T.COM. DIJON (1re ch.), 7 décembre 2000
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 625
T.COM. DIJON (1re ch.), 7 décembre 2000: RG n° 99/006686 ; jugement n° 1425
(sur appel CA Dijon (ch. civ. B), 12 nov. 2002 : RG n° 01/00095 ; arrêt n° 717 B)
Extrait : « Attendu que le bénéfice des règles protectrices du consommateur a été étendu aux professionnels agissant en dehors de leur domaine de compétence ; Attendu que dans le cas présent, les contrats invoqués ont été conclus pour les besoins de l'activité professionnelle de Madame X. mais sont sans rapport direct avec ladite activité ; Attendu qu'en effet tant le contrat de location que le contrat de service monétique ne permettaient pas à Madame X. d'exercer une activité complémentaire à son exploitation commerciale et n'avaient pas pour finalité de lui permettre de réaliser des bénéfices supplémentaires ; Attendu que dès lors Madame X. doit être considérée comme un professionnel ayant droit à la même protection qu'un cas particulier pour toute offre à elle faite sortant du cadre spécifique de son activité ».
TRIBUNAL DE COMMERCE DE DIJON
PREMIÈRE CHAMBRE
JUGEMENT DU 7 DÉCEMBRE 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 99/006686. Jugement n° 001425.
DEMANDEUR(S) :
Madame X.
[adresse], REPRÉSENTANTS : DUMONT MURIELLE
DÉFENDEUR(S) :
- ADT PROVIDER SA
[adresse]
- FIRENT SA
[adresse]
REPRESENTANT(S) : MAÎTRE FERRACCI
MAÎTRE BARBEROUSSE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉBAT ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : DIEUDONNE CLAUDE
JUGES : LAPOSTOLLE JACQUES TAPIE ALAIN
GREFFIER D'AUDIENCE : GAUTREAU VÉRONIQUE
DÉBATS : AUDIENCE DU 14 SEPTEMBRE 2000 - RENDU A L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 7 DÉCEMBRE 2000 OU SIÉGEAIT MONSIEUR DIEUDONNE CLAUDE, PRESIDENT ASSISTE DE GAUTREAU VÉRONIQUE, GREFFIER.
REDEVANCES DE GREFFE : 362,11 DONT TVA : 59,51
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par exploit d'huissier en date du 27 août 1999, Madame X. a assigné la SA ADT PROVIDER et la SA FIRENT pour voir :
Dire et juger Madame X. recevable et bien fondée en ses demandes ;
Y faisant droit,
Prononcer la nullité des deux contrats signés auprès de la SA ADT PROVIDER et la SA FIRENT ;
Condamner les deux Sociétés in solidum à rembourser le montant des échéances payées depuis février 1999 outre la somme de 808,02 francs relative à l'impayé et aux frais consécutifs ;
Les condamner solidairement au paiement d'une somme de 5.000,00 francs à titre de dommages et intérêts ;
Les condamner solidairement au paiement d'une somme de 5.000,00 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
Condamner les défendeurs in solidum aux entiers dépens ;
Sur cette assignation, la SA ADT PROVIDER conclut :
Ayant tels égards que de droit sur l'assignation signifiée à la requête de Madame X.,
Faire siens les moyens de fait et de droit développés dans le corps des présentes conclusions qui doit être considéré comme faisant partie intégrante du dispositif ;
Constater que Madame X. a contracté avec la SA ADT PROVIDER en qualité de commerçant dans le cadre de l'exploitation de son activité commerciale ;
Constater qu'en qualité de commerçant, la réception du paiement des prestations fournies par Madame X. constitue une activité en rapport direct avec son exploitation commerciale ;
Dire et juger que le contrat conclu entre la SA ADT PROVIDER et Madame X. est un contrat conclu entre professionnels dans le cadre de leur activité professionnelle et constitue un acte d'exploitation de la part de Madame X. ;
Dire et juger qu'il en résulté de l'ensemble de ces éléments que le contrat présente un rapport direct avec les activités de Madame X. exercées dans le cadre de son exploitation commerciale et professionnelle ;
Dire et juger applicables au contrat les dispositions de l'article L. 121-22 4° du Code de la Consommation ;
Dire et juger en conséquence n'y avoir nullité ni lieu à annulation du contrat ;
[minute page 3] Constater que Madame X. ne rapporte pas la preuve d'un dol, ni celle de l'existence d'un quelconque préjudice ;
En conséquence, rejeter les demandes de Madame X. ;
Condamner Madame X. à payer à la SA ADT PROVIDER en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la somme de 8.000,00 francs ;
Condamner Madame X. en tous les dépens ;
La SA FIRENT conclut :
Rejeter les prétentions de Madame X. et de la condamner à verser à la SA FIRENT la somme de 10.000,00 francs pour procédure abusive et celle de 5.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
LES FAITS :
Madame X., commerçante en nom personnel d'un magasin de dépôt-vente à l'enseigne « [enseigne] » à [ville], expose qu'elle s'est vu démarchée sur son lieu de travail par la SA ADT PROVIDER et la SA FIRENT qui lui ont fait souscrire, le 4 février 1999, deux contrats de location, l'un relatif à un matériel de lecteur de chèques, l'autre d'abonnement aux prestations de service monétique pour une durée de 48 mois, moyennant une mensualité de 687,42 francs TTC ;
Madame X. a cessé son activité ;
Elle expose qu'aux termes des deux contrats signés, elle reste redevable des 48 mensualités ; que cependant, elle sollicite la nullité de ces deux contrats pour non respect des dispositions de l'article L. 121-23 alinéa 7 du Code de la Consommation ainsi qu'aux termes de l'article L. 121-24 dudit Code ;
Qu'en effet, ayant été démarchée sur son lieu de travail, les dispositions de l'article L. 121-23 sont applicables ;
Qu'en effet, les deux contrats ne comportant aucun formulaire de rétractation, la nullité doit, en conséquence, être prononcée ;
C'est dans ces conditions que Madame X. a saisi le Tribunal de Céans de la présente procédure ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LE TRIBUNAL :
Attendu que Madame X. sollicite la nullité des deux contrats signés, tant auprès de la SA FIRENT que de la SA ADT PROVIDER ;
[minute page 4] Attendu que la SA FIRENT énonce qu'elle est intervenue dans le cadre du contrat de location invoqué qu'en tant que mandataire de sociétés de financement pour proposer à Madame X. la conclusion dudit contrat ; qu'il est de règle constante que les actes conclus par le mandataire dans les limites de son mandat sont considérés comme accomplis par le mandant : des liens de droit naissent entre le mandant et les tiers, mais non entre le mandataire et les tiers ; qu'ainsi aucune demande ne peut être dirigée à son encontre ;
Attendu qu'il résulte de l'analyse du contrat de location que celui-ci a été conclu entre Madame X., dénommée au contrat le locataire, et les Sociétés ADT PROVIDER, COFILION, PREFI ;
Attendu qu'il apparaît que la SA FIRENT a agi en qualité de mandataire ;
Attendu dès lors qu'aucune demande ne peut être dirigée à son encontre et il convient, dès lors, de prononcer sa mise hors de cause ;
Attendu que la SA FIRENT sollicite la condamnation de Madame X. à lui payer la somme de 10.000,00 francs à titre de procédure abusive ;
Attendu cependant qu'aucun préjudice n'est rapporté résultant de la prétendue procédure abusive intentée par Madame X., dès lors il ne sera pas fait droit à ce chef de demande ;
Attendu que SA ADT PROVIDER conteste les demandes de Madame X. au motif que la réception du paiement des prestations fournies par Madame X. constitue une activité en rapport direct avec son exploitation commerciale ; que les contrats établis entre elle et Madame X. sont des contrats conclus entre professionnels dans le cadre de leurs activités professionnelles et constituent un acte d'exploitation de la part de Madame X. ; que dans ces conditions, celle-ci ne peut invoquer les dispositions du Code de la Consommation ;
Attendu que le bénéfice des règles protectrices du consommateur a été étendu aux professionnels agissant en dehors de leur domaine de compétence ;
Attendu que dans le cas présent, les contrats invoqués ont été conclus pour les besoins de l'activité professionnelle de Madame X. mais sont sans rapport direct avec ladite activité ;
Attendu qu'en effet tant le contrat de location que le contrat de service monétique ne permettaient pas à Madame X. d'exercer une activité complémentaire à son exploitation commerciale et n'avaient pas pour finalité de lui permettre de réaliser des bénéfices supplémentaires ;
Attendu que dès lors Madame X. doit être considérée comme un professionnel ayant droit à la même protection qu'un cas particulier pour toute offre à elle faite sortant du cadre spécifique de son activité ;
Attendu notamment que le contrat de location aurait du contenir le formulaire détachable prévu à l'article L. 121-4 du Code de la Consommation permettant d'exercer la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25 du même Code dans un délai de sept jours ;
[minute page 5] Attendu qu'en l'absence dudit formulaire, le contrat de location litigieux, souscrit par Madame X., doit être déclaré nul et de nul effet, ainsi que le contrat de service monétique,
Attendu dès lors qu'il convient de faire droit à la demande principale de Madame X. à l'encontre de SA ADT PROVIDER et de prononcer la nullité tant du contrat de service monétique que du contrat de location signés par Madame X.,
Attendu que dès lors la SA ADT PROVIDER devra rembourser le montant des échéances payées depuis février 1999, outre la somme de 808,02 francs relative à l'impayé et aux frais consécutifs ;
Attendu Madame X. sollicite la condamnation de la SA ADT PROVIDER au paiement de la somme de 5.000,00 francs à titre de dommages et intérêts ;
Attendu cependant que Madame X. ne justifie d'aucun préjudice susceptible d'ouvrir droit à dommages et intérêts, il y a donc lieu de la débouter de ce chef de demande ;
Attendu que l'exécution provisoire n'est justifiée par aucune nécessité ;
Attendu que sur la demande de Madame X. de 5.000,00 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, celle-ci apparaît exagérée et il lui sera fait reste de droit en lui accordant la somme de 3.500,00 francs en vertu dudit article ;
Attendu que les dépens devront être supportés par la partie qui succombe ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;
Mets hors de cause la SA FIRENT ;
Prononce la nullité du contrat de service monétique et du contrat de location signés entre Madame X. et la SA ADT PROVIDER ;
Condamne la SA ADT PROVIDER à rembourser le montant des échéances payées depuis février 1999 outre la somme de 808,02 francs relative à l'impayé et aux frais consécutifs ;
Condamne la SA ADT PROVIDER à payer à Madame X. la somme de 3.500,00 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en déboute ;
[minute page 6] Condamne la SA ADT PROVIDER en tous les dépens de l'instance ;
Retenu à l'audience du 14 septembre 2000 et après débats ;
Prononcé à l'audience publique du Tribunal de Commerce de DIJON - Première Chambre - où était et siégeait Monsieur le Président assisté du Greffier susnommés.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5849 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5899 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Développement de l’activité
- 5900 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Amélioration des résultats financiers
- 5941 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Paiement du professionnel