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CA ROUEN (ch. urg.), 19 janvier 2016

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (ch. urg.), 19 janvier 2016
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), ch. urg.
Demande : 15/02473
Date : 19/01/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/05/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5496

CA ROUEN (ch. urg.), 19 janvier 2016 : RG n° 15/02473 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que selon l'article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes qui ont toutes la qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ; Attendu que le juge des « référés » compétent territorialement est celui appartenant à la juridiction qualifiée pour se prononcer sur le fond ; qu'une clause attributive de juridiction étant inopposable à la partie qui saisit le juge des référés, une partie peut toujours saisir de sa demande le juge du lieu où les mesures doivent être prises ou exécutées, peu important que l'urgence soit ou non caractérisée ; Attendu qu'en l'espèce, la clause attributive de compétence territoriale inscrite dans les conditions générales d'achat invoquées par la société Bilfinger LTM ne pouvait donc recevoir application ».

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE L’URGENCE ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

ARRÊT DU 19 JANVIER 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/02473.DÉCISION DÉFÉRÉE : Ordonnance de référé du TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 6 mai 2015.

 

APPELANTE :

SARL S2M

Représentée et assistée par Maître Widad CHATRAOUI, avocat au barreau du HAVRE

 

INTIMÉE :

SAS BILFINGER LTM INDUSTRIE

Représentée et assistée par Maître Isabelle MISSOTY, avocat au barreau du HAVRE, substitué par Maître Farid KACI, avocat au barreau du HAVRE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 17 novembre 2015 sans opposition des parties devant Madame GELBARD-LE DAUPHIN, Présidente, magistrat chargé du rapport. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame GELBARD-LE DAUPHIN, Présidente, Madame ROGER-MINNE, Conseiller, Madame de SURIREY, Conseiller.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : M. CABRELLI, Greffier

DÉBATS : A l'audience publique du 17 novembre 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Janvier 2016

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, Prononcé publiquement le 19 Janvier 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame ROGER-MINNE, Conseiller, suppléant du Président et par M. CABRELLI, Greffier présent à cette audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société S2M s'est vue confier différents travaux par l'établissement de [ville G.] de la société Bilfinger LTM industrie dans le cadre d'un chantier Total.

Cette dernière a notamment passé deux commandes auprès d'elle, les 8 août 2013 (n° XX) et 19 décembre 2013 (n° YY avenant à la précédente), pour un montant total de 118.200 euros hors taxe soit 141.367,20 euros ttc. Ces commandes faisaient suite aux devis ODP n° 1261 et n° 724 avenant 1.

Le 20 février 2014, la société S2M a émis une facture de 26.700 euros portant référence de commande n° XX et « attachement n°5 et suivant avancement des travaux ».

La société S2M a fait assigner en référé la société Bilfinger LTM en paiement de cette facture.

Par ordonnance en date du 6 mai 2015, le juge des référés du tribunal de commerce de terre et de mer du Havre s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lyon, a dit que le dossier serait transmis au président de ce tribunal, a laissé les dépens à la charge de la société S2M, a laissé les dépens liquidés à la somme de 48,38 euros, à la charge de la société S2M et a laissé à l'appréciation du président du tribunal de commerce de Lyon l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a considéré que les conditions générales d'achat annexées au bon de commande et dont rien ne laisse supposer que la société S2M n'en ait pas eu connaissance, attribuant compétence exclusive au tribunal de commerce de Lyon, étaient opposables à la société Bilfinger LTM.

La société S2M a interjeté appel de cette ordonnance le 19 mai 2015.

 

Par conclusions déposées le 18 septembre 2015 et auxquelles il convient de se référer pour un complet exposé de ses moyens, elle demande à la cour de :

- Dire l'exception d'incompétence soulevée par la société Bilfinger LTM irrecevable et mal fondée,

- Réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 6 mai 2015,

- Condamner la société Bilfinger LTM à lui régler une provision de 26.700 euros hors taxe et 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Sur la compétence, elle soutient que les conditions générales d'achat ne lui sont pas opposables car elle n'en a pas eu connaissance et qu'en tout cas la clause attributive de compétence est inapplicable en référé et qu'elle est nulle comme ne respectant pas les conditions légales faute d'être très apparente.

Sur le fond, elle fait valoir que sa créance n'est pas sérieusement contestable au regard des éléments suivants :

- En signant l'attachement n° 5, la société Bilfinger LTM a reconnu que la somme était due,

- La clause figurant à l'article 7 des conditions générales d'achat, invoquée par celle-ci, ne lui est pas opposable d'une part parce qu'elle n'en a pas eu connaissance et d'autre part car elle est nulle comme créant un déséquilibre significatif entre les parties,

- Sa demande au titre de travaux supplémentaires est fondée, le surcroit de travail ayant été provoqué par le comportement de la société Bilfinger LTM.

 

Par conclusions remises le 16 octobre 2015, et auxquelles il convient de se référer pour un complet exposé de ses moyens, la société Bilfinger LTM demande à la cour de :

- Confirmer l'incompétence du tribunal de commerce du Havre,

- Rejeter la demande en référé de la société S2M pour défaut d'urgence et existence d'une contestation sérieuse,

- Très subsidiairement, rejeter sa demande comme non fondée,

- Condamner la société S2M aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la compétence, elle expose pour l'essentiel, que les deux commandes étaient accompagnées des conditions générales d'achat lesquelles portent lisiblement mention de la clause attributive de compétence au tribunal de commerce de Lyon, que cette clause est très usuelle dans les relations commerciales et qu'elle s'applique en référé sauf urgence, non caractérisée en l'espèce.

Sur le fond, elle allègue que :

- La créance de la société S2M fait l'objet d'une contestation sérieuse, les factures adressées par elle dépassant le montant des deux commandes passées sans justification,

- Cette contestation s'est exprimée à l'occasion de divers échanges de courriels et de lettres,

- La société S2M a, depuis le début du différend, refusé toute solution de règlement amiable,

- La signature de l'attachement n° 5 ne signifie pas que le paiement soit dû mais tout au plus qu'un certain nombre de fournées ont été réalisées,

- L'article 7 des conditions générales d'achat précise qu'elle est en droit de refuser le paiement si elle estime que le fait générateur de la facture n'est pas avéré ou conforme aux exigences de la commande, cette clause n'étant pas contraire aux dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce

- Les allégations techniques de la société S2M quant au nombre de soudures sont erronées et que seule une expertise technique pourrait éclairer la cour

- Il n'existe aucune urgence, la société S2M ayant attendu 10 mois pour réclamer le montant de sa facture.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

1/ Sur la compétence du tribunal de commerce de terre et de mer du Havre :

Attendu que selon l'article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes qui ont toutes la qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ;

Attendu que le juge des « référés » compétent territorialement est celui appartenant à la juridiction qualifiée pour se prononcer sur le fond ; qu'une clause attributive de juridiction étant inopposable à la partie qui saisit le juge des référés, une partie peut toujours saisir de sa demande le juge du lieu où les mesures doivent être prises ou exécutées, peu important que l'urgence soit ou non caractérisée ;

Attendu qu'en l'espèce, la clause attributive de compétence territoriale inscrite dans les conditions générales d'achat invoquées par la société Bilfinger LTM ne pouvait donc recevoir application ;

Attendu qu'en vertu des articles 42 et 46 du code de procédure civile, le demandeur avait le choix de saisir le tribunal de commerce du domicile du défendeur ou celui du lieu d'exécution du contrat ; que l'adresse de livraison mentionnée aux bons de commande est à [ville G.], commune du ressort du tribunal de commerce du Havre ; que par conséquent l'ordonnance doit être infirmée en ce qu'elle a déclaré le tribunal de commerce du Havre incompétent au profit du tribunal de commerce de Lyon ;

Attendu qu'il y a lieu de statuer sur le fond en vertu de l'article 79 alinéa 1 du code de procédure civile, la décision attaquée étant susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions ;

 

2/ Sur la demande de provision :

Attendu qu'en application de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;

Attendu que pour s'opposer au paiement la société Bilfinger LTM invoque un manquement de la société S2M à ses obligations contractuelles sur le plan technique et un défaut de communication des procès-verbaux exigibles ainsi que les courbes de chauffage et de préchauffage indispensables pour lui permettre de justifier auprès de Total de l'exécution des tâches de son sous-traitant et lui permettre de facturer les prestations correspondantes ; que pour justifier du dépassement, la société S2M fait état de son côté des propres manquements de son cocontractant dans la préparation du chantier ayant « rallongé les journées de travail » ; que la société Bilfinger LTM a contesté le dépassement du prix de commande dès le mois de mars 2014 et à plusieurs reprises ainsi qu'en témoignent les envois de courriels et de la lettre recommandée du 18 mars 2014 ; que dans ces conditions, la signature de l'attachement n° 5 par la société Bilfinger LTM, ne suffit pas à rendre incontestable la facture éditée au vu de ce document ;

Que le bienfondé de la demande en paiement suppose une analyse technique de la qualité et de la quantité de travail de chacune des parties ce qui n'entre pas dans la compétence du juge des référés, juge de l'évidence ; que par conséquent il convient de dire qu'il n'y pas lieu à référé ;

 

3/ Sur les demandes accessoires :

Attendu que la société S2M, qui perd le procès sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

Qu'elle sera également condamnée à payer à la société Bilfinger LTM la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infime l'ordonnance de référé en date du 6 mai 2015 en ce qu'elle a décliné la compétence du tribunal de commerce de terre et de mer du Havre au profit du tribunal de commerce de Lyon, a dit que le dossier serait transmis au président de ce tribunal statuant en référé et a laissé l'application de l'article 700 du code de procédure civile à son appréciation ;

La confirme en ce qu'elle a laissé les dépens de première instance à la charge de la société S2M ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Rejette l'exception d'incompétence ;

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Condamne la société S2M à payer à la société Bilfinger LTM la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société S2M aux dépens d'appel.

LE GREFFIER                    LE CONSEILLER