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6254 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Restitutions

Nature : Synthèse
Titre : 6254 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Restitutions
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6254 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM.)

EFFETS DE L’ACTION - RESTITUTIONS

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Principes. Depuis l’ord. du 24 avril 2019, la partie victime peut solliciter la nullité de la clause et la restitution directe des avantages indus. Si le Ministre ou le ministère public sollicitent et obtiennent l’annulation d’une clause ou d’un accord créant un déséquilibre significatif, la rétroactivité de la nullité implique la remise des choses en l’état. Le responsable peut être alors amené à restituer les sommes indûment perçues en application de la clause éliminée, la jurisprudence ayant accepté que cette restitution se fasse par l’intérmédiaire du ministre. § N.B. Il en est de même lorsqu’est retenu l’existence d’un avantage disproportionné ou une absence de contrepartie. La restitution peut donc être, selon les cas, une suite de la nullité ou une réparation d’un préjudice.

Nature de la restitution. Les restitutions étant prononcées par le juge en réparation du préjudice subi et non à titre de sanction, sont inopérants les griefs pris du caractère disproportionné de la sanction et de l’atteinte au droit de propriété de la personne condamnée. Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut, sur appel de T. com. Evry, 14 octobre 2009 : RG n° 2008F00380 ; Lettre distrib. 2009/11 ; Concurrences 2010/1, p. 121, obs. M. Chagny.

Obstacles à la restitution : adage « nemo auditur ». La règle selon laquelle nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ne s’applique pas en matière délictuelle. Cass. com., 8 juin 2017 : pourvoi n° 15-25712 ; arrêt n° 873 ; Cerclab n° 6895, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 14/03593 ; Cerclab n° 5289 (société membre d’un groupe gérant une chaîne de supermarchés ; le responsable ne peut invoquer l'adage « nemo auditur... » pour faire échec à la restitution intégrale ou partielle des sommes versées par les fournisseurs, toute faute des fournisseurs ayant été exclue), sur appel de T. com. Évry, 14 octobre 2009 : RG n° 2008F00380, sur renvoi de Cass. com., 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624.

A. CONDITIONS

Nécessité d’un mouvement de fonds (non). L’action en répétition exercée sur le fondement de ces textes par le Ministre chargé de l’économie suppose seulement la constatation d’un avantage indu reçu par le distributeur du fournisseur ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu par le distributeur au fournisseur ou manifestement disproportionné au regard du service rendu ; cassation de l’arrêt rejetant l’action au motif que l’« avantage ne s’est concrétisé par aucun mouvement de fonds en leur faveur ». Cass. com., 18 octobre 2011 : pourvoi n° 10-15296 ; Bull. civ. IV, n° 161 ; Cerclab n° 3511, cassant sur ce point CA Douai (2e ch. sect. 1), 17 décembre 2009 : RG n° 08/06361 ; Cerclab n° 3630 (l'action en répétition de l'indu ne peut prospérer lorsque le contractant a bénéficié d'un avantage qui ne s'est concrétisé par aucun mouvement de fond en sa faveur, en l’espèce une économie de charges grâce à la mise à disposition de personnels pour réaliser l’inventaire), sur appel de T. com. Lille, 19 juin 2008 : RG n° 06/02092 : Dnd.

Mesure de la restitution : remboursement des sommes excédant la valeur réelle des services. Seules doivent être remboursées les sommes excédant la valeur réelle des services : dès lors qu’est démontrée une disproportion manifeste entre la valeur du service rendu et la rémunération perçue, le partenaire qui a payé est fondé à obtenir la réparation de son préjudice, constitué par la totalité des sommes versées en trop ; justifie légalement sa décision la cour d’appel qui a ordonné le remboursement des sommes excédant la valeur réelle des services, dont elle a souverainement apprécié le montant. Cass. com., 11 septembre 2012 : pourvoi n° 11-14620 ; Cerclab n° 3935, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 4), 19 janvier 2011 : RG n° 07/22152 ; arrêt n° 16 ; Cerclab n° 3001, sur appel de T. com. Paris, 8 octobre 2007 : RG n° 2005/063253 ; Dnd. § Dans le même sens : cassation pour violation de l’anc.art. L. 442-6-III [L. 442-4] C. com. et des art. 1235 et 1376 C. civ. anciens [1342 nouveau], de l’arrêt condamnant une société d’hypermarchés à restituer aux fournisseurs l’intégralité des sommes versées au titre des clauses de rémunération annulées, alors que, dès lors que la cour d’appel avait constaté que seules les sommes versées au titre du service « communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin » ne correspondaient à aucun service commercial rendu, cependant que les sommes facturées en contrepartie des services « plan d’action par famille de produits » et « plan de développement des performances du fournisseur » étaient manifestement disproportionnées par rapport à la valeur du service rendu, il en résultait que s’agissant de ces derniers, seules devaient être remboursées les sommes excédant la valeur réelle des services dont l’arrêt constatait qu’ils avaient été effectivement rendus, fussent-ils sans proportion avec la valeur réelle de ces services. Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624, cassant sur ce point CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut, infirmant T. com. Evry, 14 octobre 2009 : RG n° 2008F00380 ; Lettre distrib. 2009/11 ; Concurrences 2010/1, p. 121, obs. M. Chagny ; et sur renvoi CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 14/03593 ; Cerclab n° 5289.

