CA GRENOBLE (ch. com.), 3 mars 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5537
CA GRENOBLE (ch. com.), 3 mars 2016 : RG n° 15/05050
Publication : Jurica
Extrait : « Il résulte des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce qui sont d'ordre public, que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer au second degré sur les appels formés contre les décisions de premiers juges, qu'il s'agisse de décisions statuant au fond du litige ou bien de décisions statuant sur la compétence, dès lors que litige vise l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce. La juridiction saisie, autre que celle désignée par ces règles, doit relever son défaut de pouvoir, au besoin d'office, en invoquant une fin de non-recevoir en application de l'article 125 du code de procédure civile, sous réserve de recevoir les parties en leurs explications dans le respect du principe de la contradiction.
En l'espèce, s'il apparaît que le litige applique les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce susvisés, la cour d'appel de Paris aurait seule pouvoir de statuer. Pour provoquer les conclusions des parties sur ce point, il convient d'ordonner la réouverture des débats. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 3 MARS 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/05050. Sur contredit formé le 18 novembre 2015 à l'encontre d'une décision (R.G. n° 2014J102) rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE en date du 22 octobre 2015.
ENTRE :
SARL GARDET FRERES,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Sophie MERINO de la SELARL COLBERT, avocat au barreau de LYON
ET :
SAS SEVEA,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître MULLER de la SELARL cabinet ZENOU AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Dominique ROLIN, Président de Chambre, Mme Fabienne PAGES, Conseiller, Madame Anne-Marie ESPARBÈS, Conseiller,
Assistés lors des débats de Magalie COSNARD, Greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 3 février 2016, Madame ESPARBÈS, conseiller, a été entendue en son rapport, Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience publique de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
La société SEVEA SAS, centrale de référencement dans le secteur des plantes, a saisi le tribunal de commerce de Vienne par acte du 7 avril 2014, pour obtenir la condamnation de la société GARDET FRERES SARL, avec laquelle elle a conclu un contrat permettant à celle-ci l'accès à un marché de commercialisation constitué de réseaux de distribution adhérents à la centrale, au paiement de la somme de 27.565,12 euros pour factures impayées, outre intérêts, dommages-intérêts et indemnité de procédure.
La société GARDET FRERES a conclu, in limine litis, au visa des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, à l'inapplication au litige de la clause attributive de compétence désignant le tribunal de Vienne et à la compétence du tribunal de commerce de Lyon.
La société SEVEA a rétorqué que l'article L. 442-6 est inapplicable au litige à défaut d'existence d'un déséquilibre significatif dans le contrat et que la clause attributive de juridiction, valable entre les parties, prévaut sur les dispositions de l'article D. 442-3.
Par jugement du 22 octobre 2015, le tribunal de commerce de Vienne a dit recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société GARDET FRERES, s'est déclaré compétent et a renvoyé les parties à l'audience du 11 février 2016 en les invitant à conclure sur le fond.
Le 18 novembre 2015, la société GARDET FRERES a déclaré, auprès du greffe du tribunal de commerce de Vienne, faire contredit de compétence à l'encontre du jugement remis le 5 novembre 2015 après exercice du droit de rétention du greffe, disant que le délai pour former contredit n'était pas expiré malgré la date du jugement.
Le dossier a été adressé à la présente cour par le greffe du tribunal de commerce de Vienne. Il a été inscrit dans le circuit court de l'article 905 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions, au visa des articles 80 et suivants, 96, 73 à 76 du code de procédure civile ainsi que L. 442-6 du code de commerce, la société GARDET FRERES a demandé à la cour :
- de constater que le tribunal de commerce de Vienne a exercé son droit de rétention, à raison du défaut de paiement par SEVEA des frais de greffe, et a retenu le jugement du 22 octobre 2015 jusqu'au 5 novembre 2015, date à laquelle le greffier atteste avoir procédé à la notification du jugement,
- de la déclarer recevable et bien fondée en son contredit de compétence, déposé le 18 novembre 2015, soit dans le délai de quinzaine décompté du 5 novembre, et, y faisant droit :
- de constater que les dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6 du code de commerce sont valablement invoquées par elle comme moyen de défense et de dire que la juridiction compétente pour connaître de la demande de SEVEA est le tribunal de commerce de Lyon,
- de dire incompétent le tribunal de commerce de Vienne, désigné par une clause attributive inapplicable,
- en conséquence, de renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Lyon, seul désigné par l'article D. 442-3 du code de commerce,
- de condamner SEVEA à lui rembourser les frais du contredit,
outre paiement d'une indemnité de 3.000 euros fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, et charge des entiers dépens de l'instance.
Par ses dernières conclusions, la société SEVEA a sollicité :
- de déclarer irrecevable comme tardif le contredit formé par la société GARDET FRERES le 18 novembre 2015, en application de l'article 82 du code de procédure civile imposant un délai de quinzaine depuis le prononcé du jugement, dès lors que le contredit devait être formé au plus tard le 6 novembre 2015, aucune disposition ne fixant comme point de départ du délai le paiement des frais de greffe par la partie demanderesse et que le jugement mentionne lui-même expressément que la copie exécutoire a été remise aux parties le 22 octobre 2015,
à titre subsidiaire, si la cour disait recevable le contredit :
- de le déclarer infondé et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, la clause attributive de compétence visée au contrat étant valable, et de plus, la cour de Paris, qui est seule compétente pour connaître en seconde instance du contentieux relatif à l'applicabilité des articles L. 442-6 et D. 442-3 - qui n'est pas d'ordre public - du code de commerce, consacre la prévalence des clauses contractuelles attributives de juridiction,
- de condamner la société GARDET FRERES à lui payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- et celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ainsi que les entiers dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il résulte des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce qui sont d'ordre public, que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer au second degré sur les appels formés contre les décisions de premiers juges, qu'il s'agisse de décisions statuant au fond du litige ou bien de décisions statuant sur la compétence, dès lors que litige vise l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce.
La juridiction saisie, autre que celle désignée par ces règles, doit relever son défaut de pouvoir, au besoin d'office, en invoquant une fin de non-recevoir en application de l'article 125 du code de procédure civile, sous réserve de recevoir les parties en leurs explications dans le respect du principe de la contradiction.
En l'espèce, s'il apparaît que le litige applique les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce susvisés, la cour d'appel de Paris aurait seule pouvoir de statuer.
Pour provoquer les conclusions des parties sur ce point, il convient d'ordonner la réouverture des débats.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Ordonne la réouverture des débats à l'audience du :
Mercredi 6 avril 2016 à 14h00 (salle 14),
date pour laquelle, sans autre renvoi, et sans autre convocation que la notification du présent arrêt, les parties concluront sur le point de l'absence de pouvoir de la présente cour à juger en appel de la décision du tribunal de commerce de Vienne du 22 octobre 2015, et du nécessaire renvoi de la cour d'appel de Paris par le greffe de la décision attaquée,
Réserve les demandes et les dépens.
SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame COSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président