CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 17 septembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5319
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 17 septembre 2015 : RG n° 14/05396
Publication : Jurica
Extraits: 1/ « De l'analyse des faits et des termes du contrat liant le syndicat intercommunal des eaux du Plateau de la Beauce et la société Pichon aux droits de laquelle vient la société Française de distribution d'eau et du contrat d'abonnement liant M. X. à Veolia Eau, il ressort que le délégataire est toujours responsable de la qualité de l'eau et de la réparation des dommages causés (article 1.5 et 6.4 du contrat ) ».
2/ « En effet l'abonné est en droit d'exiger que l'eau du service public soit potable et propre aux divers usages auxquels elle est employée, ainsi que le rappelle la recommandation n° 85-1 de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de distribution de l'eau qui relève : « que, quelque soit le mode juridique de distribution, les relations entre l'usager et le service chargé de la distribution d'eau communément appelé « service des eaux », résulte d'un contrat d'abonnement appelé « règlement du service des d'eau » et que ce contrat se trouve, du fait de sa nature même, soumis au régime de droit privé, que sa responsabilité est régie par les règles de la responsabilité civile, que l'obligation de fournir une eau propre à la consommation humaine est une obligation de résultat qui procède des règles d'ordre public qui ne cède que devant la preuve d'une impossibilité d'exécution due à un cas de force majeure » ; en l'espèce, la non-conformité de l'eau n'était pas un événement inévitable, irrésistible, insurmontable puisqu'il trouvait sa cause dans un problème technique parfaitement identifié tant par la société Veolia que par la SFDE et pour lequel il existait une solution dont la réalisation a seulement tardé ; Il s'ensuit que la société Veolia et la SFEDE ont manqué à leur obligation qui est une obligation de résultat ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/05396. Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 février 2014 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 4e chambre 1re section - R.G. n° 12/02681.
APPELANT :
Monsieur X.
demeurant [adresse] ; Représenté par Maître Chantal-Rodene BODIN CASALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148 ; Représenté par Maître Eric CHARLERY, avocat au barreau de PARIS, toque : G745
INTIMÉES :
SCA SOCIÉTÉ FRANCAISE DE DISTRIBUTION D'EAU - SFDE
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
SCA VEOLIA EAU - COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151 ; Assistée de Maître Renaud GOURVES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0029
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 juin 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, chargée du rapport, et Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président, Madame Françoise LUCAT, Conseillère appelée d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R. 312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire.
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
M. X. est propriétaire d'une maison dans le département de l'Essonne à [adresse]. Il a rencontré depuis plusieurs années des problèmes avec la qualité de l'eau qui lui était fournie.
C'est dans ces conditions qu'il a fait assigner le 19 janvier 2012 la société Veolia Eau compagnie générale des eaux pour dommages et intérêts et pour obtenir une injonction de prendre les mesures nécessaires pour assurer la fourniture d'une eau potable.
Par conclusions signifiées par envoie électronique le 12 avril 2013, la Société Française de Distribution d'Eau (SDFE) est intervenue volontairement et a sollicité avant-dire-droit la désignation d'un expert et le rejet des réclamations formées par monsieur X.
Par jugement rendu le 10 février 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté M. Raphaël X. de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent ;
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- laissé à la charge de chacune des parties les dépens exposés ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Vu l'appel interjeté par M. X. le 10 mars 2014 contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées par M. X. le 4 juin 2014, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 10 février 2014 ;
Statuant à nouveau :
- condamner in solidum la société Veolia Eau et la Société Française de Distribution d'Eau, à payer à M. X., à titre de dommages-intérêts ;
* la somme de 17.844 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 juin 2011, au titre du préjudice de jouissance ;
* la somme de 2.000 euros au titre du préjudice moral ;
Subsidiairement :
- condamner in solidum les sociétés Veolia Eau et Société Française de Distribution d'eau, ou la société Veolia Eau seule le cas échéant, à payer à M. X. la somme de 675 euros en remboursement des factures acquittées par l'abonné en contrepartie de la fourniture d'une eau impropre à la consommation humaine augmentée des intérêts au taux légal ;
En tout état de cause :
- condamner in solidum les sociétés Veolia Eau et Société Française de Distribution d'Eau (SFDE), à payer à M. X. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 CPC ;
- les condamner au paiement des entiers dépens selon les mêmes modalités ;
- les débouter de toutes leurs demandes ;
Encore plus subsidiairement, au cas de rejet de l'intégralité des demandes de M. X. :
- dire que la situation économique respective des parties justifie que l'intégralité des dépens soit mise à la charge des défenderesses ;
- les débouter de toutes leurs demandes.
