CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 19 janvier 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5457
CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 19 janvier 2016 : RG n° 12/02583
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2016-000782
Extrait : « La notice d'information du contrat d'assurance souscrit par le CRÉDIT DU NORD auprès de la société QUATREM et auquel a adhéré M. X., et dont se prévaut l'assureur pour ne pas garantir ce dernier, stipule dans son paragraphe « FIN DES GARANTIES » qu'à l'égard de chaque assuré, les garanties cessent notamment à la date de sa mise en préretraite ou retraite, quelqu'en soit la cause, en ce qui concerne les garanties perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail (incapacité temporaire totale et incapacité permanente).
Il est acquis aux débats que c'est au seul titre de son inaptitude au travail que l'appelant, qui était en arrêt de maladie depuis le 22 août 2008, s'est vu attribuer, par courrier de la CRAM en date du 3 décembre 2008, une retraite personnelle à compter du 1er septembre 2008.
La clause litigieuse a ainsi pour effet d'exclure la garantie de la société QUATREM dans le cas où, comme en l'espèce, la réalisation du risque incapacité de travail, dont la garantie est l'objet même du contrat, a pour conséquence fortuite la mise en retraite de l'adhérent. Elle ne peut donc qu'être qualifiée d'abusive puisqu'elle prive le contrat de toute efficacité et créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Par voie d'infirmation, la nullité de cette clause sera ainsi prononcée. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 19 JANVIER 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/02583. Appel d'un Jugement (R.G. n° 10/00141) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE, en date du 10 mai 2012, suivant déclaration d'appel du 12 juin 2012.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, Représenté par Maître Denis DREYFUS de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Maître MULLER, avocat au barreau de CHAMBÉRY
INTIMÉE :
SA QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES,
prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualité audit siège, Représentée par Maître Hervé-Jean POUGNAND de la SCP POUGNAND, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Président, Madame Véronique LAMOINE, Conseiller, Monsieur Jean-Christophe FOURNIER, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 24 novembre 2015, Monsieur Jean-Christophe FOURNIER, Conseiller chargé du rapport d'audience en présence de Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Président, assistés de Madame Laetitia MATHIEU, Greffier, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
M. X., né le [date] et alors cogérant des sociétés AGB COURTAGE et AGB ASSURANCES, a, les 2 février 2005 et 10 novembre 2005, souscrit avec son épouse Mme Y., auprès de la BANQUE RHÔNE-ALPES du Groupe CRÉDIT DU NORD deux emprunts destinés à financer l'acquisition et la réalisation de travaux dans une maison d'un montant respectif de 150.000 euros et de 70.000 euros.
La durée de remboursement de chaque emprunt, 96 mois pour le premier et 84 mois pour le second, a été calculée pour que tous les emprunts soient remboursés au départ à la retraite de M. X.
M. X. a adhéré au contrat d'assurance groupe souscrit par le CRÉDIT DU NORD auprès de la SA QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES (la société QUATREM) afin de garantir le remboursement des prêts les risques décès, incapacité de travail et perte totale et irréversible d'autonomie.
Il a été placé en arrêt de travail à compter du 22 août 2008 et ce jusqu'au 31 janvier 2009.
Par courrier du 3 décembre 2008, la Caisse régionale d'assurance maladie Rhône-Alpes (la CRAM) l'a informé qu'elle lui attribuait une retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail à compter du 1er septembre 2008 et la Caisse d'allocation vieillesse des agents généraux d'assurance et des mandataires non salariés de l'assurance et de la capitalisation (la CAVAMAC) lui notifiait, par courrier du 3 mars 2009, le service d'une retraite personnelle pour inaptitude au travail à effet du 1er janvier 2009.
Par courrier du 7 janvier 2009, la société QUATREM a refusé la mise en œuvre des garanties prévues aux contrats aux motifs que celles-ci cessaient à la date de mise en préretraite ou retraite et ce quelle qu'en soit la cause.
Par acte d'huissier du 10 décembre 2009, M X. a fait citer la société QUATREM devant le tribunal de grande instance de Grenoble aux fins de prise en charge du remboursement des échéances des prêts.
Par jugement du 10 mai 2012, le tribunal a :
- débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes ;
- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné M. X. aux dépens.
M. X. a relevé appel du jugement par déclaration du 12 juin 2012.
Par conclusions du 7 janvier 2013, il demande à la cour de :
- dire et juger que la clause invoquée par la société QUATREM est abusive ;
- dire et juger que la clause invoquée par la société QUATREM est dépourvue de cause ;
- prononcer l'annulation de la clause invoquée par la société QUATREM ;
- condamner la société QUATREM à exécuter les obligations prévues au contrat ;
- condamner la société QUATREM lui rembourser la somme totale de : 91.692,37 euros correspondant à la prise en charge directe par lui du remboursement du prêt conclu le 2 février 2005 ;
- condamner la société QUATREM lui rembourser la somme totale de : 45.237,59 euros correspondant à la prise en charge directe par lui du remboursement du prêt conclu le 10 novembre 2005, à parfaire au jour de l'arrêt qui sera rendu par la cour ;
- condamner la société QUATREM à prendre en charge les échéances restant dues sur le prêt conclu le 10 novembre 2005 ;
- condamner la société QUATREM aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 9 novembre 2012, la société QUATREM demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement du 10 mai 2012 ;
- débouter purement et simplement M. X. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre au titre des deux contrats ;
- dire et juger que la mise à la retraite ou à la préretraite ne peut que conclure à la cession des garanties des contrats d'assurance groupe souscrits auprès d'elle ;
- dire et juger que la clause qu'elle invoque est parfaitement valable et opposable à M. X. ;
- débouter en conséquence M. X. de ses demandes tendant à la voir rembourser d'une part la somme totale de 91.692,37 euros correspondant à la prise en charge directe du remboursement du prêt conclu le 2 février 2005 et la somme totale de 45.237,59 euros correspondant à la prise en charge directe du prêt conclu le 10 novembre 2005 ;
- débouter en conséquence de plus fort M. X. de plus fort de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- la mettre purement et simplement hors de cause ;
- condamner M. X. aux entiers dépens, lesquels pourront être directement recouvrés par son avocat en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 septembre 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
L'article L. 132-1 du Code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnel et non professionnel ou consommateur, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
La notice d'information du contrat d'assurance souscrit par le CRÉDIT DU NORD auprès de la société QUATREM et auquel a adhéré M. X., et dont se prévaut l'assureur pour ne pas garantir ce dernier, stipule dans son paragraphe « FIN DES GARANTIES » qu'à l'égard de chaque assuré, les garanties cessent notamment à la date de sa mise en préretraite ou retraite, quelqu'en soit la cause, en ce qui concerne les garanties perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail (incapacité temporaire totale et incapacité permanente).
Il est acquis aux débats que c'est au seul titre de son inaptitude au travail que l'appelant, qui était en arrêt de maladie depuis le 22 août 2008, s'est vu attribuer, par courrier de la CRAM en date du 3 décembre 2008, une retraite personnelle à compter du 1er septembre 2008.
La clause litigieuse a ainsi pour effet d'exclure la garantie de la société QUATREM dans le cas où, comme en l'espèce, la réalisation du risque incapacité de travail, dont la garantie est l'objet même du contrat, a pour conséquence fortuite la mise en retraite de l'adhérent.
Elle ne peut donc qu'être qualifiée d'abusive puisqu'elle prive le contrat de toute efficacité et créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Par voie d'infirmation, la nullité de cette clause sera ainsi prononcée.
Par voie de conséquence, la société QUATREM sera condamnée, au titre de la garantie incapacité de travail, à payer à M. X. la somme de :
91.692,37 euros correspondant à la prise en charge par ce dernier, à compter du 28 novembre 2008 date d'expiration du délai de franchise de 90 jours prévue au contrat, des échéances du prêt conclu le 2 février 2005 et celle de 45.237,59 euros correspondant à la prise en charge dans les mêmes conditions, à compter du 28 novembre 2008 et jusqu'au 29 août 2012, des échéances du prêt conclu le 10 novembre 2005.
Elle sera également condamnée à prendre en charge les échéances restant dues sur le prêt conclu le 10 novembre 2005 à compter de l'échéance du 29 septembre 2012.
La société QUATREM, qui supportera la charge des dépens, sera condamnée au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
Dit que la clause contractuelle « FIN DES GARANTIES » opposée par la société QUATREM à M. X. est abusive ;
Prononce en conséquence sa nullité ;
Condamne la société QUATREM à payer à M. X., au titre de la garantie incapacité de travail, la somme de 91.692,37 euros correspondant à la prise en charge, à compter du 28 novembre 2008, des échéances du prêt conclu le 2 février 2005 et celle de 45.237,59 euros correspondant à la prise en charge, à compter du 28 novembre 2008 et jusqu'au 29 août 2012, des échéances du prêt conclu le 10 novembre 2005 ;
Condamne la société QUATREM à prendre en charge les échéances restant dues sur le prêt conclu le 10 novembre 2005 à compter de l'échéance du 29 septembre 2012 ;
Condamne la société QUATREM à payer à M. X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la société QUATREM aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par le président, Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, et par le Greffier, Ingrid ANDRIEUX, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT