CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 10 décembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5378
CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 10 décembre 2015 : RG n° 15/03216
Publication : Jurica
Extrait : « Que l'article R. 311-7 ancien du Code de la consommation énonce que « le formulaire détachable de rétractation prévu à l'article L. 311-15 est établi conformément au modèle-type joint en annexe. [Qu'] il ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur » ; Qu'il faut constater en l'espèce qu'il n'en est aucunement ainsi, les emprunteurs ne pouvant du reste exercer leur faculté de rétractation en utilisant ledit bordereau autrement qu'en découpant leur propre exemplaire d'offre et ainsi la partie au verso relative aux conditions générales ; Que la sanction d'une telle non-conformité relève bien de la déchéance du prêteur du droit aux intérêts dès lors que le prêteur se doit de remettre à son cocontractant une offre conforme à l'un des modèles-types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation (article L. 311-13 ancien du Code de la consommation), l'article L. 311-33 ancien dudit code sanctionnant bien de la déchéance du droit aux intérêts tout manquement par le prêteur aux articles L. 311-8 à L. 311-13 ; […] ; Attendu qu'en conséquence de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, la banque poursuivante ne peut prétendre qu'au paiement du capital, augmenté des primes d'assurance, et dont à déduire tous les règlements opérés par les époux emprunteurs ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/03216. Jugement (R.G. n° 11-14-1550) rendu le 7 mai 2015 par le Tribunal d'Instance de VALENCIENNES.
APPELANTS :
Madame X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant : [adresse], Représentée par Maître Julien DELAUZUN, avocat au barreau de VALENCIENNES
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant : [adresse], Représenté par Maître Julien DELAUZUN, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE :
SA BANQUE ACCORD
Prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social : [adresse], Représentée par Maître Amaury PAT, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 17 novembre 2015 tenue par Benoît PETY magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Benoît PETY, Conseiller, Hélène BILLIERES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :
Suivant offre préalable acceptée le 22 février 2010, la SA BANQUE ACCORD a accordé à Monsieur et Madame X.-Y. un prêt de 6.000 euros au taux de 6,31 % l'an remboursable en 48 mensualités successives de 149,68 euros chacune (prime d'assurance comprise).
La BANQUE ACCORD s'est prévalue de la déchéance du terme par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2013 valant mise en demeure des emprunteurs de payer l'intégralité des sommes dues.
Par ordonnance du 20 février 2014, le président du tribunal d'instance de VALENCIENNES a enjoint les époux X.-Y. de payer à la SA BANQUE ACCORD la somme de 2.664,72 euros avec intérêts au taux de 6,31 % l'an à compter de la signification de l'ordonnance, outre 10 euros de clause pénale.
Monsieur et Madame X.-Y. ont formé opposition le 8 avril 2014 à cette ordonnance d'injonction de payer signifiée le 7 avril 2014.
Par jugement du 7 mai 2015, le tribunal de grande instance de VALENCIENNES a notamment dit les époux X.-Y. recevables en leur opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 20 février 2014 et, statuant à nouveau, condamné conjointement Monsieur et Madame X.-Y. à payer à la SA BANQUE ACCORD la somme de 2.903,55 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,50 % l'an à compter du 8 novembre 2013, outre une indemnité de procédure de 300 euros, les parties étant déboutées de leurs plus amples prétentions.
Les époux X.-Y. ont interjeté appel de cette décision. Ils demandent par voie de réformation à la cour de constater que les caractères utilisés dans l'offre préalable de crédit sont inférieurs au corps 8, de dire que la clause selon laquelle toute fausse déclaration intentionnelle destinée à fausser l'appréciation de la banque sur la solvabilité de l'emprunteur ou ses capacités à faire face à ses obligations pourra entraîner la résiliation de plein droit du contrat est une clause abusive, de constater que l'offre préalable comporte au verso des mentions autres que le nom et l'adresse du prêteur, en conséquence de dire que l'offre n'est pas conforme sans omettre le défaut de communication de la notice d'assurance, de prononcer la déchéance du prêteur du droit aux intérêts, dire conjointe l'obligation des emprunteurs à la dette et de condamner la BANQUE ACCORD à leur verser une indemnité de procédure de 1.000 euros.
Les époux X.-Y. soutiennent dans un premier temps que les caractères de l'offre sont d'une taille inférieure au corps 8, c'est-à-dire 3 millimètres en point Didot. En cela, les conditions générales de l'offre sont illisibles. La déchéance du prêteur du droit aux intérêts est donc bien encourue et les emprunteurs ne sont tenus qu'au remboursement du capital après déduction des règlements opérés par leurs soins.
Monsieur et Madame X.-Y. font ensuite valoir que la clause de l'offre selon laquelle une fausse déclaration de leur part de nature à fausser l'appréciation par la banque de leur solvabilité ou de leurs capacités à faire face à leurs obligations pourra engendrer la résiliation de plein droit du contrat est une clause abusive en ce qu'elle aggrave leur situation tout en permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme pour tout autre motif que la seule défaillance de remboursement. De tels motifs sont imprécis et la Commission des Clauses Abusives recommande que soient éliminées des contrats de prêt les clauses ayant pour objet ou pour effet de laisser croire que le prêteur peut prononcer la déchéance du terme en pareille situation sans que le consommateur puisse recourir au juge pour contester une telle déchéance. L'offre n'est en cela pas conforme au modèle-type et il y a lieu de faire application de la sanction de l'article L. 311-33 ancien du Code de la consommation.
Les époux X.-Y. exposent encore que le bordereau de rétractation joint à l'offre n'est pas conforme à l'article R. 311-7 ancien du Code de la consommation en ce qu'il comporte au verso des mentions relatives aux conditions générales du prêt, ce que ne conteste pas l'établissement prêteur. L'offre n'est en cela pas conforme aux exigences du Code de la consommation en ce qu'elle ne peut mentionner que le nom et l'adresse du prêteur, lequel sera déchu aussi à ce titre du droit aux intérêts conventionnels.
Les appelants ajoutent que la BANQUE ACCORD ne justifie pas de ce qu'elle leur a remis une notice d'assurance conformément à l'article L. 311-12 ancien du Code de la consommation. La déchéance du droit aux intérêts est une nouvelle fois encourue.
Ils demandent enfin à la cour de dire simplement conjointe leur obligation à la dette, la solidarité n'étant pas mentionnée dans l'offre et la finalité ménagère du concours litigieux n'étant pas démontrée par le prêteur.
* * *
La S.A BANQUE ACCORD conclut pour sa part au rejet de toutes les prétentions des époux X.-Y., à leur condamnation solidaire à lui payer au titre du solde du prêt litigieux la somme de 3.008,13 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 6,50 % l'an courus et à courir à compter du 8 novembre 2013, sans préjudice d'une indemnité de procédure de 2.000 euros.
La banque poursuivante précise dans un premier temps que Monsieur X. est bien partie au prêt litigieux de sorte qu'il doit être condamné, aux côtés de Madame Y. épouse X., solidairement avec cette dernière, à solder ce concours financier.
La BANQUE ACCORD expose ensuite que l'offre qu'elle a remise aux emprunteurs est parfaitement conforme aux exigences du Code de la consommation. Les caractères de ce document contractuel relèvent tous du corps 8, étant ajouté qu'aucune exigence légale ou réglementaire n'est imposée quant à la taille des caractères de l'offre exprimée en millimètres. L'offre est claire et parfaitement lisible, de surcroît conforme au modèle-type.
La banque conteste ensuite toute clause abusive dans l'offre remise aux époux X.-Y. La déchéance du terme a en l'occurrence été prononcée au vu de la défaillance des emprunteurs au titre du remboursement du prêt. Le prêteur n'a donc commis aucune faute en prononçant l'exigibilité immédiate des sommes restant dues.
Pour ce qui relève du bordereau de rétractation, la BANQUE ACCORD souligne que le formulaire dûment remis aux époux emprunteurs respecte les exigences de l'article R. 311-7 du Code de la consommation. C'est au surplus aux emprunteurs d'établir en quoi ce bordereau de rétractation ne serait pas conforme au modèle-type, ce qui n'est pas acquis en l'occurrence. En toute hypothèse, la non-conformité du bordereau aux articles L. 311-35 et R. 311-7 du Code de la consommation n'est pas sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, tout au plus par une amende pénale.
Quant à la notice d'assurance, il résulte de l'offre que l'emprunteur a reconnu en signant le contrat que ce document lui avait bien été remis.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Sur la déchéance du prêteur du droit aux intérêts :
Attendu que, parmi les divers moyens développés par les époux X.-Y. aux fins de voir prononcer la déchéance de la BANQUE ACCORD du droit aux intérêts, les emprunteurs évoquent, en produisant leur propre exemplaire d'offre, la circonstance que le bordereau de rétractation mentionné en deuxième page du contrat ne fait pas apparaître la dénomination et l'adresse du prêteur mais des stipulations des conditions générales ;
Que l'article R. 311-7 ancien du Code de la consommation énonce que « le formulaire détachable de rétractation prévu à l'article L. 311-15 est établi conformément au modèle-type joint en annexe. [Qu'] il ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur » ;
Qu'il faut constater en l'espèce qu'il n'en est aucunement ainsi, les emprunteurs ne pouvant du reste exercer leur faculté de rétractation en utilisant ledit bordereau autrement qu'en découpant leur propre exemplaire d'offre et ainsi la partie au verso relative aux conditions générales ;
Que la sanction d'une telle non-conformité relève bien de la déchéance du prêteur du droit aux intérêts dès lors que le prêteur se doit de remettre à son cocontractant une offre conforme à l'un des modèles-types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation (article L. 311-13 ancien du Code de la consommation), l'article L. 311-33 ancien dudit code sanctionnant bien de la déchéance du droit aux intérêts tout manquement par le prêteur aux articles L. 311-8 à L. 311-13 ;
Que la BANQUE ACCORD sera en conséquence totalement déchue du droit aux intérêts ;
Sur la créance principale de la BANQUE ACCORD :
Attendu qu'en conséquence de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, la banque poursuivante ne peut prétendre qu'au paiement du capital, augmenté des primes d'assurance, et dont à déduire tous les règlements opérés par les époux emprunteurs ;
Qu'ainsi, la créance principale de la banque poursuivante correspond à la somme de 6.000 euros diminuée des versements opérés par les emprunteurs pour une somme totale de 4.337,82 euros selon décompte du prêteur mais augmentée des primes d'assurances échues pour un montant de 343,20 euros, soit une créance de 2.005,38 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013 ;
Que Monsieur et Madame X.-Y. seront condamnés à payer cette somme à la BANQUE ACCORD, la solidarité entre débiteurs ne pouvant être retenue dès lors qu'elle ne résulte pas des termes de l'offre signée par les parties et que la destination des fonds à l'entretien du ménage ou à l'entretien des enfants n'est pas explicitée ;
Que le jugement déféré sera donc réformé en sa disposition principale relative au paiement du solde de ce prêt ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que si l'équité justifie l'indemnité pour frais irrépétibles arrêtée par le premier juge dont la décision sera à cet égard confirmée, cette considération commande en cause d'appel de fixer au profit des époux X.-Y. une indemnité de procédure de 300 euros, la banque débitrice de cette somme étant déboutée de sa propre prétention à cette fin ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celle relative à la créance principale de la SA BANQUE ACCORD au titre du prêt de 6.000 euros accordé le 22 février 2010 ;
Réformant et prononçant à nouveau de ce seul chef,
Condamne conjointement Monsieur et Madame X.-Y. à payer à la SA BANQUE ACCORD, au titre du prêt de 6.000 euros du 22 février 2010, la somme de 2.005,38 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013 ;
Y ajoutant,
Condamne la SA BANQUE ACCORD à verser en cause d'appel à Monsieur et Madame X.-Y. une indemnité de procédure de 300 euros, la banque débitrice de cette indemnité étant elle-même déboutée de sa propre prétention à cette fin ;
Condamne la SA BANQUE ACCORD aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER