CASS. CIV. 1re, 17 juin 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5308
CASS. CIV. 1re, 17 juin 2015 : pourvoi n° 14-20257 ; arrêt n° 685
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Vu l’article 1147 du code civil ; Attendu que le banquier souscripteur d’une assurance de groupe est tenu envers les adhérents d’une obligation d’information et de conseil qui ne s’achève pas avec la remise de la notice ; […] ; Qu’en statuant ainsi, par des motifs d’où il ressort que la banque n’avait pas informé l’emprunteur de l’existence, de la durée et du point de départ du délai de prescription prévu à l’article L. 114-1 du code des assurances, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 JUIN 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 14-20257. Arrêt n° 685.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société GE Money Bank
Mme Batut (président), président. SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1147 du code civil ;
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que le banquier souscripteur d’une assurance de groupe est tenu envers les adhérents d’une obligation d’information et de conseil qui ne s’achève pas avec la remise de la notice ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 28 avril 2011, pourvoi n° 08-10918), que, le 24 novembre 1988, la société Banque Sovac immobilier, aux droits de laquelle se trouve la société GE Money Bank (la banque) a consenti à M. X. et Mme Y. un prêt destiné à l’acquisition d’un appartement, assorti d’une assurance de groupe souscrite par la banque et couvrant les risques décès, invalidité et chômage ; que M. X. ayant déclaré la perte de son emploi par lettre du 14 novembre 1995, la banque lui a, dès le lendemain, indiqué par écrit les pièces nécessaires à la constitution du dossier de sinistre qu’elle devait transmettre à l’assureur ; que M. X. ayant laissé cette correspondance sans réponse jusqu’au 6 janvier 1999, l’assureur lui a opposé la prescription biennale et, en raison de la défaillance de l’emprunteur, la banque a engagé à son encontre une procédure de saisie immobilière ; qu’après l’adjudication de son bien, M. X. a assigné la banque en responsabilité ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, pour rejeter la demande, l’arrêt retient que la banque n’a pas manqué à son obligation d’information et de conseil, qu’elle a répondu rapidement à la lettre de M. X. du 14 novembre 1995, qu’elle y a détaillé la liste des documents nécessaires à la prise en charge, par l’assureur, du remboursement de ses échéances et attiré son attention sur le fait qu’il devait continuer ses versements tant que cette prise en charge ne serait pas intervenue, et que M. X. avait indiqué, en 1999, ne pas vouloir faire un usage immédiat de son contrat d’assurance ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi, par des motifs d’où il ressort que la banque n’avait pas informé l’emprunteur de l’existence, de la durée et du point de départ du délai de prescription prévu à l’article L. 114-1 du code des assurances, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevables les demandes présentées par M. X., l’arrêt rendu le 6 mai 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;
Condamne la société GE Money Bank aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GE Money Bank ; la condamne à payer à M. X. la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille quinze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté M. X. de ses demandes tant principales que subsidiaires tendant à la condamnation de la société GE Money Bank en paiement de la somme de 379.190,53 € à titre de dommages-intérêts et de l’avoir condamné à rembourser la somme de 80.000 € perçue en application de l’exécution provisoire dont était assortie la décision dont appel, outre intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « Attendu que lors de la signature de l’acte notarié de prêt du 24 novembre 1988 aux minutes de Maître C., M. X. avait adhéré au contrat d’assurance-groupe souscrit par la Sovac auprès de Vie-Plus en co-assurance avec AGF-IART et AGF-VIE qui le garantissait notamment contre le risque « arrêt total de travail par suite de perte d’emploi survenant au plus tôt 12 mois après la date d’effet stipulée et au plus tard le 31 décembre suivant le 59ème anniversaire ou la date d’admission de l’assuré au bénéfice de la garantie ressources ou d’un système de pré-retraite comme celui géré par l’UNEDIC » ;
Attendu que le 14 novembre 1995 M. X. informait la Sovac qu’il avait perdu son emploi ; que dès le lendemain 15 novembre 1995 la Sovac lui adressait le courrier suivant : « nous accusons réception de votre déclaration concernant votre perte d’emploi. Nous vous rappelons que le contrat d’assurance prévoit :
- un délai de franchise de 120 jours à compter de la date de prise en charge par les ASSEDIC (ou organisme assimilé),
- des règlements fixés à 50 % de la quote-part d’échéance garantie sur votre tête,
- une durée de prise en charge maximum de 24 mois, compte tenu de la durée totale du prêt.
Pour nous permettre de constituer le dossier que nous devons soumettre à la décision de la compagnie d’assurance pour la prise en charge des échéances garanties vous voudrez bien nous adresser les documents ci-après :
- déclaration de sinistre, ci-jointe, complétée par vos soins,
- copie de la lettre de licenciement qui vous a été adressée par votre employeur,
- copie de la notification de la décision de prise en charge délivrée par les ASSEDIC (ou l’organisme assimilé) précisant la date à partir de laquelle les allocations de chômage seront versées,
- copie des décomptes d’allocations versées par les ASSEDIC (ou l’organisme assimilé) depuis le début de l’indemnisation.
Sous réserve de la décision de la compagnie d’assurance, vous voudrez bien nous adresser régulièrement les justificatifs de votre arrêt de travail sans attendre que nous vous les réclamions.
Nous attirons votre attention sur le fait que vous devez continuer à honorer normalement vos échéances tant qu’une décision de la compagnie d’assurance n’est pas intervenue concernant la prise en charge de votre arrêt.
Nous vous prions d’agréer… » ;
Attendu que M. X. laissait ce courrier sans réponse jusqu’au 8 janvier 1999 (date de réception de sa lettre) où il adressait « à l’attention du service assurance-chômage du contrat en marge n° 102XX23 » le courrier RAR suivant : « Madame, suite à notre conversation téléphonique je vous fais parvenir ci-joint le dossier ASSEDIC me concernant. Je n’ai pas activé l’assurance de mon dossier auparavant ne voulant pas en faire usage prématurément. A ce jour je désire mettre cette couverture en place pour un temps délimité car je dois récupérer un emploi important dans un avenir relativement proche. Le dossier ci-joint est complet ; si quelque renseignement était manquant je reste à votre disposition pour vous les faire parvenir par retour du courrier… » ;
Attendu que la compagnie d’assurance écrivait le 15 juillet 1999 à Maître H., conseil de M. X. « nous avons bien reçu votre lettre du 1er juillet 1999 concernant la perte d’emploi du 1er juillet 1995 de M. X. Nous avons pris bonne note que M. X. avait procédé à la déclaration de cet arrêt en temps et à heure soit le 14 novembre 1995.
Cependant la banque Sovac Immobilier a écrit à notre client commun le 15 novembre 1995 et ce dernier ne s’est manifesté que le 6 janvier 1999 soit plus de deux ans après la lettre de la banque. Or, vous n’ignorez pas que l’article L 114-1 du code des assurances stipule « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ». De ce fait c’est la lettre du 15 novembre 1995 de la banque Sovac Immobilier qui constitue l’événement qui donne naissance au délai de deux ans. M. X. n’ayant « répondu » à cette lettre par l’envoi de documents que le 6 janvier 1999 il est normal que nous appliquions la prescription » ;
Attendu qu’eu égard :
- à la rapidité de la réponse de la Sovac à M. X. (le 15 novembre 1995),
- au contenu de ce courrier où la banque exposait à M. X. les modalités de garantie apportée par Vie-Plus, lui détaillait la liste des documents nécessaires à la prise en charge du remboursement des échéances du prêt par la compagnie d’assurance et attirait son attention sur le fait qu’il devait continuer à rembourser normalement ses échéances tant que leur prise en charge par l’assureur ne serait pas intervenue,
- au fait que M. X. ne souhaitant pas, comme il l’a écrit dans son courrier précité du 8 janvier 1999, activer « l’assurance de son dossier auparavant, ne voulant pas en faire usage prématurément » n’a envoyé les documents nécessaires à cette prise en charge que le 6 janvier 1999 soit plus de trois ans plus tard ce qui a entraîné le rejet de sa demande pour prescription, la banque n’a pas manqué à l’obligation de conseil, d’information et de diligence qu’elle devait à M. X. dans le cadre de l’assurance-groupe qu’il avait souscrite »,
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, D’UNE PART, le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu d’une obligation d’information et de conseil qui ne s’achève pas avec la remise de la notice de sorte qu’en considérant que la banque n’avait pas manqué à l’obligation de conseil, d’information et de diligence qu’elle devait à M. X. dans le cadre de l’assurance de groupe couvrant notamment les risques de chômage qu’il avait souscrite alors qu’elle avait continué à lui faire payer le montant des primes d’assurance jusqu’en 1999, date où la compagnie d’assurance lui a opposé la prescription biennale et ce quand bien même dès le 14 novembre 1995, M. X. eût déclaré sa perte d’emploi à la banque Sovac aux droits de laquelle est venue la société GE Money Bank, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil,
ALORS D’AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT QU’en statuant ainsi sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la banque avait informé M. X. du risque que son absence de diligence pendant plus de deux ans pouvait produire sur son action dérivant de son contrat d’assurance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté M. X. de ses demandes tant principales que subsidiaires tendant à la condamnation de la société GE Money Bank en paiement de la somme de 379.190,53 € à titre de dommages-intérêts et l’a condamné à rembourser la somme de 80.000 € qu’il a perçue en application de l’exécution provisoire dont était assortie la décision dont appel outre intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « Attendu que lors de la signature de l’acte notarié du 24 novembre 1998 M. X. et Mme Y. avaient contracté un emprunt d’un montant de 1.390.000 F., remboursable en 240 mensualités à taux ajustable mais avec faculté de substitution d’un taux fixe dont M. X. a réclamé le bénéfice avec prise d’effet au 25 mars 1994 ; qu’à cette occasion la banque a établi un tableau d’amortissement (sa pièce 6) faisant état d’un capital restant dû à hauteur de 1.405.467 F., alors que le capital initialement emprunté s’élevait à 1.390.000 F. ;
Attendu que l’article 4-II-A-2.1 des conditions générales du prêt auxquelles l’acte notarié fait référence stipule : « il est expressément convenu que le montant de ses échéances restera fixe pendant chaque période de 12 mois, la variation du taux n’influant que sur la répartition du montant de ses échéances en intérêts et capital » ; que le plafonnement des échéances dont il n’est pas contesté qu’elles ont été régulièrement payées, ne peut justifier que le capital restant dû au mois de mars 1994 soit plus élevé que celui emprunté en 1988 ;
Attendu qu’en cet état le montant des échéances remboursées par M. X. à partir du mois de mars 1994 a été supérieur à ce qu’il aurait dû être tant au niveau du capital remboursé mensuellement qu’au niveau des intérêts calculés sur ce capital ; qu’en réclamant et en percevant des mensualités plus importantes que celles auxquelles elle avait droit, la banque a commis une faute ;
Attendu qu’il incombe à tout demandeur à une action en responsabilité de démontrer que la faute commise par son adversaire est en relation de causalité directe avec le préjudice allégué pour lequel réparation est réclamée ;
Attendu que M. X. ne produit aucun document de nature à établir le montant exact de ce trop versé du mois de mars 1994 au mois de septembre 1999, ni que ce soit le paiement de ce trop versé qui l’ait contraint de cesser ses remboursements du mois de septembre 1999 au mois de mai 2000, date où la banque a prononcé la déchéance du terme et la résiliation du contrat de prêt ; de sorte qu’il n’apporte pas la preuve de l’existence d’un lien de causalité directe entre la faute commise par la banque et le préjudice allégué à la suite de la perte de chance d’avoir pu poursuivre utilement le remboursement du crédit et conserver l’immeuble acquis le 24 novembre 1988 ; que M. X. ne peut qu’être débouté de la demande d’indemnisation qu’il formule à l’encontre de la société GE Money Bank à hauteur de 379.199,53 € »,
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE D’UNE PART, le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties de sorte qu’en déboutant M. X. de sa demande d’indemnisation du fait de la perception par la banque GE Money Bank des mensualités plus importantes que celles auxquelles elle avait droit, au motif que M. X. ne produit aucun document de nature à établir le montant exact de ce trop versé, la cour d’appel a violé l’article 4 du code civil,
ALORS QUE D’AUTRE PART, le lien de causalité est caractérisé dès lors que la faute retenue est à l’origine du dommage ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la banque avait commis une faute en réclamant et percevant des mensualités plus importantes que celles auxquelles elle avait droit de sorte qu’en considérant qu’en l’absence de preuve du montant exact du trop versé par M. X. à la banque GE Money Bank, M. X. n’apportait pas la preuve d’un lien de causalité directe entre la faute commise par la banque et le préjudice allégué cependant que la faute avait nécessairement causé le préjudice constitué par le trop versé par M. X. à la banque, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l’article 1147 du code civil,
ALORS QUE ENFIN, la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable si bien qu’en considérant que M. X. n’apportait pas la preuve de l’existence d’un lien de causalité directe entre la faute commise par la banque et le préjudice allégué tout en relevant que le préjudice allégué était constitué de la perte de chance d’avoir pu poursuivre utilement le remboursement du crédit et conserver l’immeuble acquis le 24 novembre 1988 ce qui constituait la disparition d’une éventualité favorable, la cour d’appel a encore violé l’article 1147 du code civil.