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CA TOULOUSE (2e ch.), 22 juin 2016

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch.), 22 juin 2016
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch.
Demande : 14/06097
Décision : 16/397
Date : 22/06/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/11/2014
Numéro de la décision : 397
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5657

CA TOULOUSE (2e ch.), 22 juin 2016 : RG n° 14/06097 ; arrêt n° 397

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ces contrats de location et de prestation de service sont interdépendants, sauf à vider l'économie générale de l'opération de toute substance. S'il est possible pour le locataire de s'adresser à un autre prestataire pour assurer la maintenance du matériel, il lui est nécessaire de passer un nouveau contrat avec un tiers qui soit en capacité de se substituer à son prestataire lorsque l'entreprise se montre défaillante et la mauvaise exécution ou la carence de son cocontractant rend temporairement inutilisable le matériel loué. »

2/ « Or, la résiliation du contrat de maintenance résulte de la mauvaise exécution par M. Y. de ses obligations, puisqu'à deux reprises en 3 mois, les commandes de consommables n'ont pas été honorées en temps utiles, après un délai de trois semaines pour la première, alors que le toner d'un des appareils n'a ensuite pas été remplacé, ce qui a conduit M. X. à invoquer la résiliation du contrat et M. Y. à reconnaître qu'il avait rencontré des difficultés à recevoir ses livraisons de consommables en raison des intempéries (pièce n° 4 de l'appelant).

En raison de l'interdépendance entre les deux contrats, la résiliation du contrat de maintenance, acquise par le courrier de M. X. du 20 décembre 2010 se plaignant de la mauvaise exécution de la prestation et faisant état de sa volonté de mettre fin au contrat, puis par l'enlèvement des photocopieurs par Eco Ink, a rendu caduc le contrat de location, le locataire ne pouvant être contraint de continuer de s'acquitter du paiement des loyers sans la contrepartie que constituait la possibilité d'user du matériel loué.

Le jugement sera infirmé et la société BNP Paribas Lease Group déboutée de ses demandes tendant au paiement des loyers de mai à octobre 2011 et de l'indemnité de résiliation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 22 JUIN 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/06097. Arrêt n° 397. Décision déférée du 3 juillet 2014 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - R.G. n° 12/00538.

 

APPELANT(E/S) :

Monsieur X.

Représenté par Maître Francis N., avocat au barreau de TOULOUSE et par Maître Guy A. de la SELARL COTEG & A. ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

 

INTIMÉ(E/S) :

Monsieur Y.

Exerçant sous l'enseigne ECO INK - [...], sans avocat constitué

SA BNP PARIBAS LEASE GROUP

Représentée par Maître Jérôme M.-D. de l'ASSOCIATION CABINET D'AVOCATS D. & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 avril 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. G. COUSTEAUX Président et M. SONNEVILLE, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : G. COUSTEAUX, président, V. SALMERON, conseiller, M. SONNEVILLE, conseiller

Greffier, lors des débats : M. MARGUERIT

ARRÊT : - défaut - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par G. COUSTEAUX, président, et par M. MARGUERIT, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Médecin radiologue exerçant à [ville C.], Monsieur X. a choisi auprès de Monsieur Y. (ECO INK) deux imprimantes en location sur 60 mois, moyennant un loyer de 250 euros HT par mois, suivant contrat du 13 septembre 2010, une convention de prestation de services a été conclue avec M. Y.

Par contrat du 30 septembre 2010, la location a été financée par AXIALEASE, qui a immédiatement cédé le contrat à la SA BNP Paribas Lease Group.

Se plaignant de difficultés dans l'exécution du contrat de prestation de services, M. X. a entendu résilier le contrat de location par LRAR du 22 décembre 2010 en s'adressant à M. Y., qui a procédé à l'enlèvement du matériel le 27 décembre 2010.

Le 13 mai 2011, il a déposé plainte contre M. Y. ; d'autres plaintes concernaient ce dernier et une information judiciaire a conduit à son renvoi devant le tribunal correctionnel, M. X. étant partie civile.

Après avoir dénoncé au locataire sa décision de résilier le contrat en raison d'impayés de loyers, la SA BNP Paribas Lease Group a fait assigner M. X. devant le tribunal de grande instance de Toulouse par acte du 18 janvier 2012 en paiement des loyers impayés au 26 octobre 2011, de l'indemnité de résiliation et de dommages et intérêts supplémentaires.

Par jugement du 3 juillet 2014, le tribunal a :

- rejeté la demande de sursis à statuer ;

- condamne M. X. à payer à la société Sté BNP LEASE GROUP la somme de 15.400 euros à titre d'indemnité de résiliation du contrat de location, outre intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2011 ;

- condamné M. Y., en sa qualité de représentant de la société ECO 1NK, à relever et garantir M. X. de cette condamnation ;

- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts supplémentaires ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné M. X. aux dépens.

Par déclaration en date du 4 novembre 2014 M. X. a relevé appel du jugement.

M. Y. a été assigné par M. X. suivant acte en date du 9 janvier 2015 et n'a pas comparu.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2016.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.

* Par conclusions notifiées le 29 décembre 2014, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'examen du détail de l'argumentation, M. X. demande à la cour, au visa des articles 4 du code de procédure pénale, 1218, 1152 et 1156 du code civil, L. 442-6 du code de commerce, de :

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné, à titre principal, Monsieur X. à payer à la Société BNP LEASE GROUP une somme de 15.400 euros à. titre d'indemnité de résiliation du contrat de location, outre intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2011.

En conséquence,

A titre principal

- dire que les contrats de location et de prestation de services sont des contrats indivisibles,

En conséquence

- prendre acte de la résiliation du contrat de prestation de services,

- prononcer la caducité du contrat de location,

- débouter la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, dire que l'article 8.2 du contrat de crédit-bail constitue une clause pénale,

A titre infiniment subsidiaire, confirmer le Jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les loyers dus sont hors TVA et que Monsieur Y. doit relever et garantir Monsieur X. de l'intégralité des condamnations mises à sa charge ;

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 4.000 euros au bénéfice du concluant en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction

L'appelant fait essentiellement valoir que :

- les contrats sont interdépendants : la résiliation du contrat de prestation a entraîné celle de la location financière, la clause de divisibilité est inconciliable avec cette interdépendance et doit être réputée non écrite,

- le coût de la maintenance était prévu dans les loyers,

- le contrat de location financière est caduc,

- l'indemnité de résiliation constitue une clause pénale,

- l'article 8.2 du contrat de crédit-bail est prohibé par l'article L. 442-6 du code de commerce, car il crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, puisqu'il met à sa charge les loyers à échoir, soit le remboursement du matériel,

- la TVA sur les loyers à échoir et l'indemnité de résiliation ne sont pas dues ;

- M. Y. doit le garantir.

* Par conclusions notifiées le 27 février 2015, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'examen du détail de l'argumentation, SA BNP Paribas Lease Group demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1218 du code civil, de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande Instance de Toulouse le 3 juillet 2014, sauf en ce qu'il a dit que l'indemnité de résiliation devait être fixée à la somme de 15.400 euros,

En conséquence,

- dire que les contrats de location et de prestation de services sont des contrats indépendants,

- débouter Monsieur X. de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur X. à payer le terme à la BNP PARIBAS LEASE GROUP :

* la somme principale de 18.239,00 euros majorée des intérêts au taux légal depuis l'arrêté de compte du 26 octobre 2011,

* la somme de 1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

* la somme de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC.

- condamner Monsieur X. aux entiers dépens dont distraction.

L'intimée développe principalement les observations suivantes :

- les contrats de location et de maintenance ne sont pas indivisibles et l'inexécution de l'un ne dispense pas d'exécuter l'autre ; cela résulte de la commune intention des parties ;

- chaque convention a été consentie indépendamment du contenu de l'autre et le crédit-bail n'a pas besoin de la convention de prestation de services, auquel la SA BNP Paribas Lease Group n'est pas partie,

- le contrat de location du matériel ne fait aucune référence à la prestation de services et l'utilisateur pouvait se faire livrer des consommables par n'importe quel prestataire ;

- le contrat de location n'a pas été signé à la même date ;

- l'indemnité de résiliation n'est pas une clause pénale, seule celle de résiliation anticipée (10 %) en est une ; elle n'est en rien exagérée ;

- on ne peut venir chercher sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- M. X. n'explique pas pourquoi la TVA ne devrait pas s'appliquer aux loyers à échoir et à l'indemnité de résiliation anticipée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Selon contrat du 30 septembre 2010, M. X. a loué auprès de la société Axialease deux photocopieurs pour une durée de 60 mois, moyennant un loyer mensuel HT de 250 euros, la convention étant immédiatement cédée à la société BNP Paribas Lease Group, signataire du contrat.

Le matériel, présenté par M. Y., exerçant sous l'enseigne Eco Ink, a fait l'objet d'une livraison le 4 octobre 2010. Au bon de commande des photocopieurs, édité précédemment par Eco Ink, était jointe une proposition de convention de service comprenant la maintenance de ces deux appareils, dont il n'est pas contesté qu'elle a été acceptée par M. X., mais dont ce dernier ne produit pas le contrat signé.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ces contrats de location et de prestation de service sont interdépendants, sauf à vider l'économie générale de l'opération de toute substance. S'il est possible pour le locataire de s'adresser à un autre prestataire pour assurer la maintenance du matériel, il lui est nécessaire de passer un nouveau contrat avec un tiers qui soit en capacité de se substituer à son prestataire lorsque l'entreprise se montre défaillante et la mauvaise exécution ou la carence de son cocontractant rend temporairement inutilisable le matériel loué.

En l'espèce, contrairement aux affirmations de l'intimée, la prestation d'Eco Ink ne se limitait pas à la fourniture de consommables, mais comprenait une maintenance sur site ; le courrier adressé par Eco Ink à M. X. le 30 décembre 2010 (pièce n° 4 de l'appelant), ayant pour objet la « rupture du contrat Eco Ink » est en outre révélateur de l'esprit dans lequel avaient été conclues les conventions, puisqu'il se réfère à la volonté de son destinataire de « rompre le contrat de location de vos systèmes d'impression » ; M. Y. a d'ailleurs procédé à l'enlèvement du matériel loué à la réception de la demande de M. X.

Or, la résiliation du contrat de maintenance résulte de la mauvaise exécution par M. Y. de ses obligations, puisqu'à deux reprises en 3 mois, les commandes de consommables n'ont pas été honorées en temps utiles, après un délai de trois semaines pour la première, alors que le toner d'un des appareils n'a ensuite pas été remplacé, ce qui a conduit M. X. à invoquer la résiliation du contrat et M. Y. à reconnaître qu'il avait rencontré des difficultés à recevoir ses livraisons de consommables en raison des intempéries (pièce n° 4 de l'appelant).

En raison de l'interdépendance entre les deux contrats, la résiliation du contrat de maintenance, acquise par le courrier de M. X. du 20 décembre 2010 se plaignant de la mauvaise exécution de la prestation et faisant état de sa volonté de mettre fin au contrat, puis par l'enlèvement des photocopieurs par Eco Ink, a rendu caduc le contrat de location, le locataire ne pouvant être contraint de continuer de s'acquitter du paiement des loyers sans la contrepartie que constituait la possibilité d'user du matériel loué.

Le jugement sera infirmé et la société BNP Paribas Lease Group déboutée de ses demandes tendant au paiement des loyers de mai à octobre 2011 et de l'indemnité de résiliation.

La société BNP Paribas Lease Group, qui succombe, supportera la charge des dépens de la présente instance et ses propres frais. En outre, l'équité commande de la faire participer aux frais irrépétibles exposés par l'appelant et elle sera condamnée au paiement d'une indemnité de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement et statuant à nouveau :

Dit que le contrat de location liant M. X. à la société BNP Paribas Lease Group était caduc à la résiliation du contrat de prestation de service conclu entre M. X. et M. Y., exerçant sous l'enseigne Eco Ink, intervenue le 30 décembre 2010 ;

Déboute la société BNP Paribas Lease Group de ses demandes en paiement ;

Condamne la société BNP Paribas Lease Group à payer à M. X. la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BNP Paribas Lease Group aux dépens, avec distraction au profit des avocats en ayant fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,                            Le président,