CA ROUEN (ch. proxim.), 15 septembre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5797
CA ROUEN (ch. proxim.), 15 septembre 2016 : RG n° 15/03836
Publication : Jurica
Extrait : « En application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable en l'espèce, le préteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur tenu au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les articles L. 311-13 et R. 311-6 du même code précisent que l'offre préalable est établie selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire et correspondant à l'opération de crédit proposée.
Est mentionnée sur la première page de l'offre de prêt, au-dessus des signatures, la mention suivante : « Le(s) emprunteur(s) s 'engagent à ne pas souscrire de nouveaux crédits et à ne pas accepter de nouvelles charges financières susceptibles d'aggraver son (leur) endettement, sauf accord exprès de Créatis ».
Si la résiliation du contrat de plein droit n'est pas stipulée pour le non-respect de cette clause, il s'agit néanmoins d'un engagement contractuel lequel, comme l'indique le premier juge, restreint de façon importante la liberté de gestion des emprunteurs, les empêchant de souscrire de nouveaux crédits ou même de se porter caution pour un proche, sous peine de se trouver en violation de la clause et de s'exposer à une demande de résolution du contrat sur le fondement de l'article 1184 du code civil, elle peut donc aggraver de façon significative la situation du débiteur pour une raison autre celle tirée d'un défaut de paiement du crédit contracté. Cette clause rend l'offre de crédit non conforme aux dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-13 anciens du code de la consommation, la sanction est la déchéance du droit aux intérêts, la clause n'étant pas une clause abusive, elle ne peut être réputée non écrite. Le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts doit être confirmé. »
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/03836. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE DE DIEPPE du 29 mai 2015.
APPELANTE :
SA CREATIS
Représentée et assistée par Maître Benoît P. de la SELARL DE B. & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], N'ayant pas constitué avocat bien que l'appel ait été régulièrement signifié par acte d'huissier en date du 29 septembre 2015
Madame X.
née le [date] à [ville], N'ayant pas constitué avocat bien que l'appel ait été régulièrement signifié par acte d'huissier en date du 29 septembre 2015
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 6 juin 2016 sans opposition des avocats devant Madame LABAYE, Conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BRYLINSKI, Président, Madame LABAYE, Conseiller, Madame DELAHAYE, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOEL DAZY, Greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 6 juin 2016, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 septembre 2016
ARRÊT : Par défaut, Prononcé publiquement le 15 septembre 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, Signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL DAZY, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte sous seing privé en date du 5 juillet 2008, M. X. et Mme Y. épouse X. ont contracté auprès de la société Créatis, un prêt personnel d'un montant de 14.300 euros, remboursable en 84 mensualités de 231,94 euros chacune. A la suite d'impayés, le contrat a été résilié.
Par acte d'huissier de justice en date du 25 novembre 2014, la société Créatis a fait assigner M. et Mme X. devant le tribunal d'instance de Dieppe aux fins de voir :
- condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 6.904,38 euros à titre principal outre les intérêts au taux contractuel, à compter de la mise en demeure
- ordonner l'exécution provisoire du jugement
- condamner solidairement M. et Mme X. aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience du 11 décembre 2014, le tribunal a renvoyé l'affaire ayant relevé d'office, en application de l'article L. 141-4 du code de la consommation, la possible de déchéance du droit aux intérêts du prêteur avec application de la jurisprudence de la CJUE du 27 mars 2014.
Par jugement du 29 mai 2015, le tribunal d'instance de Dieppe a :
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Créatis au titre du prêt souscrit par M. et Mme X. le 5 juillet 2008, à compter de cette date
- condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la société Créatis la somme de 1.150 euros au titre du prêt du 5 juillet 2008, sous déduction à venir des intérêts au taux légal dus par le prêteur
- rappelé qu'en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, les intérêts réglés à tort par M. et Mme X. produisent intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement et viennent en déduction de la somme due
- dit que la somme due par M. et Mme X. sera en conséquence réduite du montant des intérêts au taux légal sur les intérêts perçus par le prêteur à compter du jour de leur versement, à charge pour la société Créatis de procéder à ce calcul avant mise à exécution de la présente décision
- ordonné l'exécution provisoire
- rappelé que le jugement sera non avenu s'il n'est pas notifié six mois de sa date
- dit n'y avoir lieu a application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné in solidum M. et Mme X. aux entiers dépens.
Pour prononcer une déchéance du droit aux intérêts, le tribunal a considéré que le contrat de crédit contenait une clause ne figurant pas dans le modèle-type applicable aux prêts personnels et aggravant la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type.
La société SA Créatis a interjeté appel du jugement par déclaration du greffe en date du 31 juillet 2015.
Dans ses dernières conclusions du 29 septembre 2015, la société Créatis demande à la cour de :
- déclarer tant recevable que bien fondé son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 29 mai 2015 par le tribunal d'instance de Dieppe
- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau :
- condamner solidairement M. X. et Mme Y. à lui payer la somme de 6.904,38 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,85 % sur la somme de 5.724,90 euros, à compter du 19 mars 2014, date de la déchéance du terme
- les condamner sous la même solidarité à lui payer une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Créatis estime que la clause litigieuse n'aggrave pas la situation financière de M. et Mme X. et n'est pas une clause abusive. Cette clause doit être appréciée au regard de l'équilibre général du contrat et de sa rédaction claire et compréhensible. Il s'agit d'une disposition contractuelle donc l'un des éléments constituant la convention des parties, parfaitement fondée et légitime, pour permettre d'attirer l'attention des emprunteurs sur les risques d'endettement encourus par eux.
Les époux X. n'ont pas constitué avocat, la société Créatis leur a fait signifier sa déclaration d'appel par actes du 29 septembre 2015 remis en l'étude de l'huissier et ses conclusions par actes du 23 octobre 2015 également remis en l'étude de l'huissier.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Par acte sous seing privé en date du 5 juillet 2008, M. X. et Mme Y. épouse X. ont contracté auprès de la société Créatis, un prêt personnel d'un montant de 14.300 euros, remboursable en 84 mensualités de 231,94 euros chacune moyennant un taux d'intérêt annuel de 6,85 % et un taux effectif global de 9,66 %.
Les époux X. ont cessé de rembourser les échéances et ont été mis en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 février 2014, de régulariser leur situation ; la déchéance du terme a été prononcée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 mars 2014.
La société Créatis produit l'offre de prêt acceptée par les époux X., le tableau d'amortissement, les lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 10 février et 19 mars 2014, l'historique du compte, le décompte de sa créance au 17 octobre 2014.
En application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable en l'espèce, le préteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur tenu au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les articles L. 311-13 et R. 311-6 du même code précisent que l'offre préalable est établie selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire et correspondant à l'opération de crédit proposée.
Est mentionnée sur la première page de l'offre de prêt, au-dessus des signatures, la mention suivante : « Le(s) emprunteur(s) s 'engagent à ne pas souscrire de nouveaux crédits et à ne pas accepter de nouvelles charges financières susceptibles d'aggraver son (leur) endettement, sauf accord exprès de Créatis ».
Si la résiliation du contrat de plein droit n'est pas stipulée pour le non-respect de cette clause, il s'agit néanmoins d'un engagement contractuel lequel, comme l'indique le premier juge, restreint de façon importante la liberté de gestion des emprunteurs, les empêchant de souscrire de nouveaux crédits ou même de se porter caution pour un proche, sous peine de se trouver en violation de la clause et de s'exposer à une demande de résolution du contrat sur le fondement de l'article 1184 du code civil, elle peut donc aggraver de façon significative la situation du débiteur pour une raison autre celle tirée d'un défaut de paiement du crédit contracté. Cette clause rend l'offre de crédit non conforme aux dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-13 anciens du code de la consommation, la sanction est la déchéance du droit aux intérêts, la clause n'étant pas une clause abusive, elle ne peut être réputée non écrite. Le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts doit être confirmé.
Selon l'article L. 311-33 applicable au contrat, le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Afin de mettre fin au litige dans des conditions limitant au mieux le risque de difficulté ultérieure d'exécution, il convient d'ordonner une réouverture des débats avant dire droit sur le montant de la condamnation pour production d'un nouveau décompte avec déduction du capital emprunté des versements opérés par les emprunteurs, déduction des intérêts et calcul des intérêts dus au taux légal par le prêteur.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut partiellement avant dire droit,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Créatis au titre du prêt souscrit par M. et Mme X. le 05 juillet 2008, à compter de cette date
- dit que les emprunteurs ne sont tenus qu'au seul remboursement du capital
- rappelé qu'en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, les intérêts réglés à tort par M. et Mme X. produisent intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement et viennent en déduction de la somme due
- dit que la somme due par M. et Mme X. sera en conséquence réduite du montant des intérêts au taux légal sur les intérêts perçus par le prêteur à compter du jour de leur versement ;
Sursoit à statuer sur le montant des sommes dues et les autres demandes ;
Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats et enjoint la société Créatis de produire :
- un décompte détaillant les paiements effectués par les emprunteurs depuis la conclusion du contrat avec imputation de ces paiements sur le capital dû
- un décompte des intérêts au taux légal dus par elle, calculés sur les sommes versées par les emprunteurs au titre des intérêts du contrat à compter du jour de leur versement ;
Renvoie l'affaire à l'audience de plaidoiries du 30 janvier 2017 à 14 h15 pour production des pièces et des observations ;
Réserve les autres demandes et les dépens.
Le Greffier Le Président