L'appelant soutient que la société Veolia Eau est un professionnel fournisseur d'une prestation de distribution d'eau et qu'elle doit assumer les responsabilités qui en découlent envers son co-contractant. IL indique que bien qu'il ne soit pas lié contractuellement à la société SFDE, il est fondé à opposer à cette dernière les termes du contrat de concession qui la lie à la commune concédante, contrat qui d'ailleurs stipule l'entière responsabilité du concessionnaire à l'égard des usagers.
Concernant la responsabilité des intimées, il indique que la responsabilité du fournisseur d'eau envers l'usager, est régie par les règles de la responsabilité civile. Il ajoute que l'obligation de fournir une eau propre à la consommation humaine est une obligation de résultat, qui ne cède que devant la preuve par l'exploitant d'une impossibilité d'exécution due à un cas de force majeure. Il explique que toutes les conditions de force majeure ne sont pas remplies :
L'événement n'est pas irrésistible car les intimées ont pu y mettre fin après avoir été assignées devant le tribunal de grande instance de Paris.
Il affirme qu'il doit être indemnisé ayant été confronté à la fourniture d'une eau non seulement impropre à la consommation, mais en outre, viciée par des caractéristiques organoleptiques anormales, à savoir une odeur ferrugineuse et une coloration liée à la présence de particules en suspension excédant les limites autorisées, constat confirmé par de nombreuses analyses.
Il ajoute que, si la Cour devait estimer que le préjudice subi n'est pas indemnisable, alors il faudrait tirer les conséquences de l'absence de prestation fournie par le professionnel, en contrepartie des factures payées par l'abonné. Il précise qu'il ne peut être tenu d'une obligation au paiement d'une prestation, sans recevoir la contrepartie afférente, à savoir la fourniture d'une eau potable.
Vu les dernières conclusions signifiées par les sociétés SFDE (Société Française de Distribution d'Eau) et Veolia Eau (Compagnie Générale des Eaux) le 29 juillet 2014, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris ;
- condamner M. X. à payer à la SFDE la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. X. aux entiers dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile, entre les mains de Maître Renaud Gourves, avocat aux offres de droit.
Les intimées soutiennent que le contrat d'abonnement sur lequel se fonde M. X. ne peut mettre à la charge de la SFDE que les obligations inscrites au contrat d'affermage dont il procède. Elles disent que c'est en ce sens qu'il faut comprendre l'article 1.5 du contrat d'affermage selon lequel « le délégataire est responsable, tant vis-à-vis de la collectivité que vis-à-vis des tiers des dommages occasionnés par le fonctionnement du service délégué, y compris du fait de la qualité de l'eau ». Elles ajoutent que, le contrat d'affermage prévoit que la SFDE est chargée de l'entretien et de la surveillance des installations mises à sa disposition par le SIEPB (art. 1.3 du contrat) : l'installation de 300 mètres de canalisation et d'un hydrolimiteur, qui ont permis de mettre fin au problème de turbidité et teneur en fer de l'eau distribuée, ne fait pas partie de ces obligations.
Elles indiquent qu'en l'espèce, les investissements nécessaires pour faire cesser le trouble subi par M. X. n'avaient pas été délégués à la SFDE : la turbidité et le taux de fer décelés dans l'eau distribuée à M. X. trouvaient leur origine dans l'absence de maillage du réseau à cet endroit, trouble qui a cessé après la réalisation des travaux par le SIEPB. Elles ajoutent que la cause du dommage ne se trouve pas dans un défaut d'entretien et de surveillance des installations, obligation à la charge de la SFDE : l'inexécution contractuelle reprochée n'est pas dans sa sphère d'autorité.
Concernant le préjudice allégué, elles indiquent qu'à la supposer tenue par une obligation qui ne lui a pas été déléguée, la SFDE ne saurait être tenue des dommages et intérêts qui, par l'objet de sa délégation, n'ont pu être prévus.
Elles font valoir que l'absence de diligence de M. X. est en lien direct et certain avec le dommage allégué pour la période allant du 30 août 2007 (date de l'analyse de l'eau distribuée à M. Martin) au 8 juin 2011(date à laquelle M. X. a alerté la SFDE).
Elles indiquent que l'analyse réalisée en 2008 sur laquelle se fonde M. X. a été réalisée au niveau du robinet de la salle de bain de son voisin M. Martin et qu'aucun préjudice n'a été allégué avant le 8 juin 2011, date du courrier adressé à la SFDE. Elles ajoutent que, en tout état de cause, le dommage prend fin au moins le 4 juillet 2012, date à partir de laquelle toutes les analyses réalisées au niveau du compteur de M. X. montrent une turbidité et une teneur en fer normales.
Elles soutiennent que M. X. se fonde, pour estimer le montant des dommages et intérêts, sur une occupation continue de son pavillon et sur le paiement régulier de son abonnement au Service de l'eau qui attesterait selon lui « du caractère constant du préjudice » alors que les factures produites par M. X. démontrent qu'il n'occupe pas habituellement son pavillon et ne peut donc alléguer d'un préjudice de jouissance.
Elles font valoir que le montant du loyer réclamé à titre de préjudice est surévalué. Elles indiquent que le pavillon de M. X. est ancien, isolé à plus de 10 km d'[ville E.] et de la gare RER et que le montant de la location du pavillon ne saurait donc dépasser 450 euros par mois.
Elles ajoutent enfin, que concernant la demande de remboursement des factures d'eau, il s'agit d'une nouvelle demande formulée pour la première fois devant la Cour d'appel, qui sera donc jugée irrecevable.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
M. X. est propriétaire d'une maison dont la distribution d'eau est assurée par la société Veolia - Eau au titre d'abonné, il est confronté depuis plusieurs années à la fourniture d'une eau non conforme aux standards en vigueur ainsi que le révèlent les différentes analyses effectuées entre 2007 et 2012 ; il a formé appel de la décision rendue en première instance en ce que la responsabilité de la société Française de distribution d'eau (ci-après dénommé SFDE) venant aux droits de la société Pichon, bénéficiaire par délégation par affermage du service d'eau potable dur le territoire du Syndicat intercommunal des eaux du plateau de Beauce (ci-après dénommé SIAEPB) et celle de la société Veolia Eau n'ont pas été retenue par les premiers juges ;
Sur l'origine de la non-conformité aux normes en vigueur de l'eau fournie :
Il n'est ni contesté ni contestable, au regard des résultats d'analyses des divers laboratoires Cofrac et Gde en date des 20 septembre 2007, 17 décembre 2008, puis des expertises de l'ARS du 19 août 2011 et 30 mai 2012, que les prélèvements analysés présentaient des caractéristiques physicochimiques non conformes aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine définies par l'arrêté du 11 janvier 2007 et définies par le code de la santé publique comme pouvant directement représenter un danger pour la santé humaine (rapport Cofrac du 17 août 2011) ;
Il n'est également ni contesté ni contestable que l'origine de ce problème a été rapidement identifiée et que dans sa lettre du 20 juillet 2011 Veolia écrit à M. X. qu'il est alimenté en bout de circuit par une antenne non maillée ce qui explique d'éventuelles eaux stagnantes, que suite à une première intervention en 2009, il a été remis au président de la SIAEP une proposition d'installation de plusieurs purges automatiques et que la société est en attente de l'acceptation par le Syndicat du Plateau de Beauce de cette proposition technique ;
La SFDE qui est liée à la SIAEPB par un contrat d'affermage et Veolia Eau exposent que la SIEPB a fait procéder aux travaux d'installation en janvier 2012 de 300 m linéaires de canalisation pour connecter le réseau de la commune de Abbeville la Rivière à celui de Fontaine la Rivière et a procédé à l'installation d'une vanne électrique qui permet la purge automatique de la canalisation ;
Si aucune pièce n'est versée au débat sur la réalisation de ces travaux, ils ne sont pas contestés et le résultat est positif puisque les analyses du 14 décembre 2012 présentent une teneur en fer conforme et aucune trace de nickel ;
Il en résulte que M.X. a été alimenté de 2008 à 2012 d'une eau qui ne présentait pas les qualités auxquelles il pouvait prétendre.
Sur la responsabilité de la SFDE et Veolia Eau au regard des contrats en cours :
La SFDE et la société Veolia Eau sollicitent la confirmation du jugement en ce que le contrat d'abonnement est un sous contrat du contrat d'affermage et affirme que le dommage est imputable au défaut de diligence de M. X., que le préjudice allégué n'est pas prévu au contrat, qu'il n'est ni certain, ni direct, ni personnel ;
M. X. sollicite a contrario la condamnation de ces deux sociétés en ce que la fourniture d'eau potable à un abonné est un élément essentiel d'hygiène et d'habitabilité ;
Aux termes du contrat d'affermage en son article 1.3 : Objet et étendue de la délégation il est stipulé :
« La collectivité confie au délégataire le soin exclusif d'assurer à ses risques et périls la gestion et la continuité du service public de la distribution de l'eau potable à l'intérieur du périmètre de la délégation.
Cette clause d'exclusivité ne concerne pas les travaux neufs.
La gestion du service public inclut l'exploitation, dont notamment l'entretien et la surveillance des installations, la réalisation des travaux mis à la charge du délégataire, ainsi que les relations avec les usagers du service. »
Aux termes de l'article 1.5 dudit contrat : Responsabilité du délégataire, il est stipulé :
« Le délégataire est responsable du bon fonctionnement du service. Le délégataire est responsable tant vis à vis de la collectivité que vis à vis des tiers des dommages occasionnés par le fonctionnement du service délégué, y compris du fait de la qualité de l'eau.
La responsabilité du délégataire recouvre notamment :
- vis à vis de la collectivité et des tiers, l'indemnisation des dommages corporels, matériels immatériels et financiers qu'il est susceptible de causer lors de l'exercice de ses activités telles que définies par le présent contrat.
La responsabilité civile résultant de l'existence des ouvrages dont la collectivité est propriétaire incombe à celle-ci. »
Aux termes de l'article 2.7 dudit contrat : Modifications des installations à l'initiative du délégataire il est stipulé :
« Sous réserve de l'approbation expresse par la collectivité des projets ainsi que des conditions financières de réalisation et de remise des ouvrages en fin de délégation, le délégataire peut établir à ses frais dans le périmètre de la délégation, tous ouvrages et canalisations qu'il juge utiles dans l'intérêt du service délégué.
Ces ouvrages et canalisations font partie intégrante de la délégation dans la mesure où ils sont utilisés par le service délégué. »
Aux termes de l'article 6.4 dudit contrat : Qualité de l'eau :
« L'eau distribuée doit respecter les critères de qualité imposés par la réglementation en vigueur.
Le délégataire doit respecter la qualité de l'eau distribuée aussi souvent que nécessaire (…).
Il est toujours responsable des dommages qui pourraient être causés par la mauvaise qualité des eaux, sauf pour lui à exercer les recours de droit commun contre les auteurs de la pollution. »
De l'analyse des faits et des termes du contrat liant le syndicat intercommunal des eaux du Plateau de la Beauce et la société Pichon aux droits de laquelle vient la société Française de distribution d'eau et du contrat d'abonnement liant M. X. à Veolia Eau, il ressort que le délégataire est toujours responsable de la qualité de l'eau et de la réparation des dommages causés (article 1.5 et 6.4 du contrat ) ;
En outre, une procédure régulière a été conduite suivant les articles 1.3, 1.5 et 2.7 du contrat ci-dessus rappelé ;
Si M. X. a diligenté dans son immeuble une analyse le 5 août 2008 par le laboratoire GDE constatant la non-conformité de l'eau, il a alerté la société Veolia Eau avec laquelle il a contracté et à laquelle il règle ses consommations d'eau par courriel le 8 juin 2011 ; que la société Veolia n'a pas contesté ces problèmes de qualité rendant l'eau fournie impropre à la consommation, offrant à M. X. de déposer un pack de bouteilles d'eau devant sa porte ;
La société Veolia Eau lui a répondu le 20 juillet 2011 en trois points :
- En faisant valoir la prise de mesures provisoires (purges régulières en 2009, 2010, 2011). En rappelant que lors de leur première intervention en 2009 la société avait identifié l'origine du dysfonctionnement et remis au président du SIAEPB une proposition d'installation de plusieurs purges automatiques sur le syndicat dont ce point noir, purges automatiques qui permettraient de résoudre ce problème d'eau stagnante.
- En précisant : « à ce jour nous n'avons pas eu de retour. Nous venons de refaire part de votre problème pour accélérer la pose d'une purge automatique en bout d'antenne. En attendant l'acceptation par le Syndicat de notre proposition technique, nous nous engageons à effectuer une purge mensuelle pour éviter tout nouveau désagrément.
Il résulte de ces éléments que tant la société Veolia que la SFDE ont relevé pendant trois ans les anomalies signalées par M. X. sans y remédier de façon efficace avant 2012.
En conséquence, la SFDE, au visa des articles du contrat d'affermage ci-dessus rappelé, se trouve responsable vis à vis des tiers de la qualité des eaux fournis notamment au regard de l'article 6.4, ainsi que Veolia Eau au titre du contrat d'abonnement souscrit par M. X., étant par ailleurs démontré, notamment dans son courrier du 20 juillet 2011, que la société Veolia Eau s'est trouvée au cœur de la résolution de cette affaire par sa connaissance du dossier, ses interventions techniques et sa demande d'autorisation de travaux auprès du président de la SIAEPB (article 2.7 du contrat modification des installations à l'initiative du délégataire) ;
En effet l'abonné est en droit d'exiger que l'eau du service public soit potable et propre aux divers usages auxquels elle est employée, ainsi que le rappelle la recommandation n° 85-1 de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de distribution de l'eau qui relève :
« que, quelque soit le mode juridique de distribution, les relations entre l'usager et le service chargé de la distribution d'eau communément appelé « service des eaux », résulte d'un contrat d'abonnement appelé « règlement du service des d'eau » et que ce contrat se trouve, du fait de sa nature même, soumis au régime de droit privé, que sa responsabilité est régie par les règles de la responsabilité civile, que l'obligation de fournir une eau propre à la consommation humaine est une obligation de résultat qui procède des règles d'ordre public qui ne cède que devant la preuve d'une impossibilité d'exécution due à un cas de force majeure » ; en l'espèce, la non-conformité de l'eau n'était pas un événement inévitable, irrésistible, insurmontable puisqu'il trouvait sa cause dans un problème technique parfaitement identifié tant par la société Veolia que par la SFDE et pour lequel il existait une solution dont la réalisation a seulement tardé ;
Il s'ensuit que la société Veolia et la SFEDE ont manqué à leur obligation qui est une obligation de résultat ;
Sur la réparation du préjudice :
Aux termes de l'article 6.4 dudit contrat : Qualité de l'eau :
« L'eau distribuée doit respecter les critères de qualité imposés par la réglementation en vigueur.
Le délégataire doit respecter la qualité de l'eau distribuée aussi souvent que nécessaire (…).
Il est toujours responsable des dommages qui pourraient être causés par la mauvaise qualité des eaux, sauf pour lui à exercer les recours de droit commun contre les auteurs de la pollution » ;
Il n'est pas contestable que M. X. n'a pu utiliser l'eau distribuée ni à fin de consommation, ni d'hygiène, ni alimentaire alors qu'il s'agit d'un élément essentiel pour la jouissance normale d'un pavillon d'habitation ; la durée d'occupation du pavillon par M. X. ne saurait lui être opposée dès lors que le défaut d'eau consommable et même utilisable en termes d'hygiène constituaient à l'évidence un obstacle à celle-ci ; dès lors son préjudice de jouissance qui est certain, direct et personnel, sera fixée à 30 % de la valeur locative de son pavillon ;
Si les intimés contestent tout principe de responsabilité sur des bases inopérantes ainsi qu'il a été démontré, ils proposent à titre subsidiaire que le préjudice de jouissance soit évalué sur la base d'une location évaluée à 450 euros mensuel alors que M. X. estime cette valeur à 892,23 euros en se fondant sur des annonces parues sur le site Seloger.com ; il convient de relever que cette annonce concerne des pavillons neufs situés en centre-ville à proximité de la gare RER alors que celui de M. X. est ancien et situé à plus de 10 kilomètres de la gare RER ; prenant en compte ces éléments la Cour fixera à 700 euros la valeur locative de référence et en conséquence le préjudice de jouissance subi par M. X. à compter de l'année 2009, préjudice prenant en compte le paiement par celui-ci des factures de consommation d'eau, et le fixera à 700 euros x 0,30 x 12 x 3 soit 7.560 euros ;
M. X. prétend avoir subi un préjudice moral en raison notamment de la présence au foyer d'un enfant en bas âge né le 8 mai 2011 (2 ans à l'époque des faits) et l’inquiétude liée à la santé de celui-ci ; Il ne conteste toutefois pas que l'occupation du pavillon a été ponctuelle de sorte qu'il y a lieu de limiter ce chef de préjudice à la somme de 1.000 euros ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
M.X. a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, il y a lieu de faire applications des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort ;
INFIRME le jugement déféré.
CONDAMNE in solidum la Société Française de Distribution d'Eau et la société Veolia Eau in solidum à payer à M. X. la somme de 7.560 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 juin 2011.
CONDAMNE la société Française de Distribution d'Eau et la société Veolia Eau in solidum à payer à M. X. la somme de 1.000 euros.
CONDAMNE la société Française de Distribution d'Eau et la société Veolia in solidum à payer à M. X. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
CONDAMNE la société Française de distribution d'Eau et la société Veolia Eau aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 600 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
B. REITZER C. PERRIN