V. cep. pour une restitution intégrale : CA Grenoble (ch. com.), 31 janvier 2019 : RG n° 12/02494 ; Cerclab n° 7957 (nullité de la clause et restitution des sommes en totalité, le service rendu payé 12.000 euros et facturé plus de 700.000 étant quasiment inexistant), sur appel de T. com. Romans-sur-Isère, 28 mars 2012 : RG n° 07J70079 ; Dnd.

R. RÉGIME

Collecte des restitutions par l’État. Dès lors que les sommes indûment perçues et les indemnités sont versées au partenaire lésé ou tenues à sa disposition, il n’est porté aucune atteinte au droit de propriété de ce dernier. Cons. constit., 13 mai 2011 : Décision QPC n° 2011-126 ; Cerclab n° 3678 ; Contr. conc. consom. 2011, alerte 52 ; JCP G 2011, 717, note A.-M. Luciani ; D. 2012, p. 507, note J. Barthémy et L. Boré, sur demande de Cass. com. 8 mars 2011 : pourvoi n° 10-40070 ; arrêt n° 338 ; Cerclab n° 3677 ; Contr. conc. consom. 2011, alerte 34. § N.B. L’ordonnance du 24 avril 2019 n’a pas abordé la question, mais compte tenu des modifications apportées au texte, la solution est a priori implicitement conservée.

Pour la Cour de cassation : le ministre chargé de l’économie a été habilité par le législateur à demander à la juridiction saisie, sur le fondement de l’anc. art. L. 442-6, III C. com. [L. 442-4-I], la répétition de l’indu dans le cadre d’une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence, à charge pour lui d’informer les parties au contrat de l’introduction de son action ; ayant constaté que le ministre avait procédé à cette information et que la restitution des sommes indûment perçues au titre de la ristourne de fin d’année s’opérerait entre les mains du Trésor public à charge pour ce dernier de les restituer aux fournisseurs visés dans une liste annexée, la cour d’appel a fait l’exacte application de l’anc. art. L. 442-6, III C. com. Cass. com., 25 janvier 2017 : pourvoi n° 15-23547 ; arrêt n° 135 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 6707, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 13/19251 ; Cerclab n° 5288 ; Juris-Data n° 2015-016920 (la remise des fonds au Trésor Public en vue de leur restitution aux fournisseurs est seule de nature à assurer l'exécution de l’arrêt, en raison des risques de pression existant à l'égard des fournisseurs afin de les contraindre à renoncer à réclamer la restitution des sommes leur revenant, comme cela a déjà été le cas ; condamnation d’un distributeur à verser au Trésor Public la somme de 61.288.677 euros correspondant aux sommes ayant été indûment perçues au titre de ristournes de fin d’année, à charge de les restituer aux fournisseurs visés dans la liste jointe à l’arrêt). § Sur la légalité d’une décision condamnant le responsable à restituer les sommes indues à l’État à charge pour lui de les restituer aux fournisseurs, V. aussi : Cass. com., 16 décembre 2008 : pourvoi n° 08-13162 ; Cerclab n° 3648 ; JCP G 2009. 1. 138, obs. M. Chagny (arrêt déclarant nouveau le moyen contestant cette collecte en ajoutant toutefois que la société critique une décision qui ne lui fait pas grief), rejetant le pourvoi contre CA Nîmes (2e ch. com. sect. B), 17 janvier 2008 : RG n° 05/01724 ; Cerclab n° 3652 (« dit que le Trésor public sera chargé de recouvrer les sommes perçues... […] ; dit qu’il incombera au Trésor public de reverser à première demande… »), sur appel de T. com. Aubenas, 8 mars 2005 : Dnd.

Dans le même sens, admettant ce rôle centralisateur et redistributeur de l’autorité publique : CA Bourges (ch. civ.), 10 décembre 2009 : RG n° 09/00464 ; Cerclab n° 3635 (avantage disproportionné), sur appel de T. com. Bourges, 10 février 2009 : Dnd, sur pourvoi Cass. com., 27 avril 2011 : pourvoi n° 10-13690 ; Bull. civ. IV, n° 61 ; Cerclab n° 3271 (problème non examiné) - CA Nîmes (ch. com. 2 B), 26 janvier 2012 : RG n° 09/05027 ; Cerclab n° 3673 (« condamne la SA X. à payer au Ministre de l'Économie des Finances et de l'Industrie une somme totale de 16.691,16 euros au titre de la répétition de l'indu, à charge pour celui-ci de reverser... »), sur appel de T. com. Avignon, 2 octobre 2009 : RG n° 2007/040081 ; Dnd - CA Nîmes (ch. com. 2 B), 26 janvier 2012 : RG n° 09/05026 ; Cerclab n° 3674 - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut (en l'absence de précisions apportées par l'anc. art. L. 442-6-III C. com. [L. 442-4-I], force est de constater que la restitution des sommes indues aux fournisseurs par l'intermédiaire du Trésor Public est seule à même de garantir l'exécution de la décision judiciaire ; les difficultés de mise en œuvre de la répétition de l'indu ne sauraient réduire à néant la protection de l'ordre public économique), sur appel de T. com. Evry, 14 octobre 2009 : RG n° 2008F00380 ; Lettre distrib. 2009/11 ; Concurrences 2010/1, p. 121, obs. M. Chagny, sur pourvoi Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624 (cassation sur le montant de la restitution, ne remettant pas en cause le principe), et sur renvoi CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 14/03593 ; Cerclab n° 5289 (impossibilité de remettre en cause le principe de la restitution, dès lors que celui-ci a été admis par la première cour d’appel, sans être remis en cause par la Cour de cassation) - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 15 janvier 2015 : RG n° 13/03832 ; Cerclab n° 5019 (grossiste en fruits et légumes ; imposition d’un avantage sans contrepartie, anc. art. L. 442-6-I-1° C. com. [L. 442-1-I-1°], venant compenser la suppression d’une remise devenue illégale après la création de l’anc. art. L. 441-2-2 C. com. ; condamnation du grossiste à rembourser les sommes indues, par l'intermédiaire du Trésor, à charge pour ce dernier d'opérer le paiement des sommes mentionnées pour chaque fournisseur), sur appel de T. com. Marseille, 29 novembre 2012 : RG n° 2012F00520 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 25 novembre 2015 : RG n° 12/14513 ; Cerclab n° 5441 (restitution des sommes perçues entre les mains du Ministre et confirmation de la décision lui enjoignant de restituer les fonds aux fournisseurs lésés), confirmant de T. com. Bobigny, 29 mai 2012 : RG n° 2009F01541 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-27865 ; arrêt n° 581 ; Cerclab n° 6876 (problème non examiné) - CA Amiens (ch. écon.), 3 décembre 2015 : RG n° 13/01532 ; Cerclab n° 5346 (condamnation à verser au Trésor public certaines sommes indues, à charge de reverser à chacune des sociétés concernées les fonds lui revenant), sur appel de T. com. Compiègne, 26 février 2013 : RG n° 2008.00492 ; Dnd.

Débiteur de la restitution. Ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve, que la société d’hypermarchés avait personnellement participé à toutes les pratiques illicites en cause, même si les contrats de partenariats avaient été conclus entre les fournisseurs et ses deux filiales de référencement, la cour d’appel a pu, après avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les fournisseurs des services litigieux et de l’avoir, la condamner au paiement de diverses sommes, incluant les restitutions de somme indûment payées. Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624 (cassation uniquement sur le montant des sommes à restituer), rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut, sur appel de T. com. Evry, 14 octobre 2009 : RG n° 2008F00380 ; Lettre distrib. 2009/11 ; Concurrences 2010/1, p. 121, obs. M. Chagny, et sur renvoi CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 14/03593 ; Cerclab n° 5289, pourvoi rejeté par Cass. com., 8 juin 2017 : pourvoi n° 15-25712 ; arrêt n° 873 ; Cerclab n° 6895 (problème non examiné). § Sur la nécessité d’identifier les responsables, V. plus généralement Cerclab n° 6168, et pour l’amende civile, Cerclab n° 6255.

Renonciation à l’exécution de la décision. Sur l’existence d’un déséquilibre significatif lorsque le responsable impose aux victimes un accord de renonciation au bénéfice d’une décision de justice obtenue par l’État et condamnant le responsable à reverser les sommes indûment perçues, V. Cerclab n° 6223.