CASS. CIV. 1re, 21 octobre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5334
CASS. CIV. 1re, 21 octobre 2015 : pourvoi n° 14-25080 ; arrêt n° 1135
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Mais attendu qu’après avoir rappelé que les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce ont pour objet d’adapter les compétences et les procédures judiciaires à la technicité du contentieux des pratiques restrictives de la concurrence, et que la circonstance que le premier de ces textes confie au ministre chargé de l’économie et au ministère public une action autonome aux fins de protection du marché et de la concurrence n’a pas pour effet d’exclure le recours à l’arbitrage pour trancher les litiges nés, entre les opérateurs économiques de l’application de l’article L. 442-6, la cour d’appel en a justement déduit que l’action aux fins d’indemnisation du préjudice prétendument résulté de la rupture de relations commerciales n’était pas de celles dont la connaissance est réservée aux juridictions étatiques ; Et attendu qu’ayant relevé que la généralité des termes de la clause compromissoire traduisait la volonté des parties de soumettre à l’arbitrage tous les litiges découlant du contrat sans s’arrêter à la qualification contractuelle ou délictuelle de l’action engagée, la cour d’appel en a souverainement déduit que le tribunal arbitral était compétent ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 14-25080. Arrêt n° 1135.
DEMANDEUR à la cassation : Société Scamark
DÉFENDEUR à la cassation : Société Conserveries des cinq océans
Mme Batut (président), président. SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2014), que la société Conserveries des cinq océans (« CCO ») a introduit une procédure d’arbitrage à l’encontre de la société Scamark sur le fondement de la convention d’arbitrage stipulée au contrat de fabrication de produits à marque distributeur conclu entre elles ; que la société Scamark a formé un recours en annulation à l’encontre de la sentence qui la condamnait à payer diverses sommes à la société CCO ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Scamark fait grief à l’arrêt attaqué de rejeter le recours, alors, selon le moyen :
1°/ que le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage la responsabilité délictuelle de son auteur ; que la nature délictuelle de cette responsabilité prévue par une loi de police exclut toute application d’une clause compromissoire, peu important l’existence d’un cadre contractuel donné à la relation ; qu’en jugeant que l’action dirigée par une partie à l’encontre de son cocontractant, aux fins d’indemnisation du préjudice résultant d’une rupture brutale de relations commerciales établies n’était pas réservée aux juridictions étatiques, pour en déduire que le tribunal arbitral ne s’était pas déclaré compétent à tort, en raison de la clause compromissoire stipulée dans le contrat du 13 novembre 2006, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce, ensemble l’article 1492 du code de procédure civile ;
2°/ subsidiairement, que la clause stipulée entre les sociétés Scamark et CCO prévoyait la compétence d’un arbitre pour « les différends qui viendraient à naître à propos de la validité, de l’interprétation, de l’exécution ou de l’inexécution, de l’interruption ou de la résiliation du présent contrat » ; que le champ d’application de la clause était ainsi circonscrit à l’interruption ou la résiliation du contrat conclu et n’incluait pas le litige relatif à la rupture de la relation commerciale établie dans son ensemble ; qu’en écartant le recours en annulation de la société Scamark contre la sentence arbitrale, qui avait retenu la compétence de l’arbitre pour trancher un litige de rupture de relation commerciale établie, lequel excédait pourtant le champ d’application restreint de la clause compromissoire relative à la « résiliation du présent contrat », la cour d’appel a violé les articles L. 442-6-I-5° du code de commerce et 1134 du code civil, ensemble l’article 1492 du code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’après avoir rappelé que les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce ont pour objet d’adapter les compétences et les procédures judiciaires à la technicité du contentieux des pratiques restrictives de la concurrence, et que la circonstance que le premier de ces textes confie au ministre chargé de l’économie et au ministère public une action autonome aux fins de protection du marché et de la concurrence n’a pas pour effet d’exclure le recours à l’arbitrage pour trancher les litiges nés, entre les opérateurs économiques de l’application de l’article L. 442-6, la cour d’appel en a justement déduit que l’action aux fins d’indemnisation du préjudice prétendument résulté de la rupture de relations commerciales n’était pas de celles dont la connaissance est réservée aux juridictions étatiques ;
Et attendu qu’ayant relevé que la généralité des termes de la clause compromissoire traduisait la volonté des parties de soumettre à l’arbitrage tous les litiges découlant du contrat sans s’arrêter à la qualification contractuelle ou délictuelle de l’action engagée, la cour d’appel en a souverainement déduit que le tribunal arbitral était compétent ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Scamark aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Scamark et la condamne à payer à la société Conserveries des cinq océans la somme de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quinze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Scamark.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours en annulation de la sentence rendue entre les sociétés Scamark et CCO le 15 avril 2013 ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que « la société Scamark soutient que le tribunal arbitral s’est à tort déclaré compétent alors, d’une part, que l’application des dispositions d’ordre public de l’article L. 442-6 du code de commerce relève de la compétence exclusive des juridictions désignées par l’article D. 442-3 du même code, d’autre part, qu’il s’agit d’une action à caractère délictuel non comprise dans le champ de la clause compromissoire, enfin, que cette clause vise la résiliation du contrat et la rupture des relations contractuelles ; que saisie d’un recours en annulation d’une sentence arbitrale, la cour d’appel contrôle la décision du tribunal sur sa compétence en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d’apprécier l’existence de la convention d’arbitrage ; que CCO et la société Scamark entretenaient des relations commerciales portant sur la fabrication par la première de conserves de poissons sous la marque de distributeur de la seconde ; qu’en mai 2012, CCO a mis en œuvre la clause compromissoire stipulée par le contrat du 13 novembre 2006 afin, notamment, d’obtenir sur le fondement de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce l’indemnisation du préjudice qu’elle alléguait avoir subi en raison de l’insuffisance, au regard de relations commerciales établies depuis 1993, des délais de préavis dont elle avait bénéficié, d’une part, lors d’un déréférencement partiel en août 2010, d’autre part, à la suite du rejet de l’ensemble de ses soumissions à l’appel d’offres lancé par la société Scamark le 5 octobre 2011 ; que sur le moyen pris en sa première branche : en premier lieu, il appartient aux arbitres, sous le contrôle du juge de l’annulation, d’appliquer les règles d’ordre public ; que la seule circonstances que de telles dispositions régissent le fond du litige n’a pas pour effet d’exclure le recours à l’arbitrage, dès lors que, par leur nature, les demandes des parties ne sont pas inarbitrables ; qu’en second lieu, si les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce attribuent de manière impérative à certains tribunaux et, en appel, à la seule cour de Paris, la connaissance des pratiques restrictives de concurrence, et si le premier de ces textes offre aux juges la faculté de solliciter l’avis de la commission d’examen des pratiques commerciales, de telles dispositions ont pour objet d’adapter les compétences et les procédures judiciaires à la technicité de ce contentieux mais non de le réserver aux juridictions étatiques ; que la circonstance que l’article L. 442-6 du code de commerce investisse le ministère public et le ministre chargé de l’économie d’une action autonome devant les juridictions étatiques aux fins de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence par la cessation des pratiques illicites et l’application d’amendes civiles n’a pas davantage pour effet d’exclure le recours à l’arbitrage pour trancher les litiges nés, entre les opérateurs économiques, de l’application de ce même texte ; que l’action dirigée par une partie à l’encontre de son cocontractant, aux fins d’indemnisation du préjudice qu’elle prétend résulter de la rupture de relations commerciales établies, n’étant pas de celles dont la connaissance est réservée aux juridictions étatiques, le moyen pris en sa première branche n’est pas fondé ; que sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches, le contrat conclu le 13 novembre 2006 fixe les caractéristiques de fabrication, de composition et d’emballage des produits, énumérés en annexe, dont la société Scamark confie la fabrication à CCO, ainsi que les conditions de publicité de ces produits et les modalités de leur livraison et de leur règlement ; qu’il comporte une clause compromissoire qui prévoit le recours à l’arbitrage pour trancher « les différends qui viendraient à naître à propos de la validité, de l’interprétation, de l’exécution ou de l’inexécution, de l’interruption ou de la réalisation du présent contrat » ; qu’il résulte tant de l’économie de la convention, qui règle l’ensemble des rapports contractuels entre les parties, que de la généralité des termes de la clause compromissoire, que la commune intention des cocontractants a été de soumettre à l’arbitrage tous les litiges découlant du contrat, au cours de son exécution ou après sa cessation, sans s’arrêter à la qualification contractuelle ou délictuelle de l’action engagée, ni exclure la prise en considération par les arbitres de toutes les circonstances permettant d’apprécier les conséquences de la rupture, fussent-elle antérieures à la conclusion de la convention ; que le moyen tiré de l’incompétence du tribunal arbitral n’est donc pas davantage fondé en ses deuxième et troisième branches ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors, d’une part, que le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage la responsabilité délictuelle de son auteur ; que la nature délictuelle de cette responsabilité prévue par une loi de police exclut toute application d’une clause compromissoire, peu important l’existence d’un cadre contractuel donné à la relation ; qu’en jugeant que l’action dirigée par une partie à l’encontre de son cocontractant, aux fins d’indemnisation du préjudice résultant d’une rupture brutale de relations commerciales établies n’était pas réservée aux juridictions étatiques, pour en déduire que le tribunal arbitral ne s’était pas déclaré compétent à tort, en raison de la clause compromissoire stipulée dans le contrat du 13 novembre 2006, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce, ensemble l’article 1492 du code de procédure civile ;
Alors, d’autre part, subsidiairement, que la clause stipulée entre les sociétés Scamark et CCO prévoyait la compétence d’un arbitre pour « les différends qui viendraient à naître à propos de la validité, de l’interprétation, de l’exécution ou de l’inexécution, de l’interruption ou de la résiliation du présent contrat » ; que le champ d’application de la clause était ainsi circonscrit à l’interruption ou la résiliation du contrat conclu et n’incluait pas le litige relatif à la rupture de la relation commerciale établie dans son ensemble ; qu’en écartant le recours en annulation de la société Scamark contre la sentence arbitrale, qui avait retenu la compétence de l’arbitre pour trancher un litige de rupture de relation commerciale établie, lequel excédait pourtant le champ d’application restreint de la clause compromissoire relative à la « résiliation du présent contrat », la cour d’appel a violé les articles L. 442-6-I-5° du code de commerce et 1134 du code civil, ensemble l’article 1492 du code de procédure civile.