CA LYON (6e ch.), 28 mai 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5276
CA LYON (6e ch.), 28 mai 2015 : RG n° 13/07515
Publication : Jurica
Extrait : « Il est constant que l'annonce parue sur le site la Centrale.fr présente le véhicule comme étant vendu par un professionnel, en l'espèce RC AUTO. Toutefois, Madame Y. ne forme aucune demande d'annulation de la vente pour vice de son consentement. Par ailleurs la SARL RC AUTO a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 11 juillet 2013. Or en application de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est antérieure au jugement et qui tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et selon l'article L. 622-22 du même code « les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ». Madame Y. ne justifie d'aucune déclaration de créance au passif de la SARL RC AUTO. Sa demande à l'encontre de cette société et de son mandataire est donc irrecevable.
S'agissant de Madame X., il convient de constater que l'acte de vente porte mention de ce que l'acquéreur déclare renoncer à l'encontre du vendeur à toute action quelle qu'en soit la nature, même celle qui serait fondée sur un vice caché non connu du vendeur. Cette clause, stipulée dans un acte de vente passé entre deux particuliers, ne présente aucun caractère abusif. Il n'y a donc pas lieu de la déclarer non écrite. En application de l'article 1643 du code civil elle exonère le vendeur, Madame X., dont il n'est pas établi qu'elle aurait eu connaissance du vice préalablement à la vente du véhicule et dont la bonne foi n'est pas mise en cause. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
SIXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 28 MAI 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/07515. Décision du Tribunal d'Instance de Montbrison Au fond du 6 septembre 2013 : R.G. n° 11-12-0002.
APPELANTE :
Madame X.
Représentée par Maître Christiane DEBONO-CHAZAL, avocat au barreau de LYON (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉE :
Madame Y.
née le [date] à [ville] ; Représentée par la SELAS DFP & ASSOCIÉS, avocats au barreau de SAINT-ÉTIENNE
INTERVENANTES :
Société RC AUTO
Défaillante
SELARL MDP
Maître Patrick Paul DUBOIS et Maître Marie DUBOIS PEROTTI
Défaillante
Date de clôture de l'instruction : 13 mai 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 mars 2015
Date de mise à disposition : 28 mai 2015
Audience tenue par Claude VIEILLARD, président et Mireille SEMERIVA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Priscillia CANU, greffier placé. À l'audience, Claude VIEILLARD a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré : Claude VIEILLARD, président, Olivier GOURSAUD, conseiller, Mireille SEMERIVA, conseiller.
Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Claude VIEILLARD, président, et par Martine SAUVAGE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 17 octobre 2011, Monsieur et Madame Y. ont acquis par le biais du site Internet la Centrale.fr un véhicule Mini Cooper pack Chili immatriculé XX, mis en circulation le 20 septembre 2007 pour le prix de 13.500 euros.
À la suite de bruits anormaux, le 29 novembre 2011, la concession Héli-pack spécialisée en Mini Cooper a établi un devis pour les réparations du véhicule s'élevant à la somme de 2.050,46 euros TTC.
Par ordonnance du 2 février 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Étienne a ordonné une expertise confiée à Monsieur P., qui a déposé son rapport le 30 mai 2012.
Par actes d'huissier de justice en date des 8 août 2012 et 10 août 2012, Madame Y. a fait assigner Madame X., la SA BMW France et la SARL RC AUTO devant le tribunal d'instance de Montbrison, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, afin d'obtenir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire ou la condamnation de qui mieux le devra à lui payer les sommes suivantes :
- 2.050,46 euros en principal,
- 2.000 euros au titre de la moins-value affectant le véhicule,
- 2.000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts à compter du jour de la délivrance de l'assignation et avec application de l'article 1154 du Code civil,
- 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame Y. s'est désistée de toutes ses demandes à l'encontre de la SA BMW France.
Par jugement réputé contradictoire du 6 septembre 2013, le tribunal d'instance de Montbrison a condamné in solidum Madame X. et la SARL RC AUTO à payer à Madame Y. la somme de 2.045,63 euros au titre des travaux nécessités par le vice et 1.500 euros à titre de dommages-intérêts, a rejeté la demande de Madame Y. au titre de la moins-value, a rejeté toutes les autres demandes, a condamné in solidum Madame X. et la SARL RC AUTO à payer à Madame Y. la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire du jugement et a condamné in solidum Madame X. et la SARL RC AUTO aux dépens de l'instance en ce compris la procédure de référé et de l'expertise.
Le tribunal a considéré que si le contrat écrit de vente du véhicule avait été passé entre Madame X. et Madame Y., la SARL RC AUTO s'était présentée comme vendeur professionnel selon l'annonce du site Internet la Centrale.fr de sorte qu'il devait être considéré qu'un contrat oral de vente avait été conclu entre elle et Madame Y.
Madame X. a interjeté appel par déclaration reçue au greffe le 25 septembre 2013.
Par ordonnance de référé du 3 mars 2014, la juridiction du premier président a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement susvisé et a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions déposées le 7 mai 2014, Madame X. demande à la cour de :
- dire que le vice caché constaté sur le véhicule litigieux ne pouvait pas être décelé par elle,
- dire que la responsabilité de la société RC AUTO ne peut être mise en cause dans la mesure où elle n'est pas intervenue dans la vente en tant que professionnel,
- dire que Madame Y. devra mettre en cause le constructeur la société BMW,
- débouter Madame Y. de toutes ses demandes,
- infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,
- condamner Madame Y. à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens.
Elle fait valoir :
* que son cousin Monsieur Z. a seulement fait passer l'annonce par l'intermédiaire de son entreprise de vente de véhicules, la société RC AUTO, pour l'aider mais qu'il n'est pas intervenu dans la vente,
* que Madame Y. a roulé plus de 3.482 km avec le véhicule depuis l'achat,
* que sa mauvaise foi est caractérisée par le fait qu'elle a abandonné ses poursuites contre BMW, le véhicule ayant certainement été repris et un accord convenu,
* que le tribunal n'a pas pris en compte la responsabilité du constructeur pourtant clairement visée dans l'expertise,
* que la cour devra constater le vice de construction opposable à la société BMW et dire que Madame X. n'était pas un professionnel pouvant déceler le vice.
Aux termes de ses conclusions déposées le 19 mars 1014, Madame Y. demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions
- y ajoutant condamner in solidum Madame X., la société RC AUTO France et son mandataire MDP, la société RC AUTO France ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de Commerce de Lyon du 11 juillet 2013, à lui payer 2.000 euros à titre de dommages-intérêts compte tenu des difficultés rencontrées lors de l'achat du véhicule
- dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter du jour de la délivrance de la citation introductive d'instance
- faire application de l'article 1154 du code civil
- condamner in solidum Madame X., la société RC AUTO France et son mandataire MDP aux dépens incluant le coût de la procédure de référé et celui de l'expertise diligentée.
Elle indique que l'annonce en cause a été publiée par un vendeur professionnel au nom de la société RC AUTO, mettant en avant le fait que le véhicule serait couvert par une garantie de trois ans, mais que l'acte de cession a été signé entre Madame X., en qualité de vendeur, et Madame Y., en qualité d'acquéreur.
Elle fait valoir que la clause exonératoire de responsabilité est abusive et tombe sous le coup des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
Elle ajoute :
* que l'obligation à garantie contre les vices cachés pèse sur le vendeur occasionnel tout comme sur un vendeur professionnel
* que la mise en cause de Madame X. dans la procédure ne fait pas de doute puisqu'elle apparaît en qualité de vendeur dans l'acte de cession, mais que celle de la société RC AUTO était également légitime car Monsieur Z., en sa qualité de professionnel, a incité les époux Y. à acheter le véhicule qu'il avait mis en vente sur le site de la centrale ; qu'il a fait en réalité du dépôt vente.
Par acte d'huissier de justice en date du 3 février 2014, Madame X. a fait assigner en intervention forcée la SELARL MDP en qualité de liquidateur de la société RC AUTO placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 11 juillet 2013. Par le même acte, elle leur a fait signifier le jugement entrepris et ses conclusions d'appel.
La SELARL MDP a écrit le 5 février 2014 pour faire connaître que la parution au BODACC de la liquidation judiciaire de la société RC AUTO était intervenue le 23 juillet 2013 et que le délai de forclusion était fixé au 23 septembre 2013. Elle précisait n'avoir reçu aucune déclaration de créance tant de Madame Y. que de Madame X. Elle ajoutait ne disposer d'aucun fonds lui permettant de se constituer devant la cour et indiquait qu'aucune condamnation ne pouvait intervenir à l'encontre de la société RC AUTO, que seule une éventuelle créance pouvait être fixée au passif mais qu'à ce jour la forclusion était intervenue ; qu'il n'y avait en tout état de cause aucun espoir de règlement dans le cadre de cette liquidation totalement impécunieuse.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2014 et l'affaire, fixée à l'audience du 26 mars 2015, a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LA COUR :
La demande de Madame Y. est fondée sur les articles 1604, 1641, 1643 et 1648 du code civil.
L'expert judiciaire indique dans son rapport que le véhicule présente un état général conforme à son kilométrage et à son année de première mise en circulation, que la structure et le soubassement du véhicule ne présentent aucune trace de réparations importantes et que le kilométrage inscrit au compteur est de 66.601 km.
Il relève toutefois que le véhicule présente un bruit anormal de fonctionnement au niveau de la boîte de vitesses lorsque le conducteur sollicite la pédale d'embrayage, que ce bruit peut s'apparenter à un cognement métallique cyclique et qu'il semble s'intensifier au fur et à mesure des kilomètres.
Il estime que les désordres relevés sont consécutifs à un défaut du volant moteur « bi-masse ». Il mentionne en effet avoir relevé des jeux anormaux entre la masse d'inertie primaire et la masse d'inertie secondaire et un jeu anormal de un à deux degrés en rotation entre le plateau central du volant moteur et le corps du volant moteur. Il ajoute que ces jeux anormaux permettent le battement de la masse d'inertie primaire par rapport à la masse d'inertie secondaire lorsque les mécanismes d'embrayage n'appliquent plus de pression sur l'ensemble et génèrent le bruit anormal constaté en position débrayage.
Il considère que les jeux anormaux relevés sur le volant moteur sont consécutifs à une usure prématurée du mécanisme interne de cette pièce et que cette usure prématurée s'est réalisée depuis la mise en circulation du véhicule.
Il conclut que les vices existaient le jour de la vente et se sont révélés dans le temps, que le bruit anormal de fonctionnement remarqué lors de la première réunion d'expertise est facilement audible pour une oreille attentive ou professionnelle mais qu'il a pu passer inaperçu le jour de la vente du véhicule compte tenu du fait qu'il n'est audible que si le conducteur sollicite la pédale d'embrayage, qu'enfin il était de moindre intensité le jour de la vente que le jour de l'expertise. Il précise que ce type d'anomalie n'est pas signalé lors d'un contrôle technique.
L'expert signale que la principale conséquence des désordres constatés est à court terme un désagrément de conduite mais qu'à long terme les vibrations générées par le volant moteur défectueux peuvent dégrader les roulements situés à proximité, notamment au niveau de la boîte de vitesses.
Il chiffre le coût des travaux de réfection à la somme de 2.045,63 euros TTC et note que la moins-value affectant le véhicule peut être estimée à hauteur du montant de l'intervention à réaliser, soit 2.000 euros.
Selon l'expert les désordres constatés semblent provenir d'un défaut de construction, les jeux anormaux, générateurs du bruit anormal de fonctionnement, étant consécutifs à une usure interne et prématurée du mécanisme d'amortissement du voleur moteur bi-masse.
Il résulte de ces conclusions, non contestées, qu'aucun défaut de livraison conforme ne peut être reproché au vendeur mais qu'en revanche le véhicule était atteint d'un vice caché au moment de la vente.
Il est constant que l'annonce parue sur le site la Centrale.fr présente le véhicule comme étant vendu par un professionnel, en l'espèce RC AUTO.
Toutefois, Madame Y. ne forme aucune demande d'annulation de la vente pour vice de son consentement.
Par ailleurs la SARL RC AUTO a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 11 juillet 2013. Or en application de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est antérieure au jugement et qui tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et selon l'article L. 622-22 du même code « les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ».
Madame Y. ne justifie d'aucune déclaration de créance au passif de la SARL RC AUTO. Sa demande à l'encontre de cette société et de son mandataire est donc irrecevable.
S'agissant de Madame X., il convient de constater que l'acte de vente porte mention de ce que l'acquéreur déclare renoncer à l'encontre du vendeur à toute action quelle qu'en soit la nature, même celle qui serait fondée sur un vice caché non connu du vendeur.
Cette clause, stipulée dans un acte de vente passé entre deux particuliers, ne présente aucun caractère abusif. Il n'y a donc pas lieu de la déclarer non écrite.
En application de l'article 1643 du code civil elle exonère le vendeur, Madame X., dont il n'est pas établi qu'elle aurait eu connaissance du vice préalablement à la vente du véhicule et dont la bonne foi n'est pas mise en cause.
Ainsi, Madame Y. ne pourra qu'être déboutée de ses demandes à l'encontre de Madame X.
Madame X. ne démontre pas que l'appelante ait agi abusivement ou dans l'intention de lui nuire. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à son encontre.
Il n'y a pas lieu de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou de l'autre des parties.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Réforme la décision déférée en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes formées par Madame Y. à l'encontre de la SARL RC AUTO et de son mandataire la selarl MDP.
Déboute Madame Y. de ses demandes à l'encontre de Madame X.
Rejette toutes les autres demandes.
Condamne Madame Y. aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT