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CA REIMS (1re sect. sect. 1), 1er septembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA REIMS (1re sect. sect. 1), 1er septembre 2015
Pays : France
Juridiction : Reims (CA), ch. civ. sect. 1
Demande : 13/02902
Date : 1/09/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5301

CA REIMS (1re sect. sect. 1), 1er septembre 2015 : RG n° 13/02902 

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'article L. 442-6-III alinéa 5 du code de commerce dispose que les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués à des juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. L’article D. 442-3 du même code, entré en vigueur le 1er décembre 2009, désigne les juridictions commerciales compétentes pour statuer et précise que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. Ces dispositions ont pour conséquence de priver toute cour d'appel, autre que celle de Paris du pouvoir de connaître des demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6-1-2° et L. 442-6-I-5° et ces dernières seront donc déclarées irrecevables. »

 

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE - PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 1er SEPTEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/02902. Jugement rendu le 29 janvier 2013 par le tribunal de commerce de REIMS

 

APPELANTE :

SARL MAISON E.

COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARD, avocats au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître Fabien DELHAES, avocat au barreau de BAYONNE

 

INTIMÉE :

SA CHAMPAGNE DEUTZ

COMPARANT, concluant par Maître Cécile SANIAL, avocat au barreau de REIMS,

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame MAILLARD, président de chambre, en son rapport, Monsieur SOIN, conseiller, Madame SIMON-ROSSENTHAL, conseiller

 

GREFFIER : Monsieur LEPOUTRE, greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS : À l'audience publique du 2 juin 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er septembre 2015,

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 1er septembre 2015 et signé par Madame MAILLARD, président de chambre, et Monsieur LEPOUTRE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 22 mars 2006 la société Maison E., exerçant une activité de commerce de gros de boissons, a conclu avec la société Champagne Deutz un contrat de distribution exclusive de boissons pour une durée indéterminée. Ce contrat prévoyait que les conditions de vente et les quantités mises à disposition pourraient varier chaque année compte tenu de la spécificité des produits vendus et des aléas climatiques.

Par courrier du 4 avril 2006, la société Champagne Deutz a confirmé à la société Maison E. les conditions de vente pour l'année 2006 en lui accordant deux types de remises (10 % et 5 %) et un budget publicitaire de 2 % du chiffre d'affaires total réalisé. En sus des remises visées dans ce courrier la société Champagne Deutz a, selon courriel du 28 mars 2006, accordé à la société Maison E. une bonification exceptionnelle de 6 % de fin de marché sur le chiffre total réalisé (selon objectif discuté au préalable), sur un avoir séparé au trimestre.

Par courrier du 4 mai 2010, la société Champagne Deutz a informé la société Maison E. de la révision de ses conditions tarifaires et de coopération. Cette dernière s'est alors opposée à la suppression de la bonification de 6 % appliquée et à la limitation des quantités mises à disposition.

La société Champagne Deutz a expliqué sa position par la nécessité d'harmoniser la politique commerciale appliquée à l'ensemble de ses distributeurs, de cesser sa politique « d'aide de départ » totalement disproportionnée par rapport aux réalisations volumétriques signifiées et qui ne sont pas extensibles à l'infini et a proposé à la société Maison E. de prendre, si elle le désirait le statut d'agent commercial ou de VRP.

Le 10 septembre 2010 elle a mis la société Maison E. en demeure de procéder au règlement des factures établies entre le 6 avril 2010 et le 3 juin 2010 s'élevant au 15 août à la somme totale de 94.811,32 euros.

Par télécopie du 29 septembre 2010, la société Maison E. a passé une nouvelle commande auprès de la société Champagne Deutz qui en a accusé réception, a fait un point comptable des relations financières entre les parties, en rappelant les termes des conditions d'application des relations commerciales. La société Maison E. a réglé ses factures au début du mois d'octobre 2010, à l'exception de la somme de 12.599,99 euros toutes taxes comprises qu'elle a compensé avec le montant de sa facture du 30 juin 2010, établie au titre des bonifications de 10 % auxquelles elle estimait pouvoir prétendre pour le deuxième trimestre de l'année 2010. Par lettre du13 octobre 2010, elle a contesté l'existence de tout litige comptable, proposé de ramener pour l'avenir la bonification de fin de marché de 10 % à 5 % en refusant toute autre modification contractuelle.

Constatant notamment l'absence de toute commande de la société Maison E. depuis plusieurs mois, le refus de ses conditions tarifaires, le défaut de règlement de la somme de 12.599 euros malgré des concessions proposées et l'impossibilité de procéder à toute livraison, la société Champagne Deutz a, par lettre recommandée du 3 mars 2011, constaté la rupture du contrat liant les deux sociétés.

Par acte du 21 juillet, la société Maison E. a fait assigner la société Champagne Deutz devant le tribunal de commerce de Reims aux fins de voir prononcer la résolution du contrat de distribution aux torts exclusifs de la société Champagne Deutz et la faire condamner au paiement de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil.

La société Champagne Deutz a conclu au rejet de ces demandes.

Par jugement du 29 janvier 2013, le tribunal de commerce de Reims a constaté la résiliation du contrat en date des 2 février et 22 mars 2006, condamné la société Champagne Deutz à payer à la société Maison E. une somme de 12.583,36 euros toutes taxes comprises, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Champagne Deutz aux dépens, rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties.

Il a relevé dans ses motifs, que le contrat liant les parties était à durée indéterminée, qu'il pouvait être résilié à tout moment par chacune des parties dans des conditions raisonnables et non brutales, que la société Deutz était libre de revoir ses conditions tarifaires et sa politique de répartition de ses produits, mais aurait dû accorder à la société Maison E. un délai raisonnable d'exécution de six mois minimum avant de supprimer la bonification accordée, que la rupture du contrat est intervenue aux torts partagés et ne peut donner lieu à indemnisation pour perte de clientèle ou perte de marge.

La société Maison E. a alors interjeté appel.

Par conclusions du 11 mai 2015, elle demande à la cour, sur le fondement des dispositions des articles 1134, 1147 du code civil et L. 442-6 1 2° et 5° du code de commerce, d'infirmer le jugement entrepris, de condamner la société Champagne Deutz à lui verser la somme de 213.333 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral subi suite à la modification et à la rupture des relations d'affaires entres les deux sociétés, de rejeter les conclusions, fins et demandes de la société Champagne Deutz, de la condamner à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens de l'instance.

Elle explique que la société Champagne Deutz a unilatéralement modifié l'engagement liant les parties, qu'elle n'a pas exécuté le contrat de bonne foi et que la société Maison E. a subi un préjudice du fait de la perte de marge brute, de la perte de clientèle et de l'atteinte à sa réputation commerciale.

Par conclusions du 12 mai 2015, la société Champagne Deutz demande à la cour de rejeter l'appel de la société Maison E., de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle était libre de revoir ses conditions tarifaires et sa politique de répartition de ses produits, de l'infirmer pour le surplus, de constater la résiliation du contrat de distribution en date du 2 février 2006, de débouter la société Maison E. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, de la condamner à verser à la société Champagne Deutz la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.

Elle explique qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles, que la rupture n'a pas été brutale, que la société Maison E. a commis des fautes du fait du retard récurrent des paiements, de la commercialisation d'une autre marque de champagne et de la vente de produits en dehors du territoire contractuel, qu'elle ne justifie pas du préjudice dont elle réclame réparation.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce, la cour :

En vertu des dispositions de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

 

Sur la modification du contrat de distribution :

La société Maison E. reproche à la société Champagne Deutz d'avoir unilatéralement modifié le contrat en lui imposant brutalement au cours de l'année 2010, des quotas de vente et l'annulation des bonifications qui lui avaient été accordées et en lui proposant au surplus de prendre le statut d'agent commercial.

Le contrat de distribution signé par la société Champagne Deutz le 2 février 2006 et par la société Maison E. 22 mars 2006 constituant un cadre contractuel allégé par rapport aux contrats habituellement signés par la société Champagne Deutz avec d'autres titulaires de concession de distribution, prévoyait dans son article II deuxième paragraphe « que les conditions spéciales » dont bénéficiait déjà le société Maison E., « seront confirmées périodiquement par la direction des ventes de notre société. Elles pourront varier selon les objectifs, les besoins ou les contraintes liées à notre politique d'entreprise ».

L'article IV du contrat précisait que le distributeur était chargé de la vente des vins sous étiquette de marque principale Deutz, Delas et Burmester, que la société Champagne Deutz « pourra à tout moment cesser la commercialisation d'un ou plusieurs produits pour tout motif dont elle restera seule juge, sauf à en prévenir le distributeur en temps utile(...) » et que « les quantités de chaque produit mis à disposition du distributeur pourront varier chaque année, voire même à l'intérieur de chaque année en fonction de la conjoncture et, plus généralement, de toute circonstance qui dictera une telle attitude de la part de la société ».

Par courrier électronique du 28 mars 2006, la société Champagne Deutz proposait à la société Maison E. les conditions de distribution suivantes : tarif CBHR – 10 % (accord distribution) - 5 % incentive sur la gamme champagne (présence des trois marques au point de vente) – 6 % de bonification de fin de marché sur le chiffre réalisé, mise à disposition d'un budget publicitaire de 2 %.

Les conditions de vente confirmées pour l'année 2006 par lettre du 4 avril 2006 ne faisaient état que de la remise de 10 % sur les gammes Champagne Deutz, vins Delas Frères et porto Buremester déduite de chaque facture, de la remise de 5 % pour l'incentive « Trio de marques » et du montant du budget publicitaires mais ne mentionnait pas la bonification de 6 % sur la totalité du chiffre d'affaires. Les pièces versées aux débats établissent toutefois que des factures de bonification appliquant un taux de 6 % étaient établies chaque trimestre par la société Maison E., du 31 août 2006 au 11 janvier 2010. La facture du 31 mars 2010 concernant le premier trimestre 2010, qui a été acceptée par la société Champagne Deutz, a mis en compte un montant de bonification de 10 % du chiffre d'affaires réalisé pour le premier trimestre 2010. La facture établie selon les même modalités le 30 juin 2010 pour le deuxième trimestre 2010 a quant à elle été contestée et est restée litigieuse. Il est donc établi que le paiement d'une bonification de 6 % sur le chiffre d'affaires réalisé, payable trimestriellement était convenue entre les parties et a été régulièrement payée.

Par courrier du 4 mai 2010, la société Champagne Deutz a fait savoir à la société Maison E. que la faible récolte en AOC décidée par l'Interprofession au titre de la dernière vendange couplée avec les difficultés d'approvisionnement en grands crus et en Premiers crus la Champagne Viticole l'amenait à définir les quantités disponibles pour son secteur sur les sept produits « fers de lance » de sa gamme et a quantifié de manière précise les produits qui seraient à sa disposition d'ici le 31 décembre 2010. Elle indiquait de plus que la remise à niveau, par souci de cohérence et d'équité l'amenait à revoir ses conditions et précisait que ses conditions tarifaires étaient maintenues à l'exception de la prime de bonification de 6 % qui serait supprimée.

Il n'est pas discuté que ces modifications n'ont pas été négociées par les parties mais imposées par la société Champagne Deutz par application des articles II et IV du contrat stipulant notamment que les modifications portant sur les quantités de chaque produit mis à la disposition de la société Maison E. pouvaient intervenir à tout moment et donc en cours d'année, en fonction de la conjoncture, étant précisé que le distributeur ne pourra engager d'aucune manière la responsabilité de la société Champagne Deutz à raison d'une telle décision.

Les révisions tarifaires pouvaient de même, selon la commune intention des parties, varier selon les besoins ou les contraintes liées à la politique de l'entreprise et donc à tout moment. La société Maison E. n'est donc pas fondée, au vu des stipulations du contrat liant les parties à soutenir que les dispositions de l'article 1134 du code civil n'ont pas été respectées, alors que la société Champagne Deutz s'était clairement réservé la possibilité de modifier périodiquement les conditions spéciales dont bénéficiait le distributeur et la quantité de produits mis à sa disposition.

En tout état de cause, le paiement régulier de bonifications tarifaires de 6 % du deuxième trimestre 2006 au quatrième 2009 et le paiement d'une bonification de 10 % au cours du premier trimestre de l'année 2010, ne pouvaient engager définitivement la société Champagne Deutz à maintenir cet avantage consenti à titre « d'aide au démarrage » aux fins de faciliter la commercialisation de ses produits dans le Pays Basque français et ne pouvaient la contraindre à renoncer à la faculté de modification des conditions spéciales accordées au distributeur qu'il s'était réservée avec l'accord de son cocontractant.

Il en est de même de l'augmentation au taux de 10 % de la prime de bonification qui a été payée à la société Maison E. pour le premier trimestre 2010, alors qu'aucune pièce du dossier ne démontre que l'acceptation de cette augmentation, qui selon la société Champagne Deutz résulte d'une erreur, a été négociée et décidée dans le but de gratifier le distributeur pour une certaine durée. La cour observe que la facture de bonification établie le 30 juin 2010 pour le deuxième trimestre 2010, postérieurement à la lettre du 4 mai 2010, qui a supprimé cet avantage a été contestée tant dans son principe pour la période postérieure au 4 mai 2010 que pour son montant. Il ne peut donc en toute bonne foi être soutenu que la société Champagne Deutz s'était engagée sur le maintien, voire l'augmentation de la prime de bonification pour l'année 2010 avant de la supprimer brutalement.

Le maintien des conditions tarifaires et de la bonification consentie ne constituaient pas un élément déterminant du contrat liant les parties qui avaient expressément stipulé la possibilité pour le fournisseur de modifier les conditions de vente en fonction des objectifs, des besoins ou des contraintes liés à l'exploitation de l'entreprise.

Enfin, les bons résultats auxquels ont donné lieu le partenariat commercial des parties depuis l'année 2006 ne pouvaient au vu des termes clairs du contrat, contraindre la société Champagne Deutz à maintenir à la société Maison E. les volumes distribués et les bonifications accordées, la variation des quantités de produits mis à la disposition du distributeur et la variation des conditions spéciales dont il bénéficiait n'étant, selon la convention des parties, pas fonction des résultats de ce dernier, mais bien des objectifs, des besoins ou des contraintes liées à la politique d'entreprise du fournisseur.

La société Champagne Deutz a expliqué sa décision par la faiblesse de la récolte AOC et les difficultés d'approvisionnement « grand cru » et « premier cru » et par des raisons économiques, à savoir son souci de maintenir l'équilibre entre les régions, de proportionner son aide à la réalisation volumétrique, d'éviter toute discrimination à l'égard de ses autres distributeurs (message du 11 juin 2006) et de la nécessité d'établir des relations commerciales équitables avec ses autres distributeurs. Elle justifie en annexe d'une importante baisse de la quantité de raisin récolté à partir de l'année 2008 par la production des déclarations de récoltes 2008, 2009 et 2010.

Il résulte de ces éléments que les modifications des conditions de distribution notifiées le 4 mai 2010 par la société Champagne Deutz ne sont pas fautives mais conformes aux prévisions du contrat. Les premiers juges ont en conséquence à juste titre constaté que la société Champagne Deutz n'a pas manqué à ses obligations contractuelles en supprimant l'allocation de la bonification de 6 % et n'a à aucun moment cherché à rompre les relations commerciales mais a usé de son droit de modifier les conditions de vente avantageuses octroyées lors de la mise en place du contrat de distribution (lettre du 17 juillet 2010).

La cour constate toutefois, au vu de la durée pendant laquelle la bonification de 6 % sur le chiffre d'affaires réalisé a été versée à l'appelante, que la société Champagne Deutz n'aurait dû procéder à la suppression de cet avantage qu'à l'issue d'un délai raisonnable que les premiers juges ont fixés à six mois.

Ces derniers ont justement considéré que le préjudice subi par la société Maison E. du fait de la suppression immédiate de la bonification dont elle avait bénéficié pendant trois ans pouvait être évalué à la somme de 12.583,36 euros toutes taxes comprises, représentant le montant de six mois de bonification à 6 %, calculé sur la base du montant réglé à ce titre au cours du premier trimestre 2010.

La cour constate toutefois que la société E. a retenu au titre de sa facture de bonification du 30 juin 2010, établie sur la base d'un pourcentage de 10 % ne résultant d'aucun accord des parties, durant toute la procédure, la somme de 12.599,99 euros qu'elle estimait due, de sorte que le préjudice subi du fait de la brutalité de modification tarifaire imposée a ainsi été réparé. Il n'y a donc pas lieu de condamner la société Champagne Deutz à payer le montant de 12.583,56 euros. La demande de paiement de la société Maison E. sera donc rejetée et le jugement déféré infirmé en ce sens.

 

Sur la rupture du contrat de distribution :

Les pièces versées aux débats établissent que les relations des parties se sont dégradées à partir des mois de mai et juin 2010. Contrairement à ce qu'affirme la société Maison E. les courriers échangés par les parties ne démontrent pas que la société Champagne Deutz a, dès l'été 2010, souhaité mettre fin au contrat de distribution. Ils révèlent au contraire qu'elle a proposé à la société Maison E. de signer le contrat d'agent commercial dont bénéficiait ses autres distributeurs ou d'adopter le statut de VRP (lettre du 22 juillet 2010), qu'elle a par courrier du 15 septembre 2010, par lequel elle réclamait paiement de ses factures, regretté le ton employé par la société appelante dans son courrier du 12 août, affirmé sa volonté de pérenniser la présence de ses produits dans la région à des conditions équilibrées et dans des volumes compatibles avec une stratégie d'ensemble et de sa volonté d'établir un climat cordial et respectueux. Elle envisageait même, en post scriptum et dans un esprit de conciliation, la possibilité de définir ensemble des quantités de champagne complémentaires à commercialiser à la fin de l'année 2010.

