CA AMIENS (1re ch. civ.), 24 septembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5328
CA AMIENS (1re ch. civ.), 24 septembre 2015 : RG n° 14/00223
Publication : Jurica
Extrait : « La Cour constate que c'est par de justes motifs et une exacte appréciation des éléments de la cause que les premiers juges, rappelant les dispositions de l'article 1134 du code civil, ont considéré que la société CIRANO est fondée à opposer à son assurée l'exclusion de garantie prévue dans les conditions générales du contrat d'assurance et rappelée dans le carnet d'entretien du véhicule en cas de non-respect des prescriptions du carnet d'entretien « Occasions du Lion ». En effet, dès lors qu'il est établi par le rapport d'expertise et non contesté par Madame X. que celle-ci n'a pas respecté l'obligation d'entretien du véhicule tous les 20.000 kilomètres pour une utilisation sans conditions particulières, expressément prévue dans le carnet d'entretien « Peugeot Occasions du Lion », le non-respect de cette obligation constitue à lui seul une cause suffisante d'exclusion de la garantie contractuelle, sans qu'il soit nécessaire de répondre à l'argumentation surabondamment développée par les parties sur les conditions particulières d'utilisation du véhicule et sur les critères techniques justifiant la réduction kilométrique du plan d'entretien prévu au contrat « Peugeot Occasions du Lion », lequel fait la loi des parties, par rapport au contrat d'origine défini par le constructeur. »
COUR D'APPEL D'AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/00223. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS DU TRENTE ET UN OCTOBRE DEUX MILLE TREIZE.
PARTIES EN CAUSE :
Madame X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française ; Représentée par Maître Jean-Marie CAMUS, avocat au barreau D'AMIENS
APPELANTE
ET :
SAS CIRANO
Représentée par Maître Marc DECRAMER, avocat au barreau D'AMIENS ; Plaidant par Maître DECRAMER, substituant Maître BACHALARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
DÉBATS : À l'audience publique du 22 mai 2015, l'affaire est venue devant Madame Marie-Christine LORPHELIN, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 septembre 2015.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Monia LAMARI, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Philippe BOIFFIN, Président, Mme Marie-Christine LORPHELIN et Mme Valérie DUBAELE, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Le 24 septembre 2015, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Philippe BOIFFIN, Président de chambre, et Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Exposé du litige :
Le 11 août 2006, Madame X. (Madame X.) a acquis auprès de la SCA PEUGEOT LA DEFENSE un véhicule d'occasion de la marque Peugeot, modèle 406 HDI 136, moyennant le prix de 20.900 euros.
Le 10 septembre 2007, Madame X. a souscrit auprès de la société CIRANO une garantie « Peugeot Financement » d'une durée de trois années à compter du 22 septembre 2007, couvrant la prise en charge du coût de remise en état des pièces défectueuses dans les limites et conditions définies contractuellement.
Le 14 juin 2008, le véhicule a subi une importante panne du moteur. La société CIRANO a refusé sa garantie aux motifs que l'assurée avait affecté son véhicule à un usage professionnel et qu'elle n'avait pas respecté les préconisations d'entretien mentionnées dans le carnet d'entretien et de garantie « Occasions du Lion ».
Madame X. a fait réparer son véhicule le 22 octobre 2008. Par une ordonnance de référé du 12 mai 2010, elle a obtenu la désignation de Monsieur D., expert en automobiles, lequel a déposé son rapport le 23 novembre 2010.
Par un acte d'huissier du 4 janvier 2013, Madame X. a fait assigner la SAS CIRANO devant le tribunal de grande instance d’Amiens aux fins de la voir condamner sur le fondement des articles 1134 et 1382 du code civil à lui régler la somme de 9.256,07 euros en remboursement des frais de réparation du véhicule, outre la somme de 2.100,96 euros pour les frais de location d'un véhicule de remplacement, la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. La SAS CIRANO s'est opposée à ces demandes en soulevant, à titre principal, la prescription de l'action, à titre subsidiaire, l'exclusion de garantie pour non-respect des clauses contractuelles sur l'utilisation et l'entretien du véhicule.
Par un jugement du 31 octobre 2013, le tribunal de grande instance d’Amiens, au visa des articles 1134 du code civil et L. 114-1 et suivants du code des assurances, a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
- constaté que les conditions d'application de la garantie contractuelle ne sont pas réunies ;
- constaté que le refus de prise en charge de la société CIRANO est justifié ;
- débouté Madame X. de ses demandes ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- condamné Madame X. aux dépens ;
- condamné Madame X. à payer à la société CIRANO une somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame X. a formé appel de ce jugement par une déclaration d'appel transmise au greffe par la voie électronique le 13 janvier 2014.
Aux termes de conclusions signifiées par la voie électronique le 7 avril 2014, expressément visées, Madame X. demande à la Cour, au visa des articles 1134 et 1382 et suivants du code civil, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Amiens le 31 octobre 2013 ;
- dire et juger n'y avoir lieu à application de la forclusion biennale ;
- déclarer acquises les conditions de mise en jeu de l'extension de garantie relativement à la panne moteur du véhicule ;
En conséquence,
- condamner la société CIRANO à lui verser la somme de 9.256,07 euros en remboursement des frais de réparation engagés, avec intérêts au taux légal à compter de la facture du 22 octobre 2008 ;
- condamner la société CIRANO à lui verser la somme de 2.100,96 euros en remboursement des frais de location de véhicule engagés, sur le fondement du trouble de jouissance ;
- condamner la société CIRANO à lui verser la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de sa résistance abusive ;
- condamner la société CIRANO à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société CIRANO en tous les dépens de première instance et d'appel, qui comprendront ceux de l'instance de référé, les honoraires d'expertise et le timbre fiscal de 35 euros, avec autorisation de prélèvement direct pour Maître Jean-Marie CAMUS, avocat, de ceux dont il affirme avoir fait l'avance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de conclusions signifiées le 21 mai 2014 par la voie électronique, expressément visées, la société CIRANO demande à la Cour, au visa de l'article 2 du code de procédure civile et des articles 1134 et 1147 du code civil, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures ;
- constater que les conditions d'application de la garantie contractuelle ne sont pas réunies ;
- constater que son refus de prise en charge est contractuellement justifié ;
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Amiens le 31 octobre 2013 ;
- débouter purement et simplement Madame X. de l'intégralité de ses demandes formulées à son encontre ;
- condamner Madame X. à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions des parties.
L'affaire a été clôturée et fixée en cet état à l'audience du 22 janvier 2015, par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 décembre 2014. Elle a été renvoyée à l'audience du 22 mai 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CECI EXPOSÉ, LA COUR :
La Cour relève que la société CIRANO abandonne en appel la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, laquelle a été justement écartée par le tribunal qui relevé que les clauses de la police d'assurance ne respectent pas les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances, de sorte que le délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances doit être déclaré inopposable à Madame X.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il déclare l'action de Madame X. recevable.
Sur la mise en jeu de la garantie :
Pour contester les dispositions du jugement écartant la garantie au motif que l'expert a constaté que Madame X. n'a pas respecté les préconisations d'entretien mises à sa charge puisque celle-ci a procédé à l'entretien de son véhicule tous les 30.000 kilomètres alors que le carnet d'entretien PEUGEOT OCCASIONS DU LION prévoit qu'en dehors d'une utilisation dans des conditions particulières, l'entretien périodique du véhicule doit être effectué tous les 20.000 kilomètres, Madame X. fait valoir, pour l'essentiel, que :
Sur les conditions d'utilisation du véhicule :
- le contrat signé entre les parties ne fait nullement état d'une exclusion de garantie sous couvert d'utilisation professionnelle ;
- le certificat de garantie ne fait pas mention d'un quelconque usage différencié, seulement de conditions particulièrement difficiles d'utilisation, ce qui a été écarté par l'expert judiciaire qui a constaté que : « ce véhicule est donc utilisé hors des conditions particulières ou sévères définies aux contrats signés entre les parties » ;
- seule figure dans le bulletin d'adhésion la notion de « véhicule personnel », sans aucune définition, et les conditions particulières d'utilisation sont laissées à la libre appréciation de l'assureur, pratique prohibée par l'article L. 132-1 du code de la consommation ;
Sur l'obligation d'entretien :
- l'expert a considéré qu'il n'existe pas de critères techniques justifiant la réduction kilométrique du plan d'entretien au contrat OCCASION DU LION (tous les 20.000 km) par rapport au contrat d'origine défini par le constructeur (tous les 30.000 km) ;
- elle n'était tenue qu'à un entretien tous les 20.000 kilomètres, car les quatre-vingt kilomètres journaliers pratiqués pour se rendre sur son lieu de travail ne peuvent être assimilés à un usage professionnel intensif ;
- son attention n'a pas été attirée sur le fait que, s'agissant d'un contrat d'entretien d'un véhicule d'occasion, il convenait de faire réviser son véhicule tous les 20.000 kilomètres et non tous les 30.000 kilomètres, ne pouvant se référer aux indications mentionnant les prochaines révisions sur le carnet d'entretien puisque celles-ci n'étaient pas remplies par le garage.
La société CIRANO se réfère aux conditions générales du contrat d'adhésion prévoyant que la garantie s'applique aux véhicules destinés à un usage personnel et ayant bénéficié de la garantie « Occasions du Lion », pour prétendre que la garantie souscrite par Madame X. ne peut s'appliquer dans le cas d'une utilisation professionnelle du véhicule. Elle fait également valoir que le non-respect des prescriptions du carnet d'entretien « Occasions du Lion », énoncées de façon claire dans les conditions générales du contrat d'assurance et le carnet d'entretien du véhicule entraîne l'exclusion de la garantie.
La Cour constate que c'est par de justes motifs et une exacte appréciation des éléments de la cause que les premiers juges, rappelant les dispositions de l'article 1134 du code civil, ont considéré que la société CIRANO est fondée à opposer à son assurée l'exclusion de garantie prévue dans les conditions générales du contrat d'assurance et rappelée dans le carnet d'entretien du véhicule en cas de non-respect des prescriptions du carnet d'entretien « Occasions du Lion ». En effet, dès lors qu'il est établi par le rapport d'expertise et non contesté par Madame X. que celle-ci n'a pas respecté l'obligation d'entretien du véhicule tous les 20.000 kilomètres pour une utilisation sans conditions particulières, expressément prévue dans le carnet d'entretien « Peugeot Occasions du Lion », le non-respect de cette obligation constitue à lui seul une cause suffisante d'exclusion de la garantie contractuelle, sans qu'il soit nécessaire de répondre à l'argumentation surabondamment développée par les parties sur les conditions particulières d'utilisation du véhicule et sur les critères techniques justifiant la réduction kilométrique du plan d'entretien prévu au contrat « Peugeot Occasions du Lion », lequel fait la loi des parties, par rapport au contrat d'origine défini par le constructeur.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame X. de toutes ses demandes ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Madame X. succombant en ses prétentions, il convient de confirmer les dispositions du jugement sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société CIRANO, sauf à prévoir que celle-là supportera également les dépens de l'instance en référé et les frais de l'expertise, de condamner l'appelante aux dépens d'appel et de la débouter de sa demande d'indemnité pour ses frais irrépétibles.
L'équité commande de faire droit à hauteur de 2.000 euros à la demande d'indemnité formée par la société CIRANO pour ses frais de procès exposés en appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 octobre 2013 par le Tribunal de Grande Instance d’AMIENS ;
Y ajoutant,
Condamne Madame X. à verser à la SAS CIRANO la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en appel ;
Déboute Madame X. de sa demande d'indemnité pour ses frais irrépétibles ;
Condamne Madame X. à supporter les dépens de première instance, incluant ceux de l'instance de référé, les frais de l'expertise, et les dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT