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CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 18 février 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 18 février 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 5
Demande : 15/14989
Date : 18/02/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/07/2015
Décision antérieure : CASS. COM., 30 mai 2018
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5638

CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 18 février 2016 : RG n° 15/14989 

Publication : Jurica

 

Extraits : « Au regard des moyens respectifs des parties, rappelés plus haut, il y a lieu de faire droit à l'argumentation développée par la société Leroy Merlin dès lors qu'elle repose sur la volonté commune des parties de soumettre tout litige au tribunal de Lille ; or les moyens développés sur ce point par la société Eternal France, validés par le premier juge, sont en contradiction avec les clauses de l'article 5.5 du contrat dès lors qu'ils privilégient, au bénéfice d'un juridiction inexistante, le tribunal de commerce de Tourcoing, qui est en réalité le siège du tribunal de commerce Lille Métropole, et ce en sanctionnant en fait l'absence dans le contrat de la mention complète de cette juridiction, dont il est pourtant patent qu'elle était celle qu'avaient retenue les parties ; ainsi le moyen tiré de ce que celles-ci n'auraient pas convenu d'un nouvel accord pour attribuer compétence à la nouvelle Juridiction de Lille Métropole, remplaçant le tribunal de commerce de Lille, est erroné dès lors que cette même juridiction existait en 2014 et que sa formulation n'a pas été exactement reprise dans le contrat ; Le jugement est en conséquence infirmé sur ce point ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/14989 (15 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juin 2015 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015001048.

 

APPELANTE :

SAS ETERNAL FRANCE

ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, Assistée de Maître Roland PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0310

 

INTIMÉE :

SA LEROY MERLIN FRANCE

ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XX, prise en la personne de son Président du Conseil d'administration, domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, Assistée de Maître Philippe SIMONEAU, avocat au barreau de LILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 décembre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Louis DABOSVILLE, Président.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, Monsieur Louis DABOSVILLE, Président, Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président et par Monsieur Vincent BRÉANT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

La société Eternal France a pour activité le commerce de gros d'appareils électroménagers.

A partir de janvier 2007, Leroy Merlin, importante société de distribution de produits de bricolage et de produits ménagers, a commandé à la société Eternal des produits de type chauffage et ventilation.

Leroy Merlin a diminué de manière importante ses commandes auprès de la société Eternal en 2014. Elle a également réorganisé son système de distribution de produits.

La société Eternal a estimé devoir être indemnisée de ce qu'elle considère être une rupture brutale de la relation commerciale établie depuis 7 ans et des faits constitutifs de concurrence déloyale.

C'est dans ces conditions que la société Eternal a fait assigner la société Leroy Merlin aux fins de la condamner à lui verser des dommages et intérêts.

 

Par jugement du 15 juin 2015, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit la société Leroy Merlin recevable, mais mal fondée en son exception d'incompétence et se déclare compétent

- condamné la société Leroy Merlin à verser à la société Eternal la somme de 45.399 euros au titre de l'indemnité due par la société Leroy Merlin à la société Eternal afin de l'indemniser de la rupture brutale de la relation commerciale établie entre les parties

- enjoint la société Eternal à communiquer à la société Leroy Merlin toute pièce utile en sa possession permettant à cette dernière d'être en mesure de gérer les sinistres ayant affecté les produits acquis par la société Leroy Merlin auprès de la société Eternal

- condamne la société Leroy Merlin à payer à la société Eternal la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.

 

Vu l'appel interjeté par la société Eternal France le 10 juillet 2015 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions déposées par l'appelante le 29 octobre 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- déclarer la société Eternal recevable et bien fondée en son appel

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 15 juin 2015 en ce qu'il s'est déclaré compétent

En tout état de cause :

- dire et juger que la cour d'appel de Paris est compétente pour statuer sur le fond

- confirmer le jugement entrepris ce qu'il a reconnu que la société Leroy Merlin a rompu brutalement les relations commerciales qu'elle a entretenues avec la société Eternal

- confirmer la décision en ce qu'elle a débouté la société Leroy Merlin de ses demandes reconventionnelles en procédure abusive et en attribution d'un article 700 du code de procédure civile.

A titre principal

- dire et juger que les dommages et intérêts octroyés à la société Eternal par le tribunal de commerce aux termes de son jugement du 15 juin 2015, sont insuffisants à réparer l'intégralité du préjudice qu'elle a subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales.

En conséquence :

- condamner la société Leroy Merlin à verser à la société Eternal la somme de 923.945,21 euros de dommages et intérêts correspondant à la perte de sa marge brute découlant de la rupture brutale de la relation commerciale fondée sur l'article L. 442-6-I-5° du Code de Commerce, majorés des intérêts au taux légal à compter de la date de l'acte introductif d'instance du 6 janvier 2015, et avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

- condamner la société Leroy Merlin à verser à la société Eternal la somme de 272.735,30 euros correspondant aux investissements qu'elle a réalisés pour acquérir la marchandise de chauffages restée en stock des suites de la rupture brutale des relations commerciales fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de Commerce, assortie de la majoration des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation du 6 janvier 2015, et avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

- condamner la société Leroy Merlin à rembourser à la société Eternal ses frais de stockage de chauffages invendus, du mois d'août 2014 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, et s'élevant à la somme de 1.215 euros par mois.

- condamner la société Leroy Merlin, à rembourser à la société Eternal, le cas échéant, le coût de destruction des marchandises de chauffages restés en stock, et ce dès réception par la société Leroy Merlin de la facture y afférente.

- dire et juger que la société Leroy Merlin a exploité l'état de dépendance économique dans laquelle se trouve la société Eternal à son égard.

- dire et juger que la société Leroy Merlin a fait subir à la société Eternal un déséquilibre dans les rapports commerciaux.

- dire et juger que la société Leroy Merlin a profité d'un avantage à l'encontre de la société Eternal sans lui faire bénéficier d'un minimum garanti sur le quantum des commandes.

En conséquence :

- condamner la société Leroy Merlin sur les fondements de l'état de dépendance économique, du déséquilibre des rapports commerciaux, et de l'avantage sans contrepartie sur le quantum des commandes, à verser des dommages et intérêts à la société Eternal d'un montant de 50.000 euros pour préjudice moral, assorti de la majoration des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

- dire et juger que la société Leroy Merlin a commis à l'encontre de la société Eternal des actes de concurrence déloyale et parasitaires.

En conséquence :

- condamner la société Leroy Merlin à verser à la société Eternal la somme de 1.157.006,68 euros de dommages et intérêts (292.248,44 euros au titre du coût annuel moyen de la masse salariale et 864.758,24 euros relatifs à la perte du chiffre d'affaires de 2013) découlant de la concurrence déloyale et des actes parasitaires auxquels elle s'est livrée, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil

- infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande reconventionnelle de la société Leroy Merlin en ordonnant à la société Eternal de communiquer à la société Leroy Merlin toute pièce utile en sa possession telles que listées dans les conclusions permettant à cette dernière d'être en mesure de gérer les sinistres ayant affectés les produits acquis par Leroy Merlin auprès d'Eternal, dans la mesure où la demande de la société Leroy Merlin n'est pas clairement et précisément circonstanciée et que les pièces utiles sollicitées n'ont pas été précisément énoncées et listées par la société Leroy Merlin.

- en conséquence dire n'y avoir lieu à cette communication.

A titre subsidiaire :

- dire et juger, à titre subsidiaire, et sur le fondement de l'exploitation de l'état de dépendance économique, du déséquilibre des rapports commerciaux, de l'avantage acquis sans garantie minimum sur le quantum des marchandises, que la société Eternal a subi un préjudice découlant des investissements liés au coût de la marchandise qu'elle a acquise et restée en stock.

En conséquence :

- condamner la société Leroy Merlin à verser à la société Eternal la somme de 272.735,30 euros en réparation des investissements liés au coût d'acquisition des chauffages restés en stock.

- condamner la société Leroy Merlin à rembourser à la société Eternal ses frais de stockage de chauffages invendus, du mois d'août 2014 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, et s'élevant à la somme de 1.215 euros par mois.

- condamner la société Leroy Merlin, à rembourser à la société Eternal, le cas échéant, le coût de destruction des marchandises de chauffages restés en stock, et ce dès réception par la société Leroy Merlin de la facture y afférente.

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la société Leroy Merlin a fait preuve de mauvaise foi et a rompu abusivement les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Eternal.

En conséquence :

- condamner la société Leroy Merlin à verser à la société Eternal la somme totale de 1.157.006,68 euros de dommages et intérêts (292.248,44 euros au titre du coût annuel moyen de la masse salariale et de 864.758,24 euros correspondant à la perte du chiffre d'affaire annuel de 2013),

- en tout état de cause, condamner la société Leroy Merlin à verser à la société Eternal la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient que comme le tribunal de commerce de Lille, dont la compétence seule figure dans la clause attributive de juridiction de l'accord commercial de 2014 convenu entre les parties, a été supprimé par décret, il ne peut, en conséquence, être compétent pour statuer sur les demandes de la société Eternal. De plus, elle invoque que ledit Décret ne dispose pas que le Tribunal de Lille Métropole devient automatiquement compétent en lieu et place de celui de Lille lequel serait visé dans une clause attributive de juridiction. Les parties n'ayant pas convenu d'un nouvel accord pour attribuer compétence à la nouvelle Juridiction de Lille Métropole remplaçant le tribunal de commerce de Lille, cette juridiction ne pouvait devenir automatiquement compétente.

L'appelante invoque la rupture brutale des relations commerciales établies de la part de la société Leroy Merlin qui a considérablement diminué les commandes en 2014 au point que le chiffre d'affaires généré par la vente de chauffages par la société Eternal à la société Leroy Merlin représentait à peine 3 % du chiffre d'affaires par rapport à celui de 2013, et 1,29 % par rapport à l'année 2011 (vente chauffages et ventilateurs) rompant ainsi abusivement leur relation commerciale dans la mesure où elle s'est dispensée de notifier par écrit un délai de préavis suffisant lui permettant de se réorganiser compte tenu de la perte d'un de ses clients les plus importants. La société Eternal rappelle que l'absence de notification par écrit, d'un délai suffisant, avant toute rupture des relations, qu'elle soit partielle ou totale, s'analyse en rupture brutale engageant la responsabilité de son auteur lequel doit en conséquence réparer le préjudice subi par la victime.

