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CA AMIENS (1re ch. civ.), 25 février 2016

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. civ.), 25 février 2016
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. civ.
Demande : 15/02187
Date : 25/02/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/04/2015
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2016-005336
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5520

CA AMIENS (1re ch. civ.), 25 février 2016 : RG n° 15/02187

Publication : Jurica

 

Extrait : « S'il est exact que la clause litigieuse n'institue pas une procédure préalable de conciliation mais davantage une phase destinée à éclairer les parties par l'appréciation du litige faite par l'institution ordinale, elle n'en prévoit pas moins la saisine systématique en préalable à toute procédure judiciaire, sauf conservatoire, du Conseil de l'Ordre régional des architectes, et ce « pour avis », et organise ainsi, comme le fait à bon droit valoir M. X., une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont le défaut de mise en œuvre justifie la fin de non-recevoir qu'il oppose.

M. Y. soutient par ailleurs que la clause contractuelle litigieuse ne garantit pas l'interruption de la prescription en cas de recours éventuel à ses dispositions et fait dès lors obstacle au droit d'accès au Juge, d'ordre public, prévu à l'article 6 §1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, et fait entorse aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation également d'ordre public, qu'elle doit donc être annulée par le Juge du fond à l'initiative de la partie contractante. M. X. réplique que cette argumentation est vaine, compte tenu de la jurisprudence précitée.

Le moyen selon lequel la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et constitue dès lors une clause abusive ne saurait prospérer, étant notamment observé que l'initiative de mise en œuvre de la saisine du Conseil de l'Ordre appartient à chacune des parties au contrat. Conditionnant le droit d'agir de chaque contractant à l'égard de l'autre, la saisine du Conseil régional de l'Ordre des architectes ne constitue cependant pas un obstacle à l'accès au Juge, étant observé qu'elle peut être suivie immédiatement de la saisine de celui-ci.

Enfin M. Y. soutient que la clause litigieuse n'a pas vocation à s'appliquer aux procédures fondées, comme celle qu'il a engagée, sur un régime légal de responsabilité d'ordre public, plus précisément en ce qui le concerne sur la présomption de responsabilité des articles 1792 et suivants du code civil. Comme le souligne toutefois avec pertinence M. X., la clause litigieuse qui ne prévoit notamment ni limitation ni exclusion de responsabilité pour l'architecte n'apparaît en aucun cas contraire aux dispositions d'ordre public des articles 1792 et suivants du code civil. »

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/02187. Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS DU VINGT MARS DEUX MILLE QUINZE.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, Représenté par Maître W. Maître Virginie DE V., avocat au barreau D'AMIENS, Ayant pour avocat plaidant Maître N., avocat au barreau de PARIS

 

ET :

INTIMÉ :

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, Représenté par Maître K. substituant Maître Fabrice C., avocats au barreau D'AMIENS

 

DÉBATS : A l'audience publique du 13 novembre 2015, l'affaire est venue devant Mme Sylvie LIBERGE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 janvier 2016.

La Cour était assistée lors des débats de Madame Malika RABHI, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Monsieur Philippe BOIFFIN, Président, et Madame Marie-Christine LORPHELIN et Madame Sylvie LIBERGE, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 25 février 2016 et du prononcé de l'arrêt par sa mise à disposition au greffe.

Le 25 février 2016, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur Philippe BOIFFIN, Président de chambre, et Madame Malika RABHI, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Suivant contrat du 15 septembre 2011, Monsieur Y. a confié à Monsieur X., architecte DSEA, une mission de suivi de chantier du projet de construction d'une maison d'habitation sur une parcelle située à [ville V.].

Il est apparu, dans le cadre de l'exécution des travaux, que les tuiles choisies par Monsieur Y. ne correspondaient pas aux prescriptions réglementaires locales, en particulier au chapitre I - Règlement applicable à la zone UB du PLU applicable à la commune de [ville V.] de sorte que Monsieur Y. s'est vu refuser le permis de construire modificatif dont il avait sollicité l'octroi

Monsieur Y. a saisi le tribunal administratif d'un recours à l'encontre de la décision de refus qui lui avait été notifiée ; son recours n'a pas prospéré.

Saisi par Monsieur Y., le présent du tribunal de grande instance d'Amiens a ordonné le 25 juillet 2014 une expertise, au contradictoire de Monsieur X.

L'expert a déposé son rapport le 30 janvier 2015.

Faisant valoir que l'expertise avait permis de déterminer la responsabilité de Monsieur X. qui en tant qu'architecte avait fait construire une toiture ne répondant pas aux exigences réglementaires locales et dont le coût de remplacement était évalué à la somme réclamée, Monsieur Y. a, par acte d'huissier du 25 février 2015, attrait en référé Monsieur X. devant le président du tribunal de grande instance d'Amiens, auquel il a demandé de :

- condamner Monsieur X. sous astreinte à justifier de ses assurances de responsabilité civile décennale et de responsabilité professionnelle de droit commun au titre des années 2011, 2012 et 2013,

- condamner Monsieur X. à lui payer les sommes de :

* 25.000 euros au titre de la remise en état du pavillon,

* 2.000 euros au titre de la réparation du trouble de jouissance,

* 2.600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance et ceux de la précédente procédure de référé.

Par ordonnance de référé en date du 20 mars 2015, réputée contradictoire, le présent du tribunal de grande instance d'Amiens a :

- condamné Monsieur X. à justifier de ses assurances de responsabilité civile décennale et de responsabilité professionnelle de droit commun au titre des années 2011, 2012 et 2013,

- dit que cette condamnation sera assortie d'une astreinte provisoire de 75 euros par jour de retard qui commencera à courir un mois après la notification de l'ordonnance et ce pendant trois mois,

- dit que la liquidation de l'astreinte sera tranchée par la juridiction qui l'a ordonnée,

- rappelé que la charge de la preuve de la date de l'exécution de la condamnation précitée incombera à Monsieur X.,

- condamné Monsieur X. à payer à Monsieur Y. la somme provisionnelle de 24.784,03 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné Monsieur X. à payer à Monsieur Y. la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné provisoirement Monsieur X. aux dépens et à ceux de la procédure ayant conduit à la décision du 25 juillet 2014,

- rappelé que l'exécution provisoire de l'ordonnance est de droit.

Par déclaration reçue au greffe suivant la voie électronique le 29 avril 2015, Monsieur X. a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de conclusions notifiées suivant la voie électronique le 20 octobre 2015, expressément visées, il demande à la Cour, au visa des articles 122 et 809 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

- constater que Monsieur Y. n'a jamais saisi le Conseil régional de l'Ordre des Architectes, contrairement aux dispositions de l'article 13 du contrat d'architecte en date du 15 septembre 2011,

- dire et juger que cette absence de saisine constitue une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile,

en conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 20 mars 2015 du tribunal de grande instance d'Amiens,

- déclarer irrecevable Monsieur Y. en l'intégralité de ses demandes et l'en débouter,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait juger Monsieur Y. recevable en ses demandes,

- donner acte à Monsieur X. de ce qu'il a régulièrement justifié de ses assurances de responsabilité civile décennale et de responsabilité professionnelle de droit commun au titre des années 2011, 2012 et 2013,

- dire et juger que les demandes de Monsieur Y. se heurtent à une contestation sérieuse au sens de l'article 809 du code de procédure civile,

En conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 20 mars 2015 du tribunal de grande instance d'Amiens,

- débouter Monsieur Y. de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur Y. à verser la somme de 2.500 euros à Monsieur X. en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de la SCP de V. C. Herthault, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées suivant la voie électronique le 12 octobre 2015, expressément visées, Monsieur Y. sollicite de la Cour qu'elle :

- rejette la fin de non-recevoir présentée par Monsieur X.,

- rejette l'argumentation subsidiairement développée par Monsieur X.,

- confirme l'ordonnance du 20 mars 2015,

- le déboute en conséquence de l'intégralité de ses demandes,

- le condamne à régler à Monsieur Y. une indemnité de procédure d'un montant de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamne aux dépens dont distraction au profit de la SCP C., de L., O., L. au titre des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'audience du 13 novembre 2015, avant les plaidoiries des conseils des parties.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la fin de non-recevoir :

Comme le rappelle exactement M. X., le paragraphe 13 du contrat d'architecte (page 7) intitulé « LITIGES » est rédigé en ces termes :

« En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil régional de l'Ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. Cette saisie intervient à l'initiative de la partie la plus diligente. »

Il est constant que le Conseil régional de l'Ordre des architectes dont dépend M. X. n'a pas été saisi préalablement à la mise en œuvre de la procédure de référé initiée à l'encontre de celui-ci.

M. X. soutient que les parties ont convenu d'une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, qu'au mépris de cette clause constituant une fin de non-recevoir M. Y. n'a pas saisi le Conseil régional de l'Ordre des architectes préalablement à l'instance en référé, qu'il est donc irrecevable en ses demandes en application des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile.

M. Y. objecte que la fin de non-recevoir opposée par le maître d'œuvre doit être écartée, au motif qu'il ne saurait y avoir lieu à référé au titre de l'application d'une clause contractuelle largement controversée et inopposable à bon nombre de dispositions d'ordre public.

La lecture de la clause litigieuse sus-rappelée révèle que M. Y. est mal fondé à prétendre que celle-ci ne serait pas nette et précise et nécessiterait un examen approfondi contradictoire par le juge du fond. En effet son libellé « les parties conviennent de saisir...avant toute procédure judiciaire.. » met en évidence que la saisine préalable de l'Ordre régional des architectes ne constitue pas une faculté dont les parties pourraient choisir de ne pas user mais s'impose à elles. Son champ d'application est par ailleurs défini sans ambiguïté, seules les procédures judiciaires conservatoires en étant exclues. C'est vainement que M. Y. prétend que les procédures de référé, non définitives, sont « par essence des procédures de type conservatoire ». Comme le fait justement valoir M. X., la demande présentée en référé aux fins de paiement d'une provision ne relève pas des procédures de type conservatoire, étant d'ailleurs observé que les mesures conservatoires ou de remise en état que peut ordonner le juge des référés sont prévues à l'alinéa 1er de l'article 809 du code de procédure civile, et l'octroi d'une provision au créancier de l'obligation à l'alinéa 2 du même article.

Pour contester l'application à l'espèce de la jurisprudence dont se prévaut M. X. (arrêt de la Chambre Mixte de la Cour de Cassation rendu le 12 décembre 2014), M. Y. affirme que la clause invoquée par l'appelant ne constitue pas une clause de conciliation.

S'il est exact que la clause litigieuse n'institue pas une procédure préalable de conciliation mais davantage une phase destinée à éclairer les parties par l'appréciation du litige faite par l'institution ordinale, elle n'en prévoit pas moins la saisine systématique en préalable à toute procédure judiciaire, sauf conservatoire, du Conseil de l'Ordre régional des architectes, et ce « pour avis », et organise ainsi, comme le fait à bon droit valoir M. X., une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont le défaut de mise en œuvre justifie la fin de non-recevoir qu'il oppose.

M. Y. soutient par ailleurs que la clause contractuelle litigieuse ne garantit pas l'interruption de la prescription en cas de recours éventuel à ses dispositions et fait dès lors obstacle au droit d'accès au Juge, d'ordre public, prévu à l'article 6 §1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, et fait entorse aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation également d'ordre public, qu'elle doit donc être annulée par le Juge du fond à l'initiative de la partie contractante.

M. X. réplique que cette argumentation est vaine, compte tenu de la jurisprudence précitée.

Le moyen selon lequel la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et constitue dès lors une clause abusive ne saurait prospérer, étant notamment observé que l'initiative de mise en œuvre de la saisine du Conseil de l'Ordre appartient à chacune des parties au contrat.

Conditionnant le droit d'agir de chaque contractant à l'égard de l'autre, la saisine du Conseil régional de l'Ordre des architectes ne constitue cependant pas un obstacle à l'accès au Juge, étant observé qu'elle peut être suivie immédiatement de la saisine de celui-ci.

Enfin M. Y. soutient que la clause litigieuse n'a pas vocation à s'appliquer aux procédures fondées, comme celle qu'il a engagée, sur un régime légal de responsabilité d'ordre public, plus précisément en ce qui le concerne sur la présomption de responsabilité des articles 1792 et suivants du code civil.

Comme le souligne toutefois avec pertinence M. X., la clause litigieuse qui ne prévoit notamment ni limitation ni exclusion de responsabilité pour l'architecte n'apparaît en aucun cas contraire aux dispositions d'ordre public des articles 1792 et suivants du code civil.

Conformément aux dispositions de l'article 122 du code de procédure civile et de la clause insérée au paragraphe 13 du contrat d'architecte en date du 15 septembre 2011 dont l'application n'est pas sérieusement contestée, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir soulevée par M. X. et de déclarer en conséquence M. Y., dépourvu de droit d'agir, irrecevable en ses demandes dirigées à l'encontre de M. X.

 

Sur les frais et dépens :

Succombant en ses prétentions, M. Y. sera condamné aux dépens de première instance et débouté de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles, l'ordonnance déférée étant infirmée de ces chefs, et condamné aux dépens d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X. la totalité des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits ; une somme de 1.000 euros lui sera donc allouée à ce titre, M. Y. étant par ailleurs débouté de sa demande de même nature.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant après débats publics, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 20 mars 2015 par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Amiens.

Statuant à nouveau,

Déclare M. Y. irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de M. X.

Condamne M. Y. à payer à M. X. la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. Y. de ses demandes d'indemnité pour frais irrépétibles.

Condamne M. Y. aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP de V., C., H., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT