CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 18 novembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N°
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 18 novembre 2015 : RG n° 15/06505
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant enfin que Cogedim a reconnu elle-même avoir tardé dans le règlement de certaines factures après la mise en place en 2012 d'un nouveau service informatique et les difficultés techniques qu'elle a générées ; que la cour constate que des retards ont eu lieu depuis 2010, sans qu'on puisse imputer, comme le soutient Cogedim, à la société Nevada une part de responsabilité dans ceux-ci en raison d'une transmission tardive de factures ou de pièces justificatives mais sans que soit établie non plus l'existence d'un comportement volontaire de la part de COGEDIM, notamment à partir de 2014 ; que l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 15.000 Euros ne saurait être justifiée alors qu'en toute hypothèse, en application des articles 1154 du Code civil et L. 441-6 du code de commerce, le retard produit des intérêts légaux de droit dans les modalités de calcul précisées par ces textes qu'il appartient à Nevada de demander à Cogedim de payer, et alors que ne sont établis ni la mauvaise foi de Cogedim ni un préjudice distinct de celui que constitue le retard à paiement dans la vie des affaires et que les intérêts de droit indemnisent ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/06505 (11 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 mars 2015 -Tribunal de Commerce de LYON - R.G. n° 2014J1645.
APPELANTE :
SARL NEVADA
immatriculée au RCS de LYON sous le n° XXX, ayant son siège [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, Assistée de Maître Luc-Marie AUGAGNEUR de la SCP LAMY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
1/ SNC COGEDIM GRENOBLE
immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° XXX, ayant son siège [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675 Assistée de Maître Emmanuel CHRETIENNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0969
2/ SNC COGEDIM GRAND LYON
immatriculée au RCS de LYON sous le n° YYY, ayant son siège [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675, Assistée de Maître Emmanuel CHRETIENNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0969
3/ SNC COGEDIM SAVOIES LEMAN
immatriculée au RCS d'ANNECY sous le n° ZZZ, ayant son siège [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Me Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675, Assistée de Maître Emmanuel CHRETIENNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0969
4/ SNC COGEDIM VENTE
immatriculée au RCS de PARIS sous le n° WWW, ayant son siège [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675, Assistée de Maître Emmanuel CHRETIENNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0969
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 30 septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur, Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, Mme Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Françoise COCCHIELLO dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Monsieur Vincent BREANT, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Les sociétés COGEDIM sont spécialisées dans la promotion immobilière. Elles ont confié à la société NEVADA le soin de mener de nombreuses campagnes publicitaires pour leur compte. Les parties sont entrées en relation d'affaires dès l'an 2000, mais ce n'est qu'à partir de 2007 que leurs relations commerciales se sont réellement intensifiées.
Ainsi en NEVADA a réalisé un chiffre d'affaires de 1,7 million d'euros avec les sociétés COGEDIM. Par la suite, le chiffre d'affaires réalisé par NEVADA avec les sociétés COGEDIM est resté important mais variable (par exemple 900.000 euros en 2009, 1,5 millions d'euros en 2013).
Toutefois, le chiffre d'affaire réalisé entre les parties sur le premier semestre 2013 est sensiblement le même que celui réalisé en 2014.
Au milieu de l'année 2013, COGEDIM aurait, d'une part, imposé de nouvelles conditions tarifaires à NEVADA et, d'autre part, confié à des agences concurrentes plusieurs prestations.
Par courrier du 14 février 2014, le conseil de la société NEVADA s'est ainsi inquiété :
- « de la baisse du volume d'affaires confiées à NEVADA » ;
- des retards de paiement répétés des factures de NEVADA par COGEDIM ;
- de la mauvaise tournure que la relation commerciale semblait prendre aux yeux de NEVADA.
Par courrier du 7 mars 2014, COGEDIM a néanmoins assuré NEVADA de son intention de poursuivre leur relation commerciale. Dans les semaines suivantes, le nombre d'affaires confiées à NEVADA a ainsi augmenté avant de connaître un nouveau fléchissement.
Les sociétés COGEDIM n'auraient plus été satisfaites du travail effectué et auraient demandé une baisse des tarifs à NEVADA. NEVADA prétend au contraire que la qualité de son travail n'aurait pas baissé mais que les sociétés COGEDIM tentaient de fabriquer des motifs pour mettre fin à la relation.
Se plaignant de ce que les sociétés Cogedim ont entendu lui imposer une modification substantielle des conditions de leurs relations commerciales, la société Nevada les a assignées à jour fixe par actes des 27 et 28 août 2014 devant le Tribunal de commerce de Lyon pour faire constater que ces dernières ont brutalement modifié les conditions de la relation commerciale et abusé de celles-ci. La société NEVADA a demandé aux juges consulaires de condamner les sociétés COGEDIM à lui verser la somme de 2.142.153 euros.
Après la saisine du Tribunal de commerce de Lyon, les sociétés COGEDIM ont adressé à la société Nevada le 14 octobre 2014 un courrier annonçant la rupture totale des relations commerciales.
Par jugement rendu le 17 mars 2015, le tribunal de commerce de Lyon a :
- Ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 20l4J01645 et 2014J01749.
- Condamné in solidum les sociétés du groupe COGEDIM à payer a la société NEVADA la de 15.000 euros au titre des intérêts de retard sur les factures dues.
- Débouté la société NEVADA du surplus de ses demandes comme non justifiées.
- Condamné in solidum les sociétés du groupe COGEDIM a payer a la société NEVADA la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, nonobstant appel et sans caution.
- Condamné in solidum les sociétés du groupe COGEDIM aux entiers dépens de l'instance.
La société NEVADA a interjeté appel de cette décision le 30 mars 2015
Vu les conclusions du 30 juillet 2015, dans lesquelles la société Nevada demande à la Cour de :
In limine litis
DÉCLARER la société Nevada parfaitement recevable en sa demande tendant à faire constater par la Cour que les sociétés COGEDIM ont rompu brutalement et sans aucun préavis la relation commerciale établie avec la société NEVADA suivant courrier du 14 octobre 2014 suite à l'action introduite en justice par NEVADA à l'encontre de COGEDIM, celle-ci se plaignant d'une rupture partielle de la relation » ;
ÉCARTER par conséquent le moyen d'irrecevabilité soulevé par société COGEDIM ;
Au fond
INFIRMER dans tous ses éléments le jugement du Tribunal de commerce de LYON en date du 17 mars 2015 sauf en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés du Groupe COGEDIM à payer la somme de 15.000 euros à la société NEVADA au titre des intérêts de retard sur les factures dues ;
Statuant à nouveau,
CONSTATER qu'il existait une relation commerciale établie entre les parties d'une durée de 14 ans environ ;
CONSTATER qu'un partenariat étroit était en place depuis près de 8 ans ;
CONSTATER que les sociétés du Groupe COGEDIM avaient exigé de NEVADA une exclusivité ;
CONSTATER que jusqu'au milieu de l'année 2013 le chiffre d'affaires réalisé avec COGEDIM par NEVADA était en notable progression ;
1/ Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie
CONSTATER que les sociétés du Groupe COGEDIM ont rompu brutalement sans aucun préavis la relation commerciale établie avec la société NEVADA suivant courrier du 14 octobre 2014 suite à l'action en justice introduite par Nevada à l'encontre de Cogedim, celle-ci se plaignant d'une rupture partielle de la relation ;
CONSTATER en effet qu'une première rupture partielle de ladite relation commerciale établie est intervenue sans préavis lors du deuxième semestre 2013 ;
CONSTATER à ce sujet qu'à compter du deuxième trimestre 2013 le chiffre d'affaires réalisé par Nevada avec Cogedim a enregistré une baisse de plus de 35 % ;
CONSTATER notamment l'exclusivité consentie à la société Nevada a été rompue brutalement à compter du second semestre 2013, Cogedim confiant de nombreux marchés à d'autres prestataires que NEVADA
CONSTATER que les sociétés du Groupe COGEDIM ont fait preuve de duplicité à l'égard de la société NEVADA en l'assurant d'une poursuite du partenariat sans changement alors même qu'elle avait déjà engagé la rupture ;
CONSTATER que la rupture est par conséquent, non seulement brutale mais abusive ;
2/ Sur les pratiques abusives de Cogedim
CONSTATER les pratiques abusives des sociétés du Groupe COGEDIM ;
CONSTATER notamment que Cogedim décalait systématiquement le point de départ de leurs délais de paiement par l'émission tardive de bons de commandes postérieurs au début de la prestation ;
CONSTATER par ailleurs qu'une modification des conditions tarifaires a été imposé à Nevada par les sociétés du Groupe COGEDIM ;
DÉBOUTER la société Cogedim de sa demande reconventionnelle tendant à infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la société Nevada la somme de 15.000 euros au titre d'intérêts de retard sur factures dues ainsi qu'à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile.
3/ Sur le préjudice
CONSTATER que la rupture de la relation commerciale établie aurait dû donner lieu à un préavis de deux ans eût égard à la dépendance économique de la société NEVADA vis-à-vis des sociétés du Groupe COGEDIM ;
CONSTATER que cette rupture brutale sans préavis met en péril l'existence même de la société NEVADA ce que les sociétés du Groupe Cogedim ne pouvait ignorer ;
CONSTATER que ce préjudice s'analyse en une perte de marge sur la durée du préavis qui aurait dû être consenti, soit la somme de 1.810.496 euros ;
CONDAMNER en conséquence in solidum les sociétés du Groupe COGEDIM à payer à la société NEVADA la somme de 1.810.496 euros à ce titre ;
CONSTATER que la rupture partielle de la relation commerciale établie à compter du second semestre 2013 aurait dû donner lieu à un préavis suffisant ;
CONSTATER que le préjudice s'analyse en une perte de marge d'un montant de 320.000 euros ;
CONDAMNER en conséquence in solidum les sociétés du Groupe COGEDIM à payer à la société NEVADA la somme de 345.000 euros à ce titre ;
CONSTATER qu'en conséquence immédiate de la rupture partielle de la relation commerciale établie à compter du second semestre 2013, Nevada a deux licencier deux salariés pour motif économique ;
CONDAMNER en conséquence les sociétés du Groupe COGEDIM in solidum à verser à la société NEVADA la somme de 71.786 euros. à ce titre ;
CONDAMNER enfin les sociétés du Groupe COGEDIM in solidum à verser à la société NEVADA la somme de 50.000 euros au titre de la rupture abusive de la relation commerciale établie ;
CONSTATER que les pratiques abusives de Cogedim ont causé un préjudice à Nevada notamment quant à l'imposition d'une grille tarifaire et à la perte de marge consécutive qui s'élève à la somme de 310.000 euros ;
CONDAMNER en conséquence in solidum les sociétés du Groupe COGEDIM à payer à la société NEVADA la somme de 310.000 euros à ce titre ;
CONSTATER enfin que les agissements des sociétés du Groupe COGEDIM ont porté atteinte à l'image et à la crédibilité commerciale de l'agence NEVADA ;
CONDAMNER en conséquence les sociétés du Groupe COGEDIM à payer in solidum la somme de 50.000 euros à la société NEVADA au titre de la réparation de ce préjudice d'image ;
En tout état de cause,
CONDAMNER in solidum les sociétés du Groupe COGEDIM à payer à la société NEVADA la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER in solidum les sociétés du Groupe COGEDIM aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, distraction faite au profit de la SCP AFG conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
A titre liminaire, la société NEVADA explique que sa demande, tendant à faire constater la rupture brutale de la relation commerciale par COGEDIM par courrier du 14 octobre 2014, n'est pas une demande nouvelle au sens des articles 564 et 565 code de procédure civile. Selon l'appelante, cette demande tend au même but que ses demandes formées en 1ère instance : l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture de la relation sur le fondement de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce. L'appelante estime également que les juges d'appel sont tenus d'examiner les faits nouveaux intervenus en cours d'instance en vertu de l'article 561code de procédure civile.
L'appelante prétend tout au long de ses conclusions qu'une clause d'exclusivité la liait avec COGEDIM ce qui l'a empêchée d'anticiper la baisse de son chiffre d'affaires avec les sociétés intimées et la fin de leurs relations commerciales. Cette prétendue clause d'exclusivité n'était, semble-t-il, pas prévue par écrit et sa preuve ne semble pas établie.
L'appelante considère que les sociétés intimées sont coupables d'une rupture « des relations commerciales en deux temps :
- une rupture partielle caractérisée par la baisse du chiffre d'affaires au 2ème semestre 2013 » de 35 % ;
- une rupture totale sans respect d'un préavis en octobre 2014 suite à l'introduction de l'instance devant le TC de Lyon.
L'appelante invoque tout d'abord une rupture partielle des relations commerciales et fait valoir qu'au cours du 2ème semestre 2013 puis du premier semestre 2014, son chiffre d'affaires avec les sociétés intimées a subi une baisse significative (36 % en moyenne) qui n'est pas expliquée par une perte du chiffre d'affaires de Cogedim qui a gardé le même rythme de nouveaux programmes de lancement ; elle fait valoir également que la modification des conditions de la relation, par modification de la grille tarifaire qui lui a été imposée, par retardement du point de départ des délais de paiement, par la suppression de l'exclusivité qui lui était consentie, par l'attitude « ambivalente » des intimées qui l'assuraient du maintien des affaires.
Elle invoque ensuite une rupture totale des relations, et considère que la société Cogedim ne peut invoquer une «perte de confiance vis-à-vis de son partenaire» pour la justifier, alors qu'elle n'a commis aucune faute grave, que les sociétés intimées auraient donc dû respecter un préavis avant de rompre totalement les relations commerciales en octobre 2014, ce qu'elles n'ont pas fait. L'appelante fait valoir que la rupture est d'autant plus abusive que les sociétés intimées lui ont laissé croire par courrier en date du 7 mars 2014 qu'elles avaient l'intention de poursuivre leurs relations commerciales.
La société Nevada soutient également que les sociétés Cogédim ont eu des pratiques abusives créant un déséquilibre significatif, visées par l'article L 442-6-I-2° du Code de commerce en lui imposant la modification de la grille tarifaire, en invoquant des motifs « fallacieux » et de nouvelles méthodes de travail, en lui imposant des retards de paiement, en ayant des « pratiques versatiles et impulsives sans facturation équivalente » devant lui permettre de s'« approprier les créations de l'agence sans bourse délier ».
L'appelante qui fait état de son état de dépendance économique à l'égard de Cogedim, de la durée des relations commerciales et demande à la Cour de dire que le préavis devait être de 24 mois, de condamner COGEDIM à indemniser ses différents préjudices de perte de marge brute, le préjudice lié au coût de deux licenciements, le préjudice lié à l'abus dans la rupture, le préjudice lié aux pratiques restrictives de la concurrence, ainsi que son préjudice d'image.
Vu les dernières conclusions signifiées du 7 septembre 2015 par lesquelles les SNC COGEDIM VENTE, COGEDIM GRAND LYON, COGEDIM SAVOIES LEMAN, COGEDIM GRENOBLE demandent à la cour de :
IN LIMINE LITIS :
Vu les articles 564, 565 et suivants du Code Civil :
DIRE et JUGER irrecevable la demande de la société NEVADA de « constater que les sociétés COGEDIM ont rompu brutalement et sans aucun préavis la relation commerciale établie avec la société NEVADA suivant courrier du 14 octobre 2014 suite à l'action en justice introduite par NEVADA à l'encontre de COGEDIM, celle-ci se plaignant d'une rupture partielle de la relation » ;
En toutes hypothèses :
DE CONFIRMER le jugement dont appel, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés du groupe COGEDIM à payer à la société NEVADA la somme de 15.000 euros à titre d'intérêts de retard sur factures dues et en ce qu'il les a condamné à payer à la société NEVADA la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile et aux dépens DE DEBOUTER, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire, la société NEVADA de l'intégralité de ses demandes.
A titre infiniment subsidiaire :
DE FIXER un délai de préavis conforme à la jurisprudence qui ne saurait être supérieur à 4 mois ;
DE RETENIR un taux de marge usuel compris entre 16 et 30 % au maximum ;
DE CONSTATER, alors, que la société NEVADA n'a subi aucun préjudice du fait du chiffre d'affaires confié et de la marge réalisée du fait de la poursuite des relations et, en conséquence, même à titre subsidiaire ;
DE DEBOUTER la société NEVADA de ses demandes ;
CONSTATER que la société NEVADA ne peut solliciter un « prétendu préjudice » futur et non certain.
A titre encore plus subsidiaire :
FIXER le quantum d'indemnisation à de justes proportions.
A titre reconventionnel :
RÉFORMER le jugement dont appel en ce qu'il a condamné les sociétés du groupe COGEDIM, « in solidum », à payer à la société NEVADA la somme de 15.000 euros « à titre d'intérêts de retard sur factures dues », à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de première instance.
CONDAMNER la société NEVADA à payer à chaque société COGEDIM assignées, la somme de 8.000 euros HT au titre des frais irrépétibles que chacune de celles-ci ont dû engager pour la défense de leurs intérêts, en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER la société NEVADA aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Maître FANET, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile.
A titre liminaire, les sociétés intimées demandent à la Cour de juger irrecevable la demande de l'appelante visant à constater que COGEDIM a rompu brutalement et totalement les relations commerciales par courrier en date du 14 octobre 2014. Les intimées estiment que cette demande est nouvelle au sens des articles 564 et 565 code de procédure civile et n'est donc pas recevable en cause d'appel (la procédure de 1ère instance devant le TC de Lyon ne visait que la rupture brutale partielle des relations).
Elles rappellent que la relation commerciale a été effective sept ans, qu'elle a généré pour la société Nevada qui ne bénéficiait d'aucune exclusivité et avait elle-même d'autres clients un chiffre d'affaires très fluctuant : les intimées observent que le chiffre d'affaires sur le début de l'année 2014 (900.000 euros environ) est supérieur au chiffre d'affaires des années 2007 et 2009 et aurait été supérieur à celui des années 2010, 2011 et 2013 si la relation s'était poursuivie après l'assignation devant le Tribunal de commerce de Lyon.
Pour ce qui concerne la rupture partielle, elles ne contestent pas qu'à partir de 2013, des retards aient eu lieu mais elles expliquent que ses retards étaient dus pour partie à la mise en place d'un nouveau logiciel de facturation par COGEDIM et pour partie à la lenteur de NEVADA dans la transmission des factures et de leurs pièces justificatives et qu'ils ne se sont pas aggravés. Elles expliquent que COGEDIM n'a jamais imposé de grille tarifaire à NEVADA et qu'un accord sur les tarifs est intervenu le 19 décembre 2013. Elles ajoutent qu'elles ont toujours manifesté leur volonté de poursuivre la relation commerciale Cogedim a toujours affirmé sa volonté de poursuivre la relation avec Nevada.
Pour ce qui concerne la rupture totale des relations commerciales au 14 octobre 2014, les intimées expliquent que le comportement gravement fautif de NEVADA était de nature à justifier qu'elles mettent un terme à leurs relations commerciales. Les intimées estiment que la saisine des juges consulaires lyonnais par l'appelante a dégradé les relations jusqu'à un point de non-retour.
Enfin, les intimées contestent point par point les préjudices allégués par l'appelante et demandent à la Cour de ne pas faire droit aux demandes de celles-ci tant pour l'indemnisation de la rupture que pour le déséquilibre significatif prétendument imposé à NEVADA. Les intimées demandent également que la Cour infirme le jugement de première instance en ce qu'il les a condamnées à payer 15.000 euros à l'appelante au titre des factures impayées alors que d'une part elles n'ont « commis aucune faute » dans le paiement de ces factures et d'autre part que l'appelante ne justifie pas des factures impayées et du calcul des intérêts de retard.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la relation commerciale :
Considérant que la société Nevada a assigné quatre sociétés du groupe Cogedim,
Que force est de constater que la société Nevada ne donne aucune précision sur la relation commerciale entretenue avec chaque société Cogedim, se bornant à verser une facture de l'année 2000 pour la « SCI LES PASTELS » dont l'identité de la société titulaire du programme est ignorée, à faire état d'un chiffre d'affaire unique ; que toutefois, les sociétés Cogedim détaillent dans leurs écritures le chiffre d'affaires réalisé par Gogedim Grenoble, Cogedim Savoie et Cogedim Vente en 2013 et 2014,
Que les intimées conviennent de l'existence d'une relation commerciale de la part de chacune des sociétés avec Nevada et il apparaît que les activités des différentes sociétés Cogedim Grand Lyon, Cogedim Savoie et Cogedim Grenoble sont complémentaires à celles de Cogedim Vente ; que, par ailleurs, la lettre recommandée avec accusé de réception adressée à NEVADA le 14 octobre 2014 pour mettre fin à la relation commerciale comporte la signature de toutes les sociétés concernées par la procédure,
Considérant encore que la société Nevada fait état d'une relation commerciale entretenue depuis quatorze ans,
Que force est toutefois de constater que les parties ont entretenu sur une première période depuis l'année 2000 jusqu'à l'année 2006 inclus, une relation qui ne présentait pas un caractère continu, alors qu'au cours des années 2002 et 2006, aucun flux d'affaires n'a été observé, le chiffre d'affaire réalisé par Nevada avec les sociétés Cogedim ces deux années là étant nul ;
Que sur une seconde période, à partir de l''année 2007, les relations se sont développées, le chiffre d'affaire également : que le chiffre d'affaires de Nevada avec les sociétés Cogedim est de 751.959 Euros en 2007, de 1.770.221 Euros en 2008, de 956.703 Euros en 2009, de 1.008.333 Euros en 2010, de 1.430.100 Euros en 2011, de 1.942.576 Euros en 2012, qu'il est de 1.585.960 Euros en 2013 et de 813.744 sur les six premier mois de l'année 2014,
Qu'il résulte de ces éléments que la relation commerciale devant être prise en compte est celle qui s'est développée depuis l'année 2007, qui présente jusqu'en 2014 un caractère continu ;
Sur la rupture brutale partielle survenue en 2013 et le déséquilibre significatif dans les obligations imposées à NEVADA :
Considérant que la rupture brutale résulterait selon Nevada de la diminution du chiffre d'affaires en 2013, de la suppression de son exclusivité sur toutes les opérations de promotions de Cogédim, de la modification des conditions dans lesquelles les parties entendent désormais travailler ensemble (grilles tarifaires) ; que de même, l'imposition d'une nouvelle grille tarifaire, les retards dans les paiements constituent de la part de Cogedim des pratiques que le code de commerce prohibe,
Considérant que force est de constater que le chiffre d'affaires a sans cesse varié sur la période 2007 -2014 ; que la période des six premier mois 2013 que retient la société NEVADA n'est pas probante ; que le chiffre d'affaires de l'année complète 2013 qui doit être pris en compte a certes diminué par rapport à l'année précédente mais n'accuse pas une baisse significative constitutive d'une rupture partielle des relations commerciales à l'éclairage des chiffres jusqu’à présent réalisés en 2009 par rapport à 2008, en 2013 par rapport à 2012 ; que la société Nevada n'avait jamais été assurée par Cogedim d'une progression constante de son chiffre d'affaires,
Considérant que Cogedim Vente a souhaité mettre en place une nouvelle grille tarifaire pour régir les relations entretenues par ses filiales avec ses partenaires assurant les opérations de communication correspondant aux opérations de commercialisation des programmes immobiliers ; que selon les courriers et mails échangés par les parties, la nouvelle grille de tarifs et honoraires a été réalisée en concertation ; que non seulement rien n'établit que les tarifs ont été sinon imposés, tout du moins suggérés, mais encore il apparaît que les parties avaient convenu de l'appliquer à partir du premier septembre 2013, Nevada ayant envoyé à Cogedim ses tarifs le 2 août 2013 et que Nevada convenait de l'application de la grille au premier septembre dans son mail du 28 octobre 17 h 50, et confirmait sa volonté dans un message du 18 décembre 2013 intitulé « 2014.... Une nouvelle façon de travailler ensemble ! » ; que par ailleurs, rien dans les pièces produites ne laisse apparaître que Nevada a du baisser, à cette occasion, ses tarifs et qu'elle a subi une perte de son chiffre d'affaires à la suite de l'application de la grille tarifaire,
Considérant que par ailleurs, il n'existait pas une « exclusivité historique » invoquée par Nevada, qu'aucune pièce n'étaye l'existence d'une exclusivité ou d'une quasi-exclusivité même de fait qui lui aurait été consentie par Cogédim et si, en fin d'année 2013-début d'année 2014, un volume de 80 % a été invoqué par Cogedim c'était « à la réserve des aléas liés au montage des opérations » ; que de même, Cogedim n'a imposé à Nevada aucune exclusivité et que le chiffre d'affaires réalisé par cette dernière démontre qu'elle a travaillé avec d'autres clients, le poids d'activité de Cogedim dans les activités de Nevada étant en moyenne de 59 % entre 2007 et 2010 et en moyenne de 83 % sur les années 2011 à fin juin 2014, sans recevoir, pour cause, la moindre observation de la part de Cogedim,
Considérant enfin que Cogedim a reconnu elle-même avoir tardé dans le règlement de certaines factures après la mise en place en 2012 d'un nouveau service informatique et les difficultés techniques qu'elle a générées ; que la cour constate que des retards ont eu lieu depuis 2010, sans qu'on puisse imputer, comme le soutient Cogedim, à la société Nevada une part de responsabilité dans ceux-ci en raison d'une transmission tardive de factures ou de pièces justificatives mais sans que soit établie non plus l'existence d'un comportement volontaire de la part de COGEDIM, notamment à partir de 2014 ; que l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 15.000 Euros ne saurait être justifiée alors qu'en toute hypothèse, en application des articles 1154 du Code civil et L. 441-6 du code de commerce, le retard produit des intérêts légaux de droit dans les modalités de calcul précisées par ces textes qu'il appartient à Nevada de demander à Cogedim de payer, et alors que ne sont établis ni la mauvaise foi de Cogedim ni un préjudice distinct de celui que constitue le retard à paiement dans la vie des affaires et que les intérêts de droit indemnisent,
Considérant en définitive que la société Nevada ne justifie pas d'une rupture partielle des relations commerciales en 2013, qu'elle ne justifie pas non plus de pratiques restrictives de la concurrence à son égard ou de pratiques adoptées dans le but de lui nuire,
Considérant que la décision du premier juge doit être ici confirmée pour ce qui concerne le rejet des demandes au titre de la rupture partielle ; qu'il sera infirmé en ce qui concerne l'allocation de dommages-intérêts pour retard dans le paiement des factures ;
Sur la rupture totale des relations réalisée par courrier du 14 octobre 2014 :
Considérant que Nevada qui a formé devant le premier juge une demande en réparation des préjudices nés d'une rupture partielle brutale de ses relations commerciales avec Cogedim survenue en 2013 demande à la cour de statuer sur les conséquences de la rupture brutale totale des relations que Cogedim lui a imposée par courrier du 14 octobre 2014 ; qu'elle expose que la demande du dispositif est identique puisqu'elle cherche à faire indemniser le préjudice résultant de la rupture brutale sur le même fondement de l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce, et que «seul le but recherché importe», que la rupture totale est un élément nouveau que la cour doit prendre en compte,
Mais considérant toutefois,
Que soutenir que, conformément à l'article 561 du Code de procédure civile, l'effet dévolutif impose à la cour de connaître et de statuer sur tous les éléments intervenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement n'apparaît pas exact, alors que l'évènement dont Nevada fait état est intervenu au cours de l'instance devant le premier juge, qu'elle en a fait état dans ses écritures et que rien ne lui interdisait de demander alors réparation du préjudice qu'elle estimait subir en raison de cette rupture totale,
Que la demande en réparation de la rupture totale n'est pas formée pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, étant observé, comme précédemment, que le fait invoqué est survenu et a été révélé avant le prononcé du jugement critiqué, de sorte que les limites apportées à l'irrecevabilité des demandes nouvelles par l'article 564 du code de procédure civile ne sont pas satisfaites,
Que si la demande tend à obtenir réparation, elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande originaire, même si le fondement juridique de la demande faite devant le premier juge et la demande faite devant la cour d'appel est identique ; qu'en effet, les préjudices résultant de faits distincts sont différents ; que la demande de la société Nevada faite au titre de la rupture brutale constitue une prétention nouvelle, la limite apportée par l'article 565 du code de procédure civile n'étant pas satisfaite,
Considérant que la société Nevada sera déclarée irrecevable en sa demande indemnitaire de la rupture totale des relations commerciales,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Déclare irrecevable la demande en réparation du préjudice né de la rupture totale des relations commerciales intervenue selon courrier du 14 octobre 2014,
Infirmant le jugement pour les dommages-intérêts alloués au titre du retard dans le paiement des fatures par Cogedim, au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles et pour les dépens,
Déboute la société Nevada de sa demande au titre des dommages-intérêts pour le retard apporté dans le paiement des factures, de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles,
Condamne la société Nevada aux dépens de première instance,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne la société Nevada à payer aux sociétés Cogedim Ventes, Cogedim Grand Lyon, Cogedim Savoies Leman, Cogedim Grenoble, la somme de 8.000 Euros chacune au titre de l’indemnité pour frais irrépétibles,
Condamne la société Nevada aux dépens d'appel qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Vincent BREANT Françoise COCCHIELLO