L'appelante soutient qu'elle était en droit de bénéficier de la notification d'un délai de préavis de 15 mois, et ce compte tenu de la longévité de la relation de plus de 7 ans, de la part très importante du chiffre d'affaire qu'elle dégageait dans le cadre de sa relation avec la société Leroy Merlin, de l'exclusivité de la relation portant sur la fourniture de chauffages ou de ventilateurs, de l'importance du chiffre d'affaires que dégage elle-même la société Leroy Merlin, et l'importance de cette dernière sur le marché.

L'appelante fait valoir qu'elle devra être réparée du préjudice pécuniaire qu'elle subit du fait de la rupture brutale de la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société Leroy Merlin par l'allocation de dommages et intérêts correspondant à un délai de préavis de 15 mois (relation de plus de 7 ans, part du chiffre d'affaires de plus de 50 % jusqu'en 2012, puis de plus de 30 % jusqu'en 2014, enseigne leader sur le marché).

De plus, elle soutient que la société Leroy Merlin a exploité abusivement l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait à son égard, tout comme elle a créé et imposé un déséquilibre dans les relations commerciales, mais aussi tenté d'obtenir un avantage indu. Elle invoque que la société Leroy Merlin lui a imposé des conditions drastiques qu'elle a dû supporter afin de maintenir la relation.

L'appelante soutient qu'en voyant ses modalités de partenariat brusquement modifiées par la société Leroy Merlin en février 2015, elle a subi non seulement un déséquilibre soudain consistant à voir ses obligations augmenter alors que celles de la société Leroy Merlin diminuaient, mais également s'est vu imposer un avantage au profit de la société Leroy Merlin, sans engagement écrit sur un volume d'achat proportionné, ce qui contrevient aux dispositions de l'article L. 442-6-1 alinéas 2 et 3.

En conséquence, elle invoque une indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'exploitation abusive de l'état de dépendance dans laquelle elle s'est trouvée face à la société Leroy Merlin, du déséquilibre des droits et obligations des parties, ainsi que des avantages indus que l'intimée a tenté d'obtenir ou a obtenu sans même l'assortir d'un engagement sur le quantum des commandes.

L'appelante sollicite également réparation du préjudice moral qu'elle a subi, tenant compte notamment de la totale et soudaine réorganisation que lui a imposée la société Leroy Merlin afin de voir satisfaire ses exigences, et qui a généré une vive inquiétude à la seule idée de ne pas parvenir à satisfaire les nouvelles conditions imposées, ou à l'idée de perdre ce client si important et vital à son bon fonctionnement. Elle sollicite la réparation du préjudice moral qu'elle subit par l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 50.000 euros.

D'autre part et à titre subsidiaire et si la Cour ne faisait pas droit à sa demande, au titre de la rupture brutale, à la demande de réparation découlant des investissements liés au stock invendu, la société Eternal sollicite de la Cour qu'elle condamne la société Leroy Merlin à l'indemniser de la perte des investissements liés au coût des produits de chauffages que la requérante a dû commander auprès de ses fabricants afin de satisfaire les exigences de l'intimée, mais qui sont restés en stock.

Enfin, la société Eternal soutient que l'intimée a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires à son encontre en commercialisant directement des produits acquis auprès d'industriels auparavant prospectés par l'appelante en sa qualité de grossiste et demande réparation des préjudices subis en conséquence.

Toutefois, elle sollicite de la Cour, si elle venait à ne pas reconnaître que la société Leroy Merlin a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre et à son préjudice, de reconnaître à tout le moins que l'intimée a agi avec la plus grande mauvaise foi à son égard, et a rompu abusivement la relation commerciale.

 

Vu les dernières conclusions déposées par l'intimée le 12 novembre 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :

In limine litis,

- dire et juger que le Tribunal de commerce de Lille Métropole, bien qu'ayant son siège à Tourcoing, est compétent en application des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce,

- dire et juger que le Tribunal de commerce de Lille Métropole bien qu'ayant son siège à Tourcoing, fait partie des Tribunaux du ressort de Lille,

- constater l'existence d'une clause attributive de juridiction valable insérée dans les accords commerciaux conclus entre la société Leroy Merlin et la société Eternal, donnant attribution au Tribunal de Commerce de Lille Métropole en tant que « Tribunal de Lille »,

En conséquence :

- dire et juger que le Tribunal de commerce de Paris aurait dû se déclarer incompétent au profit du Tribunal de commerce de Lille Métropole désigné par la clause attributive de juridiction.

Au fond,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Eternal de ses demandes au titre des prétendus abus de dépendance économique et déséquilibre significatif ; au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire et au titre d'agissements commis de mauvaise foi,

- confirmer le jugement en ce qu'il fait droit aux demandes reconventionnelles de la société Leroy Merlin et a enjoint à la société Eternal de : 1) Fournir à la société Leroy Merlin toute information nécessaire à la gestion des sinistres survenus sur les radiateurs référencé WPH-20L, 2) Collaborer à la gestion des sinistres qui surviendrait sur les produits qu'elle a fourni à la société Leroy Merlin,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Leroy Merlin au titre d'une prétendue rupture brutale des relations commerciales, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence, statuant à nouveau,

A titre principal,

- Constater, Dire et Juger que la société Eternal est à l'origine de la rupture,

- Dire et Juger les demandes de la société Eternal irrecevables et mal fondées sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce,

- En conséquence, débouter la société Eternal de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à ce titre, A titre subsidiaire et / ou surabondant,

- Dire et Juger que la société Eternal ne justifie pas des préjudices qu'elle invoque, quelque soit leur fondement,

- Par conséquent, la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, A titre infiniment subsidiaire,

- Dire et Juger que le préavis auquel la société Eternal pourrait prétendre ne saurait être en toutes hypothèses supérieur à six mois,

- Dire et Juger que le préavis auquel la société Eternal pourrait prétendre, compte tenu du choix opéré par la société Eternal de ne pas diversifier sa clientèle ou ses débouchés, devra être réduit de la moitié,

- Par conséquence, réduire les demandes indemnitaires la société Eternal en de plus justes proportions,

Sur les demandes reconventionnelles de la société Leroy Merlin :

- Condamner la société Eternal à payer à la société Leroy Merlin la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

- Condamner la société Eternal à payer à la société Leroy Merlin la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'intimée soutient que le tribunal de commerce de Lille Métropole, dont le siège est à Tourcoing, désigné par les clauses attributives de compétence des différents contrats, fait partie des juridictions spécialisées pour statuer sur les litiges relatifs à l'article L. 442-6 I du Code de commerce. En l'espèce, la clause attributive de compétence insérée dans le contrat dénommé « Accord Commercial 2014 » donne compétence aux juridictions situées dans le ressort de Lille, qui fait partie des juridictions spécialisées, désignées par la Loi comme l'une des 8 juridictions compétentes pour traiter les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Donc en application de la clause attributive de compétence territoriale et des règles de compétences matérielles de droit commun, le tribunal de commerce de Lille Métropole aurait dû être déclaré compétent.

De plus, la société Leroy Merlin invoque que le Décret du 24 décembre 2012 ne donne pas compétence au tribunal de Tourcoing mais donne compétence au tribunal de commerce de Lille Métropole qui a son siège à Tourcoing. Ce tribunal de commerce de Lille Métropole fait donc partie des tribunaux du ressort de Lille désigné par la clause attributive de juridiction.

Sur la rupture brutale des relations commerciales, la société Leroy Merlin soutient qu'elle n'avait pas à anticiper une décision de changement de fournisseur et donc la gestion d'un préavis puisque les relations commerciales devaient se poursuivre pour la saison 2014/2015 qui venait de débuter au moment de la délivrance de la présente assignation. L'intimée soutient avoir tenu informé son partenaire commercial de l'absence de visibilité sur les commandes compte tenu des conditions climatiques défavorables du début de saison 2014/2015 et avoir rappelé à de nombreuses reprises à la société Eternal qu'elle entendait maintenir leurs relations commerciales.

L'intimée soutient qu'il n'y a pas eu de rupture brutale des relations commerciales, et que la société Eternal n'est pas fondée à prétendre que cette rupture trouve son origine dans la modification des modalités de commandes et de livraisons. Les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ne font donc pas obstacle à ce que les parties, dans le cadre d'une exécution loyale et de bonne foi, réaménagent leurs relations commerciales et en l'espèce, l'intimée a simplement rationalisé les process de commandes et de livraisons afin que l'ensemble de ses fournisseurs sur ce marché soit dans la même situation. Cette adaptation n'est pas assimilable à une rupture des relations commerciales, d'autant que l'intimée a entrepris toutes démarches utiles avec son partenaire pour négocier et poursuivre le partenariat. L'intimée démontre n'être à l'origine d'aucune rupture brutale puisqu'elle démontre une réelle baisse des commandes de ses clients sur ce secteur et une baisse consécutive de l'ensemble du marché.

Sur le moyen tiré de l'abus de l'état de dépendance économique et le déséquilibre des rapports commerciaux, l'intimée soutient que les tribunaux considèrent que l'état de «dépendance économique », lorsqu'il résulte du choix d'une société de ne pas se diversifier et de ne pas chercher davantage de clients, n'a pas à être reproché à l'autre partenaire économique ; qu'en l'espèce il n'existait aucune impossibilité pour la société Eternal de trouver d'autres partenaires économiques que Leroy Merlin.

L'intimée invoque qu'aucune exclusivité des relations commerciales n'a été exigée de la société Eternal. En conséquence, elle demande que la Cour constate que la société Eternal ne présente aucune dépendance économique vis-à-vis de l'intimée puisqu'elle ne se trouvait pas dans l'impossibilité de trouver d'autres débouchés et/ou d'autres clients pour la vente de ses produits. La société Eternal ne produit d'ailleurs aucun élément qui démontrerait qu'elle a tenté de diversifier ses clients avant ou après la fin des relations commerciales qu'elle entretenait avec l'intimée.

Par ailleurs, l'intimée soutient que la société Eternal est incapable de démontrer un quelconque abus de l'intimée de cette prétendue situation de dépendance économique. L'intimée n'a pas tenté d'abuser son fournisseur mais lui a simplement fait part d'un changement de son mode de livraison et de commande.

Sur l'absence de déséquilibre dans les rapports commerciaux, l'intimée soutient avoir informé son fournisseur que le process de commandes et de livraisons qui lui serait applicable pour l'année 2014 / 2015 serait le même que celui appliqué à l'ensemble de ses fournisseurs. Le fait pour un fournisseur de voir les commandes passées par les points de vente et de livrer ces points de vente directement ne saurait être assimilé à des conditions « complexes et drastiques ». D'autant que ces dispositions figuraient dans tous les contrats signés par la société Eternal depuis 2010. De plus, l'intimée démontre qu’elle n'a obtenu aucun avantage de son fournisseur puisque celui-ci a pu proposer librement ses produits et ses prix.

Sur la prétendue concurrence déloyale et parasitaire, l'intimée rappelle qu'elle ne disposait d'aucune exclusivité réciproque avec la société Eternal, laquelle était ainsi libre de proposer ses produits à d'autres clients, de même qu'elle était elle-même également libre de se fournir auprès d'autres fournisseurs et qu'ainsi il ne saurait être considéré comme un acte de concurrence déloyale le fait pour un distributeur de se fournir auprès d'un autre fournisseur pour des produits identiques.

A titre reconventionnel, la société Leroy Merlin demande à la Cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a enjoint à la société Eternal de respecter ses obligations contractuelles en matière de Service Après-Vente et en matière de gestion des retraits et rappels produits. Par ailleurs, la société Leroy Merlin sollicite la condamnation de la société Eternal à lui payer des dommages et intérêts compte tenu du caractère particulièrement abusif de la procédure qu'elle a intentée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Sur la compétence :

Au regard des moyens respectifs des parties, rappelés plus haut, il y a lieu de faire droit à l'argumentation développée par la société Leroy Merlin dès lors qu'elle repose sur la volonté commune des parties de soumettre tout litige au tribunal de Lille ; or les moyens développés sur ce point par la société Eternal France, validés par le premier juge, sont en contradiction avec les clauses de l'article 5.5 du contrat dès lors qu'ils privilégient, au bénéfice d'un juridiction inexistante, le tribunal de commerce de Tourcoing, qui est en réalité le siège du tribunal de commerce Lille Métropole, et ce en sanctionnant en fait l'absence dans le contrat de la mention complète de cette juridiction, dont il est pourtant patent qu'elle était celle qu'avaient retenue les parties ; ainsi le moyen tiré de ce que celles-ci n'auraient pas convenu d'un nouvel accord pour attribuer compétence à la nouvelle Juridiction de Lille Métropole, remplaçant le tribunal de commerce de Lille, est erroné dès lors que cette même juridiction existait en 2014 et que sa formulation n'a pas été exactement reprise dans le contrat ;

Le jugement est en conséquence infirmé sur ce point ;

 

ÉVOQUANT :

Au fond :

Au regard des moyens respectifs des parties rappelés ci-dessus, il convient en premier lieu de se référer aux termes du courrier adressé le 3 octobre 2014 par le conseil de la société Eternal France à la société Leroy Merlin, et dans lequel celui-ci prenait acte de ce qu'il considérait comme une rupture brutale des relations commerciales ; c'est à l'aune des griefs évoqués dans ce courrier qu'est né le débat ;

La société Leroy Merlin n'est cependant pas fondée à en tirer argument en ce que, formellement, la société Eternal France aurait été à l'origine de la rupture, la seule question étant de dire si l'appelante a par ce document constaté une situation dont la réalité et la responsabilité restent à établir ;

L'analyse que fait la société Eternal France de ce litige repose sur un certain nombre de préalables qui conditionnent celle de la rupture alléguée ;

L'appelante pose en préalable l'existence d'une situation d'état de dépendance économique et de déséquilibre des rapports commerciaux ; elle […] ainsi que la société Leroy Merlin était en position de lui imposer des conditions drastiques qu'elle a dues supporter afin de maintenir la relation ; elle fait ainsi valoir que la réorganisation par la société Leroy Merlin de son système de distribution de produits lui a entraîné des frais complémentaires, et qu'elle a dû, au mépris des dispositions de l'article L. 442-6-1 alinéas 2 et 3 du code de commerce s'engager sans aucun écrit sur un volume d'achat proportionné ;

Cependant c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que, sur ces premiers éléments, le premier juge a répondu à ces moyens et fait une juste appréciation du doit et des moyens des parties ; le tribunal a en effet parfaitement souligné que l'importance du chiffre d'affaires avec la société Leroy Merlin-dont la cour relève que, selon les chiffres mêmes de la société Eternal France il était déjà en constante baisse, étant passé de 52,12 % en 2011 à 31,52 % en 2013-ne découlait d'aucune situation d'exclusivité, et qu'il appartenait à la société Eternal France de se diversifier ; que, s'agissant de la politique nouvelle instituée en 2014 elle relève d'une pratique courante que Leroy Merlin était en droit de mettre en œuvre dans une optique de diversification ;

La Cour ajoute à cette analyse la constatation que, des courriers échangés en mars 2014 par le dirigeant de la société Eternal France monsieur X. et monsieur Y. pour la société Leroy Merlin, il ne résulte aucune opposition du premier lequel, se félicitant le 5 mars d'une « discussion franche, directe... constructive » précisait avoir « noté les changements catégoriques du mode de travail, à savoir dorénavant, une livraison directe de nôtre entrepôt à vos magasins, sans (souligné par la cour)engagement quantitatif de votre part » ; de fait, le 21 du même mois, la société Eternal France proposait une offre incluant les nouvelles conditions-dont il ne peut en conséquence être actuellement argué de leur caractère exorbitant et comminatoire ;

Doit être également relevé que dans le mail du 5 mars monsieur X. rappelait à la société Leroy Merlin qu'elle constituait « une enseigne fondamentale » « tout en étant conscient de vos impératifs de gamme et de marge » ; il espérait expliquer à ses contacts en Asie « qu'il y aurait dorénavant moins de références mais surement plus de quantité achetées » et obtenir ainsi « des prix plus compétitifs » ;

Or la société Leroy Merlin ne s'est jamais engagée sur des volumes et force est de constater qu'elle a toujours été claire sur ce point : par mail du 31 mars 2014, monsieur Y., exposant de nouveau de manière détaillée le nouveau process commercial mis en œuvre, spécifiait : « comme j'ai pu vous l'expliquer ces facteurs ne me permettent donc pas de donner quelconque engagement de commande ou de volume, conformément à ce qui est écrit dans notre contrat...je réitère mon intention de continuer notre relation commerciale » ;

S'évince de ce qui précède que, au rebours de ce que soutient la société Eternal France, cette dernière a clairement choisi d'accepter les nouvelles conditions de process de la société Leroy Merlin et ce, sans aucune garantie nouvelle, lors qu'elle était parfaitement en état, au vu du chiffre d'affaires dépendant de cette relation, de chercher à accroître sa diversification ; elle n'a pas fait ce choix bien que la société Leroy Merlin ait été loyale dans ses réponses ;

Elle n'avait du reste pas plus tenté de le faire antérieurement bien que son conseil ait allégué (courrier du 7 novembre 2014) d'une dépendance économique de plus de 50 % : il affirmait dans ce courrier que ce chiffre ne permettait pas une diversification de la distribution ce qui relève d'un simple postulat ; tout au contraire il devait inciter à se prémunir d'un tel lien avec un distributeur et, de fait, il a été noté plus haut le chiffre de 31,52 % en 2013 produit par l'expert-comptable de l'appelante ;

Cette dernière reste par ailleurs très discrète sur les autres débouchés qu'elle a pour ses produits, lors que la société Leroy Merlin soutient qu'elle est en contact avec des magasins tels que Carrefour ou la Fnac ;

Le premier juge a très pertinemment souligné les carences de la société Eternal France sur cette question de la dépendance ;

Ensuite de ces éléments, le premier juge a néanmoins relevé que la société Leroy Merlin était fautive dans l'application du contrat, motif pris de ce que, si elle justifiait de réels problèmes de baisse de commandes liées au climat, et, spécifiquement, s'agissant de certains produits livrés par la société Eternal France, d'incidents liés à leur fiabilité, il était avéré qu'elle avait elle-même passé commande en janvier 2014 à la centrale d'achats Adéo d'un nombre conséquent d'appareils de chauffage-ce qui correspond effectivement à la thèse de l'appelante sur la mauvaise foi de la société Leroy Merlin et la volonté de celle-ci de la contourner par des actes de concurrence déloyale et parasitaires en commercialisant directement des produits acquis auprès d'industriels auparavant prospectés par elle en sa qualité de grossiste ;

Se pose en conséquence la question de l'attitude déloyale de la société Leroy Merlin qui, alors même qu'elle posait les bases d'un nouveau partenariat, aurait en réalité déjà fait le choix d'évincer la société Eternal France : la cohérence d'une telle démarche n'apparaît pas et il n'est du reste pas allégué que c'est par ce biais que la société Leroy Merlin aurait obtenu d'autres données qu'elle ne possédait pas ;

La société Eternal France soutient, avant même d'évoquer tout problème de ce type, que la réalisation des accords commerciaux passés avec la société Leroy Merlin s'est heurtée à l'absence de toute commande de la part de cette dernière ;

De fait, par mail du 22 juillet 2014, monsieur X. faisait part de « (son) inquiétude car, à ce jour, je n'ai reçu aucune commande magasin pour la gamme de chauffages 2014 2015 », ajoutant « que peut-être il est encore un peu tôt » et que « c'(était) très inquiétant pour (sa) société » ;

Force est de constater que, ce faisant, monsieur X., quelque légitime que soit son inquiétude, faisait ainsi abstraction des mises en garde prodiguées par la société Leroy Merlin sur l'absence de visibilité de leur plan de commandes ;

Il est patent qu'à la date du 3 octobre 2014 à laquelle la société Eternal France a jugé devoir prendre acte d'une rupture le niveau de commandes n'avait guère évolué ;

Mais cette situation était elle-même justifiée, ainsi que l'a noté le tribunal, et ainsi que la société Leroy Merlin l'avait redouté, par les conditions climatiques affectant deux saisons ; l'une (2013 2014) déjà clémente en termes de températures, la seconde s'annonçant également douce ;

La société Leroy Merlin a du reste clairement explicité ces données dans sa réponse du 21 octobre 2014, rappelant que ces éléments induisaient une baisse du marché de - 27% et, partant, un surstock (+ 88%) conduisant à une chute des achats ;

Pour autant la société Leroy Merlin relevait avec pertinence que la société Eternal France réagissait à une situation provisoire d'une période de chauffe non définie, la saison venant de débuter ;

Il est, de fait, non discutable que l'attitude de la société Leroy Merlin ne pouvait être appréhendée que à l'issue de cette période, soit en mars avril 2015, quand un bilan crédible des commandes et de l'écoulement des stocks eût été possible ;

La réaction prématurée de la société Eternal France est dès lors sans portée au regard de ces éléments et elle relève elle-même de cette rupture brutale des relations commerciales qu'elle prétend sanctionner ;

La prise en compte des commandes de janvier 2014, a été retenue par le premier juge en ce qu'elles attesteraient de la capacité ou la volonté de la société Leroy Merlin de se fournir en produits de chauffage nonobstant les données, notamment climatiques affectant ce rayon ;

Cependant force est de constater, d'une part, et pour la clarté du débat, qu'il convient sur ce point de faire la part entre les achats effectués par la société Adéo - quels que soient ses liens avec la société Leroy Merlin - et cette dernière ; et, d'autre part, d'apprécier la portée réelle de ces achats ;

L'explication avancée par la société Leroy Merlin que ceux-ci finaliseraient des accords déjà passés pour la fin de saison 2013/2014 est plausible mais pour autant elle n'est pas démontrée par des éléments précis ;

Cependant il convient de rappeler que la société Eternal France argumente quant à elle sur le fait que ces quelques commandes laissent supposer de l'ampleur globale de ce marché mais que, surtout, elle fait valoir que si la société Leroy Merlin était libre d'y procéder, elle devait en revanche en tirer à son égard toutes les conséquences en terme de préavis, dès lors que, libre également de rompre les relations commerciales, elle ne devait pas lui laisser croire en la pérennité de ces mêmes relations-moyen qu'elle reprend subsidiairement par ailleurs sur le plan de la déloyauté commerciale ;

Ces moyens conduisent à une appréciation distincte de celle portée par le tribunal qui a considéré ces commandes comme objectivement fautives sans, pour autant, les créditer d'une quelconque intention déloyale ;

Cependant toutes les analyses qui sont tirées de ces achats se heurtent à leur date et à celle à laquelle la société Eternal France a constaté la rupture : ainsi qu'il l'a été relevé plus haut en octobre 2014 cette dernière était parfaitement au fait des nouvelles conditions proposées par la société Leroy Merlin, qu'elle avait acceptées, et de l'absence de lisibilité sur les commandes, soulignée par son partenaire ; la portée éventuelle des commandes de janvier 2014 ne pouvait-et ne peut-ainsi s'apprécier que sur une saison hivernale entière ; en outre en mars 2014 la société Eternal France n'a pas plus demandé à faire le point avec la société Leroy Merlin sur les relations avec des fournisseurs qui leur étaient communes lors qu'elle n'ignorait évidemment pas le rôle et le poids d'Adeo dans ce processus ; c'est en conséquence au regard de ces nombreux aléas qu'elle a elle-même donné suite à des propositions qui ne pouvaient s'apprécier que sur une durée significative, soit une saison entière, compte tenu des aléas climatiques ;

La société Eternal France a soutenu que ces conditions lui avaient été « brutalement imposées : les échanges entre les parties, rappelés plus haut contredisent cette interprétation ;

En revanche a été également rappelé que la société Eternal France a pris sur elle de passer commande de matériel nonobstant les incertitudes, connues, sur les commandes de la société Leroy Merlin ;

Doit être tenu pour négligeable l'impact sur la rupture du moyen tiré des défaillances de certains produits : si la société Leroy Merlin s'en est effectivement plainte et si la société Eternal France a elle-même, à l'époque, reconnu certaines de ces défaillances, aucune preuve n'est apportée de ce qu'elles auraient réellement freiné les diverses entités du groupe dans leurs achats, en sorte que, faute d'une telle justification, le débat technique sur ces problèmes devient sans objet ;

S'évince de ce qui précède que le grief tiré d'une rupture brutale des relations commerciales et sans préavis ne peut être retenu à l'encontre de la société Leroy Merlin ;

Le jugement est en conséquence infirmé sur ce point ;

Sont logiquement rejetées, en conséquence, l'ensemble des demandes découlant de ce grief, tant en terme de préjudice commercial que du préjudice moral allégué ;

Il a été également relevé que la société Leroy Merlin avait fait preuve avec la société Eternal France d'une parfaite cohérence et d'une information objective dans la gestion de leurs relations commerciales ; dès lors la société Eternal France ne peut prétendre sur ce nouveau fondement obtenir réparation d'une rupture prétendument brutale ;

S'agissant de la demande de réparation découlant des investissements liés au stock invendu, et au coût des produits de chauffage que la société Eternal France a commandés auprès de ses fabricants afin, selon elle, de satisfaire les exigences de la société Leroy Merlin, et qui seraient restés en stock, il a été souligné plus haut que c'est de son seul chef que la société Eternal France avait estimé devoir passer ces commandes ; elle ne justifie du reste pas de l'impossibilité d'avoir pu les écouler auprès de ses autres clients ;

Il en est de même pour les destructions qu'aurait imposées l'attitude de la société Leroy Merlin ;

S'agissant des actes de concurrence déloyale et parasitaires imputés à la société Leroy Merlin, la société Eternal France soutient qu'elle a pu constater par voie d'huissier que cette dernière commercialisait directement des produits acquis auprès d'industriels qu'elle même avait auparavant prospectés en sa qualité de grossiste ; elle estime que cette pratique aura pour conséquence que les autres enseignes préféreront s'approvisionner auprès d'une enseigne leader, de même que les fabricants s'abstiendront de fabriquer à la fois pour la société Eternal France et pour la société Leroy Merlin ;

Elle souligne que ces grief n'impliquent pas nécessairement que soit alléguée et justifiée d'une relation d'exclusivité entre la société Eternal France et ses fournisseurs ni qu'il soit démontré que les modèles en cause étaient fabriqués spécifiquement pour la société Eternal France ; elle précise qu'elle ne reproche pas à la société Leroy Merlin de s'être approvisionnée directement auprès de ces fournisseurs mais de l'avoir fait en profitant du travail de prospection et de sélection qu'elle même avait préalablement opéré, avant que de se voir évincée ;

Le débat porte effectivement sur un certain nombre de produits commercialisés par la société Leroy Merlin et qui, selon des constats d'huissier établis à la demande de la société Eternal, seraient identiques à ceux que cette dernière commercialisait auprès de cette même entreprise ;

La société Leroy Merlin qui conteste le détail de ces données, au motif que les produits cités ne faisaient pas partie de la gamme 2014/2015 sélectionnée par elle chez la société Eternal et que, d'autre part, certains des fournisseurs en cause ne travaillaient avec celle-ci que depuis 2013, rappelle, en tout état de cause, le principe de liberté de choix en la matière et l'universalité des produits fabriqués en Chine ;

Il est de fait que la société Leroy Merlin importait très classiquement de ce pays, des matériels fabriqués pour l'ensemble de la planète et commercialisés sous diverses marques ; il n'est effectivement pas prétendu que les achats effectués par Adéo ou directement par la société Leroy Merlin aient procédé d'une pratique nouvelle, spécifique mais surtout il n'est pas plus démontré que la société Eternal ait eu un rôle particulier dans le choix et la présentation de ces produits courants dont elle n'avait pas l'exclusivité ; partant, la démonstration d'une attitude déloyale de la société Leroy Merlin, qui ait pu entraîner les conséquences exceptionnelles que lui suppose la société Eternal France, n'est pas faite ;

En conséquence le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur les demandes reconventionnelles :

Le premier juge a enjoint à la société Eternal de :

- Fournir à la société Leroy Merlin toute information nécessaire à la gestion des sinistres survenus sur les radiateurs référencé WPH-20L,

- Collaborer à la gestion des sinistres qui surviendraient sur les produits qu'elle a fournis à la société Leroy Merlin ;

La société Leroy Merlin sollicite la confirmation de ces dispositions au motif qu'elle a dû pallier les défaillances de certains produits, en retirer la vente pour l'un d'eux, et qu'elle doit ainsi être à même de gérer les sinistres à venir ; elle reconnaît pour autant « qu'il n'est pas possible de déterminer les pièces qui seront utiles ;

De fait, les termes de la condamnation ainsi sollicitée conduisent, outre le fait qu'elle concerne un éventuel conflit à venir et dont la cour n'est pas saisie, à une décision purement formelle, et, à ce stade, inapplicable ;

Le jugement est en conséquence infirmé sur ce point ;

 

Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure ne permettent de caractériser à l'encontre de la société Eternal France une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de se défendre en justice ; il n'est pas fait droit à la demande de dommages intérêts formée à ce titre ;

L'équité commande d'allouer à la société Leroy Merlin la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande de la société Eternal France de ce chef ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- retenu sa compétence,

- retenu l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales imputable à la société Leroy Merlin et alloué à la société Eternal France des indemnités à ce titre,

a enjoint à la société Eternal de :

- Fournir à la société Leroy Merlin toute information nécessaire à la gestion des sinistres survenus sur les radiateurs référencé WPH-20L,

- Collaborer à la gestion des sinistres qui surviendrait sur les produits qu'elle a fourni à la société Leroy Merlin,

- condamné la société Leroy Merlin à payer à la société Eternal la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700code de procédure civile,

STATUANT à nouveau,

DIT que le tribunal de commerce de Lille Métropole était compétent ;

EVOQUANT

DÉBOUTE la société Eternal France de ses demandes au titre d'une prétendue rupture brutale des relations commerciales ;

DÉBOUTE la société Leroy Merlin de ses demandes afférentes aux sinistres affectant divers radiateurs ;

CONDAMNE la société Eternal France à payer à la société Leroy Merlin la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes

CONDAMNE la société Eternal France aux dépens dont distraction au profit de la SCP Bolling Durand Lallement.

Le Greffier                            Le Président

V. BRÉANT                         L. DABOSVILLE