intimée ne justifie pas s'être rétractée du crédit dans le délai de l'article L. 311-12.

Elle fait valoir que la clause pénale prévue au contrat n'est pas une clause abusive et n'est pas excessive, puisqu'elle a commandé le matériel dès que le vente est devenue définitive et qu'elle le stocke depuis ; que la faculté de renonciation est mentionnée en termes lisibles, selon les prescriptions de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat ; que le contrat comprend un formulaire de rétractation ; que la société Sygma l'a bien informée en tant que vendeuse de ce que le prêt était accepté et qu'elle serait en tout état de cause seule à pouvoir arguer d'un manquement à ce propos ; que le contrat prévoit toutes les informations nécessaires sur le crédit et que le taux effectif global n'est pas erroné.

Elle soutient que la demande de dommages et intérêts formulée pour la première fois en appel par Mme X. est irrecevable car nouvelle, car il ne s'agit pas d'une demande en nullité du contrat mais d'une action fondée sur une faute de sa part.

* * *

Par écritures du 10 mars 2015, Mme X. a sollicité la confirmation du jugement déféré.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de :

- déclarer nul le contrat du 25 avril 2012 en raison du non-respect des dispositions du code de la consommation,

- constater la résolution de plein droit du contrat en l'absence d'agrément par le prêteur de la personne de l'emprunteur dans le délai de sept jours,

- constater que le contrat a été valablement résilié/rétracté en l'absence de mention apparente du délai de rétractation,

- débouter la SARL Séréliance Confort de l'ensemble de ses demandes,

A titre plus subsidiaire,

- dire que la société Séréliance Confort a manqué à son obligation de mise en garde

- en conséquence, débouter l'appelante de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 7.300 euros à titre de dommages et intérêts,

L'intimée demande en outre la condamnation de la société Séréliance Confort à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle affirme que le contrat est nul en raison de :

- l'irrégularité du bon de commande, qui ne mentionne pas de façon apparente la faculté de rétractation,

- l'absence de formulaire conforme détachable de renonciation, le formulaire en place entraînant la découpe du contrat et étant inscrit en caractères illisibles,

- des modalités de crédit et du TAEG erronées.

Elle fait valoir que la résolution du contrat est encourue en l'absence d'agrément du prêteur, la société Sygma ne lui ayant pas fait savoir que le crédit était accepté ; que, compte tenu de l'interdépendance des contrats, l'absence d'agrément du prêteur dans les sept jours entraîne la résolution de plein droit du contrat de vente.

Elle fait valoir que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une erreur sur l'économie générale du contrat, ainsi qu'une erreur sur sa solvabilité, la fiche de renseignement indiquant que ses revenus mensuels sont de 1.312 euros par mois en 2011 alors que ses revenus agricoles ne sont que de 11.019 euros par an, soit 918,25 euros par mois ; que l'erreur doit être d'autant plus admise qu'elle est particulièrement fragile et isolée socialement ; qu'en tout état de cause, la société Séréliance ne l'a pas mise en garde contre les risques d'endettement nés de l'octroi du crédit, alors que ses revenus mensuels en 2012 étaient de 551 euros.

Elle affirme que l'argumentation fondant la demande de dommages et intérêts était latente dans ses conclusions de première instance, ce qui la rend recevable à hauteur d'appel ; qu'elle tend à la même fin dès lors qu'il s'agit d'annuler la créance de l'appelante par la compensation.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 30 mars 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le bon de commande signé par Mme X. le 25 avril 2012 comporte bien un formulaire détachable de rétractation, rédigé en termes clairs et lisibles.

Le fait que son utilisation par le contractant entraîne la découpe d'une mention manuscrite apposée sur le bon, selon laquelle il annule et remplace le bon 4389, n'est pas de nature à entraîner l'irrégularité du contrat.

En revanche, il résulte des dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation que le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que ledit emprunteur n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l'article L. 311-14 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur.

Il ressort des pièces produites que Mme X. a signé l'offre préalable de crédit le 25 avril 2012.

Ce n'est que par lettre du 7 mai 2012 que la société Sygma a informé la société Séréliance de ce que l'accord était donné sur le dossier, sous réserve de lui faire parvenir un nouveau relevé d'identité bancaire au nom de la cliente, et non pas au nom de l'exploitation agricole, de compléter, si ça n'avait pas été fait dans sa totalité, le pavé financier sur l'offre préalable de crédit, et d'apposer le cachet commercial de Séréliance selon les conditions légales en vigueur.

La décision d'accorder le crédit doit bien être portée à la connaissance de l'emprunteur selon les dispositions sus rappelées, dans le délai de sept jours.

Tel n'a pas été le cas en l'espèce et il ne peut être fait application des dispositions selon lesquelles l'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration du délai de sept jours peut le cas échéant rester valable, Mme X. ayant fait connaître dès le 4 mai 2012 qu'elle ne souhaitait plus bénéficier du crédit puisqu'elle entendait résilier le contrat de vente et de pose du ballon thermodynamique.

Faute de respect des dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation, le contrat de crédit n'a pas été valablement conclu, ce qui entraîne la résolution de la vente en raison de l'indivisibilité des contrats de vente et de crédit.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SARL Séréliance Confort.

Il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire de Mme X. tendant à l'allocation de dommages et intérêts.

L'appelante succombant en la procédure sera condamnée aux dépens de l'instance, ainsi qu'à payer à l'intimée la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats publics,

CONFIRME le jugement déféré ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL Séréliance Confort à payer à Mme X. la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

CONDAMNE la SARL Séréliance Confort aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier                             Le président de chambre