5935 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Marchés publics
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5935 (29 novembre 2020)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION
DOMAINE D’APPLICATION - PERSONNES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION
PROFESSIONNELS CONTRACTANT À L’OCCASION DE LEUR ACTIVITÉ
ILLUSTRATIONS - CONTRATS CONCLUS PENDANT L’ACTIVITÉ - MARCHÉS PUBLICS
Nature juridique. Il résulte de l’art. 2 de la loi du 11 décembre 2001 que les marchés entrant dans le champ d’application du Code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. CAA Paris (4e ch.), 31 juillet 2014 : req. n° 11PA04901 ; Cerclab n° 4863 (location financière de matériels téléphoniques pour un centre hospitalier), sur appel de TA Paris (7e sect.), 29 septembre 2011 : req. n° 1115187/7 ; Dnd. § Dans le même sens : CAA Nancy (4e ch.), 27 octobre 2015 : req. n° 15NC00242 ; Cerclab n° 5347, sur appel de TA Châlons-en-Champagne, 4 novembre 2014 : req. n° 1201970 ; Dnd.
Article liminaire (ord. du 14 mars 2016 - loi du 21 février 2017). À compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 14 mars 2016 (1er juillet 2016), la protection consumériste, notamment des clauses abusives, n’est éventuellement applicable que dans deux cas : 1/ la personne physique ou morale a une activité professionnelle autre qu’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; 2/ la personne physique ou morale exerce l’une de ces cinq activités, mais le contrat à été conclu à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de celle-ci. A compter de l’entrée en vigueur de la loi de ratification n° 2017-203 du 21 février 2017, les personnes morales ayant une activité professionnelle, quelle qu’elle soit, ne peuvent plus bénéficier d’une telle extension (sauf dérogation particulière telle que celle prévue à l’art. L. 221-3. C. consom.).
Les contrats étant nécessairement conclus avec des personnes morales de droit public, ces dernières ne peuvent plus revendiquer la protection depuis la loi du 21 février 2017. Pour la période antérieure, la question aurait pu se discuter puisque les activités de nombreuses personnes publiques risquent de ne pas correspondre à celles figurant dans la liste légale de l’article liminaire (la solution pourrait curieusement être contraire à celle de la jurisprudence antérieure des juridictions administratives).
Caractère professionnel des marchés publics : principe. Les dispositions du code des marchés publics régissent la passation et l’exécution de marchés passés par les personnes publiques mentionnées à son art. 2 avec des professionnels pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ; par suite, les organismes requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. qui ne s’appliquent qu’aux relations entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur. Cons. d’État, 23 février 2005 : req. n° 264712, 265248, 265281, 265343 ; Rec. CE ; Cerclab n° 3058 (recours pour excès de pouvoir contre des dispositions du Code des marchés publics intenté par des associations interprofessionnelles et une association pour la moralisation de ces marchés).
Caractère professionnel des marchés publics : exclusion des personnes publiques. L’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. ne s’applique qu’aux relations entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur et ne peut être invoqué par une commune pour contester une clause d’un marché public conclu avec un contrôleur technique dans le secteur de la construction : CAA Douai (2e ch.), 28 mai 2013 : req. n° 11DA01157 ; Cerclab n° 4450, sur appel de TA Lille, 17 mai 2011 : RG n° 0706177 ; Dnd. § Dans le même sens : CAA Paris (4e ch.), 31 juillet 2014 : req. n° 11PA04901 ; Cerclab n° 4863 (clauses abusives ; location financière de matériels téléphoniques pour un centre hospitalier ; les dispositions du code des marchés publics régissent la passation et l’exécution des marchés passés par les personnes publiques mentionnées à son art. 2 avec des professionnels, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, ce qui exclut qu’un centre hospitalier puisse être considéré comme un consommateur ou un non-professionnel), sur appel de TA Paris (7e sect.), 29 septembre 2011 : req. n° 1115187/7 ; Dnd.
Rappr. pour des prêts « toxiques » : CA Versailles (16e ch.), 21 septembre 2016 : RG n° 15/07046 ; Cerclab n° 5972 (prêt « toxique » ; la qualité de non-professionnel ne peut être reconnue à une commune, emprunteur averti, qui a contracté un prêt pour la réalisation de ses investissements et qui, compte tenu des compétences qu'elle avait acquises, de ses facultés d'analyse et d'expertise et de ses pouvoirs de négociation vis à vis de la banque, qui n'était pas son seul prêteur, ne peut être considérée comme étant dans une situation d'infériorité à l'égard de cet organisme bancaire), sur appel de TGI Nanterre (6e ch.), 26 juin 2015 : RG n° 11/07236 ; Dnd. § L'Etablissement public Métropole Rouen Normandie ne peut se voir reconnaître la qualité de non professionnel - qui se distingue du caractère « averti » s'opposant aux obligations précontractuelles de la banque - puisque l'emprunt a été contracté pour la réalisation de ses investissements et relève de ses besoins en matière de travaux de fourniture et de services en rapport direct avec son activité, de sorte que bien que ne recherchant pas le profit, la Métropole a agi a une fin professionnelle non commerciale, en dépit de la Charte Gissler qui concerne l'hypothèse où la collectivité conclut des instruments financiers à terme et dont les termes ne peuvent être étendus aux opérations de crédit. CA Versailles (16e ch.), 6 juin 2019 : RG n° 17/06400 ; Cerclab n° 7916 (contrat conclu en 2011 ; refus au surplus de qualifier de consommateur une personne morale), sur appel de TGI Nanterre, 7 juillet 2017 : RG n° 13/14769 ; Dnd. § V. aussi : CA Versailles (16e ch.), 21 mars 2019 : RG n° 17/06216 ; Cerclab n° 7912 (refus d’application de l’usure ; contrats conclus en 2010, 2011 et 2012 ; les collectivités territoriales, lorsqu'elles souscrivent un prêt destiné à financer leurs investissements dans l'intérêt collectif de leurs administrés, sont bien des personnes morales se livrant à une activité professionnelle non commerciale, en dépit de la Charte Gissler qui concerne l'hypothèse où la collectivité conclut des instruments financiers à terme et dont les termes ne peuvent être étendus aux opérations de crédit), sur appel de TGI Nanterre, 7 juillet 2017 : RG n° 14/09439 ; Dnd - CA Versailles (16e ch.), 6 juin 2019 : RG n° 17/06245 ; Cerclab n° 7915 (même solution et mêmes motifs pour une commune que l’arrêt du même jour), sur appel de TGI Nanterre (6e ch.), 7 juillet 2017 : RG n° 13/10437 ; Dnd.
Comp. CA Versailles (16e ch.), 21 novembre 2019 : RG n° 17/05038 ; Cerclab n° 8280 (clauses abusives ; prêts à une commune : les objets des prêts sont en rapport direct avec l'activité de la commune et relèvent du « cadre de l'activité » de la commune puisqu'ils financent ses activités et notamment ses investissements), sur appel de TGI Nanterre (6e ch.), 26 mai 2017 : RG n° 13/10441 ; Dnd.
V. cependant en sens contraire pour des prêts toxiques : CA Versailles (16e ch.), 4 octobre 2018 : RG n° 16/04149 ; Cerclab n° 7900 (prêt conclu en 2010 dans le cadre du refinancement de la dette antérieure d’une commune ; admission du fait que, compte tenu de sa population et de l’absence d’équipe rompue aux transactions financières, la commune doit être considérée comme un emprunteur non averti, n'étant en aucun cas un professionnel des investissements financiers, ni des prêts à taux structuré, ce qui rend applicable l’anc. art. L. 132-1 ; préjudice évalué à 30 % du fait du manquement de la banque à son obligation d’information et de mise en garde, mais clause de remboursement anticipé jugée non abusive), sur appel de TGI Nanterre, 13 mai 2016 : RG n° 12/00343 ; Dnd, cassé partiellement par Cass. com., 12 novembre 2020 : pourvois n° 18-26008 et 19-10055 ; arrêt n° 650 ; Cerclab n° 8648 (problème non examiné, appréciation souveraine du fait que la commune n’était pas un emprunteur averti).
V. aussi en sens contraire pour d’autres hypothèses : CE (2e et 7e ss. sect. réun.), 8 octobre 2014 : req. n° 370644 ; Cerclab n° 4886 (location financière de photocopieurs par le MuCEM ; refus de substituer le caractère abusif de la clause, au caractère illicite erroné retenu par l’arrêt attaqué, non en raison du caractère professionnel du contrat, mais au motif qu’une telle substitution suppose des appréciations de fait que le Conseil d’État ne peut réaliser, en tant que juge de cassation), annulant CAA Nancy (4e ch.) 27 mai 2013 : req. n° 12NC01396 ; Cerclab n° 4885 (clause contraire à l’ordre public, de nature à porter atteinte à la continuité du service public) et sur renvoi CAA Nancy (1re ch.), 2 avril 2015 : req. n°14NC01916 ; Cerclab n° 5154 ; précité (refus d’application) - CAA Lyon (4e ch.), 18 décembre 2014 : req. n° 13LY02356 ; Cerclab n° 4967 (contrats de location de photocopieur et de ses accessoires, avec sa maintenance, couplés avec une location financière, par une communauté de communes ; clause pénale non abusive), sur appel de TA Grenoble, 28 juin 2013 : req. n° 1001398 ; Dnd - CAA Nancy (1re ch.), 2 avril 2015 : req. n°14NC01916 ; Cerclab n° 5154 (les dispositions du code des marchés publics régissent la passation et l’exécution de marchés passés par les personnes publiques mentionnées à son article 2 avec des professionnels pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ; par suite, le ministre de la culture et ne peut utilement invoquer l’ancien art. L. 132-1 C. consom. qui ne s’appliquent qu’aux relations entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, pour soutenir que la clause de résiliation d’un contrat de location financière de photocopieur pour un musée avait un caractère abusif en ce qu’elle ne faisait peser d’indemnité de résiliation que sur l’administration), sur appel de TA Strasbourg, 31 mai 2012 : req. n° 0904852 ; Dnd, sur renvoi de CE, 8 octobre 2014 : req. n° 370644 ; Cerclab n° 4886 ; cité infra.
Comp. CAA Versailles (5e ch.), 20 juillet 2017, : req. n° 15VE03275 ; Legifrance ; Cerclab n° 6962 (location maintenance de photocopieur ; en vertu de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités, un contrat administratif ne peut légalement prévoir une indemnité de résiliation ou de non-renouvellement qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant ; solution impliquant qu’il est inutile d'examiner l'autre moyen soulevé par la commune pour établir le caractère abusif de ces clauses), sur appel de TA Versailles, 1er octobre 2015 : req. n° 1200973 ; Dnd.
Caractère professionnel des marchés publics : exclusion des attributaires. Un groupement d’entreprises qui a conclu de façon libre et éclairée un marché de travaux publics pour la réalisation du doublement d’une route, qui relève de leur activité professionnelle, ne peut utilement se prévaloir, en tout état de cause, du caractère prétendument « abusif » d’une clause du marché, ni même d’ailleurs d’une atteinte au principe de loyauté qui doit régir les relations contractuelles. CAA Douai (1re ch.), 26 juin 2014 : req. n° 11DA00504 ; Cerclab n° 4826 (clause relative à la prise en compte des intempéries dans le calcul du prix), réformant TA Amiens, 1er février 2011 : req. n° 0802203 ; Dnd.
Rappr. dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I-5° [L. 442-1-II] C. com. : un marché à bons de commande, conclu entre une société et une chambre de commerce et d’industrie, ayant pour objet des prestations de formation en anglais et en informatique, qui entre dans le champ d’application du code des marchés publics, a le caractère d’un contrat administratif ; est dès lors inopérant le moyen tiré de la rupture abusive de ce marché public en méconnaissance de l’ancien art. L. 442-6-I-5° [L. 442-1-II] C. com. qui n’est pas applicable au litige. CAA Nancy (4e ch.), 27 octobre 2015 : req. n° 15NC00242 ; Cerclab n° 5347, sur appel de TA Châlons-en-Champagne, 4 novembre 2014 : req. n° 1201970 ; Dnd.