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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 3 juillet 2015

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 3 juillet 2015
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 15/06185
Date : 3/07/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/03/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5267

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 3 juillet 2015 : RG n° 15/06185 

Publication : Jurica

 

Extrait : « À juste titre, le conseiller de la mise en état a estimé que les délais stricts sanctionnés d'office de la procédure d'appel en matière civile prévus par le décret du 9 décembre 2009 et notamment par l'article 809 du code de procédure civile qui en est issu, ont pour but d'accélérer le déroulement des procédures, d'empêcher toutes les lenteurs d'un procès, ce qui est un but légitime et est conforme à l'intérêt général ; cette règle qui prévoit un délai de deux mois laisse un temps suffisant à l'intimé pour conclure et n'est pas en contradiction avec le droit au procès équitable garanti par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni avec le principe de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens mis en œuvre, l'automaticité des sanctions étant la condition nécessaire à l'effectivité de la réforme prévue par le décret susmentionné. Enfin, l'intimée n'est pas fondée à invoquer la violation de l'article 52 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne qui ne s'applique aux Etats membres que lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 3 JUILLET 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/06185. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 mars 2015 - Cour d'Appel de PARIS - R.G. n° 14/08320.

 

DEMANDEUR A LA REQUÊTE :

EURL OPTION SÉCURITÉ SECURITEAM

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Henri-Joseph CARDONA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1533, Représentée par Maître Prisca LAMETH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1533

 

DÉFENDEUR A LA REQUÊTE :

SELARL LA GRANDE PHARMACIE LYONNAISE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jacques MONTACIE de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, chargée du rapport, Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller hors classe, Madame Isabelle SCHOONWATER, Conseillère, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Paul-André RICHARD, Conseiller Hors Hiérarchie, aux lieu et place de Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Président, empêché, et par Madame Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par jugement du 22 mars 2013, le Tribunal de commerce de Lyon a, sous bénéfice de l'exécution provisoire, condamné la Selas Grande Pharmacie Lyonnaise (Grande Pharmacie) à payer à la société Option Sécurité Sécuriteam (Option Sécurité) les sommes de 5.236,78 euros et 59.793,98 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 ainsi que la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ce jugement a été signifié le 30 mai 2013 à la société Grande Pharmacie Lyonnaise qui n'a en a interjeté appel que le 14 avril 2014.

Suivant ordonnance du 30 septembre 2014 le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de Lyon a constaté l'irrecevabilité de l'appel interjeté le 8 avril 2003 par la société Grande Pharmacie Lyonnaise et le dessaisissement de la Cour d'appel de Lyon en vertu des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce.

Le 4 novembre 2014, la société Option Sécurité a saisi le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de Paris d'un incident visant à voir déclarer la société Grande Pharmacie irrecevable en son appel et selon ordonnance du 29 janvier 2015, ce magistrat a :

- déclaré recevable l'appel formé le 14 avril 2014 par la société Grande Pharmacie Lyonnaise devant la cour d'appel de Paris, à l'encontre du jugement susmentionné, en retenant que l'acte de signification du 30 mai 2013 du jugement du Tribunal de grande instance de Lyon n'a pas pu faire courir le délai d'appel en raison de la mention erronée de la juridiction devant laquelle l'appel pouvait être diligenté, de sorte que l’appel est recevable,

- condamné la société Option Sécurité à verser à la société Grande Pharmacie la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette ordonnance n'a pas été déférée devant la cour d'appel de Paris.

Puis la société Grande Pharmacie a saisi à son tour le conseiller de la mise en état d'un incident visant à voir déclarer irrecevables les conclusions de la société Option Sécurité et par une seconde ordonnance du 19 mars 2015, ce magistrat a :

- déclaré irrecevables les conclusions signifiées le 4 novembre 2014 par la société Option Sécurité pour non respect des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes des parties.

Le 23 mars 2015, la société Option Sécurité a saisi la Cour d'appel de Paris d'une requête sur le fondement de l'article 916 du code de procédure civile aux fins de voir infirmer l'ordonnance susmentionnée.

Selon écritures signifiées le 4 juin 2015, la société La Grande Pharmacie sollicite :

- la confirmation de l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état du 19 mars 2015 en ce qu'elle a déclaré irrecevables les conclusions de l'intimé notifiées tardivement au regard de l'article 909 du code de procédure civile ainsi que toutes conclusions ultérieures,

- la condamnation de la société Option Sécurité à lui payer la somme de 2.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Option Sécurité se prévaut, en premier lieu, du fait que ses conclusions d'incident ont été jugées recevables par le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 29 janvier 2015 qui a estimé que la société La Grande Pharmacie n'était pas forclose en son appel et du fait qu'elle a signifié ses conclusions au fond le 29 janvier 2015 après que le conseiller a statué sur la recevabilité de l'appel.

Toutefois elle n'en tire aucun argument juridique, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.

Elle fait valoir, en second lieu, d'une part, que l'article 909 du code de procédure civile est incompatible avec l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 47 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l'union européenne, qui posent le principe du droit au respect équitable ; à cet effet elle estime que l'irrecevabilité d'office et le cas échéant, l'absence de pouvoir d'appréciation du conseiller de la mise en état constituent une atteinte disproportionnée au droit au procès équitable. D'autre part, elle estime que l'article 909 du code de procédure civile n'est pas conforme à l'article 52 de la charte qui prévoit que les limitations à l'exercice des droits garantis par la charte relèvent de la compétence du pouvoir législatif, de sorte que l'article précité issu du décret du 9 décembre 2009 y est contraire, de même que l'automaticité de la sanction qu'il prévoit.

La société Grande Pharmacie Lyonnaise réplique que conformément à l'article 909 du Code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident ; elle en déduit que la société Option Sécurité, intimée, disposait donc d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant intervenue le 8 juillet 2014, pour répliquer et notifier ses conclusions, soit jusqu'au 8 septembre 2014 ; elle objecte que l'intimée n'a notifié ses conclusions d'incident que le 4 novembre 2014, et ses conclusions au fond que le 29 janvier 2015, soit dans les deux cas, dans un délai supérieur à deux mois de sorte qu'elles sont toutes deux irrecevables. Elle répond également que le conseiller de la mise en état n'a pas d'autre pouvoir que celui d'impartir des délais plus courts que ceux prévus aux articles 908 à 910 du code de procédure civile et qu'il ne dispose pas davantage du pouvoir de fixation du point de départ du délai pour conclure. Elle conteste l'argumentation développée par l'intimée sur l'incompatibilité de l'article 809 du code de procédure civile avec les textes européens.

[*]

A juste titre, le conseiller de la mise en état a estimé que les délais stricts sanctionnés d'office de la procédure d'appel en matière civile prévus par le décret du 9 décembre 2009 et notamment par l'article 809 du code de procédure civile qui en est issu, ont pour but d'accélérer le déroulement des procédures, d'empêcher toutes les lenteurs d'un procès, ce qui est un but légitime et est conforme à l'intérêt général ; cette règle qui prévoit un délai de deux mois laisse un temps suffisant à l'intimé pour conclure et n'est pas en contradiction avec le droit au procès équitable garanti par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni avec le principe de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens mis en œuvre, l'automaticité des sanctions étant la condition nécessaire à l'effectivité de la réforme prévue par le décret susmentionné. Enfin, l'intimée n'est pas fondée à invoquer la violation de l'article 52 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne qui ne s'applique aux Etats membres que lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En troisième lieu, la société Option Sécurité prétend que l'atteinte portée aux droits de la défense et au principe du contradictoire par l'article 909 du code de procédure civile est disproportionnée au but recherché, que le souci de célérité des procédures ne saurait justifier qu'une partie soit privée de la possibilité de faire valoir ses arguments et sa défense.

Mais cette exigence de célérité de la justice et la nécessité de garantir le droit à un jugement dans un délai raisonnable ne méconnaissent nullement le principe des droits de la défense dès lors que ces règles laissent néanmoins à la société intimée une durée raisonnable de deux mois pour rédiger ses conclusions.

La société Option Sécutité, intimée qui devait conclure avant le 8 octobre 2014 n'a signifié ses conclusions que le 4 novembre 2014, de sorte qu'elles sont irrecevables en application de l'article 809 du code de procédure civile. Dans ces conditions l'ordonnance du 19 mars 2015 doit être confirmée en toutes ses dispositions, hormis celle portant sur les dépens, qui doivent rester à la charge de la partie qui perd sur l'incident qu'il a soulevé.

Aucune circonstance d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance rendue le 19 mars 2015 par le conseiller de la mise en état, hormis sur les dépens,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Option Sécutité Securiteam aux dépens de cet incident devant le conseiller et la Cour d'appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,               Pour le Président empêché,