CASS. CIV. 1re, 14 octobre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5337
CASS. CIV. 1re, 14 octobre 2015 : pourvoi n° 14-21894 ; arrêt n° 1111
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Si la destination professionnelle d’un crédit doit résulter d’une stipulation expresse, les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte courant à vocation professionnelle, même si ce dernier fonctionne à découvert ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 14-21894. Arrêt n° 1111.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société Crédit du Nord
Mme Batut (président), président. SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 22 mai 2014), que M. X. a ouvert un compte n° 30076 XX 00 dans les livres de la société Crédit du Nord (la banque) ; que celle-ci l’a assigné en paiement d’une certaine somme au titre du solde débiteur du compte précité, incluant celle inscrite au sous-compte n° 30076 XX 93 ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que M. X. fait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la nature professionnelle ou privée d’un compte bancaire dépend de celle des créances qui y figurent de manière prépondérante, peu important la qualification du caractère professionnel du compte affirmé par les parties ; que, pour affirmer le caractère commercial du compte litigieux, l’arrêt attaqué a énoncé que la convention d’ouverture de ce compte qualifiait celui-ci de « professionnel », que M. X. y était désigné comme représentant légal d’une entreprise dont le cachet commercial avait été apposé au bas de ce document et qu’avaient été opérés sur ce compte des prélèvements en faveur de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique et de la Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public de phonogrammes du commerce, en lien direct avec l’activité de cette entreprise ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les créances qui figuraient de manière prépondérante sur ce compte étaient de nature professionnelle ou privée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 311-8 et L. 311-33 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;
2°/ que la destination formelle d’un crédit, même affecté à un compte professionnel, ne peut résulter que d’une stipulation expresse ; que, pour condamner M. X. à payer le solde du compte litigieux incluant un découvert de 85.000 euros et écarter le caractère personnel des sommes en cause, l’arrêt attaqué s’est fondé sur la circonstance que ce découvert avait été isolé dans un sous-compte comme prévu au protocole signé par les parties le 21 mai 2008, lequel précisait que les deux comptes seraient régis par la même convention de compte ; qu’en statuant ainsi, sans constater que la destination formelle de ce crédit avait fait l’objet d’une stipulation expresse, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 311-3, 3°, L. 311-8 et L. 311-33 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable en la cause ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que, si la destination professionnelle d’un crédit doit résulter d’une stipulation expresse, les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte courant à vocation professionnelle, même si ce dernier fonctionne à découvert ; qu’ayant relevé, d’une part, que la convention d’ouverture du compte n° 30076 XX 00 indiquait, en regard des mentions « nom, prénom ou raison sociale » : X. « Le V. », suivis du numéro Siren et du code Ape, que la rubrique « le représentant légal » de ladite convention désignait le même en qualité de « gérant », que le cachet commercial de l’entreprise « Café [Le V.] M. X. Bar-Brasserie-Jeux ... » était apposé au bas du document sous la signature de M. X., et que des prélèvements en lien direct avec l’activité du bar « Le V. » avaient été opérés sur ce compte, d’autre part, que le solde débiteur isolé dans un sous-compte n° 30076 XX 93 l’avait été en vertu d’un accord prévoyant que les comptes précités seraient régis par la même convention de compte courant, la cour d’appel a caractérisé la vocation professionnelle de ces comptes et ainsi légalement justifié sa décision de ce chef ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X. aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille quinze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. X.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait condamné Monsieur X. à payer à la société CRÉDIT DU NORD la somme de 110.228,88 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2011 et, en conséquence, d’AVOIR condamné Monsieur X. à payer à la société CRÉDIT DU NORD la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. X. expose avoir ouvert plusieurs comptes auprès de la société Le crédit du Nord, ci-après le Crédit du Nord, parmi lesquels le numéro de compte 30076 XX 00 dont le solde débiteur est réclamé par celui-ci ; que sans contester être redevable de la somme de 84.972,54 euros apparaissant sur le sous-compte 30076 XX 93, il dément être redevable du surplus affirmant qu’il n’existe aucun historique aboutissant à la somme de 25.256,34 euros figurant au compte 30076 XX 00 ; qu’il soutient que ce compte est un compte personnel sur lequel un découvert a été autorisé par la banque pour lui permettre de faire face à un redressement fiscal ; qu’il rappelle que ce compte n’étant pas commercial, une autorisation de découvert d’un montant important persistant dans le temps est assimilée à un prêt nécessitant un écrit et que la sanction du défaut d’écrit est la déchéance du droit aux intérêts ; Considérant que le Crédit du Nord oppose le caractère commercial du compte litigieux et l’absence de preuve de l’existence d’un redressement fiscal à titre privé, faisant observer que l’utilisation que fait M. X. de son compte est sans incidence sur le caractère commercial du compte ; Considérant, cela exposé, que le Crédit du Nord verse aux débats la convention d’ouverture du « compte professionnel » de M. X. n° 30076 XX 00 ; qu’il y est indiqué, au regard des mentions « nom, prénom ou raison sociale » : X. « Le V. », suivis du numéro Siren et du code APE ; qu’à la rubrique « le représentant légal » est désigné X. Yannick en qualité de « gérant » ; qu’est apposé au bas du document, sous la signature de M. X., le cachet commercial de l’entreprise « Café Le V. » Mr X. BAR-BRASSERIE-JEUX. RCS 393 ZZZ » ; que le caractère commercial du compte est ainsi établi, étant relevé, en outre, que sur ce compte ont été opérés les prélèvements en faveur de la SACEM et de la S.P.R.E. prélèvements en lien direct avec l’activité du bar « Le V. » ; Considérant qu’au contraire de ce que prétend M. X., le Crédit du Nord produit l’historique de ce compte depuis le 31 mai 2008 jusqu’au 13 octobre 2010, date à laquelle ce compte affichait un solde débiteur de 21.602,70 euros auquel s’ajoutent les intérêts et frais d’un montant de 3.653, 64 euros, soit un total de 25.256,34 euros ; Que M. X. n’ayant pas contesté avoir bénéficié d’un découvert d’un montant de 85.000 euros, ce découvert ayant été isolé dans un sous-compte 30076 XX 93 comme prévu au protocole d’accord signé par les parties le 21 mai 2008 lequel précisait que les deux comptes seraient régis par la même convention de compte courant, et se reconnaissant redevable de la somme de 84.972,54 euros, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamné à payer au Crédit du Nord la somme de 110.228,88 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2011 ; qu’il sera, en revanche, infirmé en ce qu’il a accordé des délais de payement sur deux ans à M. X. compte tenu de l’ancienneté de la dette, de l’absence de tout versement et du défaut de production d’éléments renseignant sur la situation matérielle de celui-ci ; Et considérant qu’il y a lieu d’allouer une indemnité supplémentaire au Crédit du Nord en application de l’article 700 du code de procédure civile, la demande formée du même chef par l’appelant étant rejetée » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « sans pouvoir retenir l’exception d’incompétence soulevée au profit du Tribunal de Grande Instance d’AMIENS au motif que la Société CREDIT DU NORD se serait orientée d’abord devant le Juge de l’Exécution pour l’octroi d’une hypothèque judiciaire et que la ligne débitrice avoisinant les 85.000 € qui lui avait été consentie par le CREDIT DU NORD était consécutive aux conséquences d’un contrôle fiscal qui aurait dû nécessairement se concrétiser par un prêt au regard de la durée, parce que ces éléments sont sans incidence sur la faculté pour le CREDIT DU NORD de poursuivre Monsieur X. devant le Tribunal de Commerce d’AMIENS pour sa qualité de commerçant, dès lors qu’il ne peut être sérieusement contesté que la créance réclamée à l’endroit de Monsieur X. est née de ses différentes activités commerciales au titre de trois fonds de commerce distincts, le Tribunal qui relève encore qu’un protocole d’accord avait été convenu entre la Banque et Monsieur X. pour le paiement étalé des dettes de ce dernier n’ayant, en aucune façon été respecté et alors que ce protocole faisait expressément référence à la qualité de commerçant de M. X. à titre individuel et au titre de laquelle il exploitait trois établissements, se doit de débouter Monsieur X. qui a encore laissé courir son compte débiteur, de toutes ses prétentions relatives aux intérêts légitimement débités par la Banque tant que le sous compte n’était pas clôturé, et de le condamner au paiement de la somme vérifiée de 110.228,88 € avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 17 février 2011 outre une somme de 1.300 € au titre de l’article 700 du CPC » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1. ALORS QUE la nature professionnelle ou privée d’un compte bancaire dépend de celle des créances qui y figurent de manière prépondérante, peu important la qualification du caractère professionnel du compte affirmé par les parties ; que, pour affirmer le caractère commercial du compte litigieux, l’arrêt attaqué a énoncé que la convention d’ouverture de ce compte qualifiait celui-ci de « professionnel », que Monsieur X. y était désigné comme représentant légal d’une entreprise dont le cachet commercial avait été apposé au bas de ce document et qu’avaient été opérés sur ce compte des prélèvements en faveur de la SACEM et de la SPRE en lien direct avec l’activité de cette entreprise ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les créances qui figuraient de manière prépondérante sur ce compte étaient de nature professionnelle ou privée, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 311-8 et L. 311-33 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;
2. ALORS en toute hypothèse QUE la destination formelle d’un crédit, même affecté à un compte professionnel, ne peut résulter que d’une stipulation expresse ; que, pour condamner Monsieur X. à payer le solde du compte litigieux incluant un découvert de 85 000 euros et écarter le caractère personnel des sommes en cause, l’arrêt attaqué s’est fondé sur la circonstance que ce découvert avait été isolé dans un sous-compte comme prévu au protocole signé par les parties le 21 mai 2008, lequel précisait que les deux comptes seraient régis par la même convention de compte ; qu’en statuant ainsi, sans constater que la destination formelle de ce crédit avait fait l’objet d’une stipulation expresse, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 311-3, 3°, L. 311-8 et L. 311-33 du Code de la consommation, dans leur rédaction applicable en la cause.