CA RENNES (2e ch.), 5 juin 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5274
CA RENNES (2e ch.), 5 juin 2015 : RG n° 12/02953 ; arrêt n° 310
Publication : Jurica
Extrait : « Il convient de constater que les consorts Y.-X. ont passé avec la société Oildist un contrat de vente de fioul domestique, comportant certes la livraison à domicile, mais sans facturation de la prestation de transport et ne relevant pas du contrat type pour le transport public routier en citerne, institué par le décret n° 2000-527 du 14 juin 2000 pour régler les relations entre le donneur d'ordre et un transporteur public.
Ce contrat se trouve régi par les conditions générales de vente rappelées au dos des factures. Mais les intimés opposent à bon droit les dispositions de l'arrêté du 1er juillet 2004, fixant les règles techniques et de sécurité applicables au stockage de produits pétroliers et notamment le fioul domestique. Cet arrêté définit en particulier les règles techniques applicables aux installations de stockage à rez-de-chaussée et il prévoit qu'un certificat de conformité doit être fourni par l'installateur au maître de l'ouvrage, de même qu'il stipule à l'article 31 que « Toute entreprise qui intervient sur une installation de stockage existante doit, à cette occasion, vérifier sa conformité aux dispositions du présent arrêté et délivrer pour les parties conformes un certificat tel que décrit à l'article 25 ci-dessus ». Par ailleurs, il est stipulé à l'article 27 : « Il appartient à l'utilisateur de l'installation d'entretenir celle-ci de manière à éviter tout épandage de produit », tandis qu'il est précisé à l'article 26 : « Il appartient à l'utilisateur de l'installation de vérifier la quantité admissible préalablement à toute commande » et « Dans le cas où le livreur est autorisé à accéder au stockage, il doit s'assurer avant de commencer l'opération de livraison que les réservoirs ont suffisamment de volume disponible pour recevoir la quantité commandée par l'utilisateur ».
Il résulte de ces éléments que l'obligation de résultat du vendeur consiste à livrer la quantité et la qualité de fioul domestique qui a été commandée, en vérifiant que cette quantité correspond au volume disponible de la cuve, pour éviter tout débordement. Et si le livreur est responsable du bon déroulement des opérations de livraison, il ne saurait être considéré comme intervenant sur l'installation, ni tenu pour responsable de la conformité de cette installation et notamment de la cuve dont la conformité et le bon entretien doivent être exigés de l'installateur ou de la société chargée de l'entretien de l'installation.
Il n'est pas fait reproche d'un débordement consécutif à la livraison d'une quantité excessive de fioul au domicile des consorts Y.-X. le 7 mai 2009, ni de fautes commises au cours des opérations de livraison et de nature à provoquer l'effondrement de la cuve, dont la non-conformité ne relève pas de la responsabilité de la société Oildist. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 5 JUIN 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/02953. Arrêt n° 310. Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise LE BRUN, Conseiller, faisant fonction de Président, rédacteur, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, Madame Béatrice LEFEUVRE, Conseiller,
GREFFIER : Madame Stéphanie LE CALVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : À l'audience publique du 10 mars 2015, Madame LE BRUN, Conseiller faisant fonction de Président, entendue en son rapport,
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 5 juin 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré
APPELANTS :
Monsieur Y.
né le [date] à [ville] ; Représenté par la SCP CABINET GOSSELIN, Maître GOSSELIN, avocat au barreau de RENNES
Mademoiselle X.
née le [date] à [ville] ; Représentée par la SCP CABINET GOSSELIN, Maître GOSSELIN, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
SARL OILDIST
Représentée par Maître Aurélie GRENARD de la SCPA GARNIER / BOIS / DOHOLLOU / SOUET / ARION / ARDISSON / GRENARD / LEVREL / GUYOT - VASNIER / COLLET / BOULOUX - POCHARD / LE DERF-DANIEL, avocat au barreau de RENNES
SA ALLIANZ IARD
Représentée par Maître Aurélie GRENARD de la SCPA GARNIER / BOIS / DOHOLLOU / SOUET / ARION / ARDISSON / GRENARD / LEVREL / GUYOT - VASNIER / COLLET / BOULOUX - POCHARD / LE DERF-DANIEL, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I - Faits et procédure :
Monsieur Y. et Madame X. ont passé une commande de fioul auprès de la société Oildist, exerçant à l'enseigne Leclerc Fioul. La livraison a eu lieu le 7 mai 2009, portant sur 1.394 litres de fioul domestique pour le remplissage de la cuve plastique se trouvant dans la chaufferie de l'habitation. L'opération s'est terminée vers 11 heures et vers 14 heures, Monsieur Y. a constaté le renversement de la cuve, ayant provoqué l'épandage du fioul dans le garage et le bureau de l'habitation ainsi que sur toute la surface de la cour recouverte de graviers.
Une réunion d'expertise s'est tenue sur les lieux du sinistre le 20 juillet 2009, suivie d'une réunion le 3 décembre 2009 dans les bureaux du cabinet T., mandaté par l'assureur des consorts Y.-X.. L'expert a remis son rapport le 23 décembre 2009, en relevant :
- d'une part, que la cuve à fioul était posée sur un lit de gravillons et qu'elle était dépourvue d'un bac de rétention en vue de minimiser la propagation du fioul et minimiser la pollution en cas de rupture intempestive de la cuve,
- d'autre part, que la société Oildist n'avait pas alerté ses clients sur l'absence d'ancrage de la cuve. « A telle enseigne que la cuve s'est effondrée quelques heures après le remplissage de celle-ci par l'employé de la société Oildist ».
Cet expert estimait que la responsabilité de la société Oildist était engagée et chiffrait le préjudice à 23.171 euros. Et par acte d'huissier du 5 mai 2001, les consorts Y.-X. ont fait assigner la société Oildist et son assureur, au visa de l'article 1147 du code civil, pour obtenir la réparation de leur préjudice résultant d'un manquement aux obligations de résultat et de conseil.
Par jugement du 28 février 2012, le tribunal de grande instance Rennes a :
- Débouté les consorts Y.-X. ;
- Les a condamnés à payer l.500 euros au titre des frais non répétibles aux défendeurs ;
- Les a condamnés aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Monsieur Y. et Madame X. ont déclaré faire appel de ce jugement le 2 mai 2012, à l'encontre de la SARL Oildist et de la société Allianz assurances.
Ils ont conclu le 9 janvier 2015, en demandant à la cour de :
- Déclarer Monsieur Y. et Madame X. recevables en leur appel ;
- Réformer le jugement en toutes ses dispositions ;
- Dire et juger que la société Oildist a manqué à son obligation de résultat d'une part et à son obligation de conseil et d'information d'autre part ;
- Juger que le contrat type issu du décret du 16 juin 2000 ne s'applique pas en l'espèce
- En toute hypothèse, juger que les articles 9, 10 et 23 notamment du contrat type issu du décret du 16-2000 sont contraires aux dispositions du décret du 18 mars 2009 et des articles R. 132-1 et 121-3 du code de la consommation et juger en conséquence qu'il s'agit de clauses abusives, les annuler et en toute hypothèse les déclarer inopposables au concluant ;
- Condamner la société Oildist et son assureur, Allianz assurances solidairement au paiement de la somme de 36.327 euros au titre du préjudice, sauf à parfaire jusqu'à la date de délibéré subi par Monsieur Y. et Madame X., avec intérêts au taux légal qui seront capitalisés conformément aux dispositions des articles 1153 et 1154 du code civil de la date de l'assignation jusqu'à parfait règlement ;
- Condamner la société Oildist et son assureur, Allianz assurances, solidairement au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouter la société Oildist et son assureur, Allianz assurances de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Condamner les mêmes solidairement aux entiers dépens d'instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Gosselin, avocat aux offres de droit.
La SARL Oildist et la société Allianz IARD ont conclu le 22 décembre 2014, en demandant à la cour de :
- Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en toutes ses dispositions ;
- Débouter les consorts Y.-X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
À titre subsidiaire,
- Dire que le préjudice subi consiste dans une perte de chance d'éviter un sinistre, dont la réparation ne saurait être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;
En conséquence,
- Réduire considérablement les sommes sollicitées au titre des préjudices invoqués ;
En toute hypothèse,
- Condamner solidairement Monsieur Y. et Madame X. à payer à la société Oildist et à la compagnie Allianz la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner solidairement Monsieur Y. et Madame X. aux entiers dépens qui seront recouvrés par distraction au profit de la SCPA Garnier, Bois, Dohollou, Souet, Arion, Ardisson, Grenard, Levrel, Guyot-Vasnier, Collet, Boulou-Pochard, le Derf-Daniel.
L'ordonnance de clôture est en date du 22 janvier 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II - Motifs :
Sur la responsabilité :
Les appelants soutiennent que la société Oildist, en tant que professionnel, a manqué à ses obligations de conseil et de résultat envers ses clients, pour ne pas les avoir alertés sur les défauts de l'installation, ni avoir opposé de réserves ou de refus de livraison, en les orientant vers la société chargée de l'entretien désormais mise en cause, alors que la société Oildist avait une bonne connaissance des lieux, en ayant eu tout loisir de constater la non-conformité de l'installation de la cuve à l'occasion de multiples livraisons.
Ils réfutent l'application du contrat type de transport résultant du décret du 16 juin 2000, revendiqué par la société Oildist, dans la mesure où ce décret réglemente le transport public routier en citerne et ne trouverait pas application dans les relations entre les consorts Y.-X. et la société Oildist, ces relations se trouvant régies par les conditions générales de vente figurant au dos du bon de livraison, sans autre clause convenue entre les parties et notamment pas la clause prévue par l'article 9 B alinéa 5 du contrat-type, qualifiée par eux d'abusive et à ce titre nulle et à tout le moins inopposable.
La société Oildist prétend qu'elle a rempli son contrat, consistant à livrer la quantité de fioul commandée par les consorts Y.-X., sans avoir à vérifier l'état de la cuve, ni à l'inspecter. Elle se fonde sur les dispositions de l'article 9 B alinéa 5 du décret du 16 juin 2000 et renvoie au destinataire du produit transporté la responsabilité de la sécurité, de la propreté et du bon fonctionnement de l'installation de déchargement, tout en relevant qu'une même obligation ressort de l'article 27 de l'arrêté du 1er juillet 2004 fixant les règles techniques applicables au stockage des produits pétroliers et stipulant qu’« il appartient à l'utilisateur de l'installation d'entretenir celle-ci de manière à éviter tout épandage du produit ».
Il convient de constater que les consorts Y.-X. ont passé avec la société Oildist un contrat de vente de fioul domestique, comportant certes la livraison à domicile, mais sans facturation de la prestation de transport et ne relevant pas du contrat type pour le transport public routier en citerne, institué par le décret n° 2000-527 du 14 juin 2000 pour régler les relations entre le donneur d'ordre et un transporteur public.
Ce contrat se trouve régi par les conditions générales de vente rappelées au dos des factures. Mais les intimés opposent à bon droit les dispositions de l'arrêté du 1er juillet 2004, fixant les règles techniques et de sécurité applicables au stockage de produits pétroliers et notamment le fioul domestique. Cet arrêté définit en particulier les règles techniques applicables aux installations de stockage à rez-de-chaussée et il prévoit qu'un certificat de conformité doit être fourni par l'installateur au maître de l'ouvrage, de même qu'il stipule à l'article 31 que « Toute entreprise qui intervient sur une installation de stockage existante doit, à cette occasion, vérifier sa conformité aux dispositions du présent arrêté et délivrer pour les parties conformes un certificat tel que décrit à l'article 25 ci-dessus ».
Par ailleurs, il est stipulé à l'article 27 : « Il appartient à l'utilisateur de l'installation d'entretenir celle-ci de manière à éviter tout épandage de produit », tandis qu'il est précisé à l'article 26 : « Il appartient à l'utilisateur de l'installation de vérifier la quantité admissible préalablement à toute commande » et « Dans le cas où le livreur est autorisé à accéder au stockage, il doit s'assurer avant de commencer l'opération de livraison que les réservoirs ont suffisamment de volume disponible pour recevoir la quantité commandée par l'utilisateur ».
Il résulte de ces éléments que l'obligation de résultat du vendeur consiste à livrer la quantité et la qualité de fioul domestique qui a été commandée, en vérifiant que cette quantité correspond au volume disponible de la cuve, pour éviter tout débordement.
Et si le livreur est responsable du bon déroulement des opérations de livraison, il ne saurait être considéré comme intervenant sur l'installation, ni tenu pour responsable de la conformité de cette installation et notamment de la cuve dont la conformité et le bon entretien doivent être exigés de l'installateur ou de la société chargée de l'entretien de l'installation.
Il n'est pas fait reproche d'un débordement consécutif à la livraison d'une quantité excessive de fioul au domicile des consorts Y.-X. le 7 mai 2009, ni de fautes commises au cours des opérations de livraison et de nature à provoquer l'effondrement de la cuve, dont la non-conformité ne relève pas de la responsabilité de la société Oildist.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner les consorts Y.-X. aux dépens d'appel ainsi qu'à payer une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
La Cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne solidairement Monsieur Y. et Madame X. à payer à la SARL Oildist et la société Allianz IARD la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement Monsieur Y. et Madame X. aux dépens d'appel, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le Président