CA VERSAILLES (1re ch. sect. 2), 29 septembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5322
CA VERSAILLES (1re ch. sect. 2), 29 septembre 2015 : RG n° 14/00039
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il apparaît que les époux X. ont cessé de rembourser les échéances du prêt aussi bien globalement qu'au sein de chacun des déblocages, à compter du mois de juin 2011 et ce, malgré des mises en demeure du 22 juin 2011. Il n'est pas contesté que les paiements ont définitivement cessé depuis cette date. Aux termes de l'article L. 311-30 ancien du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Il y a donc lieu de constater la défaillance des emprunteurs et la déchéance du terme. Les époux X. critiquent le fondement de cette résiliation prononcée au visa d'un article 8-3 de la convention de compte au motif que l'interdépendance des comptes qu'elle prévoit est contraire à l'ordre public du droit de la consommation et que cette clause est abusive. Mais cette clause de l'article 8-3 de la convention de compte ne modifie en rien la situation des débiteurs et le constat de leur défaillance dont les conséquences sont prévues par le code de la consommation. Il y a donc lieu de rejeter la demande des époux X. aux fins de dire qu'aucune résiliation de crédit ne leur est opposable sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le caractère abusif de la clause critiquée. »
2/ « Le contrat de crédit litigieux, selon la juste analyse du premier juge, s'il prend la forme d'un crédit renouvelable, permet en réalité d'accorder plusieurs crédits à la consommation de type prêt personnel ou crédit accessoire à une vente sans que soient respectées les conditions propres à chacun de ces types de crédit et les modèles types visés à l'article L. 311-13 du code de la consommation. Le tribunal a souligné que la Caisse de Crédit Mutule présentait ainsi sa demande, soulignant que chaque déblocage de fonds est distinct et que les remboursements interviennent comme s'il s'agissait de prêts distincts et personnels avec des décomptes séparés. Le tribunal a donc, à juste titre, rappelé que le choix de l'offre préalable de crédit par le prêteur n'était pas libre et devait correspondre à la nature de l'opération proposée à l'emprunteur sous peine de déchéance du droit aux intérêts. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/00039. Code nac : 53B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 décembre 2013 par le Tribunal d'Instance de VERSAILLES : RG n° 11-12-000.
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
Société CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CHAMPIGNY SUR MARNE
prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège [adresse], représentée par Maître Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2014001, assistée de Maître Jean-Pierre HAUSSMANN de la SELARL HAUSMANN KAINIC HASCOËT, Plaidant, avocat au barreau d'ESSONNE -
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, représenté par Maître Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20140275, assisté de Maître Vincent BERTHAT, Plaidant, avocat au barreau de DIJON
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, représentée par Maître Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20140275, assistée de Maître Vincent BERTHAT, Plaidant, avocat au barreau de DIJON
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 avril 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. Serge PORTELLI, Président chargé du rapport, et Mme Claire MORICE, Conseiller,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Serge PORTELLI, Président, Mme Claire MORICE, Conseiller, Madame Sylvie DAUNIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre QUINCY,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offre préalable acceptée le 9 novembre 2007, la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne a consenti aux époux X. un crédit d'un montant maximum de 20.000 euros remboursable par fractions donnant lieu à perception d'intérêts à taux variable.
Plusieurs échéances ayant été impayées, la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne s'est prévalue de la déchéance du terme.
Par acte du 14 décembre 2011, la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne a fait assigner les époux X. afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :
- 11.156,76 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,99 % à compter de la mise en demeure du 22 juin 2011 qui comprendra le règlement d'une indemnité légale de 8 %,
- 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens pour solde du crédit.
En défense, les époux X. ont soulevé l'inopposabilité de l'article 8-3 de la convention de compte comme abusive et illicite, ont demandé la déchéance du droit aux intérêts et ont sollicité de voir imputer sur le capital les sommes perçues au titre des intérêts à compter du jour de leur versement indu. Ils ont enfin demandé la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 10 octobre 2013, le tribunal d'instance de Versailles a :
- débouté la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne à verser aux époux X. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne a relevé appel du jugement. Aux termes de ses dernières écritures, auxquelles la Cour se réfère pour l'exposé de ses moyens et de ses prétentions, elle formule les demandes suivantes :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
- condamner solidairement les époux X. à lui payer avec intérêts au taux contractuel de 6,99 % à compter de la mise en demeure du 22 juin 2011 la somme de 11.156,76 euros,
- à titre très subsidiaire, en cas de confirmation sur le principe de la déchéance du droit aux intérêts, condamner solidairement les époux X. à lui payer avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 juin 2011, la somme de 3.306,98 euros au titre du solde qui resterait alors dû au titre du déblocage de fonds de 20.000 euros et la somme de 2.958,31 euros au titre du solde qui resterait alors dû au titre du déblocage des fonds de 5.500 euros,
- déclarer les époux X. mal fondés en leurs demandes et les en débouter,
- en tout état de cause, condamner solidairement les époux X. à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première d'instance et d'appel.
Les époux X., intimés, aux termes de leurs dernières écritures, auxquelles la Cour se réfère pour l'exposé de leurs moyens et prétentions, formulent les demandes suivantes :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne et l'a condamnée,
- juger que l'article 8-3 de « convention de compte » est inopposable à M. et Mme X.,
- juger que la clause stipulant l'interdépendance des contrats de crédit dans l'article 8-3 de la « convention de compte » ne respecte pas le modèle de contrat applicable et constitue en conséquence une clause illicite,
- juger que la clause stipulant l'interdépendance des contrats de crédit dans l'article 8-3 de « convention de compte » est une clause abusive,
- dire qu'aucune résiliation de crédit n'est opposable aux époux X.,
- dire la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne déchue du droit aux intérêts contractuels et la condamner à présenter un compte les excluant pour permettre de statuer sur le compte des parties,
- condamner la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne à imputer sur le capital les sommes perçues au titre des intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement indu,
- la condamner à leur payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction pour ceux le concernant au profit de Me Jullien AARPI-JRF Avocats conformément à l'article 699 du même code.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la résiliation du contrat :
Selon offre préalable acceptée le 9 novembre 2007, la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne a consenti aux époux X. un crédit d'un montant maximum de 20.000 euros remboursable par fractions donnant lieu à perception d'intérêts à taux variable. Deux déblocages de fonds ont eu lieu :
- 20.000 euros le 29 novembre 2007, référencé sous le numéro 20XX06,
- 5.500 euros le 24 juin 2009, référencé sous le numéro 20XX07.
Il apparaît que les époux X. ont cessé de rembourser les échéances du prêt aussi bien globalement qu'au sein de chacun des déblocages, à compter du mois de juin 2011 et ce, malgré des mises en demeure du 22 juin 2011. Il n'est pas contesté que les paiements ont définitivement cessé depuis cette date. Aux termes de l'article L. 311-30 ancien du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Il y a donc lieu de constater la défaillance des emprunteurs et la déchéance du terme. Les époux X. critiquent le fondement de cette résiliation prononcée au visa d'un article 8-3 de la convention de compte au motif que l'interdépendance des comptes qu'elle prévoit est contraire à l'ordre public du droit de la consommation et que cette clause est abusive. Mais cette clause de l'article 8-3 de la convention de compte ne modifie en rien la situation des débiteurs et le constat de leur défaillance dont les conséquences sont prévues par le code de la consommation. Il y a donc lieu de rejeter la demande des époux X. aux fins de dire qu'aucune résiliation de crédit ne leur est opposable sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le caractère abusif de la clause critiquée.
Sur le droit aux intérêts contractuels :
Le contrat de base intitulé « Passeport Crédit » prévoyait dans ses conditions générales que « La présente offre, correspondant à l'ouverture d'un crédit renouvelable, est consentie dans le cadre d'un compte ouvert au nom de l'emprunteur et distinct de son compte ordinaire. Ce compte retrace l'ensemble des opérations entre le prêteur et l'emprunteur au titre de la présente offre. Cette ouverture de crédit fait l'objet d'un compte unique et pourra donner lieu aux utilisations précisées ci-après. Ces utilisations seront enregistrées dans des sous-comptes du compte unique selon leurs caractéristiques de manière à permettre leur parfaite identification par l'emprunteur. L'emprunteur reconnaît avoir été informé que les utilisations doivent toujours être compatibles avec sa situation financière et ses revenus. »
Il est prévu que les fonds sont « utilisables au gré de l'emprunteur par déblocage demandé de façon à financer un achat de véhicule, des travaux immobiliers dont le montant est inférieur à 21.500 euros ou d'autres projets. »
Le contrat de crédit litigieux, selon la juste analyse du premier juge, s'il prend la forme d'un crédit renouvelable, permet en réalité d'accorder plusieurs crédits à la consommation de type prêt personnel ou crédit accessoire à une vente sans que soient respectées les conditions propres à chacun de ces types de crédit et les modèles types visés à l'article L. 311-13 du code de la consommation. Le tribunal a souligné que la Caisse de Crédit Mutule présentait ainsi sa demande, soulignant que chaque déblocage de fonds est distinct et que les remboursements interviennent comme s'il s'agissait de prêts distincts et personnels avec des décomptes séparés. Le tribunal a donc, à juste titre, rappelé que le choix de l'offre préalable de crédit par le prêteur n'était pas libre et devait correspondre à la nature de l'opération proposée à l'emprunteur sous peine de déchéance du droit aux intérêts.
Aux termes de l'article L. 311-33 dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 2010, le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu.
Il y a donc lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts sur ce seul motif, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'ensemble des arguments présentés aux mêmes fins par les époux X. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.
Sur la créance de la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne :
Au vu des pièces présentées par la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne, le capital restant dû sera calculé en tenant compte de la déchéance du droit aux intérêts. La créance du prêteur s'établit à 3.306,98 euros (correspondant au déblocage de 20.000 euros) + 2.958,31 euros (Correspondant au déblocage de 5.500 euros), soit 6.265,29 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 juin 2011. Le jugement sera donc réformé en ce sens.
Sur les frais et dépens :
Le jugement sera également réformé en ce qu'il a condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne à verser aux époux X. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Les entiers dépens seront mis à la charge in solidum des époux X.
Il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
- confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne,
- l'infirme pour le surplus,
- constate la défaillance des époux X. et la résiliation du contrat de crédit,
- condamne solidairement les époux X. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Champigny sur Marne la somme de 6.265,29 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 juin 2011,
- rejette les demandes plus amples ou contraires des parties,
- rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne in solidum les époux X. aux entiers dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Serge PORTELLI, Président et par Madame QUINCY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,