CA DIJON (2e ch. civ.), 9 juin 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5646
CA DIJON (2e ch. civ.), 9 juin 2016 : RG n° 14/00467
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Lors des débats du 14 avril 2016, la cour a autorisé les parties à produire, jusqu'au 6 mai 2016, une note en délibéré pour présenter leurs observations sur la recevabilité de l'appel formé devant la cour d'appel de Dijon d'un jugement ayant statué dans un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce et sur la recevabilité des interventions volontaires devant la cour d'appel de Dijon dans un litige de telle nature. Aucune des parties n'a adressé à la cour de note en délibéré dans le délai imparti. »
2/ « Mais attendu que conformément à l'article 125 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'une voie de recours ; Attendu qu'il est de jurisprudence que l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce doit être relevée d'office par le juge ; Attendu qu'à titre liminaire, il sera observé que certes, ainsi que le souligne l'appelante, l'acte de signification du 12 mars 2014 porte l'indication de l'appel devant être formé devant la cour d'appel de Dijon ; que pour autant cette mention erronée n'a pas pour effet de rendre recevable l'appel formé devant une autre cour que la cour de Paris, désignée par l'article D. 442-3 d'ordre public, et est tout au plus susceptible en affectant la régularité de l'acte de ne pas faire courir le délai d'appel ».
3/ « Attendu que la circonstance, que le tribunal de commerce de Chalon sur Saône ait méconnu l'étendue de son pouvoir juridictionnel en statuant comme il l'a fait sur un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6 pour lequel il n'a pas été spécialement désigné, ne peut suffire à rendre recevable l'appel de sa décision porté devant la cour d'appel de Dijon qui ne dispose pas d'avantage du pouvoir juridictionnel de connaître d'un tel litige ; Attendu qu'il convient dès lors, conformément à l'article 125 du code de procédure civile, de déclarer irrecevable l'appel formé par la Sarl Math devant la cour d'appel de céans ».
4/ « que toutefois, ainsi qu'il a déjà été relevé précédemment, les moyens qu'invoquent les intervenants volontaires ne font que rendre davantage patent encore que le litige a trait à l'application de l'article L. 442-6 et aux pratiques sanctionnées par ces dispositions d'ordre public, lesquelles ainsi qu'il vient d'être vu ne relèvent pas du pouvoir juridictionnel de la cour de céans ; que par suite de l'irrecevabilité de l'appel principal, leurs interventions au côté de l'appelant ne peuvent qu'être déclarées irrecevables ».
COUR D’APPEL DE DIJON
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 9 JUIN 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/00467. Décision déférée à la Cour : au fond du 6 janvier 2014, rendue par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône - R.G. n° 13/000144.
APPELANTE :
SARL MATH
inscrite au RCS de DOUAI sous le n° XXX, représentée par son gérant en exercice, Monsieur Y., domicilié au siège sis : dont le siège social est [adresse], Représentée par Maître Florent S., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127, Assistée de Maître J. membre de la SELARL J. & A. avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SARL PORTS INTER
inscrite au RCS de CHALON SUR SAONE sous le n° YYY Prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège sis : [adresse], Représentée par Maître Claire G., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126, Assistée de Maître Pascal D., membre de la SELAS F. avocats au barreau de MÂCON
PARTIES INTERVENANTES :
CHAMBRE NATIONALE DE LA BATELLERIE ARTISANALE
établissement public national à caractère administratif, prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit au siège sis [adresse], Représenté par Maître Jean-Vianney G. de la SCP A. & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 38, Assisté de Maître Séverine L., avocat au barreau de LYON
Syndicat LA GLISSOIRE
syndicat professionnel de la batellerie artisanale, représenté par son Président en exercice, Représentée par Maître Cécile R. - L. de la SELARL A. D. R., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 2, Assistée de Maître Christian H., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 avril 2016 en audience publique devant la cour composée de : Renée-Michèle OTT, Président de chambre, président, ayant fait le rapport, Sophie DUMURGIER, Conseiller, Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Elisabeth GUEDON,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 9 juin 2016
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Renée-Michèle OTT, Président de chambre, et par Elisabeth GUEDON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Se plaignant de ne plus avoir reçu d'ordre de transport depuis le 7 novembre 2012 de la part de la Sarl Ports Inter, commissionnaire de transport, alors que son seul bateau de navigation intérieure « A. » est mis à la disposition exclusive de cette dernière depuis le 15 juin 2010, et se plaignant de subir ainsi un grave préjudice qui l'expose à des difficultés économiques importantes en raison de la pénurie de transports sur le bassin Rhône/Saône dont son unité est captive, la Sarl Math (qui exerce une activité de transport fluvial sur ce bassin) a, par acte du 3 janvier 2013, assigné la Sarl Ports Inter devant le tribunal de commerce de Chalon sur Saône, sur le fondement de l'article L. 442-6-5° du code de commerce, aux fins de constater la rupture brutale de relations commerciales et, faute de respect d'un préavis d'usage fixé à 6 mois eu égard à l'ancienneté de leurs relations, l'indemniser de cette rupture brutale par une somme de 190.000 euros.
Aux termes de ses dernières écritures de première instance, la Sarl Math a conclu à un préavis d'usage de 9 mois et, sur le fondement de l'article L. 442-6-5°, à la condamnation de la Sarl Ports Inter à lui payer une somme de 287.000 euros, outre une indemnité pour frais irrépétibles.
La société Ports Inter a conclu au débouté et, à titre reconventionnel, au paiement d'une somme de 31.192,40 euros en réparation du préjudice que lui cause l'inexécution fautive par la Sarl Math de ses obligations contractuelles, dont 10.000 euros au titre du préjudice commercial d'image, outre une indemnité pour frais irrépétibles.
Par jugement en date du 6 janvier 2014, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a :
- condamné la société Ports Inter au paiement de la somme de 32.500 euros à la société Math au titre du présent différend, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
- dit ne pas y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes les autres demandes ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
-condamné la société Ports Inter aux dépens de l'instance.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que si la première partie du transport de Valence à Sète où le bateau « A. »devait décharger le 10 ou 12 novembre 2012 s'est effectuée sans problème, le transporteur a cependant, au lieu de se rendre à vide de Sète à Fos comme prévu pour y effectuer un chargement de charbon, ce chargement étant appelé à être retardé, décidé de regagner directement Chalon sur Saône, sans escompter des dédommagements pour immobilisation dont elle aurait pu bénéficier par « surestaries » du fait d'une expérience antérieure négative avec la Sarl Ports Inter.
Le tribunal a estimé que « les torts sont partiellement partagés, il y a néanmoins, de façon incontestable, rupture brutale de relations commerciales établies », et ce en considérant que « normalement, le donneur d'ordre aurait dû immédiatement faire savoir par écrit à son sous-traitant son mécontentement pour le déroulement de son dernier voyage, l'informer que ce manquement était une faute grave entraînant une perte de confiance et lui signifier sa décision de mettre fin immédiatement à leur relation commerciale, mais ce n'est qu'en constatant qu'il n'était plus sollicité pour les transports habituels que le transporteur a réagi en faisant intervenir son conseil et ce n'est qu'en réponse, bien tardivement, que le donneur d'ordre a clarifié sa position ».
Le tribunal a fixé l'indemnisation due à la Sarl Math pour cette rupture de relations commerciales établies, eu égard à leur durée, à deux mois d'activité par référence au chiffre d'affaires réalisé du 1er janvier au 7 novembre 2012 déduction faite des frais variables du bateau.
Le tribunal a débouté la Sarl Ports Inter de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, faute pour celle-ci de rapporter la preuve du règlement effectif de la facture du 28 février 2013 de 26.192,40 euros qu'elle aurait dû supporter du fait de l'inexécution fautive de la Sarl Math, faute pour elle également d'apporter tout élément justificatif du préjudice commercial allégué.
Par déclaration formée le 12 mars 2014, la Sarl Math a interjeté appel du dit jugement.
La Chambre nationale de la batellerie artisanale et le syndicat La Glissoire sont intervenus volontairement à l'instance.
