CJUE (4e ch.), 3 décembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5483
CJUE (4e ch.), 3 décembre 2015 : Aff. C‑312/14
Publication : Rec. ; Site Curia ; Juris-Data n° 2015-026682
Extrait : « La Cour (quatrième chambre) dit pour droit : L’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, ne constituent pas un service ou une activité d’investissement au sens de cette disposition certaines opérations de change, effectuées par un établissement de crédit en vertu de clauses d’un contrat de prêt libellé en devise tel que celui en cause au principal, consistant à fixer le montant du prêt sur la base du cours d’achat de la devise applicable lors du déblocage des fonds et à déterminer les montants des mensualités sur la base du cours de vente de cette devise applicable lors du calcul de chaque mensualité. ».
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
QUATRIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Dans l’affaire C‑312/14, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Ráckevei járásbíróság (tribunal local de Ráckeve, Hongrie), par décision du 27 mai 2014, parvenue à la Cour le 1er juillet 2014, dans la procédure
Banif Plus Bank Zrt.
contre
Márton Lantos,
Mártonné Lantos,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. F. Biltgen, J. Malenovský, Mmes A. Prechal (rapporteur) et K. Jürimäe, juges,
avocat général : M. N. Jääskinen,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
- pour M. et Mme Lantos, par Me I. Kriston, ügyvéd,
- pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Szima, en qualité d’agents,
- pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et A. Lippstreu, en qualité d’agents,
- pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. M. Holt, en qualité d’agent, assisté de Me B. Kennelly, barrister,
- pour la Commission européenne, par MM. I. Rogalski et A. Tokár, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 septembre 2015,
rend le présent
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Arrêt
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 1, et 19, paragraphes 4, 5 et 9, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO L 145, p. 1).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Banif Plus Bank Zrt. (ci-après « Banif Plus Bank ») à M. et à Mme Lantos (ci-après, ensemble, les « époux Lantos ») au sujet d’un contrat de crédit à la consommation libellé en devise.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 93/13/CEE
3. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), dispose :
« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »
4. Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive :
« L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
5. L’article 6, paragraphe 1, de la même directive prévoit :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
La directive 2004/39
6. Les considérants 2 et 31 de la directive 2004/39 énoncent :
« (2) [...] il convient d’atteindre le degré d’harmonisation nécessaire pour offrir aux investisseurs un niveau élevé de protection [...]
[...]
(31) L’un des objectifs de la présente directive est de protéger les investisseurs. [...] »
7. Aux termes de l’article 1er de cette directive :
« 1. La présente directive s’applique aux entreprises d’investissement et aux marchés réglementés.
2. Les dispositions suivantes s’appliquent également aux établissements de crédit agréés en vertu de la directive 2000/12/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO L 126, p. 1)], lorsqu’ils fournissent un ou plusieurs services d’investissement et/ou exercent une ou plusieurs activités d’investissement :
[...]
- le chapitre II du titre II, à l’exclusion de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa ;
[...] »
8. L’article 4, paragraphe 1, points 2, 6 et 17, de la directive 2004/39 contient les définitions suivantes :
« [...]
2) « services et activités d’investissement » : tout service et toute activité répertoriés à la section A de l’annexe I et portant sur tout instrument visé à la section C de la même annexe ;
[...]
6) « négociation pour compte propre » : le fait de négocier en engageant ses propres capitaux un ou plusieurs instruments financiers en vue de conclure des transactions ;
[...]
17) « instruments financiers » : les instruments visés à la section C de l’annexe I ».
9. Parmi les services et les activités d’investissement énumérés à la section A de l’annexe I de ladite directive figure la négociation pour compte propre. Aux termes de la section B, points 2 et 4, de cette annexe, relèvent de la catégorie des « services auxiliaires », respectivement, « l’octroi d’un crédit ou d’un prêt à un investisseur pour lui permettre d’effectuer une transaction sur un ou plusieurs instruments financiers, dans laquelle intervient l’entreprise qui octroie le crédit ou le prêt », et les « [s]ervices de change lorsque ces services sont liés à la fourniture de services d’investissement ». Au point 4 de la section C de ladite annexe, intitulée « Instruments financiers », sont cités les « [c]ontrats d’option, contrats à terme, contrats d’échange, accords de taux futurs et tous autres contrats dérivés relatifs à des valeurs mobilières, des monnaies, des taux d’intérêt ou des rendements ou autres instruments dérivés ».
10. L’article 19 de la même directive figure à la section 2, intitulée « Dispositions visant à garantir la protection des investisseurs », du titre II, chapitre II. Il est intitulé « Règles de conduite pour la fourniture de services d’investissement à des clients ». Cet article, paragraphes 4, 5 et 9, dispose :
« 4. Lorsqu’elle fournit du conseil en investissement ou des services de gestion de portefeuille, l’entreprise d’investissement se procure les informations nécessaires concernant les connaissances et l’expérience du client ou du client potentiel en matière d’investissement en rapport avec le type spécifique de produit ou de service, sa situation financière et ses objectifs d’investissement, de manière à pouvoir lui recommander les services d’investissement et les instruments financiers qui lui conviennent.
5. Lorsque les entreprises d’investissement fournissent des services d’investissement autres que ceux visés au paragraphe 4, les États membres veillent à ce qu’elles demandent au client ou au client potentiel de donner des informations sur ses connaissances et sur son expérience en matière d’investissement en rapport avec le type spécifique de produit ou de service proposé ou demandé pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit d’investissement envisagé convient au client.
[...]
9. Dans les cas où un service d’investissement est proposé dans le cadre d’un produit financier qui est déjà soumis à d’autres dispositions de la législation communautaire ou à des normes communes européennes relatives aux établissements de crédit et aux crédits à la consommation concernant l’évaluation des risques des clients et/ou les exigences en matière d’information, ce service n’est pas en plus soumis aux obligations énoncées dans le présent article. »
11. L’article 51, paragraphe 1, de la directive 2004/39 prévoit que les États membres veillent, conformément à leur droit national, à ce que puissent être prises des mesures ou appliquées des sanctions administratives appropriées à l’encontre des personnes responsables d’une violation des dispositions adoptées en application de cette directive, lesdites mesures devant être efficaces, proportionnées et dissuasives.
La directive 2008/48/CE
12. Aux termes de l’article 2, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO L 133, p. 66, et rectificatifs JO 2009, L 207, p. 14, JO 2010, L 199, p. 40, et JO 2011, L 234, p. 46) :
« 1. La présente directive s’applique aux contrats de crédit.
2. La présente directive ne s’applique pas :
[...]
h) aux contrats de crédit conclus avec une entreprise d’investissement, telle que définie à l’article 4, paragraphe 1, de la directive [2004/39], ou avec un établissement de crédit, tel que défini à l’article 4 de la directive 2006/48/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO L 177, p. 1)], aux fins de permettre à un investisseur d’effectuer une transaction liée à au moins un des instruments dont la liste figure dans la section C de l’annexe I de la directive [2004/39], lorsque l’entreprise d’investissement ou l’établissement de crédit accordant le crédit est associé à cette transaction ; [...] »
13. L’article 3 de la directive 2008/48, intitulé « Définitions », prévoit :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
c) « contrat de crédit » : un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la prestation continue de services ou de la livraison de biens de même nature, aux termes desquels le consommateur règle le coût desdits services ou biens, aussi longtemps qu’ils sont fournis, par des paiements échelonnés ; [...] »
14. Sous le chapitre II de ladite directive, intitulé « Information et pratiques précédant la conclusion du contrat de crédit », figurent, notamment, l’article 4, intitulé « Informations de base à inclure dans la publicité », l’article 5, intitulé « Informations précontractuelles », et l’article 8, intitulé « Obligation d’évaluer la solvabilité du consommateur ». Le chapitre IV de la même directive, intitulé « Informations et droits concernant les contrats de crédit », comporte, notamment, l’article 10, intitulé « Information à mentionner dans les contrats de crédit », et l’article 11, intitulé « Information sur le taux débiteur ».
Le droit hongrois
15. La loi n° CXXXVIII. de 2007 relative aux entreprises d’investissement, aux opérateurs des Bourses de marchandises ainsi qu’aux règles régissant les activités qu’ils sont susceptibles d’exercer (a befektetési vállalkozásokról és az árutőzsdei szolgáltatókról, valamint az általuk végezhető tevékenységek szabályairól szóló 2007. évi CXXXVIII. törvény) vise, notamment, à transposer la directive 2004/39 dans le droit hongrois.
16. L’article 4 de ladite loi, dans sa version applicable aux faits au principal, comporte les définitions suivantes :
« [...]
6) prêt d’investissement : prêt accordé aux fins de l’achat d’un instrument financier, si l’établissement prêteur participe à l’exécution de la transaction ;
[...]
11) contrat d’échange (swap) : tout contrat complexe relatif à l’échange d’un instrument financier qui est, en principe, composé soit d’une opération d’achat au comptant et d’une opération d’achat à terme ou de plusieurs opérations à terme et implique en général un échange de flux de trésorerie ;
[...]
50) instrument financier : instrument représentant une créance pécuniaire, à l’exclusion des valeurs mobilières, émis en série, qui se négocie sur le marché monétaire ;
[...]
60) contrat dérivé : un contrat dont la valeur dépend de la valeur d’un instrument financier sous-jacent et qui fait l’objet d’une négociation propre ;
[...] »
17. L’article 19 de la directive 2004/39 a été mis en œuvre par les articles 40 à 45 de la même loi.
18. L’article 231 du code civil, dans sa version applicable aux faits au principal, dispose :
« 1. Sauf disposition contraire, une dette de sommes d’argent doit être payée dans la devise ayant cours légal au lieu du paiement.
2. Une dette libellée dans une autre devise ou en or doit être convertie au cours faisant foi au lieu et à la date du paiement. »
19. L’article 523 dudit code se lit comme suit :
« 1. En vertu d’un contrat de prêt, l’établissement financier ou tout autre prêteur est tenu de mettre à la disposition de l’emprunteur le montant convenu ; l’emprunteur est tenu de rembourser ledit montant conformément au contrat.
2. En l’absence de dispositions contraires, si le prêteur est un établissement financier, le débiteur est tenu de payer des intérêts (prêt bancaire). »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
20. Le 11 juin 2008, M. Lantos a conclu avec Banif Plus Bank un contrat de crédit à la consommation, affecté à l’achat d’un véhicule automobile et libellé en devise. Mme Lantos, de par sa qualité d’épouse de M. Lantos, est tenue aux obligations nées de ce contrat. Ledit contrat est qualifié, par la juridiction de renvoi, de contrat de prêt au sens de l’article 523 du code civil.
21. Ledit contrat comporte notamment certaines clauses relatives à des flux dits « fictifs » en devise et à des flux dits « réels » en monnaie nationale, en l’occurrence en forints hongrois (HUF).
22. La juridiction de renvoi décrit comme suit le mécanisme contractuel de conversion des flux en devise :
« Lors de l’octroi du prêt, [Banif Plus Bank] a converti en devise le montant à verser en forints hongrois, conformément à l’article 231 du code civil, selon le taux de change en vigueur à une date préalablement déterminée, [puis] a acheté au client, à sa charge, les devises (telles qu’inscrites) au taux de change applicable à l’achat de devises au jour de la remise des fonds (opération de change au comptant) en remettant la contrevaleur de ce montant en forints hongrois. [Ultérieurement,] [Banif Plus Bank] a vendu au client les devises telles qu’inscrites contre des forints hongrois au taux de change applicable à la vente de devises au jour du remboursement du prêt (opération de change à terme au jour du remboursement), afin que ledit client puisse honorer en devise l’obligation de remboursement d’une dette libellée en devise. »
23. Ladite juridiction relève en outre que, dans la décision n° 6/2013 PJE, rendue dans l’intérêt d’une interprétation uniforme des dispositions de droit civil, la Kúria (Cour suprême) a considéré que les contrats de prêt libellés en devise doivent être qualifiés de « prêts de devises », au sens de l’article 231 du code civil. Selon cette dernière juridiction, de tels contrats génèrent une dette libellée en devise. Toutefois, dans ces contrats, contrairement aux contrats de prêt en vertu desquels une remise effective des devises intervient, la devise considérée serait employée comme simple unité de compte alors que les paiements s’effectueraient dans la monnaie nationale. En conséquence, le flux de liquidités libellées en devise serait fictif alors que le flux de liquidités libellées en monnaie nationale serait réel.
24. De plus, la juridiction de renvoi fait état de ce que Banif Plus Bank affirme n’avoir fourni aucun service d’investissement, ni aucun service auxiliaire à une telle activité, ni aucun service relatif aux Bourses de marchandises. Le contrat en cause au principal serait un contrat de crédit à la consommation souscrit auprès de Banif Plus Bank dans le cadre de l’activité de prêt de celle-ci, régie de manière détaillée par la loi n° CCXXXVII. de 2013 relative aux établissements de crédit et aux entreprises financières (a hitelintézetekről és a pénzügyi vállalkozásokról szóló 2013. évi CCXXXVII. törvény), de sorte que sa validité ne pourrait être appréciée au regard ni des dispositions de la loi n° CXXXVIII. de 2007, ni de celles de la directive 2004/39.
25. Les époux Lantos ont fait valoir, devant la juridiction de renvoi, que, afin de parvenir à une interprétation conforme de la loi n° CXXXVIII. de 2007 avec ladite directive, un renvoi à titre préjudiciel s’imposait dans la mesure où la Kúria (Cour suprême) s’était fondée, dans sa décision n° 6/2013 PJE, sur les dispositions du code civil, en particulier sur l’article 231 de celui-ci, qui n’a pas été affecté par la transposition de la même directive, pour considérer que les contrats de crédit libellés en devise relevaient du domaine du marché des capitaux.
26. Dans ces conditions, le Ráckevei járásbíróság (tribunal local de Ráckeve) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le fait de proposer à un client, sous l’appellation de contrat de prêt [libellé] en devise, une opération (de change), impliquant une conversion en forints hongrois [HUF] d’un montant libellé en devise, consistant en une vente au comptant au moment de la remise des fonds et à terme au moment du remboursement, par laquelle le prêt consenti au client l’expose aux variations du marché des capitaux et aux risques qui en découlent (risque de change) doit-il être considéré comme relevant de la notion d’‘instrument financier’, au sens des définitions figurant à l’article 4, paragraphe 1, points 2 (services et activités d’investissement) et 17 (instruments financiers), de la directive 2004/39 ainsi qu’à l’annexe I, section C, point 4 (contrats à terme, instruments dérivés), de cette directive?
2) Si l’instrument financier visé par la première question participe de la réalisation d’une activité commerciale pour compte propre, doit-il être considéré comme un service ou une activité d’investissement au sens des définitions figurant à l’article 4, paragraphe 1, point 6 (négociation pour compte propre), de la directive 2004/39 et à l’annexe I, section A, point 3 (négociation pour compte propre), de celle-ci?
3) L’établissement financier est-il tenu de procéder à l’évaluation de l’adéquation prévue à l’article 19, paragraphes 4 et 5, de la directive 2004/39, étant donné que l’opération à terme en devise, en tant que service d’investissement portant sur un instrument financier dérivé, a été proposée dans le cadre d’un autre produit financier (le prêt) et que l’instrument dérivé est, en lui-même, un instrument financier complexe[?] L’application de l’article 19, paragraphe 9, [de la directive 2004/39] est-elle exclue compte tenu du fait que les risques inhérents au prêt et à l’instrument financier diffèrent fondamentalement, ladite évaluation de l’adéquation apparaissant indispensable eu égard à l’objet de l’opération réalisée par l’instrument dérivé?
4) Le contournement des dispositions de l’article 19, paragraphes 4 et 5, de la [directive 2004/39] implique-t-il, à lui seul, la constatation de la nullité du contrat de prêt conclu entre [Banif Plus Bank] et [les emprunteurs]? »
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur la demande tendant à la réouverture de la phase orale de la procédure :
27. Postérieurement à la clôture de la phase orale de la présente procédure, le 17 septembre 2015, à la suite de la présentation des conclusions de M. l’avocat général, les époux Lantos ont demandé la réouverture de cette phase orale par lettre du 20 septembre 2015, déposée au greffe de la Cour le 25 septembre suivant.
28. À l’appui de cette demande, ils font valoir que lesdites conclusions sont entachées d’erreurs et d’incohérences et que la réouverture de la phase orale de la procédure s’impose afin que la Cour puisse demander des éclaircissements à la juridiction de renvoi en vertu de l’article 101 de son règlement de procédure s’agissant des faits et des règles de droit national qui, selon M. l’avocat général, font défaut et dont l’absence rendrait irrecevable la demande de décision préjudicielle.
29. À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
30. En l’occurrence, après avoir entendu l’avocat général, la Cour considère qu’elle est suffisamment éclairée pour statuer et que la présente affaire ne nécessite pas d’être tranchée sur la base d’arguments qui n’auraient pas été débattus entre ces intéressés.
31. En outre, il n’a pas été soutenu qu’un desdits intéressés ait soumis, après la clôture de la phase orale de la présente procédure, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour.
32. Par ailleurs, la possibilité dont dispose la Cour de demander des éclaircissements à une juridiction de renvoi en vertu de l’article 101 de son règlement de procédure ne constitue qu’une simple faculté dont l’usage est apprécié par la Cour de manière discrétionnaire dans chaque cas d’espèce.
33. En outre, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général a pour rôle de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice, requièrent son intervention. Toutefois, la Cour n’est liée ni par les conclusions de l’avocat général ni par la motivation au terme de laquelle il parvient à celles-ci (voir, notamment, arrêt Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 29).
34. Par conséquent, il convient de rejeter la demande de réouverture de la phase orale de la procédure.
Sur les questions préjudicielles :
Sur la recevabilité :
35. Dans la mesure où les gouvernements des États membres ayant déposé des observations écrites soulèvent l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle ou ont émis des doutes quant à la recevabilité de certaines des questions préjudicielles, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, à moins qu’il ne soit manifeste que la demande de décision préjudicielle tend, en réalité, à l’amener à statuer par le biais d’un litige construit ou à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, que l’interprétation du droit de l’Union demandée n’ait aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige, ou encore que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt Les Vergers du Vieux Tauves, C‑48/07, EU:C:2008:758, point 17).
36. En l’occurrence, les questions posées par la juridiction de renvoi portent sur l’interprétation de dispositions du droit de l’Union, à savoir les articles 4, paragraphe 1, et 19, paragraphes 4, 5 et 9, de la directive 2004/39.
37. En outre, si la décision de renvoi apparaît quelque peu succincte et empreinte de certaines ambiguïtés qui découlent, notamment, du fait que la juridiction de renvoi semble adopter, comme prémisse des questions posées, l’argumentation des époux Lantos, il n’en demeure pas moins que la Cour dispose des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à ces questions.
38. En effet, il découle tant de la décision de renvoi que des observations écrites soumises à la Cour que le contrat de prêt en cause au principal se caractérise par le libellé en devise du capital prêté et des mensualités exigibles, alors que ce capital a été versé en monnaie nationale et que les remboursements doivent être effectués dans cette monnaie.
39. Ainsi que l’indique la juridiction de renvoi, ledit contrat ne donne pas lieu à des flux ou à des échanges effectifs de devises entre Banif Plus Bank et les époux Lantos, la monnaie nationale étant la seule monnaie de paiement tant pour ce prêteur que pour ces emprunteurs alors qu’une devise sert d’unité de compte.
40. Il ressort du dossier soumis à la Cour que sont stipulées au même contrat des clauses relatives à la conversion en monnaie nationale du capital prêté et des mensualités. Ces clauses prévoient que le montant de ce capital est fixé sur la base du cours d’achat d’une devise à la date du déblocage des fonds alors que le montant de chaque mensualité est déterminé sur la base du cours de vente de cette devise à la date du calcul de chaque mensualité.
41. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi interroge la Cour principalement sur le point de savoir si, comme le soutiennent les époux Lantos, un tel contrat, en ce qu’il comporte des clauses relatives aux cours de change ayant pour effet de transférer le risque de change aux emprunteurs, relève du champ d’application de la directive 2004/39, dès lors que, en vertu de ces clauses, Banif Plus Bank fournirait un service d’investissement, de sorte que, en tant qu’établissement de crédit visé à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, elle aurait notamment été tenue d’évaluer l’adéquation ou le caractère approprié du service à fournir en application de la disposition pertinente de l’article 19 de ladite directive. Par ailleurs, les époux Lantos font valoir que, dès lors qu’une telle évaluation n’a pas eu lieu, le contrat considéré devrait être annulé.
42. Partant, la demande de décision préjudicielle est recevable.
Sur le fond
Observations liminaires
43. D’emblée, il convient d’observer que, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282), la Cour a déjà été interrogée par la Kúria (Cour suprême) sur les conditions d’application de la directive 93/13 dans le contexte spécifique des contrats de prêt à la consommation libellés en devise. À cet égard, la Kúria (Cour suprême), par la décision n° 2/2014 PJE, rendue dans l’intérêt d’une interprétation uniforme des dispositions de droit civil, a considéré que les clauses relatives au cours de change, pour autant qu’elles instaurent une asymétrie entre le cours d’achat de la devise, appliqué lors du déblocage du prêt, et son cours de vente, appliqué pour le calcul des mensualités, pouvaient faire l’objet d’un contrôle quant à leur caractère abusif et devaient effectivement être considérées comme étant abusives dès lors, notamment, que la banque perçoit du consommateur une rémunération égale à la différence entre ces cours de change sans qu’elle fournisse en contrepartie un service au consommateur.
44. En revanche, dans cette même décision, la Kúria (Cour suprême) a jugé, que, en principe, les clauses d’un contrat de prêt libellé en devise, tel que celui en cause au principal, ayant pour effet que, en contrepartie d’un taux d’intérêt plus favorable que celui offert pour les prêts libellés en monnaie nationale, le risque d’une appréciation de la devise incombe entièrement au consommateur portent sur l’objet principal du contrat au sens de la législation nationale visant à transposer l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, de sorte que ces clauses ne sauraient être contrôlées quant à leur caractère abusif.
45. Par ailleurs, dans sa décision n° 6/2013 PJE, rendue dans l’intérêt d’une interprétation uniforme des dispositions de droit civil, la Kúria (Cour suprême) a jugé que la conclusion d’un tel contrat de prêt libellé en devise ne donne pas lieu à l’application des obligations d’information prévues aux articles 40 à 42 de la loi n° CXXXVIII. de 2007, visant à transposer l’article 19 de la directive 2004/39, puisque, dans le cadre d’un tel contrat, le prêteur ne fournirait aucun des services d’investissement énumérés à l’article 5 de ladite loi, mais verse un capital affecté ou non à un financement donné. Néanmoins, les articles 40 et 42 de la loi n° CXXXVIII. de 2007 s’appliqueraient dans l’hypothèse où un tel prêt constitue également une opération d’investissement dans la mesure où des services d’investissement portant sur un instrument financier seraient fournis au moyen des fonds de l’emprunteur.
46. La présente demande de décision préjudicielle a trait à l’interprétation de la seule directive 2004/39.
47. Cela étant, il convient de relever que des dispositions d’autres actes du droit de l’Union visant à la protection des consommateurs sont susceptibles d’être pertinentes dans une affaire telle que celle en cause au principal.
48. Il en est ainsi, notamment, des dispositions de la directive 93/13 qui instaurent un mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives dans le cadre du système de protection des consommateurs mis en œuvre par cette directive (voir, en ce sens, arrêt Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 42).
49. Par ailleurs, il y a lieu de signaler la réglementation de l’Union relative au crédit à la consommation, en l’occurrence la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO L 42, p. 48), et la directive 2008/48, qui comportent un ensemble de dispositions visant à protéger le consommateur en imposant au prêteur certaines obligations relatives, notamment, à l’information du consommateur.
Sur les première et deuxième questions
50. Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39 doit être interprété en ce sens que constituent un service ou une activité d’investissement au sens de cette disposition certaines opérations de change, effectuées par un établissement de crédit en vertu de clauses d’un contrat de prêt libellé en devise tel que celui en cause au principal, consistant à fixer le montant du prêt sur la base du cours d’achat de la devise applicable lors du déblocage des fonds et à déterminer les montants des mensualités sur la base du cours de vente de cette devise applicable lors du calcul de chaque mensualité.
51. À cet égard, s’il incombe à la seule juridiction de renvoi de se prononcer sur la qualification desdites opérations en fonction des circonstances propres à l’affaire au principal, il n’en demeure pas moins que la Cour est compétente pour dégager des dispositions de ladite directive, en l’occurrence de son article 4, paragraphe 1, point 2, les critères que cette juridiction peut ou doit appliquer à cette fin (voir, en ce sens, arrêt Genil 48 et Comercial Hostelera de Grandes Vinos, C‑604/11, EU:C:2013:344, point 43).
52. Cela étant, rien n’empêche qu’une juridiction nationale demande à la Cour de se prononcer sur une telle qualification, ainsi que l’a fait la juridiction de renvoi par ses première et deuxième questions, sous réserve toutefois que, au vu de l’ensemble des éléments du dossier dont cette juridiction nationale dispose, celle-ci procède à la constatation et à l’appréciation des faits nécessaires à cette qualification.
53. En l’occurrence, il se pose la question de savoir si les opérations effectuées par un établissement de crédit, consistant en la conversion en monnaie nationale de montants exprimés en devise, aux fins du calcul des montants d’un prêt et de ses remboursements, conformément aux clauses d’un contrat de prêt relatives aux taux de change, peuvent être qualifiées de « services ou d’activités d’investissement », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39.
54. Conformément à cette disposition, constituent des services et des activités d’investissement tout service et toute activité répertoriés à la section A de l’annexe I de cette directive et portant sur tout instrument visé à la section C de la même annexe.
55. Or, force est de constater que les opérations en cause au principal, en ce qu’elles constituent des activités de change qui sont purement accessoires à l’octroi et au remboursement d’un prêt à la consommation libellé en devise, ne relèvent pas de ladite section A.
56. En effet, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, ces opérations sont limitées à la conversion, sur la base du cours de change d’achat ou de vente de la devise considérée, des montants du prêt et des mensualités libellés dans cette devise (monnaie de compte) en monnaie nationale (monnaie de paiement).
57. De telles opérations n’ont pas d’autre fonction que celle de servir de modalités d’exécution des obligations essentielles de paiement du contrat de prêt, à savoir la mise à disposition du capital par le prêteur et le remboursement de ce capital assorti des intérêts par l’emprunteur. Ces opérations n’ont pas pour finalité la réalisation d’un investissement, le consommateur visant uniquement à obtenir des fonds en vue de l’achat d’un bien de consommation ou de la fourniture d’un service et non pas, par exemple, à gérer un risque de change ou à spéculer sur le taux de change d’une devise.
58. En outre, contrairement à ce que soutiennent les époux Lantos, il ne saurait être considéré que lesdites opérations relèvent en particulier de la notion de « négociation pour compte propre », visée à la section A, point 3, de l’annexe I de la directive 2004/39.
59. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, point 6, de ladite directive, ladite notion désigne le fait de négocier, en engageant ses propres capitaux, un ou plusieurs instruments financiers en vue de conclure des transactions.
60. Or, en l’occurrence, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il n’apparaît pas que les opérations de change qu’effectue un établissement de crédit en exécution d’un contrat de prêt tel que celui en cause au principal porteraient sur la négociation d’un ou de plusieurs instruments financiers en vue de conclure des transactions.
61. En effet, de telles opérations de change ne semblent pas avoir d’autre objet que de permettre l’octroi et le remboursement du prêt.
62. En outre, il ne saurait être soutenu que les opérations effectuées dans le cadre d’un contrat de prêt tel que celui en cause au principal relèvent de la catégorie des « services auxiliaires » circonscrite à l’annexe I, section B, de la directive 2004/39.
63. À cet égard, si, conformément au point 2 de cette annexe I, section B, l’octroi d’un crédit ou d’un prêt peut constituer un service auxiliaire, tel n’est le cas que si ce crédit ou ce prêt est fourni à un investisseur pour lui permettre d’effectuer une transaction sur un ou plusieurs instruments financiers, dans laquelle intervient l’entreprise qui octroie ledit crédit ou ledit prêt. Or, il est constant que le prêt en cause au principal n’a pas pour finalité de permettre qu’une telle transaction future soit effectuée.
64. En revanche, les contrats de crédit octroyés par un établissement de crédit qui relèvent dudit point 2, dès lors qu’ils ont une telle finalité, sont exclus du champ d’application de la directive 2008/48 en vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous h), de cette directive.
65. Par ailleurs, sont mentionnés à l’annexe I, section B, point 4, de la directive 2004/39 les « [s]ervices de change lorsque ces services sont liés à la fourniture de services d’investissement ».
66. Il ressort de cette mention que des services de change ne constituent pas, en soi, des services d’investissement relevant de l’annexe I, section A, de ladite directive.
67. Or, les opérations de change en cause au principal sont liées non pas à un service d’investissement, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39, mais à une opération qui ne constitue pas elle-même un instrument financier, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 17, de cette directive.
68. En effet, compte tenu des éléments du dossier dont dispose la Cour et toujours sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, contrairement à ce que font valoir les époux Lantos, il ne semble pas que les opérations de change qu’effectue un établissement de crédit dans le cadre de l’exécution d’un contrat de prêt tel que celui en cause au principal portent sur l’un des instruments financiers visés à l’annexe I, section C, de ladite directive, dont, en particulier, le contrat à terme.
69. Selon son acception habituelle en droit financier, le contrat à terme est un type de contrat dérivé par lequel deux parties s’engagent l’une à acheter et l’autre à vendre, à une date ultérieure, un actif appelé « sous-jacent » à un prix qui est fixé lors de la conclusion du contrat.
70. Or, un contrat de prêt à la consommation tel que celui en cause au principal n’a pas pour objet la vente d’un actif financier à un prix qui est fixé lors de la conclusion du contrat.
71. En effet, d’une part, dans un contrat tel que celui en cause au principal, il ne saurait être distingué entre le contrat de prêt lui-même et une opération de vente de devises à terme dès lors que celle-ci a pour seul objet l’exécution des obligations essentielles de ce contrat, à savoir celles de paiement du capital et des échéances, étant entendu qu’une telle opération ne constitue pas elle-même un instrument financier.
72. Les clauses d’un tel contrat de prêt relatives à la conversion d’une devise constituent donc non pas un instrument financier distinct de l’opération constituant l’objet de ce contrat, mais uniquement une modalité indissociable d’exécution de celui-ci.
73 Ainsi, une affaire telle que celle en cause au principal est foncièrement différente de celle ayant donné lieu à l’arrêt Genil 48 et Comercial Hostelera de Grandes Vinos (C‑604/11, EU:C:2013:344), qui concernait un instrument financier à terme, à savoir un contrat d’échange dit « swap » visant à protéger les clients de banques contre des variations de taux d’intérêts variables auxquelles ceux-ci étaient exposés en raison de la souscription de certains produits financiers auprès de ces banques.
74. D’autre part, dans le cadre d’un contrat de prêt tel que celui en cause au principal, la valeur des devises devant être prise en compte pour le calcul des remboursements n’est pas fixée à l’avance dès lors qu’elle est déterminée sur la base du cours de vente de ces devises à la date de l’échéance de chaque mensualité.
75. Il en découle, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que les opérations de change qu’effectue un établissement de crédit dans le cadre de l’exécution d’un contrat de prêt libellé en devise tel que celui en cause au principal ne sauraient être qualifiées de services d’investissement, de sorte que cet établissement ne serait notamment pas soumis aux obligations en matière d’évaluation de l’adéquation ou du caractère approprié du service à fournir prévues à l’article 19 de la directive 2004/39.
76. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39 doit être interprété en ce sens que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, ne constituent pas un service ou une activité d’investissement au sens de cette disposition certaines opérations de change, effectuées par un établissement de crédit en vertu de clauses d’un contrat de prêt libellé en devise tel que celui en cause au principal, consistant à fixer le montant du prêt sur la base du cours d’achat de la devise applicable lors du déblocage des fonds et à déterminer les montants des mensualités sur la base du cours de vente de cette devise applicable lors du calcul de chaque mensualité.
Sur les troisième et quatrième questions
77. Compte tenu de la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième et quatrième questions.
78. En effet, ces dernières questions présupposent que les opérations de change en cause au principal puissent être qualifiées de services ou d’activités d’investissement, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39.
79. À toutes fins utiles, s’agissant de la quatrième question, il peut être rappelé que la Cour a déjà dit pour droit qu’il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les conséquences contractuelles que doit entraîner le non-respect, par une entreprise d’investissement qui propose un service d’investissement, des exigences en matière d’évaluation prévues à l’article 19, paragraphes 4 et 5, de ladite directive, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité (arrêt Genil 48 et Comercial Hostelera de Grandes Vinos, C‑604/11, EU:C:2013:344, point 58).
Sur les dépens :
80. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
L’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, ne constituent pas un service ou une activité d’investissement au sens de cette disposition certaines opérations de change, effectuées par un établissement de crédit en vertu de clauses d’un contrat de prêt libellé en devise tel que celui en cause au principal, consistant à fixer le montant du prêt sur la base du cours d’achat de la devise applicable lors du déblocage des fonds et à déterminer les montants des mensualités sur la base du cours de vente de cette devise applicable lors du calcul de chaque mensualité.