CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 11 mai 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5620
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 11 mai 2016 : RG n° 13/23968
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Considérant que l'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ;
Considérant qu'en l'espèce, « avant d'examiner le fond des moyens développés par les parties », les premiers juges ont estimé « nécessaire de statuer sur la recevabilité des demandes de ASR, au regard du type même des moyens allégués, à savoir le cumul de la responsabilité contractuelle et délictuelle » ; qu'ils ont alors considéré « comme recevables que les moyens et arguments invoquées par les parties au regard de la responsabilité contractuelle alléguée par ASR » et « irrecevables tous les moyens développés par ASR au regard de la responsabilité délictuelle qu'elle invoque notamment au titre de l'article L. 442-6-1-5° du code du commerce » ;
Considérant qu'il n'est pas discuté que le moyen tiré du principe du non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle n'a pas été soulevé par la société GMF et que les parties n'ont pas été invitées à présenter leurs observations sur ce moyen soulevé d'office par les premiers juges en violation du principe du contradictoire ; qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler le jugement déféré et par application des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, de statuer sur l'entier litige ».
2/ « Considérant qu'il résulte de ces textes que le préavis de deux années, prévu par le règlement d'exemption automobile, n'écarte donc pas la nécessité, prévue à l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, d'accorder un préavis suffisant au partenaire qui subit une résiliation de concession ; qu'il y a donc lieu d'apprécier si le préavis de 25 mois accordé par la société GMF à son concessionnaire a été suffisant pour lui permettre de se reconvertir ; Considérant qu'il ressort de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce que la brutalité de la rupture résulte notamment de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures ; que l'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé, du secteur concerné, de l'état de dépendance de la victime, des dépenses non récupérables engagées par elle et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire ; Considérant que si les parties ne contestent pas l'existence de relations établies entre elles, elles s'opposent sur leur point de départ et la longueur du préavis raisonnable ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 11 MAI 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/23968 (8 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 décembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 13/007521.
APPELANTE :
Société NOUVELLE D'EXPLOITATION AUTO SERVICE RÉPARATION
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Bruno R. de la SCP R. - B. - M., avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, Ayant pour avocat plaidant Maître Christian B. de la SCP B. M. G. B. & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166
INTIMÉE :
SAS GENERAL MOTORS FRANCE
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Frédéric L. de la SCP B. - D. - L., avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, Ayant pour avocat plaidant Maître Xavier H. de la SELAS V. & V., avocat au barreau de PARIS, toque : P0151
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, rédacteur, Monsieur François THOMAS, Conseiller, qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société GENERAL MOTORS FRANCE (GMF) est l'importateur des véhicules neufs et pièces de rechange de la marque OPEL qu'elle distribue en France par l'intermédiaire de réseaux de distributeurs et de réparateurs agréés.
La SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR nouvellement dénommée AVICARS était distributeur et réparateur agréé de véhicules particuliers de la marque OPEL à Marseille depuis de nombreuses années et en dernier lieu en vertu de deux contrats conclus le 5 janvier 2009 pour une durée indéterminée.
Par courrier du 1er juillet 2011, la société GMF a informé la société ASR qu'elle mettait fin aux contrats à effet au 31 juillet 2013, et ce, en application de l'article 19.2 des contrats relatif à « la résiliation ordinaire ».
La société GMF a exposé à la société ASR une des raisons commune aux autres distributeurs et réparateurs agréés l'ayant amenée à résilier l'ensemble des contrats, soit « l'expiration du règlement d'exemption automobile (B.E.R. 1400/02 le 31 mai 2010 concernant l'après-vente et le 31 mai 2013 concernant la vente des véhicules neufs » et sa volonté « de réexaminer et de mettre à jour ses Contrats de Distributeur et de Réparateur Agréé actuels, afin de s'assurer que le réseau OPEL est organisé adéquatement pour faire face aux conditions du marché, aux attentes des clients, ainsi qu'à la future stratégie commerciale. »
Elle lui a également précisé les autres raisons qui l'ont amenée à cette décision de résiliation et qui sont le manque de performance de la société ASR, sa mauvaise couverture de la zone de responsabilité et le caractère difficile voire parfois conflictuel de leurs relations.
Par exploit du 29 janvier 2013, la société ASR a assigné la société GMF devant le tribunal de commerce de Paris, en indemnisation au visa des articles 1134 et 1147 du code civil et de l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce.
Par jugement du 2 décembre 2013, le tribunal de commerce de Paris :
- a dit la demande de dommages et intérêts de la société ASR recevable ;
- a rejeté comme irrecevables tous les moyens développés par la société ASR au regard de la responsabilité délictuelle qu'elle invoque, notamment au titre de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;
- n'a dit recevables que les moyens et arguments invoqués par les parties au regard de la responsabilité contractuelle alléguée par la société ASR ;
- a débouté la société ASR de toutes ses demandes ;
- a condamné la société ASR à payer 8.000 euros à la société GENERAL MOTORS FRANCE au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- a condamné la société ASR aux dépens.
Vu l'appel interjeté par la société ASR le 13 décembre 2013 ;
Vu les dernières conclusions de la société AVICARS anciennement dénommée ASR signifiées le 25 janvier 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal,
Prononcer la nullité du jugement dont appel.
Subsidiairement,
l'infirmer.
Statuant à nouveau,
Dire que la Société GENERAL MOTORS FRANCE a résilié abusivement et par mesure de rétorsion anticoncurrentielle le contrat de concession à durée indéterminée qu'elle avait conclu avec la Société AVICARS anciennement dénommée ASR, à effet du 5 janvier 2009.
Subsidiairement,
Dire que la Société GENERAL MOTORS FRANCE a rompu sans préavis suffisant la relation commerciale établie depuis 1927 qu’elle poursuivait avec la Société AVICARS, anciennement dénommée ASR, pour la vente et l'après-vente des véhicules de la marque OPEL à Marseille.
Condamner la Société GENERAL MOTORS FRANCE à payer à la Société AVICARS, anciennement dénommée ASR, la somme de 4.844.513 euros de dommages et intérêts.
Condamner la Société GENERAL MOTORS FRANCE au paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la Société GENERAL MOTORS FRANCE en tous les dépens.
Vu les dernières conclusions de la SAS GENERAL MOTORS signifiées le 1er février 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal,
Confirmer le jugement du 2 décembre 2013 en ce qu'il a :
- débouté SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR (désormais dénommée AVICARS) de toutes ses demandes ;
- condamné la SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR (désormais dénommée AVICARS) à payer 8.000 euros à la société GENERAL MOTORS FRANCE au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- condamné la SOCIETE NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR (désormais dénommée AVICARS) aux dépens.
Dire que la société GENERAL MOTORS FRANCE n'a commis aucune faute à l'égard de la société AVICARS (anciennement dénommée SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR).
Dire que la résiliation des contrats de distributeur OPEL VP et réparateur agréé OPEL VP et VU n'est ni abusive, ni brutale.
Débouter la société AVICARS (anciennement dénommée SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR) de ses demandes.
A titre subsidiaire,
Dire en tout état de cause que le préjudice dont la société AVICARS (anciennement dénommée SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR) demande réparation n'est justifié ni dans son principe, ni dans son montant.
Dire que le lien de causalité entre la ou les fautes alléguées et le préjudice dont excipe la société AVICARS (anciennement dénommée SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR) est inexistant.
Débouter en conséquence la société AVICARS (anciennement dénommée SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR) de ses demandes indemnitaires.
3) En tout état de cause,
Condamner la société AVICARS (anciennement dénommée SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR) à verser à la société GENERAL MOTORS FRANCE la somme de 25.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la société AVICARS (anciennement dénommée SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION ASR) en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP B. D. L. conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Sur la demande de nullité du jugement :
Considérant que l'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ;
Considérant qu'en l'espèce, « avant d'examiner le fond des moyens développés par les parties », les premiers juges ont estimé « nécessaire de statuer sur la recevabilité des demandes de ASR, au regard du type même des moyens allégués, à savoir le cumul de la responsabilité contractuelle et délictuelle » ; qu'ils ont alors considéré « comme recevables que les moyens et arguments invoquées par les parties au regard de la responsabilité contractuelle alléguée par ASR » et « irrecevables tous les moyens développés par ASR au regard de la responsabilité délictuelle qu'elle invoque notamment au titre de l'article L. 442-6-1-5° du code du commerce » ;
Considérant qu'il n'est pas discuté que le moyen tiré du principe du non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle n'a pas été soulevé par la société GMF et que les parties n'ont pas été invitées à présenter leurs observations sur ce moyen soulevé d'office par les premiers juges en violation du principe du contradictoire ; qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler le jugement déféré et par application des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, de statuer sur l'entier litige ;
Sur le caractère abusif et anticoncurrentiel de la résiliation des contrats avec préavis de deux ans :
Considérant que la société AVICARS soutient en premier lieu qu'indépendamment du fait que le préavis a été respecté, la société GMF a engagé sa responsabilité contractuelle compte tenu du caractère déloyal, abusif et anticoncurrentiel des décisions de résiliation ; qu'elle indique que la liberté du fournisseur de mettre fin à un contrat à durée indéterminée n'autorise pas l'exercice déloyal du droit de résiliation et que le juge doit contrôler la pertinence des motifs ; qu'elle affirme que les trois premiers motifs invoqués ne sont pas pertinents en ce que l'expiration du règlement d'exemption 1400/2002 ne commandait pas automatiquement la résiliation du contrat qui est en conformité avec les nouveaux règlements, que l'insuffisance de performances est un motif fallacieux car le volume des ventes a toujours atteint les objectifs annuels, de même pour les parts de marché et alors qu'elle répondait à tous les standards de qualité et que la fermeture d'une annexe n'a fait perdre aucune visibilité à GMF ; qu'elle ajoute que le quatrième motif tiré de l'existence de relations difficiles voire conflictuelles traduit une mesure de rétorsion à l'exercice de son droit de recourir à tiers expert pour la fixation des objectifs de vente en 2007 et au contentieux qui s'en est suivi ; qu'elle précise que l'évincer du réseau OPEL pour avoir eu recours par le passé à un tiers expert est anticoncurrentiel en ce que l'exclusion d'un distributeur d'un réseau constitue l'infraction d'entente ;
Considérant que la société GMF réplique qu'elle n’a commis aucun abus dans la résiliation ; qu'elle estime qu'il est légal de résilier un contrat pour des motifs divers du moment que ces motifs ne soient pas anticoncurrentiels de sorte que le contrôle opéré par le juge sur les motifs de résiliation se trouve limité ; qu'elle ajoute que si la cour d'appel contrôle les motifs, elle se rendra compte qu'ils ne sont pas fallacieux ; qu'en effet, l'expiration du règlement d'exemption automobile est un motif légitime qui à lui seul peut être suffisant, que les performances insuffisantes de ASR constituent un motif véridique, non négligeable et grave, que la fermeture par ASR de ses annexes reste un motif légitime et économiquement cohérent et qu'enfin, les relations conflictuelles entre ASR et GMF portant sur les zones de responsabilité, leur existence constitue un motif légitime ; qu'elle précise que ces motifs ne sont pas anticoncurrentiels ;
Considérant qu'il est de principe que chaque partie à une convention à durée indéterminée peut y mettre fin unilatéralement sans avoir à justifier de motifs sauf à engager sa responsabilité lorsque les conditions de la rupture sont abusives ; que le cas particulier des contrats de distribution automobile régis par des règlements d'exemption dont le respect leur permet d'échapper à la prohibition des pratiques anticoncurrentielles, ne remet pas en cause ce principe ; que l'article 3 (4) du règlement CE n°1400/2002 prescrit seulement de spécifier les raisons objectives et transparentes de la résiliation afin qu'il puisse être vérifié que la résiliation n'est pas causée par des principes qui ne peuvent faire l'objet de restrictions dans le cadre du règlement ; que l'objectif de cette obligation de motivation est de permettre au juge de contrôler qu'un accord ne soit résilié pour des raisons constituant en réalité des pratiques anticoncurrentielles ;
Considérant que l'article 19.2 de chacun des contrats à durée indéterminée en cause dispose que :
« Toute résiliation ordinaire sera effective à compter de la date indiquée dans la lettre de résiliation, laquelle ne pourra être inférieure à 2 ans après réception de ladite lettre. » et que « Toute notification de résiliation adressée par GMF au titre de ce contrat devra indiquer les raisons objectives et transparentes exigées par l'article 3.4) du règlement C.E. n°1400/2002 de la Commission justifiant la résiliation de ce contrat. Toutefois, sauf indication de cet article 3.4), les Parties conviennent que ce qui précède ne constitue pas une restriction du droit de G.M.F. de résilier ce contrat au titre des dispositions applicables au droit des contrats ». ; que les parties ont donc expressément convenu d'une résiliation unilatérale des contrats, à tout moment par notification écrite indiquant les raisons objectives et transparentes exigées par l'article 3 (4) du règlement CE n° 1400/2002 justifiant la résiliation, et à condition de respecter un préavis qui ne peut être inférieur à deux ans ;
Considérant qu'au regard de l'article 3 (4) du règlement, la lettre de résiliation de la société GMF est suffisamment précise ; qu'en effet, elle permet de vérifier que les motifs invoqués ne constituent pas des restrictions de concurrence prohibées ; que les motifs invoqués par la société GMF sont clairement expliqués, à savoir le réexamen et la mise à jour de l'ensemble des contrats qui la lie à des distributeurs et des réparateurs agréés du fait de l'expiration du règlement d'exemption automobile 1400/02 le 31 mai 2010 concernant l'après-vente et le 31 mai 2013 concernant la vente de véhicules neufs afin de s'assurer de l'adéquation de l'organisation du réseau OPEL face aux conditions du marché, aux attentes des clients ainsi que la future stratégie commerciale ; qu'il n'est pas discuté que la société GMF a résilié l'ensemble des contrats de ses réseaux en France et en Europe, pour le même motif ; que ces circonstances objectives ne procèdent pas d'une restriction de concurrence au sens du règlement 1400/2002 ; que la résiliation intervenue n'est pas illicite au regard du règlement communautaire n° 1400/2002 ;
Considérant enfin qu'il importe peu que les autres motifs invoqués aient été fallacieux ou peu sérieux sauf à relever une faute faisant dégénérer en abus l'exercice du droit de rompre ; que le délai de préavis de deux ans prévu contractuellement a bien été respecté ; que la société AVICARS ne fait état d'aucune circonstance ayant fait dégénérer l'exercice par la société GMF de son droit de rompre les contrats en abus ; que la société AVICARS sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture abusive et anticoncurrentielle ;
Sur le caractère brutal de la rupture des relations commerciales :
Considérant que la société AVICARS soutient qu'elle n'a pas bénéficié d'un préavis tenant compte de l'exceptionnelle ancienneté des relations commerciales remontant à 1927, de l'existence d'une dépendance économique totale et des caractéristiques de la distribution automobile à Marseille du fait de la concentration des autres marques entre les mains d'un petit nombre d'acteurs rendant difficile une solution de reconversion ; qu'elle considère qu'un préavis raisonnable de quarante-huit mois aurait dû leur être octroyé sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5 ° du code de commerce qui doit recevoir application, même en l'absence d'accord interprofessionnel car la disposition relève de l'ordre public économique ; qu'elle ajoute que cette disposition s'applique même si la durée de préavis de deux ans est conforme au règlement européen 1400/2002, la législation nationale étant sur ce point autonome de la législation européenne ; qu'elle affirme qu'aucun usage ne justifie une durée de deux ans ; qu'elle estime être en droit de réclamer des indemnités équivalentes à la marge semi brute retirée de son activité OPEL et qu'elle chiffre à 4.844.513 euros ;
Considérant que la société GMF réplique que l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ne s'applique pas en l'absence d'accords interprofessionnels dans la distribution automobile et que seul le préavis contractuellement prévu qui est conforme au règlement d'exemption CE n° 1400/2002 peut s'appliquer ; qu'elle ajoute que l'usage est d'accorder un préavis maximum de deux ans ; qu'elle estime que la brutalité par rapport à une relation qui aurait duré 86 ans, ne peut être invoquée car aucune relation commerciale établie stable et continue n'existe depuis 1927 ; qu'elle relève qu'entre1927 et 2011, date de la résiliation à effet au 31 juillet 2013, se sont succédées des entités juridiques juridiquement et capitalistiquement indépendantes ; qu'elle estime que la société ASR n'est pas en situation de dépendance économique à son égard ; qu'elle fait observer que le groupe B. auquel appartient la société ASR, a repris en 2012 la concession Bmw et Mini de Marseille et celles de Toulon ; qu'elle rappelle que ce groupe fait partie des 50 premiers groupes automobiles de la distribution en France ; qu'elle estime donc que la tentative de démonstration quant à une impossibilité de reconversion sur Marseille n'est pas crédible ; qu'elle considère que le préavis de 25 mois accordé a été largement suffisant ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 442-6- I- 5° du code de commerce : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) » ;
Considérant que l'article 3, § 3, du règlement 1/2003, relatif aux rapports entre droit national et droit de la concurrence communautaire, dispose : « Sans préjudice des principes généraux et des autres dispositions du droit communautaire, les paragraphes 1 et 2 ne s'appliquent pas lorsque les autorités de concurrence et les juridictions des États membres appliquent la législation nationale relative au contrôle des concentrations, et ils n'interdisent pas l'application de dispositions de droit national qui visent à titre principal un objectif différent de celui visé par les articles 81 et 82 du traité » ; que si l'article L. 442-6 du Code de commerce vise à « la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence », grâce à la protection des concurrents, cet objectif n'est pas identique à celui poursuivi par la répression des pratiques anticoncurrentielles qui tend à la protection du fonctionnement concurrentiel du marché dans son ensemble ;
Considérant que le considérant n° 9 de ce règlement précise que l'application du droit communautaire de la concurrence n'exclut pas l'application des pratiques restrictives de concurrence de l'article L. 442-6 du Code de commerce : « Les articles 81 et 82 du traité ont pour objectif de préserver la concurrence sur le marché. Le présent règlement, qui est adopté en application des dispositions précitées, n'interdit pas aux États membres de mettre en œuvre sur leur territoire des dispositions législatives nationales destinées à protéger d'autres intérêts légitimes, pour autant que ces dispositions soient compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire. Dans la mesure où les dispositions législatives nationales en cause visent principalement un objectif autre que celui consistant à préserver la concurrence sur le marché, les autorités de concurrence et les juridictions des États membres peuvent appliquer lesdites dispositions sur leur territoire. Par voie de conséquence, les États membres peuvent, eu égard au présent règlement, mettre en œuvre sur leur territoire des dispositions législatives nationales interdisant ou sanctionnant les actes liés à des pratiques commerciales déloyales, qu'ils aient un caractère unilatéral ou contractuel. Les dispositions de cette nature visent un objectif spécifique, indépendamment des répercussions effectives ou présumées de ces actes sur la concurrence sur le marché. C'est particulièrement le cas des dispositions qui interdisent aux entreprises d'imposer à un partenaire commercial, d'obtenir ou de tenter d'obtenir de lui des conditions commerciales injustifiées, disproportionnées ou sans contrepartie » ;
Considérant qu'il résulte de ces textes que le préavis de deux années, prévu par le règlement d'exemption automobile, n'écarte donc pas la nécessité, prévue à l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, d'accorder un préavis suffisant au partenaire qui subit une résiliation de concession ; qu'il y a donc lieu d'apprécier si le préavis de 25 mois accordé par la société GMF à son concessionnaire a été suffisant pour lui permettre de se reconvertir ;
Considérant qu'il ressort de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce que la brutalité de la rupture résulte notamment de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures ; que l'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé, du secteur concerné, de l'état de dépendance de la victime, des dépenses non récupérables engagées par elle et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire ;
Considérant que si les parties ne contestent pas l'existence de relations établies entre elles, elles s'opposent sur leur point de départ et la longueur du préavis raisonnable ;
Considérant que la société ASR soutient être en relation d'affaires avec la société GMF depuis 1927 par l'intermédiaire de M. S. puis de la société Etablissements S. qui auraient exercé l'activité GENERAL MOTORS ; que la société GMF réplique que la société ASR, distributeur OPEL depuis 1966, ne saurait revendiquer la distribution de véhicules d'autres marques américaines dont était concessionnaire la société Etablissements S. pour allonger artificiellement la durée des relations ;
Mais considérant qu'il n'est pas établi que la société ASR anciennement dénommée société Automobile Albert S. et Cie qui, au demeurant, exerçait son activité dans un autre secteur géographique de Marseille que celui où la société Etablissements S. exerçait la sienne, soit venue aux droits de cette dernière antérieurement à 1966, date à laquelle la société ASR a accédé au statut de concessionnaire OPEL aux lieu et place de la société Etablissements S. ; que le point de départ des relations commerciales entre les parties se situe donc en 1966 ;
Considérant qu'il n'est pas allégué que le dernier contrat de concession interdisait à la société ASR de distribuer des marques concurrentes, c'est-à-dire de développer une distribution multimarque, même si elle n'a pas usé de cette faculté ; que la société ASR ne démontre pas avoir réalisé des investissements irrécupérables dédiés à OPEL ; qu'elle ne justifie d'aucune circonstance particulière qui ait justifié un préavis plus long ; qu'elle disposait de locaux qu'elle qualifie d'attractifs ainsi que, selon ses dires, d'une excellente réputation ; qu'au regard de ces éléments, le préavis consenti de deux ans était suffisant pour permettre à la société ASR de trouver un autre partenaire ou vendre sa concession ; qu'au demeurant, il est établi qu'en 2012, le groupe B. auquel elle appartient, a installé sa concession Bmw et Mini dans les locaux de Marseille de la société ASR pendant ce préavis ;
Considérant qu'en définitive, la société AVICARS échoue à démontrer que la rupture des contrats ait été brutale ; qu'elle sera donc déboutée de l'intégralité de ses demandes ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
ANNULE le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
ET STATUANT À NOUVEAU,
DÉBOUTE la société AVICARS anciennement dénommée ARS de l'intégralité de ses demandes,
CONDAMNE la société AVICARS anciennement dénommée ARS aux dépens de première instance et d'appel
AUTORISE la SCP B. D. L., avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société AVICARS anciennement dénommée ARS à verser à la société GENERAL MOTORS FRANCE la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
Vincent BRÉANT Françoise COCCHIELLO