Par courrier du 4 octobre 2010 elle a accusé réception d'une commande de la société Maison E. et du règlement des factures à l'exception de la somme de 12.599,99 euros toutes taxes comprises et proposait une solution amiable pour la prise en charge de ce montant correspondant à une facture de bonification à 10 % du chiffre d'affaires établie par l'appelante pour le second trimestre 2010, alors que la bonification de 6 % convenue avait été supprimée à partir du 4 mai 2010. Ces propositions n'ont pas été accueillies favorablement par la société appelante.

La société Maison E. fait valoir dans ses écrits qu'elle était prête à accepter la réduction de la bonification financière imposée. L'examen de la lettre du 13 octobre 2010 révèle toutefois qu'elle a en réalité proposé de rapporter pour l'avenir la bonification de fin de marché de 10 % à 5 %. Elle a par ailleurs refusé le contrat d'agent commercial qui lui a été adressé le 17 novembre 2010.

La rupture définitive du contrat n'est intervenue que le 3 mars 2011 suivant après plusieurs mois de discussion.

La lettre de résiliation du contrat constate l'échec de tous les efforts faits pour poursuivre les relations commerciales, le refus de ses conditions tarifaires et de ses concessions, l'absence totale de commandes depuis plusieurs mois, l'absence de retour du contrat d'agence envoyé le 17 novembre 2010, le refus d'application du contrat du 2 février, le défaut de règlement de la somme de 12.599 euros malgré les concessions faites par courrier de 4 octobre 2010, le manque flagrant de résultats et la représentation récente d'une marque concurrente.

Les premiers juges ont justement relevé par des motifs pertinents que la cour adopte, que le contrat liant les parties était à durée indéterminée de sorte que chacune des parties avait la possibilité de le résilier dans des conditions raisonnables et dépourvues de brutalité.

Ils ont justement constaté qu'après plusieurs mois de négociation et de nombreux échanges de courriers, les parties n'ont pas réussi à restaurer un climat de confiance, que les engagements contractuels n'étaient plus respectés, qu'il n'y avait plus de commandes, que la société Champagne Deutz ne livrait plus, que la société Maison E. vendait des produits en dehors de son territoire au détriment d'un autre distributeur et contrairement aux prescriptions du contrat de distribution (pièce n° 14), qu'elle a commercialisé une autre marque de champagne et que la résiliation du contrat s'imposait.

Cette dernière intervenue aux torts partagés des parties ne peut donner lieu à paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral, perte de clientèle, baisse de marge dont il n'est d'ailleurs pas justifié par la société Maison E.. Les demandes de l'appelantes doivent donc être rejetées et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

 

Sur les demandes en application des articles L. 442-6-I-2° et L. 442-6-I-5° du code de commerce :

La société Maison E. invoque devant la cour sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6-I-5°du code de commerce l'existence d'une faute de la société Champagne Deutz résultant de la brutalité de la rupture commerciale établie sans préavis tenant compte de sa durée du contrat.

Elle invoque de plus sur le fondement de l'article L. 442-6-1-2° du même code la responsabilité de l'intimée qui a tenté de la soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties et sollicite réparation de son préjudice.

L'article L. 442-6-III alinéa 5 du code de commerce dispose que les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués à des juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. L’article D. 442-3 du même code, entré en vigueur le 1er décembre 2009, désigne les juridictions commerciales compétentes pour statuer et précise que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.

Ces dispositions ont pour conséquence de priver toute cour d'appel, autre que celle de Paris du pouvoir de connaître des demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6-1-2° et L. 442-6-I-5° et ces dernières seront donc déclarées irrecevables.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société E. qui succombe dans son appel supportera les entiers dépens de l'instance d'appel et ses frais irrépétibles et paiera à la société Champagne Deutz, la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Infirme partiellement le jugement rendu le 20 janvier 2013 par le tribunal de commerce de Reims en tant qu'il a condamné la société Champagne Deutz à payer à la société Maison E. la somme de 12.583,36 euros toutes taxes comprises ;

et statuant à nouveau ;

Déboute la société Maison E. de sa demande de dommages et intérêts pour modification brutale des conditions de vente ;

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;

et y ajoutant ;

Déclare irrecevables les demandes de la société Maison E. fondées sur les dispositions des articles L. 442-6-I-2° et L. 442-6-I-5° du code de commerce ;

Condamne la société Maison E. à payer à la société Champagne Deutz la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel ;

Condamne société Maison E. aux entiers dépens de l'instance d'appel avec possibilité de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,                            Le président,