6223 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Transaction
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6223 (12 novembre 2022)
PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM.)
NOTION DE DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF - PRÉSENTATION PAR CONTRAT - TRANSACTION
Applicabilité du texte. Pour une décision excluant l’application du texte (contrairement à celles résumées plus loin) : l’ancien art. L 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°], ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce dès lors que les obligations litigieuses résultent non plus uniquement des relations commerciales, mais d’un protocole transactionnel revêtu de la force exécutoire, ayant les effets d’un jugement en dernier ressort, sa nature de transaction, expressément visée par les parties, reposant sur concessions réciproques, le crédit-bailleur ayant pour sa part renoncé à la procédure de référé qu’il avait engagé, à la résiliation du contrat de crédit-bail qui était acquise et à la saisie revendication de l’aéronef ; les conditions dans lesquelles une transaction peut être remise en cause se trouvent régies par les dispositions des articles 2052 et 2053 C. civ. CA Paris, 21 mars 2017 : Dnd (crédit-bail d’aéronef), moyen non admis par Cass. com., 20 mars 2019 : pourvoi n° 17-18977 ; arrêt n° 237 ; Cerclab n° 8143.
En sens contraire, admettant le contrôle : CA Paris (pôle 1 ch. 8), 9 septembre 2022 : RG n° 22/00898 ; Cerclab n° 9814 (protocole d’accord et contrat de délégation de gestion dans le cadre du retrait dans la participation à des sociétés de courtage en assurance ; contestation du caractère déséquilibré des conséquences de la résiliation insuffisamment argumentée, la clause litigieuse étant réciproque), sur appel de T. com. Paris (réf.), 25 novembre 2021 : RG n° 2021046734 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 22 septembre 2022 : RG n° 19/22480 ; arrêt n° 166 ; Cerclab n° 9841 (contrat de prestations de services pour la maintenance des matériels d’un constructeur automobile ; examen et rejet du caractère déséquilibré d’un protocole transactionnel en vue d’une diminution des commandes), sur appel de T. com. Paris, 22 novembre 2019 : RG n° 2019048836 ; Dnd.
Transactions déséquilibrées. Annulation, sur le fondement de l’anc. art. L. 442-6-II [L. 442-3] C. com. prohibant le bénéfice rétroactif d’accords de coopération commerciale, de « transactions » conclues entre un distributeur et ses fournisseurs, par lesquelles le premier obtenait le versement de rémunérations rétroactives ne correspondant à aucune prestation commerciale et justifiées par l’indemnisation d’une prétendue discrimination dont il aurait été victime à l’égard des autres enseignes. CA Versailles (12e ch. sect. 1), 29 octobre 2009 : RG n° 08/07356 ; Cerclab n° 4332 ; Juris-Data n° 2009-015907 (arrêt estimant que la renonciation du distributeur à solliciter toute indemnisation complémentaire est contestable puisque le fondement même d’une telle indemnisation n’existait pas, la Cour ayant par ailleurs retenu l’absence de discrimination), sur renvoi de Cass. com., 8 juillet 2008 : pourvoi n° 07-16761 ; Cerclab n° 3534 ; D. 2008, 3046, note M. Bandrac ; D. 2010, pan. p. 2892, obs. D. Ferrier ; JCP G 2008. 1. 218, n° 18, obs. M. Chagny ; JCP E 2008, n° 30, p. 8, note A.-M. Luciani ; JCP E 2009, 1739, obs. G. Decocq ; Contr. conc. consom. 2008, comm. 237, note M. Malaurie-Vignal ; Rev. Lamy conc. 2008, 43, obs. M. Behar-Touchais ; Lettre distrib. 2008-7/8, p. 1, obs. J. Raynard, cassant CA Versailles (12e ch. sect. 2), 3 mai 2007 : RG n° 05/09223 ; Cerclab n° 3986 ; D. 2007, p. 1656, obs. E. Chevrier ; JCP E 2007, 2303, n° 9, obs. G. Decocq et 2429, note Kœring, sur appel de T. com. Nanterre (7e ch.), 15 novembre 2005 : RG n° 04/F01493 ; Dnd.
Pour la suite de l’affaire : constitue une tentative de soumettre les fournisseurs à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties contrairement à l'anc. art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com., engageant sa responsabilité, le fait pour un distributeur d’obtenir des fournisseurs qu’ils s’engagent à ne pas faire valoir les droits dont ils disposent à la suite d’une décision de justice ayant condamné le distributeur à restituer les sommes indûment perçues au titre de transactions annulées. T. com. Paris (1re ch.), 22 novembre 2011 : RG n° 2011/058173 ; Cerclab n° 4253 ; Juris-Data n° 2011-032798 ; Contr. conc. consom. 2012/4, comm. n° 93, obs. N. Mathey ; Concurrences 2012/1, p. 132, obs. J.-L. Fourgoux ; Lettre distrib. 2011/12, p. 1, obs. M.-P. Bonnet-Desplan (le jugement indique qu’in fine, l’État ne pourrait conserver les sommes obtenues et serait obligé de les restituer au distributeur ; comportement établi en raison notamment de l’envoi de courriers très similaires par les fournisseurs).
Crée un déséquilibre significatif la clause d’un protocole transactionnel qui institue un système d'éviction d'un concurrent en garantissant à l'une des parties, et pour une durée excessivement longue, que le marché lui serait ainsi garanti. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 9 juin 2016 : RG n° 15/00678 ; Cerclab n° 5683 (transaction entre deux sociétés, instituant une clause de non concurrence ; la cour juge inopérant le fait que l’accord relève d'un contexte familial, peu important la nature du contexte au regard de la situation objectivement créée ; arrêt ajoutant qu’en tout état de cause la clause de non concurrence est nulle dès lors qu’elle ne comporte aucune limitation dans l'espace), sur appel de T. com. Bordeaux, 10 novembre 2014 : RG n° 2014F00537 ; Dnd.
Rappr. pour une transaction conclu en période suspecte : annulation d’un protocole d’accord, sur le fondement de la nullité de plein droit de l’art. L. 632-1-2° C. com., dès lors qu’il est établi que le contractant a disposé de la puissance économique suffisante pour mettre un terme définitif aux relations commerciales et qu'à l’inverse son cocontractant se trouvait en situation de dépendance l’obligeant à accepter une somme forfaitaire qui peut pour une part indéterminée correspondre à des factures impayées et une renonciation à agir au titre de la rupture des relations commerciales. CA Lyon (3e ch. A), 13 juin 2019 : RG n° 17/06946 ; Cerclab n° 7994 (convoyage et préparation de véhicules neufs ; procédure complexe, une autre action devant le tribunal de commerce de Lyon ayant été suspendue dans l’attente de cet arrêt, avec pour objet le paiement des factures impayées et des demandes indemnitaires sans doute sur le fondement de l’anc. art. L. 442-6 [L. 442-1] C. com.), sur appel de T. com. Bourg-en-Bresse, 28 juin 2017 : RG n° 2016005728 ; Dnd
Transactions équilibrées. Des discussions transactionnelles sur les modalités de régler à l'amiable un litige commercial pendant, n'entrent pas dans les prévisions de l'ancien art. L. 442-6-I-2°-a) C. com., dès lors que l'avantage escompté aurait eu une contrepartie, dont le caractère manifestement disproportionné au regard de la valeur de l'avantage escompté n’est pas établi, ni dans celles de l'alinéa b) du même article, aucune preuve n'étant rapportée de l'existence d'obligations injustifiées qui auraient été obtenues. CA Paris (5e ch. B), 5 juin 2008 : RG n° 05/22064 ; Dnd ; Juris-Data n° 2008-369498 (révision des avantages accordés au fournisseur en contrepartie de l’abandon d’une action en justice, les parties n’ayant pas réussi finalement à s’accorder), sur appel de T. com. Évry, 5 octobre 2005 : RG n° 03/1127 ; Dnd. § Absence de justification des raisons pour lesquelles une transaction comportant des concessions réciproques serait léonine. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 25 novembre 2015 : RG n° 12/07175 Cerclab n° 5440 (transaction provoquée par des lots défectueux de produits cosmétiques, avec renonciation à agir en justice de la part de l’acheteur), sur appel de T. com. Créteil (1re ch.), 13 mars 2012 : RG n° 2011F00627 ; Dnd. § Dès lors que le protocole d’accord comporte des concessions réciproques, puisqu’en contrepartie du versement de certaines sommes, une des parties renonce à toutes ses demandes d'indemnisation au titre des préjudices subis du fait des inexécutions contractuelles imputables à l’autre, il ne peut pas être soutenu que le protocole aurait crée un déséquilibre significatif entre les parties, ce terme ne figurant par ailleurs pas dans la version de l’anc. art. L. 442-6 applicable à l'espèce (contrat conclu en 2007). CA Paris (pôle 5 ch. 10), 6 mars 2017 : RG n° 15/06107 ; Cerclab n° 6773 (commercialisation de biens en cours de rénovation), sur appel de T. com. Paris, 15 décembre 2014 : RG n° J2009000008 ; Dnd.
Si l’ancient art. L. 442-6-I [L. 442-1-I] C. com. institue une responsabilité d'ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer par anticipation, il ne leur interdit pas de déroger à ces dispositions par voie de transaction, si les concessions sont réciproques. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 19 avril 2017 : RG n° 15/24221 ; Cerclab n° 6821, sur appel de T. com. Paris (13e ch.), 3 novembre 2015 : RG n° 2013030835 ; Dnd. § N’est pas contraire aux anciens art. L. 442-6-I-3° et L. 442-6-II, b) C. com. l’accord transactionnel dont une disposition impose au fournisseur de reprendre les produits des fournisseurs concurrents dès lors que cette clause doit être replacée dans l'économie générale de la transaction, dont l’objet n'est pas seulement le référencement payant du fournisseur, mais aussi de mettre un terme au procès les opposant. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 19 avril 2017 : précité (contrat de référencement conclu entre une société gérant un réseau de magasins de distribution de bricolage et un fournisseur d’accessoires de décoration intérieure ou extérieure ; transaction permettant la reprise de relations interrompues).
Rappr. pour un avenant visant à mettre fin à des difficultés financières, avec des concessions réciproques : un contrat entre un assureur et un courtier grossiste, le premier « déléguant » au second la souscription et la gestion des contrats d'assurance concernant les risques automobiles aggravés et temporaires, s'étant avéré déficitaire pour l'assureur, la convention a été résiliée et une seconde a été conclue modifiant ses conditions financières (possibilité de diminuer le taux de commission de 10 % dans la limite du déficit) : ne traduit aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, qui rendrait la stipulation sans cause, la clause autorisant la réduction de la commission du courtier, qui doit être appréhendée en regard de l'économie générale du contrat et qui s'inscrit donc dans la négociation d'un accord qui emportant des concessions réciproques. CA Paris (pôle 1 ch. 1), 1er octobre 2013 : RG n° 12/01301 ; Cerclab n° 4608 (réduction de 10 % du taux de commission en cas de non-retour à l'équilibre malgré les mesures de redressement mises en œuvre, en contrepartie de la majoration du taux de participation aux bénéfices ; N.B. dans cet arrêt, le déséquilibre significatif est d’abord examiné et rejeté sous l’angle de l’absence de cause, avant d’être rejeté dans le cadre de l’anc. art. L. 442-6 [L. 442-1] par renvoi aux motifs précédents, l’applicabilité de ce texte étant discutable pour un contrat conclu le 31 juillet 2008 avec effet rétroactif au premier janvier 2008), sur appel de Tb. arbitr. Paris, 6 janvier 2012 : Dnd.
V. encore, n’ayant pas examiné la question pour des raisons procédurales : CA Dijon (2e ch. civ.), 5 juin 2014 : RG n° 13/00851 ; Cerclab n° 4845 (contrat d’achat de semences et de produits phytosanitaires par une Earl auprès d’une société à qui elle livre ses récoltes ; transaction conclue à la suite de défauts de paiement de l’Earl et prévoyant une remise de dette en contrepartie de l’augmentation temporaire de la proportion de récoltes livrées ; non-respect du protocole par l’Earl, le vendeur demandant en référé les chiffres de récoltes des années 2010 et 2011 déjà livrées et la livraison du solde de la récolte 2012 encore en stock, prétention rejetée en première instance et dont l’infirmation n’était pas demandée, ce qui empêche la Cour d’examiner l’éventuel abus imposé par le vendeur à l’Earl), sur appel de TGI Chalon-sur-Saône (réf.), 16 avril 2013 : RG n° 13/00009 ; Dnd (l’art. 809 CPC permettant de prescrire en référé toute mesure conservatoire ou de remise en état, l'argument de l'abus de position dominante, à le supposer établi, ne peut être utilement soulevé en référé pour s'opposer à la simple demande de production de justificatifs de récoltes).
Portée d’une transaction sur l’application de l’art. L. 442-1 C. com. [L. 442-6]. Pour une illustration d’application de l’art. 2052 C. civ., estimant qu’une transaction relative à la rupture anticipée d’un accord industriel intègre aussi les griefs qui auraient pu être formulés au titre de l'abus dans la relation économique : CA Rennes (2e ch.), 6 décembre 2013 : RG n° 11/02019 ; arrêt n° 436 ; Cerclab n° 4643, sur appel de T. com. Vannes, 11 février 2011 : Dnd.