CA PARIS (5e ch. sect. A), 17 janvier 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 563
CA PARIS (5e ch. sect. A), 17 janvier 2007 : RG n° 04/13320
Extraits : 1/ « Considérant qu'ont ainsi été conclus des contrats distincts en la forme et faisant l'objet de rémunération spécifique et autonome ; que les termes sus-énoncés du contrat de location excluent que le locataire puisse se prévaloir à l'encontre de son bailleur des manquements du prestataire dans l'exécution de ses obligations, l'absence de recours trouvant sa contrepartie obligée dans la substitution du locataire au bailleur pour agir en garantie contre le fournisseur ou le vendeur ; que le CE CITAIX ne rapporte, au demeurant, aucunement la preuve que la société PARFIP ait à un quelconque moment et ce, en raison de l'inexécution par la société FONTEX de ses propres prestations, souhaité se charger de l'approvisionnement des distributeurs ; que le courrier du 31 mai 2002, par lequel la société PARFIP informait ses clients de la possible reprise des engagements de la société FONTEX par d'autres fournisseurs, ne saurait constituer, en aucune façon, une quelconque reconnaissance de l'unicité de l'engagement formé par les contrats de location du matériel et de fourniture de prestations de service ; que, bien au contraire, ledit courrier précise que « le contrat de location qui nous lie porte essentiellement sur le matériel mis à disposition dans vos locaux et la rupture des prestations qui vous sont dues par FONTEX ne peut en aucun cas justifier la cessation du paiement des redevances de location ou la résiliation de celui-ci » ; qu'enfin, la cause d'un engagement s'appréciant au moment de la formation du contrat, le CE CITAIX ne saurait utilement exciper de ce que le contrat de location de matériel serait désormais devenu sans cause du fait de l'inexécution ultérieure du contrat de prestations de service ; Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les contrats litigieux sont indépendants l'un de l'autre et ne peuvent être regardés comme formant un « ensemble indivisible » sauf à dénaturer la portée des engagements pris et à méconnaître directement la commune intention des parties ».
2/ « que, si l'intimé invoque à l'encontre de cette stipulation l'application des articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la Consommation relatifs aux clauses abusives, il ressort des pièces du dossier que la location du matériel litigieux est intervenue dans un cadre exclusivement professionnel et pour satisfaire les besoins de ses membres ; que, dès lors, le CE CITAIX ne saurait revendiquer le bénéfice de dispositions prises dans l'intérêt des seuls consommateurs ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 17 JANVIER 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/13320. Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 avril 2004 - Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 02/4128.
APPELANTE :
SOCIÉTÉ PARFIP EUROSUD « PARFIP France » AUX DROITS DE LA SOCIÉTÉ PARFIP FRANCE
[adresse], représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour, assistée de Maître Sébastien PINARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G 29 substituant Maître Nathalie SAGNES-JIMENEZ, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
COMITÉ D'ENTREPRISE CITAIX
[adresse], représentée par la SCP FANET - SERRA - GHIDINI, avoués à la Cour, assistée de Maître Nicole PREVOST BOBILLOT, avocat au barreau de MELUN
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 novembre 2006, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur ROCHE, conseiller, chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame RIFFAULT-SILK, président, Monsieur ROCHE, conseiller, Monsieur BYK, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme KLEIN
[minute page 2] ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par Monsieur ROCHE, conseiller ayant délibéré - signé par Madame RIFFAULT-SILK président et par Madame KLEIN greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 27 janvier 2001, la société FONTEX et le Comité d'Entreprise CITAIX (ci après désigné CE CITAIX) concluaient trois contrats de location relatifs à la mise à disposition de quatre fontaines d'eau et d'un distributeur de type ZANNUSSI COLIBRI. La société FONTEX ayant toutefois manqué à ses obligations contractuelles, il a été mis fin auxdits engagements.
Le 14 janvier 2002, les intéressés signaient deux nouveaux contrats afférents à la location, pour l'un, de quatre nouvelles fontaines d'eau, pour l'autre, d'un distributeur de boissons chaudes ainsi que d'un distributeur de boissons froides. Aux termes de ce dernier contrat de location simple, sans aucune option d'achat, le CE CITAIX s'engageait à verser au bailleur 60 loyers mensuels d'un montant de 839 € HT. Le même jour, le CE CITAIX signait avec la société FONTEX différents contrats de service spécifiques portant sur les matériels loués susmentionnés et prévoyant, notamment, l'entretien, l'approvisionnement et le nettoyage de ceux-ci.
Le CE CITAIX recevait les machines le 18 janvier 2002 et signait sans aucune réserve le procès-verbal de livraison et de conformité des matériels.
La société FONTEX cédait, alors, le distributeur de boissons chaudes à la société PARFIP, spécialisée dans l'acquisition de matériels et mobiliers en vue de leur mise à disposition au travers de contrat de location longue durée. Cette dernière, devenue propriétaire dudit matériel, informait le CE CITAIX de cette cession par lettre du 7 février 2002. Un échéancier des prélèvements était alors remis à celui-ci afin qu'il puisse régler les loyers directement à la société PARFIP.
Excipant toutefois des dysfonctionnements du distributeur et de son absence d'approvisionnement par la société FONTEX, laquelle qui n'assurait pas la livraison régulière de produits dont elle était contractuellement chargée, le CE CITAIX a cessé, à compter du mois de mars 2002, de verser les loyers dus à la société PARFIP.
Celle-ci mettait en conséquence en demeure le CE CITAIX le 30 avril 2002 de s'acquitter des loyers non payés et rappelait qu'à défaut de paiement sous huit jours, il lui était loisible de résilier de manière anticipée le contrat et d'exiger le versement de la totalité des loyers dus. Le CE CITAIX ne déférait cependant pas à la mise en demeure qui lui était ainsi adressée.
Par ailleurs, et par jugement du 13 mai 2002, la société FONTEX était placée en liquidation judiciaire.
Le 31 mai suivant, la société PARFIP informait ses locataires de la défaillance de la société FONTEX et les assurait de la poursuite des contrats de prestation de services avec de nouveaux fournisseurs.
C'est dans ces conditions que le CE CITAIX assignait la société PARFIP par acte du 25 novembre 2002 devant le Tribunal de grande instance de Melun afin d'obtenir la résolution des « contrats indivisibles » conclus le 14 janvier 2002.
[minute page 3] La société PARFIP sollicitait, pour sa part, le rejet des prétentions ainsi présentées et demandait reconventionnellement de constater la résiliation du contrat de location du 14 janvier 2002 pour défaut de paiement des loyers et de condamner le CE CITAIX à lui verser la somme de 64.029,47 € outre les intérêts et à lui restituer le matériel loué.
Par jugement contradictoire du 2 avril 2004, le tribunal saisi a, notamment :
- constaté la résiliation de plein droit du contrat de location conclu le 14 janvier 2002 entre la société PARFIP et le CE CITAIX pour défaut de paiement des loyers à compter de mars 2002,
- condamné le CE CITAIX à payer à la société PARFIP la somme de 12.207,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2002 jusqu'à parfait paiement.
La société PARFIP FRANCE, laquelle vient aux droits de la SA PARFIP France, a interjeté appel de la décision et, par conclusions signifiées le 29 juin 2006, prié la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a assimilé l'indemnité de résiliation à une clause pénale
et statuant à nouveau :
- condamner le CE CITAIX à lui payer la somme en principal de 53.937,09 €, outre 5.393,71 € à titre de clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 30 avril 2002,
- condamner le CE CITAIX à restituer les matériels loués à ses frais exclusifs,
- condamner à défaut le CE CITAIX à lui verser la somme de 39.155,78 € correspondant à la valeur d'acquisition des machines louées, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2002.
Dans ses conclusions signifiées le 31 janvier 2005, le CE CITAIX, intimé, sollicite de la Cour de :
- prononcer la résiliation du contrat du 14 janvier 2002 à son profit,
- subsidiairement, débouter la société PARFIP de son appel et confirmer le jugement entrepris.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur l'intervention de la SAS PARFIP France :
Considérant qu'il y a lieu de donner acte de l'intervention de la société susvisée aux lieu et place de la société PARFIP FRANCE à la suite d'un traité de fusion-absorption en date du 23 décembre 2004 ;
Au fond :
* Sur l'indépendance des contrats de location et de prestation de services :
Considérant qu'aux termes de l'article 1134 du Code civil « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ; qu'aux termes de l'article 1165 du même Code, « les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes... » ;
Considérant que si, pour justifier le non-paiement des loyers dus à la société PARFIP, le CE CITAIX invoque à nouveau les défaillances de la société FONTEX dans l'exécution de son propre contrat de prestation de services et s'il fait état de l'indivisibilité des conventions de location du matériel et d'approvisionnement de celui-ci, il convient, tout d'abord, de rappeler que l'article 6 du contrat de location, auquel la société PARFIP est partie en qualité de cessionnaire, stipule expressément que « l’attention du locataire a par ailleurs été attirée sur l'indépendance juridique du contrat de location et de prestation liant le locataire au fournisseur. Il renonce ainsi à toute suspension ou réduction du loyer qui serait motivée par un litige avec le fournisseur » ;
[minute page 4] Que l'article 7 du même contrat énonce également : « en choisissant sous sa seule responsabilité le matériel et son fournisseur et en signant le procès verbal de livraison, le locataire a engagé sa responsabilité de mandataire sur le fondement des articles 1991 et 1992 du Code civil. En cas de fonctionnement défectueux du matériel ... le bailleur lui transmet la totalité des recours contre le constructeur ou le fournisseur et lui donne tant que de besoin mandat d'ester en justice, à charge pour lui de l'informer préalablement de ses actions. Le locataire ne pourra différer au prétexte de cette contestation aucun règlement de loyers. » ;
Considérant qu'ont ainsi été conclus des contrats distincts en la forme et faisant l'objet de rémunération spécifique et autonome ; que les termes sus-énoncés du contrat de location excluent que le locataire puisse se prévaloir à l'encontre de son bailleur des manquements du prestataire dans l'exécution de ses obligations, l'absence de recours trouvant sa contrepartie obligée dans la substitution du locataire au bailleur pour agir en garantie contre le fournisseur ou le vendeur ; que le CE CITAIX ne rapporte, au demeurant, aucunement la preuve que la société PARFIP ait à un quelconque moment et ce, en raison de l'inexécution par la société FONTEX de ses propres prestations, souhaité se charger de l'approvisionnement des distributeurs ; que le courrier du 31 mai 2002, par lequel la société PARFIP informait ses clients de la possible reprise des engagements de la société FONTEX par d'autres fournisseurs, ne saurait constituer, en aucune façon, une quelconque reconnaissance de l'unicité de l'engagement formé par les contrats de location du matériel et de fourniture de prestations de service ; que, bien au contraire, ledit courrier précise que « le contrat de location qui nous lie porte essentiellement sur le matériel mis à disposition dans vos locaux et la rupture des prestations qui vous sont dues par FONTEX ne peut en aucun cas justifier la cessation du paiement des redevances de location ou la résiliation de celui-ci » ; qu'enfin, la cause d'un engagement s'appréciant au moment de la formation du contrat, le CE CITAIX ne saurait utilement exciper de ce que le contrat de location de matériel serait désormais devenu sans cause du fait de l'inexécution ultérieure du contrat de prestations de service ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les contrats litigieux sont indépendants l'un de l'autre et ne peuvent être regardés comme formant un « ensemble indivisible » sauf à dénaturer la portée des engagements pris et à méconnaître directement la commune intention des parties ;
* Sur les demandes formées par la société PARFIP :
Considérant qu'en vertu de l'article 10 du contrat de location dont s'agit, celui-ci peut être résilié de plein droit par le bailleur 8 jours après une mise en demeure, infructueuse en cas de non-paiement du loyer dû ; qu'en l'occurrence, il est constant que la mise en demeure adressée par la société PARFIP au CE CITAIX le 30 avril 2002 et lui faisant injonction, sous peine de résiliation de l'engagement, de régler les locations afférentes aux mois de mars et avril, est restée vaine ; que, par suite, ne peut qu'être constatée la résiliation de plein droit du contrat en application de l'article 10 susvisé, ; que cette même stipulation prévoyant en ce cas l'exigibilité immédiate des loyers, majorés d'une clause pénale de 10 %, il y a lieu de condamner le CE CITAIX en paiement de la somme, dont le montant n'est pas contesté en tant que tel, de 2.006,88 €, majorée de 200,68 € correspondant à la clause pénale prévue, laquelle n'a pas à être réduite en l'absence de tout caractère excessif ; que, par ailleurs, le contrat prévoit également que le locataire verse au bailleur « une somme égale à la totalité des loyers restant à couvrir jusqu'à la fin du contrat tel que prévu à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 % » ; que, si l'intimé invoque à l'encontre de cette stipulation l'application des articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la Consommation relatifs aux clauses abusives, il ressort des pièces du dossier que la location du matériel litigieux est intervenue dans un cadre exclusivement professionnel et pour satisfaire les besoins de ses membres ; que, dès lors, le CE CITAIX ne saurait revendiquer le bénéfice de dispositions prises dans l'intérêt des seuls consommateurs ; que, par ailleurs, la clause prévoyant une indemnité forfaitaire et définitive en cas de résiliation anticipée d'un contrat [minute page 5] de prestations de services ne s'analyse pas en une clause pénale ayant pour objet de faire assurer par l'une des parties l'exécution de son obligation, mais en une faculté de dédit permettant aux contractants de se soustraire à cette exécution et excluant le pouvoir du juge de diminuer ou de supprimer l'indemnité convenue ; que celle ci sera ainsi arrêtée, compte tenu du montant des loyers mensuels et du nombre des échéances prévues, à la somme de 53.937,09 €, outre 5.393,71 € au titre de la clause pénale, dont aucun élément de la omise ne justifie qu'il 'soit procédé à sa diminution, lesdites sommes de 53.937,09 € et de 5.393,71 € étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 avril 2002 ;
Considérant, en dernier lieu, que si la société PARFIP sollicite la restitution du matériel loué ou, à défaut, l'octroi de leur valeur d'acquisition, ledit matériel a été dérobé, ainsi qu'en atteste une plainte pour vol déposée par le CE CITAIX le 8 octobre 2002, et était, par ailleurs, assuré par les soins de la société CITAIX dont l'assureur est dès lors seul débiteur de l'éventuelle indemnisation correspondante ; que, par suite, il ne saurait être fait droit aux demandes formées de ce chef par l'appelante ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a procédé à la réduction à 10.000 euros de l'indemnité contractuelle de résiliation, de l'infirmer de ce seul chef et, statuant à nouveau, de condamner le CE CITAIX à payer à ce titre à la société PARFIP les sommes de 53.937, 09 et 5.393,71 € , outre les intérêts au taux légal y afférents à compter du 30 avril 2002, les parties étant déboutées du surplus de leurs conclusions respectives ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme,
Au fond,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a procédé à la réduction à 10.000 euros de l'indemnité contractuelle de résiliation,
L'infirme de ce seul chef,
Et statuant à nouveau,
Condamne le CE CITAIX à payer à ce titre à la société PARFIP les sommes de 53.937,09 et 5.393,71 €, outre les intérêts au taux légal y afférents à compter du 30 avril 2002,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives,
Condamne le CE CITAIX aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué
Rejette les demandes formées respectivement par les parties sur le fondement de l'article 700 du nouveau. Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT