6209 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Location d’immeubles
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6209 (14 octobre 2023)
PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM.)
NOTION DE DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF - PRÉSENTATION PAR CONTRAT - LOCATION D’IMMEUBLE
A. BAIL COMMERCIAL
Association de commerçants. L'art. 4 de la loi du 1er juillet 1901, modifié par l’art. 125 de la loi du 22 mars 2012, dispose désormais que « tout membre d'une association peut s'en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l'année courante, nonobstant toute clause contraire » ; en vertu de ces dispositions, la clause d'un bail qui fait obligation au preneur d'adhérer à une association de commerçants et à maintenir son adhésion pendant la durée du bail est entachée de nullité absolue en ce qu'elle méconnaît le principe de liberté fondamentale de ne pas s'associer. CA Douai (ch. 2 sect. 2), 25 octobre 2018 : RG n° 16/07535 ; Cerclab n° 7936 (association de commerçants d’un centre commercial), sur appel de T. com. Lille, 18 octobre 2016 : RG n° 15/14778 ; Dnd.
Clause de dédit. Rappr. dans le cadre de l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. : est abusive la clause de dédit contenue dans un contrat de bail commercial qui n’impose le versement d’une indemnité qu’à la charge du locataire qui renonce sans prévoir l’équivalent pour le bailleur. CA Paris (16e ch. A), 17 novembre 2004 : RG n° 03/02948 ; Cerclab n° 852 ; Juris-Data n° 267957 (arrêt reproduisant implicitement l’annexe 1.d), sur appel de TGI Bobigny, 15 janvier 2003 : RG n° 02/05398 ; Cerclab n° 336 (jugement écartant l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom., tout en affirmant plus loin que le « projet » de bail annoncé lors de la négociation « est conforme aux usages commerciaux et ne contient aucune clause abusive »). § Sur le caractère discutable de l’application de l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. à un bail commercial, V. Cerclab n° 5912.
Montant du loyer (faible). Absence de preuve d’un « avantage disproportionné » donné au locataire qui serait contraire à l’intérêt social de la société bailleresse, à la date de conclusion du contrat. CA Poitiers (2e ch.), 20 juin 2023 : RG n° 22/00757 ; arrêt n° 282 ; Cerclab n° 10331 (point n° 25 ; montage pour l’exploitation d’une laverie accordant un loyer faible au preneur), sur appel de TJ Poitiers, 7 février 2022 : Dnd. § N.B. L’art. 1171 C. civ. ayant été écarté, le fondement de la décision reste incertain, les appelant faisant valoir que la notion de déséquilibre significatif n'est pas applicable en matière de baux commerciaux en citant la Cour d'appel de Montpellier le 23 novembre 2021 (n° 18/05844) et celle de Paris le 22 novembre 2022 (n° 20/02499) à la suite d'une décision de la Cour de cassation du 15 février 2018 (17/11.329).
Obligation d’entretien. Ne constitue pas une clause abusive la stipulation d'un bail commercial qui impose au preneur, dans les zones dépourvues d'un réseau public d'assainissement, l'obligation d'entretenir à ses frais la station d'épuration. CA Basse-Terre (1re ch. civ.), 29 avril 2021 : RG n° 17/01166 ; arrêt n° 339 ; Legifrance ; Cerclab n° 8884 (N.B. le fondement textuel du caractère abusif n’est pas indiqué), sur appel de T. com. Basse-Terre, 24 mai 2017 : RG n° 2014/00025 ; Dnd.
Clause exonératoire de responsabilité : activité d’une galerie commerciale. Le grief d'un déséquilibre, dans les droits et obligations respectives des parties, engendré par la présence d'une clause de non-responsabilité n'est manifestement pas établi en l'espèce et n'est pas de nature à caractériser une contestation sérieuse devant le juge des référés de nature à faire obstacle à l'obligation à paiement. CA Paris (pôle 1 ch. 3), 7 juin 2016 : RG n° 15/21233 ; arrêt n° 356 ; Cerclab n° 5693 (bail commercial dans un centre commercial ; N.B. en l’espèce, le bail stipulait à la charge des preneurs : « la spécificité de l'exercice de l'activité commerciale au sein du Centre implique la mise en œuvre de moyens collectifs en vue d'assurer, coordonner et favoriser sa promotion, son développement, son animation et sa publicité. Le Preneur reconnaît expressément cette nécessité et le bénéfice qui y est attaché pour sa propre exploitation et l'accepte », alors que par ailleurs, s’agissant du bailleur il était convenu que « Le Preneur reconnaît que le Bailleur ne saurait engager sa responsabilité au titre de la promotion, du développement, de l'animation et/ou de la publicité du Centre, quels que soient les moyens mis en œuvre », situation pouvant parfaitement illustrer un défaut de réciprocité, puisque les preneurs étaient astreints à s’inscrire dans une finalité particulière, vis-à-vis de laquelle le bailleur s’exonérait), sur appel de TGI Paris (réf.), 14 septembre 2015 : RG n° 15/55144 ; Dnd. § V. aussi, dans une hypothèse similaire, adoptant une solution voisine : si le bailleur commercial est tenu, en application de l'art. 1719 C. civ., de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à son usage et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail, le fait que, lorsque les locaux loués sont situés dans l'enceinte d'un centre commercial, le bailleur soit propriétaire de l'ensemble des locaux situés dans la galerie marchande n'induit pas en soi, à défaut de stipulation expresse du bail, qu'il soit tenu, au titre de son obligation de délivrance, le devoir d'assurer la commercialité du centre. CA Paris (pôle 1 ch. 8), 21 avril 2017 : RG n° 16/03003 ; Cerclab n° 6820 (contrat contenant en l’espèce une clause en sens contraire, selon laquelle le preneur et ses assureurs renoncent à tout recours contre le bailleur en cas de défaut d'exploitation des autres locaux du centre ou de certains d'entre eux, le bailleur n'étant pas responsable de l'état de commercialité du centre), sur appel de TGI Bobigny, 8 janvier 2016 : RG n° 15/02035 ; Dnd. § Rejet de l’argument du locataire, fondé sur le fait que le bailleur ne s'engage à aucun résultat en termes de commercialité alors qu’il est dans l'impossibilité contractuelle de délivrer un congé pendant une durée de six ans, dès lors que ce seul rapprochement de deux obligations respectives des parties ne caractérise pas en soi un déséquilibre au locataire de se soustraire au paiement des loyers. CA Paris (pôle 1 ch. 8), 21 avril 2017 : précité (preneur contestant aussi le fait que le montant des loyers élevés était censé compenser une animation commerciale, sans que celle-ci puisse être contestée).
V. aussi, ne répondant pas à l’argument du demandeur prétendant qu’une clause exonératoire d’un bail commercial était léonine : CA Aix-en-Provence (1re ch. C), 16 avril 2009 : RG n° 08/11996 ; Cerclab n° 4139 (bail commercial dans un centre commercial, le bailleur n’ayant pris aucun engagement quant à l’environnement commercial), sur appel de TGI Marseille (réf.), 16 juin 2008 : RG n° 08/01791 ; ord. n° 523/08 ; Cerclab n° 4138 (argument non examiné).
Indemnité de résiliation. V. dans le cadre de l’anc. art. L. 132-1, à titre surabondant, l’arrêt ayant au préalable considéré que le contrat avait un rapport direct avec l’activité et donc que le texte était inapplicable : absence de preuve du caractère abusif de la clause, parfaitement explicite et dénuée de toute équivoque qui prévoit, en cas de rupture anticipée du contrat par la société sous-locataire, le paiement des loyers de manière limitée dans le temps, pour la durée du contrat restant à courir. CA Paris (pôle 5 ch. 3), 16 décembre 2020 : RG n° 18/02969 ; Cerclab n° 8713 (bail commercial dans le cadre d’une sous location pour une société commerciale de bureau d’études ; clause stipulant qu’en « cas de rupture du présent contrat du fait du sous-locataire, les loyers seront exigibles jusqu'au terme des présentes sans pouvoir dépasser, le cas échéant, la période triennale en cours »), sur appel de TGI Évry, 7 décembre 2017 : RG n° 15/05003 ; Dnd.
B. LOCATION D’EMPLACEMENT
Dans le cadre d’un contrat de mise à disposition de parties communes de centres commerciaux, en vue leur occupation temporaire pour des ventes au déballage, la charge des impayés de la part des sous-locataires ne saurait à elle seule être considérée comme induisant un déséquilibre significatif entre, d'un côté, les propriétaires de ces emplacements (représentés par deux sociétés) et, de l'autre, les sociétés bénéficiant de ces autorisations d'occupation, dès lors que ce sont ces dernières qui recherchent les sous-occupants et concluent avec eux, ce qui leur donne toute maîtrise du choix, du contrôle de solvabilité et enfin de la mise en place de garanties de paiement. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 11 septembre 2014 : RG n° 12/19041 ; Cerclab n° 4868 (arrêt notant, au surplus, que l’occupante n'apporte pas d'éléments qui permettrait d'apprécier si, compte tenu du taux de rémunération perçue par elle et de l'ensemble des charges qu'elle supporte dans le contrat, la charge des impayés introduit un déséquilibre qui soit suffisamment important pour être qualifié de significatif ; même solution, faute de déséquilibre et de preuve d’un abus de puissance économique pour la période antérieure à la loi du 4 janvier 2008), sur appel de T. com. Paris (17e ch.), 3 octobre 2012 : RG n° 2011052529 ; Dnd.
C. LOCATION DE STAND D’EXPOSITION
Contrat de location de stand (exposition). Les réservations se faisant très longtemps à l'avance, le fait de bloquer les espaces pour un client constitue un service effectivement rendu. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 7 janvier 2022 : RG n° 19/19181 ; Cerclab n° 9339 (contrat de mise à disposition d’un emplacement pour l’organisation d’un « salon de la bière » ; absence de remise en cause de la clause prévoyant qu'en cas d'annulation totale de la manifestation par le client, les sommes dues par celui-ci au titre du contrat résilié deviennent immédiatement exigibles), sur appel de TGI Paris, 3 juin 2019 : RG n° 16/12941 ; Dnd. § Rappr. pour l’hypothèse : exposant soutenant à titre subsidiaire que la clause qui prévoit qu'en cas de désistement ou de non occupation du stand pour une cause quelconque, les sommes versées et/ou restant dues partiellement ou totalement, au titre de la location du stand, sont acquises à l'organisateur même en cas de relocation à un autre exposant, crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'anc. art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com. CA Versailles (12e ch.), 7 février 2012 : RG n° 10/09270 ; Cerclab n° 3620 (argument non examiné, faute d’existence du contrat, la cour estimant que le salarié n’avait pas le pouvoir d’engager sa société exposante, la théorie de l’apparence étant en l’espèce inapplicable compte tenu des relations antérieures des parties), sur appel de T. com. Nanterre (8e ch.), 22 septembre 2010 : RG n° 2009F3878 ; Dnd.
Ne crée pas de déséquilibre significatif, tant sur le fondement de l’art. 1171 C. civ. que sur celui de l’art. L. 442-1 C. com., la clause d’un contrat de participation à une exposition qui prévoit l’absence de remboursement des sommes versées en cas d’impossibilité d’organiser la manifestation pour des raisons extérieures (en l’espèce Covid 19), dès lors que la participation versée par les exposants ainsi que son non remboursement sont économiquement équilibrés entre, d'une part, l'obligation pour la prestataire d'anticiper les dépenses qu'elle doit exposer pour l'organisation de la manifestation, et correspondant à la réservation de l'espace d'exposition, la mise au point et la réalisation de campagne de communication sur différents supports, la recherche et la sélection des œuvres et des galeries et encore, pour la conception de l'architecture générale de l'exposition en lien avec des professionnels (scénographes et des installateurs généraux), et d'autre part, le risque de la perte de ces dépenses en cas d'annulation de la manifestation. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 27 janvier 2023 : RG n° 21/07493 ; Cerclab n° 10228 (contrat d’organisation d’une exposition de galeristes ; l’arrêt note que la preuve est rapportée que l’organisateur a engagé près d’1,9 millions d’euros, sur un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros mais un résultat déficitaire – non expliqué par l’arrêt – de 48.000 euros), sur appel de T. com. Paris, 11 mars 2021 : RG n° 2020037956 ; Dnd