Par ses dernières écritures en date du 17 février 2016, la Sarl Math demande à la cour de :
Vu les articles L. 442-6, D. 442-3 § 2 du code de commerce, 1134, 1315, 1382, 1383 du code civil, 96, 97 et 122 du code de procédure civile,
A titre principal,
- se déclarer compétente,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône le 6 janvier 2014 en tant qu'il a constaté l'existence de relations commerciales établies entre les parties et l'absence d'ordres de transport à compter du 7 novembre 2012 caractérisant une rupture sans préavis des dites relations,
- constater encore que le bateau « A. » n'a, à quelques rares exceptions près, effectué aucun transport, ses démarches étant restées infructueuses entre le 14 novembre 2012 et le 28 février 2014,
- dire que le préavis sera fixé à douze mois en raison de l'ancienneté des relations commerciales et des difficultés d'une reprise normale d'activité dans le secteur concerné,
- fixer en conséquence l'indemnité pour rupture brutale des relations commerciales en faveur du prestataire évincé à un montant de 134.510 euros et condamner la société Ports Inter au paiement de ladite somme avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à la date du paiement,
- lui allouer une indemnité de 80.000 euros en réparation du préjudice commercial consécutif à l'atteinte portée à sa réputation professionnelle,
- faire application de l'article 1154 du code civil sur la capitalisation des intérêts ;
A titre subsidiaire,
- faire droit à la demande de disjonction des réparations demandées sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce,
- renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de paris, compétente conformément à l'article D. 442-3 § 2 du code de commerce,
- déclarer la demande recevable pour le surplus,
Y faisant droit,
- lui allouer une indemnité de 80.000 euros en réparation du préjudice commercial consécutif à l'atteinte portée à sa réputation professionnelle,
- faire application de l'article 1154 du code civil sur la capitalisation des intérêts,
En tout état de cause,
- rejeter purement et simplement la demande reconventionnelle de la société Ports Inter en réparation d'un préjudice direct pour défaut de preuve,
- débouter la société Ports Inter de ses demandes et conclusions,
- condamner la société Ports Inter à lui régler la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens et frais de première instance et d'appel.
Par ses dernières écritures d'intervention volontaire en date du 18 août 2014, la Chambre nationale de la batellerie artisanale demande à la cour de :
Vu les articles 330 du code de procédure civile, L. 442-6-I-2° et L. 420-2 du code de commerce,
- la déclarer recevable et bien fondée en son intervention volontaire,
- condamner la société Ports Inter à lui payer la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts au titre des pratiques commerciales abusives dont elle est à l'origine,
- condamner la société Ports Inter à lui payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Maître Jean-Vianney G. sur son affirmation de droit.
Par ses dernières écritures d'intervention volontaire en date du 17 mars 2016, le syndicat La Glissoire demande à la cour de :
Vu l'article L. 2131-1 du code du travail,
- constater son intervention volontaire,
- en conséquence, le recevoir en son intervention volontaire en cause d'appel, l'en déclarer recevable et fondé,
- constater que la rupture brutale des relations commerciales établies entre la Sarl Math et la société Ports Inter met en jeu l'intérêt à la profession de l'artisanat batelier,
- dire que la rupture brutale des relations commerciales établies entre la Sarl Math et la société Port Inter crée un préjudice à la profession de l'artisanat batelier, cette dernière étant soumise à des conditions commerciales abusives qu'elle ne peut contester sous peine de déréférencement et de mise à l'index,
- en conséquence, condamner la société Ports Inter à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de dommages et intérêts en raison du préjudice propre subi par l'artisanat batelier,
- condamner la société Ports Inter à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Ports Inter aux entiers dépens, sous couvert des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la Selarl A.-D.-R.
Par ses dernières écritures en date du 30 novembre 2015, la Sarl Ports Inter demande à la cour de :
Vu les articles L. 442-6-I-5° du code de commerce et 123 du code de procédure civile,
- dire que le tribunal de commerce de Chalon sur Saône ne dispose pas du pouvoir juridictionnel et ne pouvait juger du litige qui oppose les parties sur le fondement de l'article L 442-6-I-5ème du code de commerce,
- en conséquence, dire la société Math irrecevable en ses demandes et infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône le 6 janvier 2014,
- dire que ne sont pas réunies les conditions d'application de l'article L. 442-6-I-5ème du code de commerce et en tout état de cause dire que la rupture des relations contractuelles est imputable à la société Math qui en a pris l'initiative,
- en conséquence, dire qu'elle ne pouvait être dans ces conditions tenue au respect d'un préavis,
- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la durée du préavis devait être de deux mois et fixer l'indemnité sur la base du calcul proposé par la Sarl Math à la somme de 22.418 euros,
- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 32.500 euros,
- dire que la société Math ne justifie d'aucun préjudice commercial qui lui serait causé par une faute de la société Ports Inter et en conséquence débouter la société Math de sa demande en paiement d'une somme de 50.000 euros en réparation du préjudice commercial allégué,
- condamner la société Math au paiement de la somme de 21.900 euros en réparation du préjudice subi par la société Ports Inter du fait de la faute commise par la société Math,
- débouter le syndicat La Glissoire de sa demande indemnitaire totalement injustifiée en son principe et dans son quantum, faute d'établir que la société Ports Inter a eu une attitude causant un préjudice à l'ensemble de la profession de l'artisanat batelier,
- débouter la Chambre nationale de la batellerie artisanale de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la société Math, le Syndicat La Glissoire et la Chambre nationale de la batellerie artisanale au paiement chacun de la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mars 2016.
Lors des débats du 14 avril 2016, la cour a autorisé les parties à produire, jusqu'au 6 mai 2016, une note en délibéré pour présenter leurs observations sur la recevabilité de l'appel formé devant la cour d'appel de Dijon d'un jugement ayant statué dans un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce et sur la recevabilité des interventions volontaires devant la cour d'appel de Dijon dans un litige de telle nature.
Aucune des parties n'a adressé à la cour de note en délibéré dans le délai imparti.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Vu les dernières écritures des parties auxquelles la Cour se réfère expressément ; vu les pièces ;
Attendu que l'article D. 442-3 du code de commerce dispose que « pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris » ; qu'aux termes du tableau de cette annexe 4-2-1, le tribunal de commerce de Nancy est désigné pour le ressort des cours d'appel de Besançon, Colmar, Dijon, Metz et Nancy ;
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que pour s'opposer à l'irrecevabilité soulevée de ses demandes, la Sarl Math fait valoir que la juridiction saisie n'est pas liée par la qualification juridique donnée aux faits litigieux, qu'en première instance l'incompétence n'a pas été soulevée par la Sarl Ports Inter ni même par le tribunal, que la cour de céans est le second degré de juridiction naturel des juridictions de son ressort dont le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône et que la situation géographique des acteurs économiques sur le couloir Rhône Saône justifie que le litige relatif aux comportements et pratiques dénoncés soit porté devant la juridiction qui connaît parfaitement les particularités économiques et géographiques dans son ressort ; qu'elle estime qu'il peut lui être d'autant moins fait grief d'avoir saisi la cour de Dijon qu'elle s'est conformée aux modalités précisées dans l'acte de signification du jugement de première instance délivré le 12 mars 2014 à l'initiative de la Sarl Ports Inter ;
qu'elle considère que la demande de la Sarl Ports Inter, si elle devait être accueillie, aurait pour conséquence regrettable de mettre un terme définitif à ce litige en privant toutes les parties du double degré de juridiction ;
qu'à titre subsidiaire, elle présente une demande de disjonction, en soulignant que la Sarl Ports Inter sollicite de la cour l'allocation de dommages-et-intérêts en application de l'article 1147 du code civil pour faute contractuelle et que « dans le même sens, la société Math sollicite l'allocation d'une somme de 80.000 euros à titre de dommages-et-intérêts en réparation du préjudice commercial consécutif à la publicité abusive faite par la SARL Ports Inter de cette prétendue faute » ;
Attendu que la Sarl Ports Inter fait valoir que le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a méconnu l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels, puisqu'il n'est pas désigné spécialement pour connaître d'une action engagée sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ; que ce moyen, tiré du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal, constitue une fin de non-recevoir pouvant être opposée en tout état de cause ; qu'elle conclut ainsi à l'irrecevabilité de la demande indemnitaire formée par la Sarl Math sur ce fondement ;
Mais attendu que conformément à l'article 125 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'une voie de recours ;
Attendu qu'il est de jurisprudence que l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce doit être relevée d'office par le juge ;
Attendu qu'à titre liminaire, il sera observé que certes, ainsi que le souligne l'appelante, l'acte de signification du 12 mars 2014 porte l'indication de l'appel devant être formé devant la cour d'appel de Dijon ; que pour autant cette mention erronée n'a pas pour effet de rendre recevable l'appel formé devant une autre cour que la cour de Paris, désignée par l'article D. 442-3 d'ordre public, et est tout au plus susceptible en affectant la régularité de l'acte de ne pas faire courir le délai d'appel ;
Attendu que force est de relever que le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a été saisi par la Sarl Math par une assignation aux termes de laquelle un seul fondement a été exclusivement invoqué, à savoir la rupture brutale de relations commerciales établies par application de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;
que si aux termes de ses dernières écritures devant le premier juge, la Sarl Math a modifié le montant de sa demande en dommages-et-intérêts en conséquence d'un préavis plus long qu'elle estimait devoir être respecté, elle n'a toujours invoqué dans ses conclusions que le seul et unique fondement de la rupture brutale de relations commerciales établies par application de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;
que ce n'est qu'à hauteur de cour, dans ses conclusions d'appelant, que la Sarl Math invoque un préjudice distinct qui devrait être réparé par une somme de 80.000 euros aux termes d'explications des plus succinctes puisque ses développements au fond restent consacrés quasi exclusivement à la rupture brutale de relations commerciales établies par application de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;
Attendu que si la Sarl Ports Inter a présenté en première instance une demande reconventionnelle en dommages-et-intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil, cette demande est indissociable, et donc nécessairement connexe, de la demande principale de la Sarl Math dès lors qu'elle a trait à l'inexécution du transport de charbon que devait effectuer le bateau « A. » de la Sarl Math depuis Fos au retour de sa livraison de céréales à Sète, dont il est argué par la Sarl Ports Inter pour justifier d'une rupture, sans préavis, de relations commerciales si elles sont établies au sens de l'article L. 442-6 ;
Attendu qu'il est ainsi manifeste que la décision de première instance est rendue dans un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, lequel est d'ordre public ;
que d'ailleurs les moyens invoqués par les parties intervenantes et leurs développements en fait et en droit dans leurs écritures ne font que confirmer que le litige a bien trait à des pratiques anti-concurrentielles qui ne relèvent pas du pouvoir juridictionnel de cette cour, puisque d'une part la Chambre nationale de la batellerie artisanale se réfère, au visa du dispositif de ses conclusions, à l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce à raison d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et, dans les motifs de ses conclusions, à l'article L. 442-6-I-4° à raison de conditions de prix manifestement abusives obtenues sous menace de rupture brutale ou partielle des relations, puisque d'autre part le syndicat La Glissoire dénonce la rupture brutale des relations établies entre la Sarl Math et la Sarl Ports Inter comme portant atteinte aux intérêts de la profession ;
Attendu que la circonstance, que le tribunal de commerce de Chalon sur Saône ait méconnu l'étendue de son pouvoir juridictionnel en statuant comme il l'a fait sur un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6 pour lequel il n'a pas été spécialement désigné, ne peut suffire à rendre recevable l'appel de sa décision porté devant la cour d'appel de Dijon qui ne dispose pas d'avantage du pouvoir juridictionnel de connaître d'un tel litige ;
Attendu qu'il convient dès lors, conformément à l'article 125 du code de procédure civile, de déclarer irrecevable l'appel formé par la Sarl Math devant la cour d'appel de céans ;
Sur la recevabilité des interventions volontaires :
Attendu que dans leurs écritures, la Chambre nationale de la batellerie artisanale et le syndicat La Glissoire ont conclu à la recevabilité de leur intervention respective au regard de la défense des intérêts de la défense de la batellerie et de la profession de bateliers ;
que toutefois, ainsi qu'il a déjà été relevé précédemment, les moyens qu'invoquent les intervenants volontaires ne font que rendre davantage patent encore que le litige a trait à l'application de l'article L. 442-6 et aux pratiques sanctionnées par ces dispositions d'ordre public, lesquelles ainsi qu'il vient d'être vu ne relèvent pas du pouvoir juridictionnel de la cour de céans ;
que par suite de l'irrecevabilité de l'appel principal, leurs interventions au côté de l'appelant ne peuvent qu'être déclarées irrecevables ;
Attendu que la société appelante qui succombe sur son appel irrecevable doit être condamnée aux entiers frais et dépens d'appel et de première instance, à l'exception des dépens nés des interventions volontaires de la Chambre nationale de la batellerie artisanale et du syndicat La Glissoire qui resteront à la charge respective de chacun des intervenants volontaires ;
Attendu que l'équité n'exige pas la mise en oeuvre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Vu les articles D. 442-3 et L. 442-6 du code de commerce, 125 du code de procédure civile
Constate que le tribunal de commerce de Chalon sur Saône par jugement du 6 janvier 2014 a statué dans un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce ;
Déclare en conséquence irrecevable devant la cour d'appel de Dijon l'appel formé par la Sarl Math du jugement rendu le 6 janvier 2014 par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône ;
Déclare irrecevables les interventions volontaires de la Chambre nationale de la batellerie artisanale et du syndicat La Glissoire ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Sarl Math aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, à l'exception de ceux nés des interventions volontaires de la Chambre nationale de la batellerie artisanale et du syndicat La Glissoire qui resteront à la charge respective de chacun des intervenants volontaires.
Le greffier Le président