CA NANCY (1re ch. civ.), 18 mai 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5252
CA NANCY (1re ch. civ.), 18 mai 2015 : RG n° 14/00684 ; arrêt n° 15/01055
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2015-012778
Extrait (prétentions des demandeurs) : « Sur le fond, il soutient que la société La Française des jeux, informée du dysfonctionnement dès le mois de septembre 2006, n'a alerté ses clients, par courrier électronique, qu'au mois de février 2007 ; qu'elle n'a donc pas exécuté loyalement et de bonne foi ses obligations. Il ajoute qu'il a été privé d'une chance de gagner à chaque fois que le chiffre 9 faisait partie des numéros tirés, et que la clause limitative de responsabilité invoquée par la partie adverse lui est inopposable en application de l'article R. 132-1 du code de la consommation.
La société intimée réplique que la dernière diligence accomplie par M. X., soit son acte d'assignation du 30 mars 2009, constitue le point de départ du délai de deux ans de sorte que la péremption était acquise lors de la remise au rôle ; que le règlement du jeu « Joker + » auquel M. X. a adhéré contient une clause limitant sa responsabilité au remboursement de la somme débitée sans avoir permis un accès au jeu ; qu'elle n'a commis aucune faute dans la mesure où elle est intervenue pour remédier au dysfonctionnement dès qu'il a été porté à sa connaissance, et enfin que la chance de gain au jeu « Poker + » étant extrêmement faible, aucune perte de chance ne peut être indemnisée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE NANCY
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 18 MAI 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/00684. Arrêt n° 15/01055. Décision déférée à la Cour : Déclaration d'appel en date du 4 mars 2014 d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY, R.G. n° 12/00079, en date du 9 janvier 2014.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse] ; Représenté par Maître Alain BEHR, avocat au barreau de NANCY, plaidant par Maître Clémence MOREL, avocat au barreau de NANCY, AJ Totale numéro 2014/XX du [date]
INTIMÉE :
SA LA FRANÇAISE DES JEUX
dont le siège est [adresse], représentée par son président domicilié en cette qualité audit siège ; Représentée par Maître Alain CHARDON, avocat au barreau de NANCY, plaidant par Maître Anne ATLAN, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 30 mars 2015, en audience publique devant la Cour composée de : Madame Patricia RICHET, Président de Chambre, Monsieur Yannick FERRON, Conseiller, entendu en son rapport, Monsieur Claude CRETON, Conseiller, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame DEANA ; À l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 18 mai 2015, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 18 mai 2015, par Madame DEANA, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Patricia RICHET, Président, et par Madame DEANA, greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Entre le 11 janvier et le 1er février 2007, M. X. a participé de manière habituelle, sur le site www.fdjeux.com, à un jeu dénommé « Joker + » qui est organisé par la société anonyme d'économie mixte La Française des jeux. Il s'est avéré que durant la période comprise entre le mois de juin 2006 et le 22 février 2007, les combinaisons de chiffres attribuées aux joueurs ne comprenaient jamais le 9 alors que les tirages comprenaient ce même chiffre.
Par courrier électronique du 23 février 2007, la société La Française des Jeux a informé l'ensemble des joueurs qu'un problème électronique avait vicié le jeu « Joker + », et les a indemnisés en leur remboursant le montant de leurs mises perdantes tout en précisant qu'il avait été remédié à l'anomalie.
Au motif que ce dysfonctionnement lui avait fait perdre une chance de gagner le gain maximum mis en jeu, soit la somme de 250.000 euros, M. X., par acte du 30 mars 2009, a fait assigner la société La Française des jeux devant le tribunal de grande instance de Nancy.
L'affaire ayant été radiée par ordonnance du juge de la mise en état du 9 février 2010, M. X., par conclusions du 29 décembre 2011, signifiées le 2 janvier 2012, a sollicité la réinscription de l'affaire pour voir condamner la société La Française des jeux, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'une indemnité de procédure.
Par jugement du 9 janvier 2014, la juridiction ainsi saisie a accueilli l'exception de procédure soulevée in limine litis par la partie défenderesse, et constaté que l'instance était périmée depuis le 9 décembre 2011. Elle a débouté la société La Française des jeux de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et condamné M. X. aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, le 4 mars 2014, M. X. a relevé appel de ce jugement ; il demande à la cour de l'infirmer, de rejeter l'exception tirée de la péremption d'instance et de condamner la société intimée à lui payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que celle de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que l'instance n'était pas périmée puisque l'ordonnance de radiation qui constituait le point de départ du délai de deux ans était datée du 9 février 2010, et que ses conclusions de réenrôlement étaient datées du 2 janvier 2012.
Sur le fond, il soutient que la société La Française des jeux, informée du dysfonctionnement dès le mois de septembre 2006, n'a alerté ses clients, par courrier électronique, qu'au mois de février 2007 ; qu'elle n'a donc pas exécuté loyalement et de bonne foi ses obligations. Il ajoute qu'il a été privé d'une chance de gagner à chaque fois que le chiffre 9 faisait partie des numéros tirés, et que la clause limitative de responsabilité invoquée par la partie adverse lui est inopposable en application de l'article R. 132-1 du code de la consommation.
La société intimée réplique que la dernière diligence accomplie par M. X., soit son acte d'assignation du 30 mars 2009, constitue le point de départ du délai de deux ans de sorte que la péremption était acquise lors de la remise au rôle ; que le règlement du jeu « Joker + » auquel M. X. a adhéré contient une clause limitant sa responsabilité au remboursement de la somme débitée sans avoir permis un accès au jeu ; qu'elle n'a commis aucune faute dans la mesure où elle est intervenue pour remédier au dysfonctionnement dès qu'il a été porté à sa connaissance, et enfin que la chance de gain au jeu « Poker + » étant extrêmement faible, aucune perte de chance ne peut être indemnisée.
Dès lors, elle conclut à titre principal à la confirmation du jugement, subsidiairement au rejet des demandes formées par l'appelant et, en tout état de cause, à la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité de procédure.
L'affaire a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 mars 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article 386 du code de procédure civile dispose que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
En l'espèce, l'acte introductif d'instance est constitué par l'assignation que M. X. a fait délivrer à la société La Française des jeux par acte du 30 mars 2009.
Si l'affaire a été radiée par ordonnance du juge de la mise en état du 9 février 2010, il ne s'agit pas là d'une diligence dont le demandeur aurait pris l'initiative de sorte qu'il ne peut s'en prévaloir comme d'un acte susceptible de constituer le point de départ du délai de deux ans prévu par l'article précité.
M. X. ne justifie pas d'une quelconque diligence qu'il aurait accomplie depuis le 30 mars 2009, et avant le 29 décembre 2011, date de ses conclusions de remise au rôle, signifiées le 2 janvier suivant, et la partie adverse a elle-même fait signifier ses conclusions le 8 décembre 2009. En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal, après avoir constaté qu'il s'était écoulé, à compter de cette dernière date, plus de deux années sans qu'aucune diligence de la part des parties eût été effectuée, a accueilli l'exception de péremption d'instance soulevée par la partie défenderesse.
M. X. étant débouté de ses prétentions, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par la société La Française des jeux sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et il sera alloué à cette dernière une somme de 800 euros à titre d'indemnité de procédure de première instance et d'appel.
Enfin, pour le même motif, l'appelant sera condamné aux entiers dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité de procédure formée par la société La Française des jeux et, statuant à nouveau ;
Condamne M. X. à payer à la société La Française des jeux la somme de huit cents euros (800 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne aux entiers dépens, et autorise Maître Alain Chardon, qui en a fait la demande, à recouvrer directement contre lui ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et dit que cette somme sera considérée comme indemnité de procédure de première instance et d'appel ;
Le présent arrêt a été signé par Madame RICHET, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame DEANA, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. DEANA. - Signé : P. RICHET.-