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5768 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Obstacles au contrôle - Autorité de chose jugée

Nature : Synthèse
Titre : 5768 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Obstacles au contrôle - Autorité de chose jugée
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5768 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - RÉGIME

ACTION D’UNE ASSOCIATION DE CONSOMMATEURS - CONDITIONS

OBSTACLES AU CONTRÔLE JUDICIAIRE - AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Présentation. L’action des associations de consommateurs peut soulever des problèmes d’autorité de la chose jugée, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il existe plusieurs associations agréées, à qui rien n’interdit d’agir contre un même professionnel, ce qui peut aboutir à plusieurs décisions à son encontre, concernant le même modèle contractuel. Ensuite, compte tenu de l’évolution des conditions générales des professionnels, les décisions précédentes peuvent ne pas concerner exactement le même type de contrat. Enfin, certaines associations, notamment l’UFC Que choisir, peuvent poser une difficulté spécifique compte tenu de leur organisation fédérale, où un groupement national coexiste avec des associations locales, juridiquement autonomes et disposant de la liberté d’intenter leurs actions propres, même si, pour des raisons évidentes de coût, il doit certainement exister une certaine coordination des actions.

Loi du 17 mars 2014. La loi du 17 mars 2014, en ajoutant à l’ancien art. L. 421-6 C. consom. (solution reprise dans le nouvel art. L. 621-8 C. consom.), un troisième alinéa autorisant le juge à décider de la suppression des clauses contenues dans les contrats identiques au modèle examiné, même ancien, effectivement conclus entre le professionnel condamné et les consommateurs, a sans doute modifié profondément les données du problème. La décision du juge concernant un type de contrat précis a désormais un effet erga omnes qui permet à la fois à tout consommateur se trouvant dans cette situation d’invoquer la décision, même s’il n’y est pas juridiquement partie, et, logiquement, il semble qu’une telle décision a désormais une autorité absolue. Admettre le contraire aurait pour conséquence que les clauses pourraient être condamnées par une juridiction et éventuellement validées par une autre, ce qui serait la source d’une insécurité juridique considérable et de difficultés inextricables.

A. AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE ET IDENTITÉ DE PARTIES

Association présente dans l’instance antérieure. Sont irrecevables les demandes de l’association contre des clauses ayant fait l’objet d’un jugement du TGI de Paris le 30 septembre 2008, dès lors qu’ayant vainement fait valoir ses moyens dans cette instance, elle ne peut les soutenir à nouveau, faute de rapporter la preuve de circonstances nouvelles depuis le prononcé du jugement. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 30 mars 2018 : RG n° 16/16694 ; Cerclab n° 7534 (l’arrêt admet toutefois la recevabilité de l’action contre un article qui n'est pas libellé en termes strictement identiques en ce que les termes « client » et « abonné » ne sont pas des termes substituables), confirmant TGI Paris, 17 mai 2016 : RG n° 12/09999.

Association absente de l’instance antérieure. L’exception de l’autorité de chose jugée ne saurait être accueillie, dès lors que la condition d’identité des parties n’est pas vérifiée : en l’espèce, s’il est exact que le Tribunal d’instance de Saint-Brieuc a, à deux reprises, déclaré illégale la clause litigieuse, en s’appuyant sur les mêmes causes que celles développées dans la présente instance, il apparaît que l’association demanderesse n’a jamais été l’une des parties à l’un ou l’autre de ces procès. TI Saint-Brieuc, 21 septembre 1992 : RG n° 346/92 ; Cerclab n° 126, sur appel CA Rennes (1re ch. A), 3 janvier 1995 : RG n° 852/92 ; arrêt n° 10 ; Cerclab n° 1827 (problème non abordé).

Professionnel absent de l’instance antérieure. Le principe de la relativité de la chose jugée s’oppose à ce que le jugement déclarant une clause abusive produise effet sur d’autres professionnels que celui partie à l’instance. TI Lyon (1re et 2 sect.), 13 décembre 1989 : RG n° 6945/88 ; jugt n° 658 ; site CCA ; Cerclab n° 1083, confirmé par CA Lyon (1re ch.), 18 juillet 1991 : RG n° 955-90 ; Cerclab n° 1153 (problème non examiné).

Cas particulier de l’UFC Que choisir. * Différence entre les associations locales et fédérale. Pour qu’il y ait autorité de chose jugée, au sens de l’ancien art. 1351 C. civ. [1355 nouveau], il convient de constater une triple identité de parties, de cause et d’objet. La condition d’identité de parties n’est pas remplie dans le cas où le jugement antérieur a été rendu contre le même professionnel, mais à la demande d’une association de consommateurs locale (UFC 35), dont il n’est pas contesté qu’elle une personne morale distincte de l’UFC. CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 18 novembre 2004 : RG n° 03/07556 ; arrêt n° 560 ; Site CCA ; Cerclab n° 1709, sur appel de TGI Nanterre (6e ch.), 2 juillet 2002 et 2 septembre 2003 : RG n° 01/02488 ; site CCA ; Cerclab n° 3949 ; Juris-Data n° 2003-219484.

Comp. : est irrecevable l’intervention volontaire de l’UFC Que Choisir 21 (Côte d'Or) visant à obtenir la condamnation d’un fournisseur d’accès internet à des dommages-intérêts en réparation du préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs, dès lors que ce fournisseur a déjà été condamné à la demande de l’UFC Que choisir par le Tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement du 26 juin 2007, au titre du préjudice causé à ses clients internautes pour ses carences dans son offre haut débit, et que l’autorité de chose jugée de cette décision doit être admise, l’UFC Que choisir étant une association constituée sous forme fédérale, regroupant les associations locales affiliées telles que l'UFC Que Choisir 21, situation dont il résulte bien une identité de parties. Jur. Proxim. Dijon, 30 avril 2008 : RG n° 91-06-000289 ; Lexbase ; Cerclab n° 2733. § N.B. Selon la décision, « aucune des parties n'a contesté le caractère définitif [du] jugement » du 26 juin 2007. S’il s’agit bien du jugement n° 05/08845 (TGI Paris (4e ch. 1re sect.), 26 juin 2007 : RG n° 05/08845 ; Cerclab n° 3995 ; 20.000 euros, contre 300.000 demandés), il convient d’indiquer que cette décision a fait l’objet d’un appel rendu après la décision du juge de proximité de Dijon (CA Paris (pôle 5 ch. 11), 11 juin 2010 : RG n° 07/12995 ; arrêt n° 220 ; Cerclab n° 2985) qui a confirmé le jugement, notamment sur le montant des dommages et intérêts.

* Représentation de l’Asssociation fédérale. Si la qualité de partie à l’instance ne se limite pas à celles qui ont figuré en cette qualité mais s’étend aussi à celles qui y ont été représentées, le fait que l’UFC 35 s’inspire des directions de l’UFC et qu’elle soit affiliée à l’UFC avec laquelle elle se trouve en communauté d’intérêts, puisqu’elles défendent l’une et l’autre l’intérêt des consommateurs, est toutefois insuffisant à établir que l’UFC 35 agissait lors de l’instance antérieure comme représentante de l’UFC. CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 18 novembre 2004 : RG n° 03/07556 ; arrêt n° 560 ; Site CCA ; Cerclab n° 1709.

B. AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE ET PROCÉDURE

Jugements avant dire droit et jugement au fond. La demande tendant à l’irrecevabilité de l’action d’une association au motif qu’elle ne disposerait pas de l'agrément prévu à l'ancien art. L. 420-1 C. consom., est irrecevable, dès lors qu’elle a été tranchée par un premier jugement avant dire droit, dont le dispositif a autorité de chose jugée au sens de l'art. 480 CPC. TI Vannes 25 février 2010 : RG n° 11-09-000140 ; jugt n° 166 ; Cerclab n° 4228 (action jugée recevable, le professionnel n’ayant pas conclu lors du premier jugement).

Jugements avant dire droit et appel. Un jugement avant dire droit qui statue sur une fin de non-recevoir et saisit la Commission des clauses abusives pour avis, ne tranche pas le fond et n’est donc pas susceptible d’appel immédiat. CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 18 novembre 2004 : RG n° 03/07556 ; arrêt n° 560 ; Site CCA ; Cerclab n° 1709 (jugement ne pouvant être frappé d’appel qu’avec le jugement sur le fond ; recevabilité devant la cour de la remise en cause à des dispositions du premier jugement écartant la fin de non-recevoir, fondée sur l’autorité de chose jugée d’une décision antérieure déjà rendue devant une autre juridiction contre le même professionnel), sur appel de TGI Nanterre (6e ch.), 2 juillet 2002 et 2 septembre 2003 : RG n° 01/02488 ; site CCA ; Cerclab n° 3949 ; Juris-Data n° 2003-219484.

C. AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE ET TRANSACTION

Principe : fin de non recevoir. L’exception de l'autorité de la chose jugée attachée à une transaction constitue une fin de non-recevoir pouvant être proposée en tout état de cause, en application des dispositions des art. 122 et 123 CPC. CA Paris (pôle 4 ch. 3), 11 février 2016 : RG n° 14/01772 ; Cerclab n° 5511 ; Juris-Data n° 2016-002286 (application de l’art. 2052 C. civ. au protocole d'accord transactionnel conclu entre une association de consommateurs et une société holding, franchiseur d’agences immobilières et de syndics), sur appel de TGI Paris, 9 juillet 2013 : RG n° 12/08004 ; Dnd.

Limites : inexécution de la transaction. Une transaction ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, et elle ne peut être opposée par l'une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions. CA Paris (pôle 4 ch. 3), 11 février 2016 : RG n° 14/01772 ; Cerclab n° 5511 ; Juris-Data n° 2016-002286, sur appel de TGI Paris, 9 juillet 2013 : RG n° 12/08004 ; Dnd. § L’association de consommateurs qui a conclu avec un professionnel une transaction, par laquelle elle renonçait à contester le contrat modifié annexé à celle-ci, n'est pas fondée à prétendre que le professionnel, en modifiant unilatéralement certaines clauses du bail type annexé au protocole, n'a pas respecté une obligation substantielle de celui-ci, dès lors qu'elle ne considère pas les clauses modifiées comme illicites ou abusives. CA Paris (pôle 4 ch. 3), 11 février 2016 : préc. (contrat n’autorisant que des modifications de mise en accord avec des modifications législatives ou jurisprudentielles). § S’agissant, en revanche de deux autres clauses modifiées, qui étaient dénoncées par l’association, le professionnel ne peut opposer la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la transaction. Même arrêt.

Limites : relevé d’office. Le juge ne saurait être lié par un accord transactionnel, alors que le tribunal a soulevé d'office le possible caractère abusif de clauses du contrat qui sert de fondement à l'obligation de remboursement que l'accord transactionnel formalise. TI Bourganeuf, 10 août 2005 : RG n° 11-04-000063 ; jugt n° 53/05 ; Cerclab n° 3090, après TI Bourganeuf, 5 janvier 2005 : RG n° 11-04-000063 ; jugt n° 1/05 ; Cerclab n° 3088 (relevé d’office, suivi d’une demande d’avis), suivi de CCA, 24 février 2005 : avis n° 05/02 ; Cerclab n° 3493.

Homologation d’un accord transactionnel en cours d’instance. La procédure d’homologation est destinée à garantir la réalité et la loyauté de l’accord passé entre les parties et notamment l’existence de concessions réciproques et sa conformité à l’ordre public ; l’accord ne doit pas tendre à contourner les règles légales et notamment les principes généraux relatif à l’égalité des armes tirée de l’art. 6 § 1 Conv. EDH ou la prohibition des clauses abusives ; l’accord qui est soumis doit en tout état de cause faire l’objet d’une appréciation attentive dans la mesure notamment où il porte sur une dette régie par les dispositions du code de la consommation et pour laquelle le juge peut soulever d’office toutes les dispositions dudit code dans les litiges nés de son application, ce qui a été fait par le premier juge. CA Douai (8e ch. 1), 31 janvier 2019 : RG n° 17/00648 ; arrêt n° 19/91 ; Cerclab n° 7942 (crédit de restructuration ; parties sollicitant en l’espèce l’infirmation du jugement déféré et l’homologation de leur accord transactionnel ; homologation accordée après vérification, les termes de l’accord démontrant des concessions réciproques), sur appel de TI Douai, 13 décembre 2016 : RG n° 15/001092 ; Dnd.

D. LIEN ENTRE L’ACTION DE L’ASSOCIATION ET L’ACTION D’UN CONSOMMATEUR

L’art. 7 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui impose au juge national, saisi d’une action individuelle d’un consommateur tendant à faire constater le caractère abusif d’une clause d’un contrat le liant à un professionnel, de suspendre automatiquement une telle action dans l’attente d’un jugement définitif dans une action collective en cours, introduite par une association de consommateurs sur le fondement du deuxième paragraphe de cet article, afin de faire cesser l’usage, dans des contrats de même type, de clauses analogues à celle visée par ladite action individuelle, sans que la pertinence d’une telle suspension du point de vue de la protection du consommateur qui a saisi le juge à titre individuel puisse être prise en considération et sans que ce consommateur puisse décider de se désolidariser de l’action collective. CJUE (1re ch.), 14 avril 2016, Jorge Sales Sinués / Caixabank SA et Youssouf Drame Ba / Catalunya Caixa SA : Aff. n° C-381/14 et n° C-385/14 ; Cerclab n° 6595. § V. aussi : CJUE (5e ch.), 26 octobre 2016,Ismael Fernández Oliva / Caixabank SA - Jordi Carné Hidalgo // Anna Aracil Gracia / Catalunya Banc SA // Nuria Robirosa Carrera - César Romera Navales / Banco Popular Español SA: Aff. C‑568/14 à C‑570/14 ; Cerclab n° 6577 (condamnation de la procédure nationale qui ne permet pas au juge saisi d’une action individuelle d’un consommateur d’adopter d’office, aussi longtemps qu’il l’estime utile, des mesures provisoires dans l’attente d’un jugement définitif concernant une action collective en cours dont la solution est susceptible d’être retenue pour l’action individuelle, lorsque de telles mesures sont nécessaires pour garantir la pleine efficacité de la décision juridictionnelle à intervenir sur l’existence des droits invoqués par le consommateur sur le fondement de la directive 93/13).