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CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 4 décembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 4 décembre 2015
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 2e ch. civ. sect. A
Demande : 14/01776
Décision : 737/2015
Date : 4/12/2015
Mode de publication : Legifrance
Date de la demande : 3/04/2014
Numéro de la décision : 732
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5528

CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 4 décembre 2015 : RG n° 14/01776 ; arrêt n° 737/2015

Publication : Jurica

 

Extrait : « L’avenant au contrat d’assurance signé le 11 mars 2003 par l’épouse du souscripteur comporte la clause suivante : « Le souscripteur reconnaît avoir reçu le jour de la souscription un exemplaire des conditions générales réf. 16. 07. 03-04/ 12 ainsi que l’(es) annexe (s) réf. 16. 07. 02/ 2/ 3-04/ 2002. »

Contrairement à ce qu’a estimé le premier juge, cette clause ne peut être considérée comme abusive. Destinée à permettre à l’assureur de prouver qu’il s’est acquitté de son obligation d’information à l’égard de l’assuré en portant à sa connaissance les conditions générales du contrat d’assurance, elle est d’un usage courant et validée par l’article R. 112-3 du code des assurances, lequel dispose que la remise des documents visés au deuxième alinéa de l’article L. 112-2 du même code (la notice d’information) est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui-ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur nature et la date de leur remise. La clause est donc valable, mais reste à déterminer sa portée en l’espèce.

En premier lieu doit être relevé le caractère équivoque de la clause précitée, en ce qu’elle vise l’exemplaire des conditions générales reçues « le jour de la souscription », cette expression pouvant aussi bien signifier la date de la souscription initiale du contrat que celle de l’avenant. Il n’est pas impossible qu’en signant cette clause, Mme X. ait reconnu avoir été mise en possession des conditions générales d’origine, et non de celles, modifiées, en vigueur à la date de l’avenant. En second lieu, la clause litigieuse n’institue qu’une présomption simple, destinée à établir le fait que l’assuré a pris connaissance des conditions générales du contrat et qu’il les a approuvées. Cette présomption peut donc être combattue par la preuve contraire.

Or, plusieurs indices apportent en l’espèce cette preuve contraire. Tout d’abord, l’agent de recherche commis par la société ACM IARD pour enquêter sur les circonstances du sinistre atteste que les conditions générales du contrat qui lui ont été remises par M. X. étaient celles du contrat initial. Ensuite, il est constant que l’avenant du 11 mars 2003 a été conclu à l’initiative de l’assuré, et non de l’assureur. Son objet était d’améliorer la garantie, en supprimant les franchises responsabilité civile et dommages aux biens, seuls points sur lequel les conditions particulières de l’avenant diffèrent de celles du contrat initial. Dans ces conditions, il est exclu que l’assuré ait pu accepter sciemment une réduction du plafond de garantie. Enfin, le courrier qui a été adressé par la société ACM IARD à M. X. pour l’informer des modifications du contrat précise les garanties accordées sans aucune mention d’une réduction du plafond de garantie.

En considération du caractère équivoque de la clause litigieuse et des éléments de preuve en sens contraire, il convient de considérer que cette clause est insuffisante à établir que l’assureur a porté à la connaissance de l’assuré la réduction du plafond de garantie et, par conséquent, que cette réduction a été acceptée par l’assuré. La réduction du plafond de garantie est donc inopposable à l’assuré et aux tiers au contrat d’assurance exerçant l’action directe.

Par ces motifs qu’il convient de substituer à ceux du premier juge, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a écarté le plafond de garantie prévu par les nouvelles conditions générales du contrat d’assurance. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 4 DÉCEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2 A 14/ 01776. Arrêt n° 737/2015. Décision déférée à la Cour : jugement du 21 janvier 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE.

 

APPELANTE et défenderesse :

La SA ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL (ACM) IARD

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [adresse], représentée par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK & HEICHELBECH, avocats à COLMAR, plaidant : Maître FLEURY-REBERT, avocat à STRASBOURG

 

INTIMÉES et demanderesses :

1 - La Compagnie d’assurances CAISSE INTERCOMMUNALE D’ASSURANCES DES DÉPARTEMENTS DE L’EST (CIADE)

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [adresse]

2 - La COMMUNE DE STAFFELFELDEN

représentée par son Maire, ayant son siège social [adresse], représentées par Maîtres ROSENBLIEH, WELSCHINGER & WIESEL, avocats à COLMAR, plaidant : Maître WAHL, avocat à MULHOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 16 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Bernard POLLET, Président, Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller, Madame Pascale BLIND, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie NEFF

ARRÊT : Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 21 août 1997, M. X. a conclu auprès de la société ACM IARD un contrat d’assurance « tous risques habitation » couvrant notamment la responsabilité civile de ses enfants mineurs.

Le 11 mars 2003, l’épouse de M. X., Mme E. Y., a signé un avenant à ce contrat, soumis à de nouvelles conditions générales, celles-ci ayant été modifié depuis la souscription du contrat.

Le 30 mai 2003, A. X., enfant mineur des époux X., a causé un incendie qui a détruit un gymnase appartenant à la commune de Staffelfelden.

Par jugement du tribunal pour enfants de Colmar en date du 21 mars 2005, confirmé par arrêt de la présente cour d’appel en date du 6 juin 2006, A. X. a été condamné, in solidum avec ses parents civilement responsables, à payer à la commune de Staffelfelden la somme de 538.521 euros en réparation de son préjudice matériel, celle de 6.000 euros au titre du trouble de jouissance et celle de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Caisse intercommunale d’assurance des départements de l’est (CIADE), assureur de la commune de Staffelfelden, a indemnisé celle-ci à hauteur de la somme de 524.234,40 euros, dont elle a réclamé le remboursement à la société ACM IARD.

Se prévalant d’un plafond de garantie prévu dans les conditions générales du contrat d’assurance en vigueur lors de la signature de l’avenant du 11 mars 2003, la société ACM IARD a versé à la CIADE la somme de 300.000 euros et refusé de s’acquitter du surplus.

Les époux X. ayant engagé une action contre la société ACM IARD pour que celle-ci les garantisse de la totalité des dommages, au-delà du plafond de 300.000 euros, leur action a été déclarée prescrite par jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 6 novembre 2009, confirmé par arrêt de la présente cour d’appel du 8 février 2013. Ces décisions ont été rendues en présence de la CIADE et la commune de Staffelfelden, appelées en déclaration de jugement commun.

Par acte d’huissier en date du 27 avril 2010, la CIADE et la commune de Staffelfelden ont fait assigner la société ACM IARD en paiement des sommes dues au titre de l’indemnisation du sinistre, en sus du plafond de 300.000 euros.

Par jugement en date du 21 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Mulhouse a, notamment,

- rejeté la demande de production de pièces de la société ACM IARD,

- déclaré l’action de la commune de Staffelfelden et de la CIADE à l’égard de la société ACM IARD recevable,

- déclaré la clause de « reçu » figurant sur l’avenant du 11 mars 2003 non écrite,

- condamné la société ACM IARD à payer à la CIADE la somme de 216.952,38 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société ACM IARD à payer à la commune de Staffelfelden la somme de 21.765 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement.

Le tribunal a retenu, s’agissant de la recevabilité de l’action de la société ACM IARD, qu’il ne s’agissait pas d’une action oblique, mais d’une action directe, non subordonnée à la justification de l’insolvabilité des époux X., non prescrite et ne se heurtant pas à l’autorité de chose jugée des décisions intervenues dans l’instance ayant opposé les époux X. à la société ACM IARD.

Sur le fond, le tribunal a considéré que la CIADE et la commune de Staffelfelden étaient recevables à contester le plafond de garantie opposé par la société ACM IARD, que l’avenant du 11 mars 2003 était nul, par application de l’article 215 du code civil, pour avoir été signé par un seul des époux, mais que l’action en nullité était prescrite, et que la clause de l’avenant, aux termes de laquelle le souscripteur avait reconnu avoir reçu un exemplaire des conditions générales, présentait un caractère abusif et devait être déclarée non écrite. Ayant écarté cette clause, le tribunal a retenu que devaient recevoir application des conditions générales du contrat d’assurance en vigueur à la date de souscription du contrat, et non celles en vigueur à la date de l’avenant, la réduction du plafond de garantie résultant des nouvelles conditions générales étant dès lors inopposable à la CIADE et la commune de Staffelfelden.

* * *

La société ACM IARD a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 3 avril 2014.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et,

à titre principal, de déclarer les demandes de la CIADE et la commune de Staffelfelden irrecevables

- comme se heurtant à l’autorité de chose jugée, au principe de concentration des moyens et à l’estoppel, au regard des décisions rendues dans l’instance, ayant le même objet, qui avait été introduite par les époux X. contre la société ACM IARD, et à laquelle la CIADE et la commune de Staffelfelden étaient parties,

- comme procédant d’une action oblique, dont les conditions ne sont pas remplies,

- comme se heurtant au plafond contractuel de garantie,

- comme prescrites.

à titre subsidiaire, au fond, de déclarer valable et opposable la clause de l’avenant du 11 mars 2003 au contrat d’assurance, selon laquelle le souscripteur a reconnu avoir reçu les nouvelles conditions générales du contrat, et, en conséquence, de

rejeter les demandes de la CIADE et de la commune de Staffelfelden, en faisant application du plafond de garantie résultant de ces conditions générales,

à titre infiniment subsidiaire, d’ordonner avant dire droit la production par la CIADE et la commune de Staffelfelden

- des pièces justificatives des travaux de reconstruction du gymnase entrepris par la commune de Staffelfelden et de leur coût, des justificatifs comptables du financement de l’opération, dont les remboursements du FCTVA et les subventions perçues par ailleurs,

- des décomptes des sommes versées à l’huissier mandaté par les intimées par les époux X., par leur fils G. et par M. Z., ce dernier ayant été déclaré co-responsable du sinistre,

en toutes hypothèses, de condamner la CIADE et la commune de Staffelfelden au paiement d’une somme de 12.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

* * *

La CIADE et la commune de Staffelfelden concluent à la confirmation du jugement déféré et sollicitent une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Par conclusions du 14 septembre 2015, la CIADE et la commune de Staffelfelden ont demandé que soient écartées des débats, pour avoir été communiquées trois jours seulement avant la date prévue pour la clôture de l’instruction, les conclusions de la société ACM IARD du 28 août 2015.

Par conclusions du 14 et du 30 septembre 2015, la société ACM IARD s’est opposée à la demande des intimées tendant à ce que ses conclusions au fond du 28 août 2015 soient écartées des débats, au motif que la clôture de l’instruction, prévue le 1er septembre 2015, a été reportée au 15 septembre 2015.

L’instruction de l’affaire a été clôturée par ordonnance en date du 15 septembre 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la recevabilité des dernières conclusions de l’appelante :

La clôture de l’instruction de l’affaire, qui devait être prononcée le 1er septembre 2015, ayant été reportée et étant intervenue le 15 septembre 2015, les intimées ont bénéficié d’un délai suffisant pour prendre connaissances des conclusions de l’appelante du 28 août 2015 et, si nécessaire, y répondre. Il n’y a donc pas lieu d’écarter des débats ces conclusions.

En conséquence, la cour s’y réfère pour l’exposé complet des prétentions et moyens de l’appelante, de même que, pour les intimées, elle se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises à la cour par voie électronique le 11 mai 2015.

 

Sur la recevabilité de l’action des intimées :

L’action exercée par la CIADE et par la commune de Staffelfelden n’est pas une action oblique au sens de l’article 1166 du code civil, mais une action directe fondée sur les dispositions de l’article L. 124-3 du code des assurances, en vertu desquelles le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Il n’y a donc pas lieu d’examiner si les conditions de recevabilité de l’action oblique sont réunies.

La question du plafond de garantie ne se pose pas au stade la recevabilité de l’action, mais de son bien-fondé. Elle doit être examinée après les fins de non-recevoir tirées de l’autorité de chose jugée et de la prescription.

 

L’autorité de chose jugée

S’agissant de l’autorité de chose jugée du jugement du 6 novembre 2009 et de l’arrêt du 8 février 2013, il y a bien identité d’objet entre la présente instance et celle qui avait été introduite contre la société ACM IARD par les époux X. En effet, dans les deux cas, il s’agit de faire juger que la société ACM IARD doit indemniser intégralement la victime du sinistre, sans pouvoir opposer le plafond de garantie de 300.000 euros. Il y a également identité de parties entre les deux instances, puisque la CIADE et la commune de Staffelfelden, ayant été appelées en déclaration de jugement commun lors de la première instance, étaient parties à celle-ci.

Mais la CIADE et la commune de Staffelfelden ne figuraient pas dans la première instance en la même qualité que dans la présente instance. En effet, elles avaient été appelés à l’instance introduite par les époux X. uniquement afin que le jugement leur soit rendu commun, conformément à l’article 331, alinéa 2, du code de procédure civile, alors que, dans la présente instance, elles sont demanderesses. Or, l’article 1351 du code civil dispose que, pour qu’il y ait autorité de chose jugée, il faut que « la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

Il s’ensuit que la CIADE et la commune de Staffelfelden n’avaient pas à prendre parti sur le fond du litige-ce qu’elles n’ont d’ailleurs pas fait-dans le cadre de la première instance, et que le principe de concentration des moyens ne peut donc leur être opposé.

Par ailleurs, n’ayant pas conclu au fond dans la première instance, il ne peut leur être reproché de s’être contredites au détriment de la société ACM IARD.

L’action des intimées est donc recevable au regard de l’autorité de la chose jugée, du principe de concentration des moyens et du principe de l’estoppel. Le jugement déféré doit être confirmé sur ce point.

 

La prescription

L’action directe de la victime contre l’assureur du responsable se prescrit par le même délai que l’action principale contre l’assuré responsable et peut encore être exercée au-delà du délai initial tant que l’assureur reste soumis au recours de son assuré.

En l’espèce, le délai de prescription de l’action de la commune de Staffelfelden, victime du sinistre, contre le mineur A. X., responsable de celui-ci, et contre ses parents, a commencé à courir le 30 mai 2003, jour de la réalisation du dommage, pour une durée de dix ans, conformément à l’article 2270-1, ancien, du code civil, applicable aux actions en responsabilité civile extra-contractuelle. Ce délai a été réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription (article 2224, nouveau, du code civil), à compter de l’entrée en vigueur de la dit loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il s’ensuit que la prescription de l’action des intimées ne pouvait être acquise, au plus tôt, que le 30 mai 2013, et que l’action, introduite le 27 avril 2010, n’est pas prescrite.

Sur ce point, le jugement déféré doit être confirmé.

 

Sur le bien-fondé de l’action des intimées :

Les conditions générales d’origine du contrat d’assurance souscrit par M. X. le 21 août 1997 prévoyaient un plafond de garantie égal à 20.000 l’indice fixé dans les conditions particulières à 541,50, soit 20.000 x 541,50 = 10.830.000 francs (1.650.914 euros).

Dans les conditions générales en vigueur lors de l’avenant du 30 mai 2003, le plafond de garantie a été réduit à 300.000 euros pour les « dommages matériels et immatériels suite à un incendie, une explosion ou un vandalisme causés par vos enfants mineurs ».

A bon droit le premier juge a relevé que, si la société ACM IARD peut, en vertu de l’article L. 112-6 du code des assurances, opposer à la CIADE et la commune de Staffelfelden les exceptions opposables au souscripteur de la police d’assurance, notamment le plafond contractuel de garantie, les intimées sont recevables à contester ces exceptions.

Les contestations élevées par les intimées pour s’opposer à l’application du nouveau plafond de garantie portent sur la validité de l’avenant et sur l’opposabilité des nouvelles conditions générales.

 

La validité de l’avenant du 30 mai 2003

A supposer que les dispositions de l’article 215 du code civil soient applicables à la signature d’un simple avenant au contrat d’assurance qui garantit les dommages à la résidence de la famille, le premier juge, par des motifs que la cour adopte, a relevé que l’action en nullité fondée sur le fait que l’avenant n’a été signé que par l’un des deux époux est prescrite, le délai d’un an pour l’exercer, qui avait commencé à courir à la date où l’époux non signataire a eu connaissance de l’acte, étant expiré lors de l’introduction de la présente instance, en date du 27 avril 2010.

Il sera ajouté que la nullité prévue par l’article 215 du code civil est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par l’époux non signataire de l’acte, la CIADE et la commune de Staffelfelden n’ayant donc pas qualité pour s’en prévaloir.

 

L’opposabilité des nouvelles conditions générales du contrat d’assurance

L’avenant au contrat d’assurance signé le 11 mars 2003 par l’épouse du souscripteur comporte la clause suivante :

« Le souscripteur reconnaît avoir reçu le jour de la souscription un exemplaire des conditions générales réf. 16. 07. 03-04/ 12 ainsi que l’(es) annexe (s) réf. 16. 07. 02/ 2/ 3-04/ 2002. »

Contrairement à ce qu’a estimé le premier juge, cette clause ne peut être considérée comme abusive. Destinée à permettre à l’assureur de prouver qu’il s’est acquitté de son obligation d’information à l’égard de l’assuré en portant à sa connaissance les conditions générales du contrat d’assurance, elle est d’un usage courant et validée par l’article R. 112-3 du code des assurances, lequel dispose que la remise des documents visés au deuxième alinéa de l’article L. 112-2 du même code (la notice d’information) est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui-ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur nature et la date de leur remise.

La clause est donc valable, mais reste à déterminer sa portée en l’espèce.

En premier lieu doit être relevé le caractère équivoque de la clause précitée, en ce qu’elle vise l’exemplaire des conditions générales reçues « le jour de la souscription », cette expression pouvant aussi bien signifier la date de la souscription initiale du contrat que celle de l’avenant. Il n’est pas impossible qu’en signant cette clause, Mme X. ait reconnu avoir été mise en possession des conditions générales d’origine, et non de celles, modifiées, en vigueur à la date de l’avenant.

En second lieu, la clause litigieuse n’institue qu’une présomption simple, destinée à établir le fait que l’assuré a pris connaissance des conditions générales du contrat et qu’il les a approuvées. Cette présomption peut donc être combattue par la preuve contraire.

Or, plusieurs indices apportent en l’espèce cette preuve contraire.

Tout d’abord, l’agent de recherche commis par la société ACM IARD pour enquêter sur les circonstances du sinistre atteste que les conditions générales du contrat qui lui ont été remises par M. X. étaient celles du contrat initial.

Ensuite, il est constant que l’avenant du 11 mars 2003 a été conclu à l’initiative de l’assuré, et non de l’assureur. Son objet était d’améliorer la garantie, en supprimant les franchises responsabilité civile et dommages aux biens, seuls points sur lequel les conditions particulières de l’avenant diffèrent de celles du contrat initial. Dans ces conditions, il est exclu que l’assuré ait pu accepter sciemment une réduction du plafond de garantie.

Enfin, le courrier qui a été adressé par la société ACM IARD à M. X. pour l’informer des modifications du contrat précise les garanties accordées sans aucune mention d’une réduction du plafond de garantie.

En considération du caractère équivoque de la clause litigieuse et des éléments de preuve en sens contraire, il convient de considérer que cette clause est insuffisante à établir que l’assureur a porté à la connaissance de l’assuré la réduction du plafond de garantie et, par conséquent, que cette réduction a été acceptée par l’assuré. La réduction du plafond de garantie est donc inopposable à l’assuré et aux tiers au contrat d’assurance exerçant l’action directe.

Par ces motifs qu’il convient de substituer à ceux du premier juge, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a écarté le plafond de garantie prévu par les nouvelles conditions générales du contrat d’assurance.

 

Sur la demande de production de pièces :

L’indemnisation de la victime du sinistre n’est pas subordonnée à la reconstruction du gymnase détruit par l’incendie, la victime étant libre d’utiliser comme elle l’entend les indemnités allouées en réparation de son préjudice.

La commune de Staffelfelden justifie avoir perçu, de la part des époux X. et de M. Z., co-auteur de l’incendie volontaire avec le mineur A. X., les sommes de 5.210 euros et 2.072,02 euros.

Au vu de ces éléments, la production des pièces sollicitées par l’appelante n’apparaît pas utile, la cour étant en mesure de chiffrer le montant des sommes que la CIADE et la commune de Staffelfelden sont fondées à recouvrer, soit

- pour la commune de Staffelfelden : 545.521 euros, montant alloué par l’arrêt du 6 juin 2006 (y compris l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile), sous déduction de la somme de 523.756 euros versée par la CIADE, d’où un solde de 21.765 euros,

- pour la CIADE : 523.756 euros, somme versée à la commune de Staffelfelden, et 478, 40 euros versés à Socotec, sous déduction de la somme de 300.000 euros versée par la société ACM IARD et des sommes de 5.210 euros et 2.072,02 euros versées par les époux X. et par M. Z., soit un solde de 216.952,38 euros.

Le jugement déféré, qui a condamné la société ACM IARD au paiement de ces sommes, sera donc intégralement confirmé.

 

Sur les frais et dépens :

L’appelante, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 2.500 euros à chaque partie intimée, au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la demande de l’appelante tendant à être indemnisée de ses propres frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,

REJETTE la demande des intimées tendant à ce que soient écartées des débats les dernières conclusions de l’appelante en date du 28 août 2015 ;

CONFIRME le jugement rendu le 21 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Mulhouse, sauf en ce qu’il a déclaré la clause de « reçu » non écrite ;

Statuant à nouveau sur ce point,

DÉCLARE la dite clause valable, mais insuffisante pour rapporter la preuve de ce que, lors de la signature de l’avenant en date du 11 mars 2003 ayant modifié le contrat d’assurance souscrit auprès de la société ACM IARD, l’assuré ait été informé de la réduction du plafond de garantie  ;

DÉCLARE en conséquence la réduction du plafond de garantie inopposable à la CIADE et à la commune de Staffelfelden ;

Ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE la société ACM IARD à payer, au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel,

- la somme de 2.500 € (deux mille cinq cents euros) à la CIADE,

- la somme de 2.500 € (deux mille cinq cents euros) à la commune de Staffelfelden ;

REJETTE la demande de la société ACM IARD formée en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société ACM IARD aux dépens d’appel.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE