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5890 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Crédit

Nature : Synthèse
Titre : 5890 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Crédit
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5890 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

DOMAINE D’APPLICATION - PERSONNES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION

PROFESSIONNELS CONTRACTANT À L’OCCASION DE LEUR ACTIVITÉ

CRITÈRES - CRÉDIT

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

A. CRÉDIT À LA CONSOMMATION

Loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 : besoins de l’activité. L’art. 3 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 spécifiait que « sont exclus de son champ d'application de la présente loi : - les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique ; - ceux qui sont consentis pour une durée totale inférieure ou égale à trois mois, ainsi que ceux dont le montant est supérieur à une somme fixée par décret ; - ceux qui sont destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle, ainsi que les prêts aux personnes morales de droit public. » Contrairement au crédit immobilier (V. ci-dessous), le texte se réfère au critère des besoins de l’activité.

Certains arrêts de la Cour de cassation ont implicitement ou explicitement utilisé ce critère des besoins de l’activité : les juges d'appel ont justement estimé qu'un achat à crédit effectué par un commerçant pour son commerce, fût-ce en vue d'en étendre les formes d'activité, ne relevait pas du régime spécial de la loi. Cass. civ. 1re, 23 juin 1987 : pourvoi n° 85-15593 ; arrêt n° 732 ; Bull. civ. I, n° 209 ; Rapport 1987, p. 208 ; Cerclab n° 2115 ; RTD com. 1988, obs. Hémard et Bouloc (exclusion de la protection pour un commerçant en électro-ménager qui complète son activité en achetant une machine à imprimer des cartes de visite) - Cass. com., 10 mai 1989 : pourvoi n° 88-10649 ; arrêt n° 699 ; Bull. civ. IV, n° 148 ; Cerclab n° 1937 ; JCP Ed. E 1989. I. 18764 ; Gaz. Pal. 28 oct. 1989, note E.M. Bey ; RTD com. 1990. 89, obs. Bouloc (les prêts, contrats et opérations de crédit qui sont destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle étant exclus du champ d’application de la loi 78-22 du 10 janvier 1978, art. 3, cassation de l’arrêt appliquant ce texte à un contrat de crédit-bail d’un système informatique souscrit par un agent d’assurances, alors que contrat avait été conclu pour les besoins de son activité professionnelle), pourvoi contre CA Rouen, 17 décembre 1987 : Dnd.

Un autre a évité de se référer à un critère particulier. V. par exemple : Cass. com. 20 novembre 1990 : pourvoi n° 98-15647 ; Bull. civ. IV, n° 283 ; Dnd (sont exclus du champ d’application de la loi du 10 janvier 1978 les prêts bancaires consentis personnellement à deux emprunteurs associés d’une Sarl, à charge pour eux de réinvestir les fonds dans la société).

Ultérieurement, la première Chambre civile a interprété le critère des besoins au travers de la compétence du consommateur : il résulte de la loi du 22 décembre 1972 et de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 que sont exclues de leur champ d'application tant les ventes par démarchage ou à domicile proposées pour les besoins d'une activité professionnelle que les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une telle activité ; cassation pour violation de ces textes de l’arrêt excluant cette protection, alors que le contrat principal concernait l'installation d'un système d'alarme échappant à la compétence professionnelle du client qui se trouvait dès lors dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur. Cass. civ. 1re, 25 mai 1992 : pourvoi n° 89-15860 ; arrêt n° 806 ; Cerclab n° 2104 ; Bull. civ. I, n° 162 ; D. 1993. p. 87, note Nicolau (installation d’un système d’alarme par un commerçant en vêtement). § Dans le même sens, pour les juges du fond, V. par exemple : CA Dijon (1re ch. 2e sect.), 24 février 1994 : RG n° 00722/93 ; arrêt n° 335 ; Cerclab n° 617 ; Juris-Data n° 053845 (démarchage : rapport direct ; crédit : besoins de l’activité ; application de la protection compte tenu de l’ignorance du contractant, comparable à un consommateur ; crédit-bail de photocopieur par un commerçant louant des cassettes vidéos), confirmant TI Louhans, 9 février 1993 : RG n° 92/287 ; jugt n° 22 ; Cerclab n° 73 (critère de la compétence également), pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 17 juillet 1996 : pourvoi n° 94-14662 ; arrêt n° 1526 ; Bull. civ. I, n° 331 ; Cerclab n° 2071 ; JCP 1996. II. 22747, note Paisant ; Defrénois 1997. 346, obs. Aubert (appréciation souveraine). § N.B. La solution s’inscrit dans la tendance de l’époque, appliquée aussi en matière de clauses abusives et de démarchage et qui a été ensuite abandonnée.

Pour des illustrations par les juges du fond, trouvées dans les décisions recensées, se référant aussi au critère des besoins de l’activité : CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 21 novembre 2013 : RG n° 12/22471 ; arrêt n° 2013/573 ; Cerclab n° 4591 (besoins de l’activité ; charpentier couvreur concluant un contrat de création de son site internet et de location d'un ordinateur portable avec appareil photo), sur appel de TI Toulon, 11 juin 2012 : Dnd - CA Nancy (2e ch. com.), 30 janvier 2007 : RG n° 05/00857 ; arrêt n° 218/07 ; Cerclab n° 1509 (contrat de compte courant et engagement de réduire le découvert : « non application du droit de la consommation aux opérations destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle comme cela est prévu par l'[ancien] art. L. 311-3 C. consom. »), sur appel de T. com. Épinal, 8 mars 2005 : RG n° 04/053 ; Cerclab n° 490 (problème non abordé) - CA Poitiers (1re ch. civ.), 10 janvier 2007 : RG n° 04/00331 ; arrêt n° 2 ; Cerclab n° 600 ; Juris-Data n° 2007-338143 (besoins de l’activité professionnelle ; achat de cuisine pour un logement appartenant à une SCI et destiné à être loué), sur appel de TGI Niort, 12 janvier 2004 : RG n° 2003/00312 ; Cerclab n° 514, problème non abordé) - CA Aix-en-Provence (1re ch. D), 25 septembre 2003 : RG n° 00/14211 ; arrêt n° 263 ; Cerclab n° 744 ; Juris-Data n° 2003-229343 (besoins de l’activité ; crédit-bail de matériel informatique pour un avocat), confirmant TGI Grasse (1re ch. civ. sect. A), 22 mai 2000 : RG n° 96/08664 ; jugt n° 00/759 ; Cerclab n° 366 - CA Versailles (16e ch.), 27 novembre 2014 : RG n° 13/06729 ; Cerclab n° 4958 (compte courant professionnel d’un compositeur interprête ; contrat destiné à financer les besoins d'une activité professionnelle), sur appel de TGI Nanterre, 28 juin 2013 : RG n 11/05425 ; Dnd.

Loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 : articulation avec le critère du rapport direct. Certaines des décisions recensées estiment que le critère des besoins de l’activité posé par l’ancien art. L. 311-3 C. consom. est différent de celui du rapport direct, V. par exemple : TGI Grasse (1re ch. civ. B), 11 février 2003 : RG n° 00/04273 ; jugt n° 220/2003 ; Cerclab n° 368 (différence explicite de critères), sur appel CA Aix-en-Provence (1re ch. B), 26 mai 2005 : RG n° 03/08153 ; arrêt n° 2005/379 ; Cerclab n° 724 ; Juris-Data n° 2005-279542 ; Contr. conc. consom. 2006, n° 54, obs. G. Raymond (problème non abordé ; clauses abusives ; rapport direct et cadre de l’activité ; avocat, usage mixte) - CA Nîmes (2e ch. B com.), 16 février 2006 : RG n° 03/02464 ; arrêt n° 96 ; Cerclab n° 1052 ; Juris-Data n° 299900 (clauses abusives : rapport direct et besoins de l’activité ; crédit à la consommation : exclusion des contrats souscrits « pour une activité professionnelle »), confirmant T. com. Avignon, 7 février 2003 : RG n° 2001/003807 ; Cerclab n° 179 (besoins de l’activité).

Néanmoins, certaines décisions se référent aussi en matière de crédit à la consommation au critère du rapport direct. V. par exemple : CA Douai (2e ch. 2e sect.), 23 mai 2006 : RG n° 04/06906 ; Cerclab n° 3390 ; Juris-Data n° 2006-317939 (démarchage et crédit ; exclusion de la protection pour l’installation d’un publiphone chez un commerçant), sur appel de T. com. Dunkerque, 4 octobre 2004 : RG n° 99/00619 ; Cerclab n° 202 (problème non abordé) - TI Annecy, 6 septembre 1999 : RG n° 11-96-001331 et n° 11-98-00264 ; Cerclab n° 2610 (application de l’ancien art. L. 132-1, la clause n’étant pas abusive, mais exclusion des règles sur le crédit ; décision estimant que les besoins de l’activité supposent un lien direct), sur appel CA Chambéry (2e ch.), 24 septembre 2002 : RG n° 99-02747 ; arrêt n° 1885 ; Cerclab n° 587 ; Juris-Data n° 2002-199714 ; Contr. conc. consom. 2003. n° 80, note Raymond (exclusion fondée sur la nature du contrat) - CA Riom (ch. com.), 30 mai 2012 : RG n° 11/01309 ; Cerclab n° 3878 (démarchage et crédit à la consommation ; absence de rapport direct même si le contrat a été conclu pour les besoins de l’activité ; architecte concluant une location financière d’un photocopieur), sur appel de TGI Cusset, 11 mai 2011 : Dnd.

Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010. Selon l’ancien art. L. 311-1 C. consom., dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, est considéré comme « emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ». Ce critère est le plus restrictif jamais consacré par le législateur puisqu’elle écarte de la protection tous les contrats conclus par un professionnel à l’occasion de son activité. Interprété littéralement, il pourrait avoir pour conséquence de priver le consommateur de la protection auquel il a droit lorsque le contrat poursuit une double finalité professionnelle et privée. § Selon la rédaction résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016, l’art. L. 311-1, 2°, C. consom., est « emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, ou un intermédiaire de crédit, dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ». En dépit d’une formulation légèrement différente, la définition est proche du nouvel article liminaire.

Pour une illustration : il se déduit de l’ancien art. L. 311-1 § 2° que seule est exclue du domaine d'application du régime du crédit à la consommation l'activité commerciale exercée par l'emprunteur, cette activité impliquant un caractère habituel, principal, et/ou professionnel ; dès lors, le crédit affecté à l'acquisition d'une installation photovoltaïque sur l'immeuble d'habitation d'un emprunteur exerçant l'activité professionnelle de cariste salarié, est soumis au régime du crédit à la consommation, et que le fait que l'intéressé soit susceptible d'accomplir des actes de commerce isolés (selon la qualification invoquée par la banque) à titre non-professionnel en vendant à EDF l'électricité produite par cette installation, ne caractérise par une exception légale à l'application de ce régime. CA Poitiers (2e ch. civ.), 15 décembre 2015 : RG n° 15/00272 ; arrêt n° 527 ; Cerclab n° 5374 (régime en outre d’ordre public ; visa de l’art. préliminaire alors que le contrat a été conclu en 2012), sur appel de TI La Roche-sur-Yon, 20 novembre 2014 : RG n° 11-13-000399 ; Dnd.

B. CRÉDIT IMMOBILIER

Loi du 13 juillet 1979 ; ancien art. L. 312-3 C. consom. L’art. de la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 disposait : « sont exclus du champ d'application de la présente loi des prêts consentis à des personnes morales de droit public et ceux destinés sous quelque forme que ce soit à financer une activité professionnelle et notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance. En sont également exclues les opérations de crédit différé régies par la loi n° 52-332 du 24 mars 1952 modifiée lorsqu'elles ne sont pas associées à un crédit d'anticipation »

Ce texte a été codifié à l’ancien article L. 312-3 C. consom., à l’identique sous réserve de la création d’une numérotation interne : « Sont exclus du champ d'application du présent chapitre : 1° Les prêts consentis à des personnes morales de droit public ; 2° Ceux destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ; 3° Les opérations de crédit différé régies par la loi n° 52-332 du 24 mars 1952 relative aux entreprises de crédit différé lorsqu'elles ne sont pas associées à un crédit d'anticipation. »

La formule est moins précise que celles utilisées par le législateur ou la jurisprudence dans le cadre du démarchage ou des clauses abusives puisqu’elle se contente de viser les prêts destinés « à financer une activité professionnelle », ce qui laisse ouvert le choix du critère. Les quelques arrêts de la Cour de cassation ayant abordé cette question semblent avoir saisi cette opportunité pour ne pas choisir de critère précis.

L'art. 2 de la loi du 13 juillet 1979 exclut du champ d'application de ce texte les prêts destinés à financer une activité professionnelle ; ayant constaté que la propriété agricole comprenait des bâtiments d'habitation et d'exploitation et 140 hectares de terrains et que l’emprunteur, qui s'était fait consentir un bail rural, avait installé sur 2.500 m² un élevage de faisans, avait procédé à diverses récoltes et que les bâtiments d'habitation constituaient l'accessoire d'une propriété agricole, en ont exactement déduit que l'acquisition n'était pas soumise aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979. Cass. civ. 1re, 7 octobre 1992 : pourvoi n° 89-18702 ; Bull. civ. I, n° 244 ; Cerclab n° 2103 (montant : 1,6 millions de francs). § V. aussi : Cass. civ. 3e, 25 avril 1984 : pourvoi n° 82-16573 ; Bull. civ. III, n° 91 ; Cerclab n° 1948 (achat d’un vignoble dans le bordelais, le contrat portant sur 13 millions de francs : contrat conclu dans le but essentiel d’acheter un vignoble prestigieux dont les bâtiments d’habitation ne constituaient que « l’accessoire »).

Dès lors que le prêt litigieux était destiné à financer l’acquisition d’un immeuble à usage de bureaux, il en résulte que ni la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979, ni la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 n’était pas applicable en la cause, la SCI ne pouvant être tenue pour un consommateur au sens de ce texte. Cass. civ. 1re, 26 mai 1993 : pourvoi n° 91-15876 ; arrêt n° 832 ; Cerclab n° 2096 ; JCP N 1994. II. p. 26 note Raymond.

V. aussi : Cass. civ. 1re, 14 octobre 2015 : pourvoi nº 14-24915 ; arrêt n° 1104 ; Dnd (crédit immobilier ; cassation de l’arrêt appliquant la protection à une SCI dont l'objet social est l'acquisition, la rénovation, la reconstruction, la division par lots ou par appartements, la location, gestion par tous moyens de tous biens et ensembles immobiliers, en raison de son caractère familial, alors qu'au regard de l'objet social de la SCI et de la destination du prêt litigieux, celui-ci n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du code de la consommation régissant le crédit immobilier), cassant CA Paris (pôle 4 ch. 1), 15 mai 2014 : RG n° 12/20822 ; Legifrance ; Dnd.

Ordonnance du 14 mars 2016. Selon la rédaction résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016, l’art. L. 311-1, 2°, C. consom., est « emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, ou un intermédiaire de crédit, dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ». La nouvelle construction du Code rend cette définition applicable au crédit immobilier. Celles-ci sont toutefois complétées par les nouveaux art. L. 313-1 s. C. consom. Le nouvel art. L. 313-2 C. consom. précise notamment « sont exclus du champ d'application du présent chapitre : […] 2° Ceux destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ».